Des intérêts restreints aux affinités – l’évolution des recherches et du regard porté sur l’autisme
Introduction : les affinités ou intérêts restreints des enfants atteints de TSA (Trouble du spectre de l’autisme) peuvent-ils être porteurs d’espoir ?
Alors que Daniel Tammet est tout bébé, il saisit un livre de la série Mr Men tendu par son père, ce qui calme ses pleurs. Plus tard, il est fasciné par les dépliants publicitaires. Encore enfant, il se passionne pour un livre de finnois dont il apprend chaque mot. A dix ans, il s’enthousiasme pour l’alphabet phénicien et investit la langue au travers de l’image et de la lettre. Les langues ont ainsi constitué pour Daniel Tammet , chez qui on a diagnostiqué le syndrome d’Asperger, une affinité et permis à celui-ci de se construire et de devenir poète et auteurs de best-sellers. Il n’est pas le seul à avoir transformé son affinité en une carrière professionnelle. Des personnalités reconnues diagnostiquées pour un TSA comme Temple Grandin, experte en conception d’équipements pour le bétail ou John Elder Robison, ingénieur dans le secteur de la musique puis automobile ont également converti leur affinité en une profession rémunérante. D’après Temple Grandin, son professeur, M. Carlock ainsi que sa tante Ann ont su « diriger sa tendance à l’obsession vers quelque chose de constructif et de créatif comme « la trappe à serrer ». Cette posture ouvre la possibilité, pour certains adultes avec un TSA, de faire de leurs intérêts spécifiques le fondement d’une carrière professionnelle ou artistique, ainsi que l’avait déjà indiqué Léo Kanner (le premier à décrire les symptômes de l’autisme) en 1943. Dans un post twitter, le bloggeur Peter Wharmby lui-même autiste, posait la question de savoir quelles personnes autistes avaient orienté leur vie à partir d’une affinité. Des dizaines de personnes ont répondu à cette question en confirmant que leur affinité les avait guidés pour choisir leurs professions aussi diverses que libraire, conducteur de train, paléontologiste, producteur TV, etc…
Quelle terminologie ?
Les affinités d’abord qualifiées d’intérêts restreints
C’est seulement depuis une dizaine d’année que les chercheurs travaillant sur l’autisme ont commencé à reconnaître la valeur des affinités qui émergent dans la petite enfance en utilisant parfois ce terme d’affinités. Auparavant et c’est encore majoritairement le cas, on les nommait intérêts restreints. En effet les cliniciens utilisent historiquement l’appellation d’intérêts restreints qui appartient à la catégorie des critères diagnostiques : « caractère restreint et répétitif des comportements et intérêts » du DSM-V comme on le verra plus loin.
Les intérêts restreints ont été à l’origine décrits par Leo Kanner en 1943 qui est le premier à avoir établi avec précision les symptômes de l’autisme. D’après ce médecin, l’enfant autiste a une tendance marquée pour développer un intérêt spécifique qui domine complètement ses activités quotidiennes. Il s’inquiète quand il n’est pas capable de donner satisfaction à son intérêt restreint (en le voyant, venant à son contact, le dessinant, etc… ) et il est difficile d’obtenir son attention en raison de sa grande préoccupation pour son intérêt.
Une variété de termes employés
Une observation des multiples termes utilisés pour désigner les affinités nous permet déjà dans un premier temps de réaliser les différences de point de vue au sujet de ces affinités dévalorisant ou non ces activités :
• Sujets restreints (Klin et al., 2000),
• Intérêts restreints (Attwood, 2003),
• Fixations (Happé, 1991),
• Intérêts spécifiques (Attwood, 1998),
• Intérêts curieux totalement captivants (Gillberg, 1991),
• Affinités (Maleval et Grollier, 2017),
• Obsessions (Myles and Simpson, 2003),
• Ilots de compétences (Maleval, 2009).
L’intérêt restreint, un des symptômes du spectre de l’autisme retenus dans le DSM-V
Il est intéressant de reprendre les critères du DSM-V ou Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders-V ((American Psychiatric Association, 2013) qui permettent de caractériser le trouble du spectre de l’autisme. Ce trouble est défini selon deux éléments importants :
Des déficits de la communication et des interactions sociales comprenant :
• Un déficit de la réciprocité sociale ou émotionnelle
• Un déficit des comportements non verbaux
• Un déficit du développement et du maintien de la compréhension des relations
Le caractère restreint et répétitif des comportements et intérêts pouvant se manifester par :
• Des mouvements répétitifs ou stéréotypés
• Une intolérance aux changements et adhésion inflexible à des routines
• Des intérêts restreints ou fixes, anormaux dans leur intensité ou leur but
• Une hyper ou hyposensibilité aux stimuli sensoriels .
Effectivement dans les recommandations de bonne pratique de 2018 de la Haute Autorité de Santé (HAS), l’exploration inhabituelle des « objets » de l’environnement, humain et physique, et ceci, quelle que soit la modalité sensorielle mobilisée (par exemple pour aligner des objets ou éteindre/allumer la lumière) et si elle est persistante, fait partie des particularités qui peuvent avoir valeur d’indices précoces d’un trouble du neurodéveloppement tel que le TSA. Un aspect important de ces intérêts restreints est leur intensité. Ils sont si captivants qu’elles constituent la seule chose que les patients veulent faire ou à propos desquels ils veulent parler .
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Table des matières
Table des matières
Résumé
Chapitre 1 : Des intérêts restreints aux affinités – l’évolution des recherches et du regard porté sur l’autisme
I-Introduction : les affinités ou intérêts restreints des enfants atteints de TSA (Trouble du spectre de l’autisme) peuvent-ils être porteurs d’espoir ?
II-Quelle terminologie ?
III-Caractérisation des intérêts restreints
Chapitre 2 : Le cerveau autistique : déficitaire ou différent ?
I-L’affinité, une récompense intrinsèque
II- Recenser les forces plutôt que les déficits : un nouveau regard sur l’autisme
III-L’autisme, une autre intelligence ?
IV-Progression atypique du langage chez l’enfant avec TSA
Chapitre 3 : Evolution de la prise en charge des enfants atteints de TSA
II-Les thérapies comportementales et développementales
II-Utilisation des affinités dans les salles de classe
III-Une nouvelle approche : La thérapie par affinités
IV-La thérapie par affinités, une bonne pratique ?
Chapitre 4 : L’orthophoniste, un partenaire au côté de l’enfant et de sa famille
I-Accompagner plutôt que prendre en charge : quand le patient devient actient
II-Comment intégrer les affinités à la thérapie ?
III- S’enseigner des parents et les accompagner
Références bibliographiques
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