La méthode de la FDTD
La quantification de l’absorption des ondes électromagnétiques dans un volume tel qu’un corps humain requiert une résolution précise des équations aux dérivées partielles caractérisant la propagation des ondes. Ces équations sont les équations de Maxwell.
Plusieurs méthodes existent dans la littérature permettant de résoudre les équations de Maxwell. Dans le cadre de cette étude nous utiliserons la méthode de la FDTD (Finite Difference in Time Domain). Cette méthode a montré ces avantages dans beaucoup de problèmes en électromagnétisme notamment dans les milieux fortement hétérogènes (comme dans notre cas un fantôme avec différents tissus biologiques).
La FDTD permet la résolution directe des dérivées partielles des équations de Maxwell. En ce qui concerne les dérivées partielles spatiales, elles sont approximées par la méthode des différences finies du second ordre en utilisant le schéma de Yee [49]. Pour les dérivées temporelles, on utilise un schéma de type saute mouton.
Le maillage utilisé est constitué de parallélépipèdes orthogonaux (uniformes ou non-uniformes) et les calculs s’effectuent de manière itérative dans le domaine temporel avec un pas constant. Cependant, le maillage parallélépipédique engendre le problème du ’staircasing’ (c’est-à-dire que la surface du fantôme a une représentation en marche d’escalier) qui n’est pas représentatif du lissage d’un corps humain.
La FDTD permet d’obtenir un résultat précis sous une contrainte de stabilité de la méthode exigeant un pas de temps très petit. Le volume numérique est limité par rapport à un cas réel qui représente un espace libre dans lequel les ondes peuvent se propager à l’infini. Afin de simuler ce comportement d’espace libre, nous utilisons des surfaces sur lesquelles nous imposons des conditions aux limites. Nous utilisons au niveau de ces surfaces des couches de type PML (Perfectly Matched Layer) [4] pour leurs caractéristiques d’absorption afin d’éviter des réflexions dans le volume.
La FDTD fournit le champ E induit dans chaque parallélépipède. Le SAR dans chaque parallélépipède s’écrit en fonction du champ électrique E (exprimé en volts par mètre, valeur crête), de la conductivité σ (exprimée en S/m) et la masse volumique ρ (expriméeen kg/m3 ) sous la forme.
Problématique, objectifs et matériels
Problématique et objectifs
Comme nous l’avons expliqué dans l’introduction, les niveaux de référence ont été définis afin de garantir la conformité aux restrictions de base qui représentent les limites fondamentales. Or, des études menées en dosimétrie numérique montrent que ces niveaux de référence induisent des valeurs du WBSAR qui pourraient ne pas être conservatives vis-à-vis des restrictions de base [11, 23, 24]. Cependant, ces études utilisent peu de fantômes qui ne permettent pas de caractériser l’exposition au sein d’une population. Notre objectif est alors d’étudier l’exposition à l’échelle d’une population (c’est-à-dire caractériser la distribution du WBSAR dans une population donnée). Dans une problématique de santé et de gestion des risques, nos efforts vont se concentrer sur l’estimation d’un quantile du WBSAR qui correspond à 95 % d’une population donnée.
En ce qui concerne la configuration d’exposition, nous avons choisi une onde plane polarisée verticalement et orientée frontalement sur les fantômes avec une puissance incidente de 1 W/m 2 et une fréquence fixée à 2100 MHz.
PROBLÉMATIQUE, OBJECTIFS ET MATÉRIELS
Le choix de l’orientation de l’onde vient du fait que celle-ci induit un plus grand WBSAR comparée aux autres directions.
En ce qui concerne la polarisation, nous avons choisi la polarisation verticale.
Cependant, des études récentes montrent que la polarisation verticale n’induit pas forcément des valeurs de WBSAR plus élevées que les autres polarisations pour des fréquences supérieures à 2 GHz [10, 22] .
En ce qui concerne cette fréquence, elle est choisie car d’une part, cette fréquence est utilisée dans le domaine des télécommunications (WiFi, UMTS…) et d’autre part, autour de cette fréquence les niveaux de référence pourraient ne pas être conservatifs relativement aux restrictions de base.
