PYODERMA GANGRENOSUM DE L’ENFANT

Anomalies extrinsèques des polynucléaires neutrophiles

          Une des premières hypothèses reposait sur le principe de l’antigénicité croisée. Des anticorps dirigés contre des agents infectieux, en particulier intestinaux, se fixeraient à des structures physiologiques cutanées et entraîneraient ainsi la destruction tissulaire. En 1982, chez une patiente atteinte d’un PG récalcitrant et présentant une anergie aux intradermoréactions à sept antigènes différents (streptokinase/streptodornase, Candida albicans, tuberculine, coccidioïdine…), Greenberg et al ont mis en évidence des anomalies de l’immunité cellulaire des cellules mononuclées circulantes du sang médiées par un facteur sérologique circulant thermorésistant [5]. Le facteur sérologique circulant isolé, capable d’inhiber la fonction lymphocytaire des sujets sains in vitro, serait comparable au facteur immunosuppresseur plasmatique thermorésistant retrouvé chez des patients atteints de sarcoïdose et ayant une anergie aux tests antigéniques intradermiques. Le dysfonctionnement de l’immunité cellulaire pourrait conduire à une activation non spécifique des cellules inflammatoires ou à un déséquilibre de la suppression physiologique immunitaire (défaut de production du facteur inhibiteur des leucocytes), à l’origine d’une auto agression pouvant provoquer les lésions cutanées de PG. Dans le syndrome du«  streaking leukocyte factor «  (se caractérisant par des PG récidivants, des arthrites purulentes aseptiques et des abcès stériles), le facteur sérologique, éventuellement à l’origine du syndrome, est une protéine mutante qui, in vitro, augmente la motilité des PNN et des monocytes humains purifiés. Finalement, l’implication de l’interleukine 8 (IL 8) dans la physiopathologie du PG, par le biais du chimiotactisme des PNN, a été évoquée par Oka et al [59]. D’abord, la surexpression d’IL 8 a été notée dans des ulcères de PG. Ultérieurement, pour conforter cette hypothèse, un adénovirus recombinant contenant le gène de l’IL 8 humain a été injecté à des souris immunodéprimées (souris knock-out) porteuses d’un greffon de peau humaine. Douze heures après l’injection de l’adénovirus recombinant, une accumulation de PNN en dessous de l’épiderme a été observée, induisant une nécrose, puis un ulcère du greffon cutané humain ressemblant cliniquement et histologiquement à un PG. L’ulcère guérissait spontanément au bout de 2 semaines.

PG ulcéreux

            Il s’agit de la forme clinique la plus fréquente et la première individualisée (figures 6, 12, 14). Dans sa forme classique, le PG touche des patients de 30 à 50 ans mais également les enfants. Initialement, il s’agit d’une pustule infiltrée entourée d’une aréole rouge. Cette pustule se rompt, s’étend et laisse place à une ulcération, d’extension centrifuge, rapidement progressive s’accroissant de façon serpigineuse. L’ulcération atteint en quelques jours plusieurs centimètres. Habituellement peu profonde, elle est limitée par un bourrelet comme tracé au compas d’aspect inflammatoire de couleur rouge-violacé. Ses bords sont réguliers, surélevés et fermes. Son versant externe rejoint en pente douce la peau saine adjacente, l’autre versant surplombe d’une façon abrupte l’ulcère. L’ulcère en général douloureux, est creusé de clapiers purulents, décollant par endroits la base interne du bourrelet. Il est entouré d’un large halo érythémateux (parfois jusqu’à 2 cm) [17, 18, 19, 20, 21]. Les lésions prédominent classiquement aux membres inférieurs ou au tronc, mais peuvent s’observer sur l’ensemble de la surface cutanée. Les localisations préférentielles sont les membres inférieurs (75 à 80 %) et le tronc (2 à 36 %), la tête et le cou (3,5 à 24 %), les membres supérieurs (2 à 14 %) dont les mains, la verge, le scrotum et la vulve, les yeux (sclérite, kératite ulcéreuse). L’ensemble du tableau est volontiers tapageur avec des douleurs locales intenses, une fièvre souvent élevée, des arthralgies et des myalgies. Dans 25 à 40% des cas, on observe un phénomène de pathergie, l’ulcère apparaissant à la suite d’un traumatisme mineur ou à l’emplacement d’un site chirurgical récent. Plusieurs variantes de PG ont été décrites, soit en raison de leurs localisations particulières ou de leur évolutivité. Ainsi, certaines lésions de Pyoderma apparaissent typiquement au niveau des orifices de stomies, chez des patients souffrant d’une maladie de Crohn ou d’une recto-colite ulcéro-hémorragique. La guérison spontanée ou sous traitement de la lésion se termine par une cicatrice cribriforme inesthétique (figures 9, 10) et laisse une alopécie cicatricielle sur le cuir chevelu. Au sein du PG ulcéreux, on distingue :
– le PG à localisation céphalique encore appelé « pyoderma malin » décrit pour la première fois en 1968 par Perry et al. Il s’agit de lésions ulcérées du visage (pré auriculaires) et du cou (nuque). Cette forme se différencie cliniquement du PG ulcéreux classique par l’âge de son apparition chez des patients plus jeunes, l’absence d’érythème inflammatoire péri ulcéreux et d’infiltration du bord de l’ulcère, l’absence de maladie associée et le caractère rapidement progressif, agressif et potentiellement létal. Depuis, de nombreux auteurs se sont accordés pour dire qu’il s’agissait plutôt d’un PG ulcéreux à localisation céphalique malgré certaines atypies. Le caractère agressif et l’évolution péjorative n’ont pas pu être confirmés par d’autres observations. Par ailleurs, certaines équipes ont fait un rapprochement entre pyoderma malin et maladie de Wegener, car ces deux pathologies leur semblent être fréquemment associées. Le pyoderma malin pourrait être ainsi une forme topographique de PG ou une expression clinique de la maladie de Wegener.
– le PG péristomial : cette localisation, souvent méconnue est rare. Une quarantaine de cas seulement ont été rapportés [21]. Le PG survient sur le versant cutané de la stomie chez des patients opérés pour une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI) et plus particulièrement chez les patients atteints d’une maladie de Crohn (MC).

