Quantification et qualification du transport solide lors d’une décrue en Loire moyenne à Bréhémont

La gestion des cours d’eau depuis l’antiquité avec les premières notions d’appropriation et d’utilisation jusqu’à nos jours avec une maîtrise de leur cheminement dans l’espace et de l’hydraulique a fortement évolué. L’amélioration des connaissances et des outils techniques a permis peu à peu de comprendre les mécanismes régissant la vie d’une rivière et également d’anticiper sur son devenir notamment en terme de variation de niveau d’eau. Cet élément a longtemps été problématique puisque les crues étaient au cœur du quotidien des hommes et causaient des catastrophes aussi bien humaines que matérielles. A l’opposé, les étiages durant la période estivale étaient également préoccupants pour le partage de cette ressource quels qu’en soient les usages. Néanmoins, une partie de la composante des cours d’eau et non des moindres est encore mal connue : le transport des particules solides. La compréhension du transit des sédiments de l’amont vers l’aval d’un cours d’eau est un domaine récent de l’étude des rivières et il concorde entre autre avec des phénomènes morphologiques majeurs (incision du lit, abandon des chenaux secondaires…) ayant conduits dans certaines zones à de fortes dégradations d’ouvrages. Ceci est fortement visible sur la Loire dont l’un des exemples marquant de l’impact du transport sédimentaire est l’effondrement du pont Wilson à Tours en 1978. L’incision progressive du lit a peu à peu mis à nu la base de certaines piles du pont, ce qui, allié à l’affouillement, a entraîné une usure prématurée de l’ouvrage jusqu’à ce qu’il cède sous la puissance du fleuve.

Site d’étude 

Présentation du contexte global : la Loire 

La Loire, de sa source au Mont Gerbier de Jonc en Ardèche (Figure 1.b) à son embouchure à Saint-Nazaire en Loire-Atlantique (Figure 1.c) parcourt 1013 km sur un socle tout d’abord d’origines magmatiques et métamorphiques dans le Massif Central avant de rejoindre en remontant vers le nord des formations sédimentaires. Dans sa partie aval (après Angers), elle retrouve des formations magmatiques et métamorphiques, vestiges du massif Armoricain. De part sa longueur, il s’agit du plus long fleuve s’écoulant en France et son bassin versant de 117 000 km² (Figure 1.a) représente environ 1/5ème du territoire.

En plus de ses caractéristiques géographiques conséquentes, la Loire est également un fleuve majeur de part son histoire avec son utilisation comme axe de communication durant le XVIIIème et le XIXème siècle principalement et le développement de la navigation. Ceci a conduit à la création de divers ouvrages ayant pour objectif la création d’un chenal navigable pérenne. Des levées ont également été dressées le long d’une grande partie de son cours afin de limiter l’impact de la montée des eaux. En effet, la Loire possède de forte fluctuation de débit entre les périodes de basses et de hautes eaux et de nombreuses crues ont causé de gros dommages notamment dans le milieu du XIXème siècle avec les crues de 1846, 1856 et 1866. Malgré les interventions de l’homme pour contrer les variations de débit du cours d’eau, celui-ci demeure l’un des derniers fleuves sauvages d’Europe. Ceci se retrouve d’un point de vue biologique avec la présence de nombreuses espèces protégées dans ou à proximité de la Loire mais également d’un point de vue physique avec une dynamique sédimentaire importante et une mobilité latérale du fleuve restreinte mais possible entre les levées.

Présentation du contexte local : Bréhémont

La zone d’étude se situe en Loire moyenne (de Nevers à Montjean-sur-Loire proche d’Angers) dans le département d’Indre-et-Loire (37) à environ 30 km en aval de la ville de Tours sur la commune de Bréhémont (Figure 1.a). Placé entre les confluences avec le Cher (11 km en amont) et avec l’Indre (18 km en aval), ce site est à 5 km en aval de la station hydrométrique de Langeais. Dans cette partie, la Loire s’écoule sur des dépôts calcaires du Crétacé datant d’environ 80 millions d’années (craies du Turonien et du Sénonien) recouvert par des formations détritiques plus récentes (1,5 à 55 Ma) de l’Eocène, du Miocène et du Pliocène. Morphologiquement, elle présente un style en anabranches caractérisé par une déviation du chenal principal vers la droite du lit endigué et la présence de trois chenaux secondaires séparés par des îles végétalisées sur la gauche du lit (Gautier et al, 2007) .