L’ensemble des fantômes dont nous disposons n’est pas a priori un tirage aléatoire représentatif de la population. Même, si cet ensemble de fantômes était un tirage aléatoire d’une population, le faible nombre des fantômes ne permettrait pas de caractériser avec précision l’exposition dans cette population. En effet, des méthodes de type Monte Carlo ont une convergence très lente (O( 1 √ N ) où N est la taille de l’échantillon).
Afin d’estimer le quantile du WBSAR à 95 % dans une population donnée, l’idée est de construire un modèle réduit pour le WBSAR. Ce modèle va lier les facteurs morphologiques au WBSAR.
La technique du morphing
Des techniques de morphing ont été développées et utilisées dans beaucoup d’études [23, 24, 20, 21, 47, 48].
Aujourd’hui nous disposons de 8 modèles d’enfants. Cependant, il y a trois ans nous ne disposions d’aucun modèle d’enfant obtenu par IRM. Dans le but d’étudier l’exposition des enfants aux ondes électromagnétiques, la technique de morphing a été mise en place. Cette technique permet de créer des nouveaux fantômes de différentes morphologies à partir des fantômes initiaux. Elle permet également de pallier le nombre limité de fantômes.
Cette méthode consiste à déformer par homothétie différentes parties du fantôme.
Cette déformation s’effectue en appliquant des coefficients de réduction à ces parties du corps. Les parties déformées sont : la taille, la largeur des épaules, la profondeur au niveau des épaules, la largeur des hanches et finalement la profondeur au niveau des hanches. Dans une étude précédente [20], la technique de morphing a été appliquée aux modèles Norman, Visible Human, Etri, Zubal , Hanako et Taro. Ces fantômes ont été déformés à différents âges (5, 8 et 12 ans). L’évolution des parties du corps varient en fonction de l’âge. De plus, ces facteurs sont probablement corrélés. Or, ces corrélations ne sont pas connues. Ces fantômes ont donc été réduits en prenant la moyenne de différentes parties pour chaque classe d’âge. Ces moyennes sont extraites du livre ’Auxologie, méthode et séquences’ [35].
Données anthropométriques
Afin d’étudier l’exposition à l’échelle d’une population et d’en déduire le quantile à 95 %, les données anthropométriques de la population étudiée sont importantes.
Les lois statistiques de ces données vont permettre d’étudier la représentativité des fantômes dont nous disposons. En effet, la représentativité des fantômes va permettre de vérifier la qualité du modèle que nous cherchons à établir. De plus, ces lois vont être utilisées pour estimer la distribution du WBSAR en utilisant un modèle de type (1.4).
Facteurs morphologiques internes
Nous appelons les facteurs morphologiques internes, les tissus internes qui composent le corps humains. Il existe différents tissus dans le corps humain (muscles, graisse, intestins…). Comme nous nous intéressons au WBSAR (Whole Body averaged SAR) qui est une grandeur moyennée sur le corps entier, des facteurs de faibles pourcentages du corps (cerveau, glandes…) ne sont pas significatifs puisque leur absorption est faible (entre 5 et 11 % de la puissance totale absorbée). Les facteurs principaux qui peuvent impacter le WBSAR sont la peau (car ce facteur est le premier tissu que rencontre l’onde), la graisse, les muscles et les os. L’ensemble de ces tissus représentent environ 80 % du corps entier. De plus, ils sont très variables chez les fantômes dont nous disposons. Par exemple la proportion de muscles varient chez les adultes de 32 % à 48 %. Il est donc possible que ces facteurs soient importants dans la construction d’un modèle du WBSAR.
Dans la littérature, il n’existe presque pas de données statistiques de ces facteurs morphologiques internes. Néanmoins, il existe quelques valeurs moyennes fournies par l’ICRP (International Commission on Radiological Protection). Les moyennes ont été extraites d’une population d’adultes regroupant un échantillon de la population nord américaine et un échantillon de la population européenne. La taille de l’échantillon est égale à 20000 [46]. Les moyennes sont données par sexe pour lesmasses de peau, graisse, muscles et os.
Facteurs morphologiques externes
En ce qui concerne ces facteurs morphologiques externes, des facteurs comme la taille, la masse, le BMI et le BSA peuvent impacter le WBSAR et être utilisés pour construire un modèle du WBSAR.
