Qualification des espaces publics urbains par les rythmes de marche

Du rythme à l’ambiance : un ancrage dans l’expérience esthétique ordinaire

Comment d’une intuition et d’une notion – le rythme – se dessine notre questionnement, l’originalité de cette recherche, ses objectifs de connaissance de l’urbain dans une perspective de conception par les ambiances architecturales et urbaines, à la lumière de la pensée de Henri Maldiney ? Sous cette première partie du titre « Qualification des espaces publics urbains par les rythmes de marche » qu’entendons-nous et quel cadre donnons-nous à cette recherche ? En quoi le rythme rejoint-il une approche de la ville par le corps ?

Une inscription dans le mode de l’expérience esthétique 

Dans ces extraits que nous avons cité du passage intitulé « Architecture » dans un chapitre consacré à « L’efficace du vide dans l’art », Henri Maldiney nous amène à comprendre le rythme dans l’expérience architecturale de la basilique Sainte-Sophie de Constantinople. Il restitue et explique un cheminement dans l’expérience du rythme qui passe du vertige au Vide. Si nous allons par la suite prendre le temps de présenter plus précisément la pensée du rythme de cet auteur, nous souhaitons indiquer que ce qui a tout d’abord retenu notre attention est tout ce qui est de l’ordre du récit de l’expérience, c’est-à-dire tout ce qui rend compte de l’espace en tant qu’espace perçu, vécu, sensible, qui n’est pas restreint à sa matérialité. Dans la perspective de notre questionnement sur les rythmes de marche, la pensée de Henri Maldiney nous offre la possibilité de poursuivre une sensibilité envers une forme de pensée de l’architecture qui passe par des approches comme celles dont ont pu rendre compte Juhani Pallasmaa »(, Peter Zumthor ») ou bien Thierry Paquot , et plus encore dans le sens de notre formation aux ambiances architecturales et urbaines en école d’architecture puis en DEA. À chaque fois, les sens (ouïe, odorat, toucher, vue) et les sensations qu’ils procurent à toute personne faisant l’expérience d’un espace architectural et/ou urbain, nous introduisent à une conception qui remet le corps au centre, en s’écartant de réflexions par trop fonctionnalistes, formalistes et surplombantes. Michel Mangematin et Chris Younès insistent à ce propos sur le fait que la pensée de Henri Maldiney concernant le « sentir humain » « conduit à dépasser la conception classique suivant laquelle l’architecture naîtrait de l’art de la proportion dans l’ordre des grandeurs et des dimensions (hauteur, longueur, largeur). Il s’agit en fait de se confronter à une pensée existentielle incommensurable au chiffrage de la géométrie mathématique. Si le rythme architectural est en grande partie produit par les proportions, celles-ci sont d’abord éprouvées comme verticalité, horizontalité, profondité, frontalité, dans des rapports de contrastes en mutations. » Cette pensée, à laquelle nous accédions par les recherches que nous avons entreprises pour éclaircir la notion de rythme, nous renvoyait directement à deux questions posées par Jean-François Augoyard et Jean-Paul Thibaud au cours de débats sur la notion d’ambiance au sein du Cresson, à savoir tout d’abord la perspective d’une esthétique de l’ambiance et ensuite, celle de la place du corps dans une telle esthétique . Ce travail de thèse a été entrepris dans la lignée et la perspective de poursuivre  une recherche pour la conception qui s’inscrit dans la problématique des ambiances architecturales et urbaines. La notion d’ambiance (ou l’approche par les ambiances) s’intéresse à l’espace sur la base d’une perception in situ qui en appelle à l’intersensorialité. Elle joue aussi – et cela par le fait même qu’elle s’inscrit dans le champ de la conception architecturale et urbaine – sur une transversalité des savoirs en s’appuyant sur une méthodologie interdisciplinaire. Cette entrée par les ambiances architecturales et urbaines, selon laquelle le croisement de pensées de différentes disciplines amène à découvrir et comprendre davantage les enjeux de la conception contemporaine et qui expertise les expériences sensibles que la ville propose aujourd’hui aux passants d’un point de vue du vécu, nous a engagé, par la question des rythmes de marche, à réinvestir la réflexion sur le rôle du sujet percevant dans la création entre forme bâtie et forme habitée, en reprenant les questions suivantes : « Comment est articulée l’intersensorialité par laquelle nous accédons à l’unité de la forme ? Comment construisonsnous une telle unité dans l’expérience esthétique ? » Le rythme serait notre proposition.