Matériels et méthodes 

Campagnes d’acquisition des données de terrain, matériels et protocoles 

Deux campagnes de terrain ont été réalisées pour effectuer des jaugeages des débits solide et liquide afin de caractériser la dynamique sédimentaire du site de Bréhémont. La première a eu lieu du 15 au 17 décembre 2009 et la seconde du 9 au 19 mars 2010 avec une interruption de 4 jours du 12 au 15 mars. Toutes ces mesures ont été accompagnées d’un suivi bathymétrique et de mesures de débits par ADCP. La campagne de décembre avait pour objectif de valider les protocoles d’acquisition des données de terrains qui seront décrits dans cette partie. De plus, elle s’est accompagnée d’une faible hydrologie qui est restée stable durant toute cette période, c’est pourquoi dans la suite du rapport certains éléments ne seront traités que pour le mois de mars.

Sur le terrain, un profil transversal (PT 83, Figure 2) sur lequel 6 verticales ont été placées (Figure 4) a été choisi afin de réaliser les différentes mesures de quantification du débit solide ainsi que du débit liquide. La verticale 7 était initialement comprise dans le protocole mais le chenal secondaire (A) n’étant pas en eau durant les campagnes, celle-ci n’a pu être utilisée. L’objectif était de confronter les mesures avec ce chenal exondé puis inondé ou l’inverse.

Mesures hydrométriques

Afin d’avoir un aperçu global sur le fonctionnement de la Loire à Bréhémont des mesures hydrométriques ont été réalisées. L’objectif était d’obtenir des vitesses de courant pour calculer le débit liquide. Elles permettront d’expliquer les résultats du transport solide entre autre par les vitesses de cisaillement et la notion de force tractrice qui seront détaillées dans la suite de ce rapport. L’appareil de mesure, est un moulinet associé à un saumon qui permet par rotation de son hélice de quantifier la vitesse du courant en nombre de tours par seconde. La méthode de terrain est basée sur celle d’exploration du champ des vitesses qui impose des mesures de vitesses de courant à différentes hauteurs de la colonne d’eau au sein de laquelle la répartition des vitesses est non uniforme. Il a ainsi été effectué des mesures à la profondeur maximale (font + 0,18 m1 ), à 0,2.Pmax, 0,4.Pmax, 0,6.Pmax, 0,8.Pmax ainsi qu’à la surface sur chacune des verticales.  Pour chacune des profondeurs, six mesures (de 30 secondes) ont été effectuées afin d’avoir une bonne représentativité des vitesses du courant. Dans Boiten (2003), il était conseillé selon cette méthode fréquemment utilisée une seule mesure avec un temps minimum d’intégration de 1 minute.

Bathymétrie 

A partir de sondeurs mono et multifaisceaux, les relevés bathymétriques de la zone de Bréhémont ont pu être réalisés. Le principe de ces appareils est basé sur l’émission et la réception d’ondes sonores. En pratique, une onde est envoyée à travers un ou plusieurs faisceaux et l’appareil récupère la réflexion de cette onde après un temps donné. En connaissant la vitesse de propagation de l’onde ainsi que le temps de retour du ou des faisceaux, l’appareil permet d’obtenir directement la profondeur de la zone traitée ainsi qu’une cartographie du relief.

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Table des matières

Résumé/Abstract
Introduction
1. Site d’étude
1.1. Présentation du contexte global : la Loire
1.2. Présentation du contexte local : Bréhémont
2. Matériels et méthodes
2.1. Campagnes d’acquisition des données de terrain, matériels et protocoles
2.1.1. Mesures de transport solide
2.1.2. Mesures hydrométriques
2.1.3. Bathymétrie
2.2. Traitement des données de terrain
2.2.1. Mesure du transport solide
2.2.1.1. Calcul du transport solide via le BTMA
2.2.1.2. Calcul du transport solide via la bouteille de Delft
2.2.2. Mesure des débits liquides
2.2.3. Bathymétrie
2.2.4. Analyse granulométrique
2.3. Caractérisation du transport solide
2.3.1. Détermination des puissances spécifiques
2.3.2. Détermination des vitesses de cisaillement et forces tractrices
2.3.3. Détermination des forces tractrices critiques
3. Résultats
3.1. Bathymétrie
3.1.1. Profils transversaux (PT83)
3.1.2. Profils longitudinaux (PL502)
3.2. Hydrométrie
3.2.1. Débits liquides unitaires
3.2.2. Débits liquides totaux
3.3. Transport solide
3.3.1. Débits solides unitaires
3.3.2. Débits solides totaux
3.4. Granulométrie
3.4.1. Distribution granulométrique
3.4.2. Tri granulométrique
3.5. Puissances spécifiques
3.6. Vitesses de cisaillement, forces tractrices et forces tractrices critiques
4. Discussion
4.1. Caractérisation du transport solide : les débits unitaires
4.2. Caractérisation du transport solide : les flux
Conclusion

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