Il existe beaucoup de données statistiques sur ces facteurs pour différentes populations [37, 31, 36]. Ces données sont classées par origine, âge ou sexe. Cependant, les différents facteurs morphologiques constituant le corps humain sont probablement corrélés, mais cette corrélation n’est jamais donnée.
Les informations statistiques fournies par la littérature sont généralement la moyenne, l’écart-type et quelques fois des quantiles.
Les lois de ces facteurs vont permettre de comparer les facteurs morphologiques des fantômes avec différentes populations, nous devons avoir les lois statistiques de ces facteurs dans les populations. Pour déterminer les lois qui pourraient estimer ces différents facteurs, nous avons utilisé les données statistiques fournies dans la littérature avec des quantiles et nous avons employé la méthode de la droite de Henry (QQplot : Quantile to Quantile plot) [38]. Cette droite permet de vérifier visuellement si les quantiles théoriques d’une loi donnée comparés aux quantiles de l’échantillon sont cohérentes. Dans le cas où ces quantiles sont alignés, la loi théorique estime la loi inconnue du facteur. La droite de Henry indique que la plupart des facteurs morphologiques externes suivent une loi normale. Les figures 1.7 et 1.8 montrent l’adéquation de la loi normale avec la loi inconnue du BMI des indiens hommes âgés de 20-24 ans [31] et la masse des italiens hommes âgés de 65-84 ans [36].
Les figures 1.7 et 1.8 montrent que généralement les facteurs morphologiques externes suivent des loi normales. Cependant, ce postulat peut ne pas être vrai pour certaines populations.
Conclusion du chapitre
Dans ce chapitre, nous avons présenté les idées générales relatives à la dosimétrie numérique, le matériel ainsi que le contexte de cette étude. En ce qui concerne la dosimétrie, celle-ci permet de quantifier l’absorption des ondes électromagnétiques par les tissus biologiques humains. Pour le matériel, nous avons présenté les différents fantômes disponibles sur lesquels il est possible de quantifier l’absorption des ondes via la métrique du SAR. Une des méthodes numériques permettant de résoudre avec précision les équations de Maxwell a été présentée. Celle-ci est fondée sur les différences finies (Finite Difference in Time Domain).
En ce qui concerne la problématique de l’étude, nous avons vu que les études menées dans le cadre d’une exposition à une onde plane arrivant frontalement sur le fantôme et respectant les niveaux de référence pouvait induire un WBSAR qui était très proche des restrictions de base autour d’une fréquence de 2100 MHz.
Notre objectif alors est de déterminer le quantile du WBSAR à 95 % dans une population. Cependant, le nombre limité des fantômes ne permet pas de trouver ce quantile. L’idée est donc de construire un modèle réduit du WBSAR en fonction de la morphologie. Ce modèle combiné à des données statistiques sur la morphologie va permettre la détermination de ce quantile. C’est pourquoi nous avons décrit les facteurs morphologiques qui pourrait impacter le WBSAR. Ces facteurs morphologiques peuvent être externes (taille, masse, BMI ou BSA) et internes (proportions de muscles de graisses).
Nous avons introduit la technique de morphing permettant de déformer un fantôme donné afin de le ramener à une morphologie différente et donc a priori d’élargir notre base de données de fantômes. Cependant, nous constatons que cette technique n’agit pas sur les tissus internes en engendrant des proportions de tissus internes pratiquement identiques.
Facteurs morphologiques internes influençant le WBSAR
Dans la section précédente, nous avons essayé d’établir différents modèles du WBSAR en fonction des facteurs morphologiques externes. Des données statistiques sur ces facteurs morphologiques externes peuvent être trouvées dans la littérature [35, 37, 36, 31] contrairement aux facteurs morphologiques in ternes pour lesquels nous ne trouvons que quelques moyennes fournies par l’ICRP [46]. Les modèles (2.3), (2.4) et (2.5) décrits dans la section précédente ont été appliquées aux familles de fantômes. Les trois modèles permettent de donner une bonne estimation du WBSAR pour chaque famille de fantômes. Les figures 2.5, 2.6 et 2.7 montrent les différentes régressions obtenues pour les familles de fantôme.