Le rythme à l’épreuve d’une forme de pensée de la conception architecturale et urbaine 

Ce récit de Sainte-Sophie est celui d’une expérience in situ et l’expression de l’inscription dans la chair de cette expérience, du vécu dans le corps. L’espace perçu est un espace sensible où le sens s’accompagne des sensations. Henri Maldiney nous place devant la question de ce qu’est le rythme au contact de cette architecture. C’était comme retrouver dans un autre contexte et à propos d’un autre lieu (moins abstrait) une autre expression d’un vécu sensible, comme le formulait plus récemment l’architecte Peter Zumthor : « J’entre dans un bâtiment, je vois un espace, je perçois l’atmosphère et, en une fraction de seconde, j’ai la sensation de ce qui est là. L’atmosphère agit sur notre perception émotionnelle. (…) Il y a quelque chose en nous qui nous dit instantanément beaucoup de choses. Une compréhension immédiate, une émotion immédiate, un rejet immédiat. Quelque chose d’autre que cette pensée linéaire que nous possédons aussi, et que j’aime aussi, qui nous permet de penser intégralement le chemin de A à B. » Cette réflexion de Peter Zumthor est très importante car tout d’abord elle met bien en évidence que l’expérience de l’espace ou d’un environnement se joue de différentes façons, selon deux registres. L’un de ces registres est celui d’une relation à un espace limité matériellement et se donnant dans le parcours de distances, telle une représentation géométrique (d’un point A à un point B). L’autre registre (ou mode) est celui du sens qui surgit des sensations et des émotions, qui n’est plus une représentation, mais la réalisation d’une présence, d’une sur-prise, d’un vécu sensible. « Les comportements et les conduites sont des modes de la Présence, d’une Présence qui n’est jamais réductible à la représentation comme l’entendent les philosophies de la conscience. La représentation a pour fonction de constituer l’existant en objet. » D’autre part, en citant la possibilité d’une relation à l’environnement selon ces deux registres, l’auteur rend manifeste que ces deux types d’expériences cohabitent en nous et qu’elles composent notre relation à l’environnement selon ces deux modes en alternance. Si nous pouvons reconnaître plus aisément l’expérience du premier registre, c’est tout simplement parce que c’est le mode d’expérience qui est le plus médiatisé par le monde de la conception et de l’aménagement. Mais ce que laisse entendre Peter Zumthor, par rapport à sa pratique du projet architectural et donc du processus de conception, c’est la portée décisive du second registre (une adhésion, un embarquement immédiat ou tout aussi bien un rejet) et l’aspiration à concevoir des espaces à partir de lui, dans la dimension sensible de la relation à l’environnement. En d’autres termes, ce travail de thèse prétend donc au choix de rejoindre la veine d’une pensée de la conception architecturale et urbaine qui donne droit de cité et se fonde sur le corps et toute la part de connaissance souvent trop peu explorée des sensations et des émotions (et du sens à partir d’elles) pouvant servir justement à la réalisation des qualités de notre environnement urbain.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1 – Problématique et hypothèses
1. Du rythme à l’ambiance : un ancrage dans l’expérience esthétique ordinaire
Une inscription dans le mode de l’expérience esthétique
Le rythme à l’épreuve d’une forme de pensée de la conception architecturale et urbaine
Le rythme selon Henri Maldiney
2. La qualification des espaces publics par les rythmes de marche dans le contexte des
recherches sur les ambiances architecturales et urbaines
Des corpus théoriques et pragmatiques pour étudier les rythmes de marche
L’hypothèse de la danse contemporaine
L’hypothèse vidéographique
Chapitre 2 – L’esplanade de la BnF et la passerelle Simone de Beauvoir : deux terrains d’étude
1. L’esplanade de la Bibliothèque Nationale de France
1.1. Caractérisation générale
Contexte
Intension : « un lieu et non un bâtiment »
1.2. Description matérielle
1.3. Partition de l’espace
Chemin de ronde et passages latéraux
Enceinte
Déambulatoire, grand patio et coursives
Fréquentation
1.4. Quelques questions sur la réalisation d’un espace public d’expériences sensibles
2. La passerelle Simone de Beauvoir
2.1. Caractérisation générale
Contexte
Intension : « d’un lien un lieu »
2.2. Description structurelle
2.3. Partition de l’espace
La voie centrale
Les voies latérales
Fréquentation
2.4. Quelques questions sur la réalisation d’un espace public d’expériences sensibles
Chapitre 3 – Des expériences conjuguées : un protocole méthodologique à l’œuvre
1. Imprégnation et miniatures urbaines
Miniatures urbaines
2. La méthode des parcours commentés
3. Une approche vidéographique
Le dispositif sur le terrain et dans l’analyse
Récit des premiers essais
Retour sur le terrain
CONCLUSION

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