Détermination du quantile du WBSAR à 95% pour la population française âgée de 20 ans
Dans cette section nous allons introduire les connaissances physiques que nous avons sur le paramètre dépendant de la morphologie interne et les informations fournis par les fantômes. Nous allons aussi intégrer des informations tirées des distributions des facteurs morphologiques externes de la base de données anthropométrique (section 1.2.3), en supposant que les facteurs morphologiques internes aient le même comportement que les facteurs morphologiques externes. Cependant, toutes ces informations ne permettrons pas de déterminer la distribution de ce paramètres.
Nous proposons, dans un premier temps différentes lois paramétriques (Normale, log-normale, …) pour le paramètre dépendant des facteurs morphologiques internes afin de mesurer l’influence de ces lois sur le quantile du WBSAR à 95 % pour une population donnée.
Ensuite, nous proposerons une méthode qui consiste à approcher la loi inconnue du paramètre par un mélange de gaussiennes. Cette approche va nous permettred’obtenir une distribution permettant de maximiser le seuil du WBSAR à 95 %.
Les modèles que nous avons décrits auparavant s’écrivent comme le produit d’un paramètre dépendant des facteurs morphologiques internes avec une variables aléatoire représentant les facteurs morphologiques externes. Cependant, les paramètresdes modèles peuvent être considérés comme des variables aléatoires dont la loi estinconnue (due à la variabilité de ces paramètres chez les fantômes).
Connaissances a priori sur le paramètre dépendant des facteurs morphologiques internes
Les facteurs morphologiques externes qui influencent le WBSAR sont le BSA/masse, l’inverse du BMI ou encore la masse à la puissance −31. Pour cette étude, nous avons choisi le modèle en fonction de l’inverse du BMI, car l’estimation du paramètre associé à ce modèle par la relation (2.10) génère la plus faible erreur (tableau 2.5).
Dans ce qui suit nous allons considérer une relation déterministe pour le modèle du WBSAR. Ce modèle est réécrit dans l’équation (2.12)
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Table des matières
Introduction
1 Dosimétrie numérique, problématique et objectifs
1.1 Dosimétrie numérique
1.1.1 Les modèles anatomiques du corps humain
1.1.2 La méthode de la FDTD
1.1.3 Les sources électromagnétiques
1.2 Problématique, objectifs et matériels
1.2.1 Problématique et objectifs
1.2.2 La technique du morphing
1.2.3 Données anthropométriques
1.2.3.1 Facteurs morphologiques internes
1.2.3.2 Facteurs morphologiques externes
1.3 Conclusion du chapitre
2 Estimation d’un quantile du WBSAR
2.1 Construction d’un modèle linéaire du WBSAR
2.1.1 Facteurs morphologiques externes influençant le WBSAR
2.1.2 Facteurs morphologiques internes influençant le WBSAR
2.2 Détermination du quantile du WBSAR à 95% pour la population française âgée de 20 ans
2.2.1 Connaissances a priori sur le paramètre dépendant des facteurs morphologiques internes
2.2.2 Estimation du quantile du WBSAR à 95 % par des lois usuelles
2.2.3 Maximisation du quantile du WBSAR à 95 % par un mélange de gaussiennes
2.2.3.1 Introduction d’une contrainte sur les poids du mélange
2.2.3.2 Introduction de la contrainte de la variance
2.2.3.3 Introduction du critère de Rayleigh
2.3 Conclusion du chapitre
3 Quantile du WBSAR à 95% par plan d’expériences séquentiel et polynômes de chaos
3.1 Adaptation de la technique de morphing à la base de données anthropométriques
3.2 Plan d’expériences séquentiel
3.2.1 Modèle du WBSAR en fonction de la morphologie
3.2.2 Méthodologie
3.2.3 Résultats
3.3 Polynômes de Chaos appliqués à l’évaluation du WBSAR au sein d’une population
3.3.1 Distribution du WBSAR dans la population française
3.3.2 Modification des variables d’entrées
3.3.3 Comparaison du quantile à 95 % issu du plan d’expériences et des polynômes de chaos
3.3.4 Conclusion du chapitre
Conclusion
A D-optimalité
B Metropolis Hastings
C Quelques lois paramétriques usuelles
C.0.5 Lois normale et log-normale
C.0.6 Loi Bêta
C.0.7 Loi Gamma
C.0.8 Loi de Weibull
Références
Liste des figures
Liste des tableaux