Maladies hématologiques

          Une relation existe également avec certaines pathologies onco-hématologiques, comme les syndromes myélodysplasiques ou les leucémies myéloïdes. La présence d’un lymphome, d’un myélome ou d’une gammapathie monoclonale est également décrite dans la littérature. Il s’agit d’associations plus rares dont le caractère fortuit n’est pas exclu. Néanmoins, la rareté même de ces maladies laisse supposer leur association directe au PG. Environ 10% des patients avec un PG (ou 13% des patients associant un PG et une maladie associée) présentent une gammapathie monoclonale. La plupart du temps, elle est de type IGA et reste bénigne. La transformation en myélome est très rare. Des maladies hématologiques malignes sont retrouvées dans 7,2 % des cas de PG. Il s’agit d’une leucémie myéloïde aigue ou chronique chez l’adulte et chez l’enfant. Ici, la forme bulleuse ou les formes de passage avec le syndrome de Sweet semblent être les plus fréquentes (54% des PG rapportes en association avec une leucémie). Vingt cinq % des patients meurent dans les 12 mois suivant l’apparition des signes cutanés. Toutes les hémopathies confondues bénignes et malignes atteignent volontiers les hommes (six hommes/trois femmes) et surviennent à un âge plus avancé (moyenne d’âge de survenue : 65 ans).

CONCLUSION

           Le pyoderma gangrenosum est une dermatose neutrophilique, rare de diagnostic souvent tardif. C’est une maladie de l’adulte mais qui peut survenir à tout âge. Une étude a été réalisée à la Clinique Dermatologique de l’Hôpital Aristide le Dantec de Dakar en 2005. Elle portait sur le PG en général à propos de 14 observations sur une période de 11 ans. Son contexte clinique trouve dans 50% des cas une pathologie digestive (RCH, MC), hématologique (gammapathies monoclonales, syndromes myélodysplasiques), rhumatologique (arthralgies ou arthrites) ou une immunodéficience acquise. Cliniquement il se présente par des ulcérations inflammatoires creusées de pertuis purulents, entourées par un bourrelet érythémateux. Son diagnostic est clinicobiologique (formes cliniques et prélèvement bactériologique) et histopathologique (histologie et IFD) mais il reste un diagnostic d’exclusion. Nous avons réalisé une étude rétrospective portant sur le pyoderma gangrenosum de l’enfant à la Clinique Dermatologique de l’Hôpital Aristide le Dantec sur une période de 14 ans (janvier 1996 à décembre 2009). L’objectif de notre étude était de déterminer ses aspects cliniques et évolutifs chez l’enfant. Les résultats obtenus nous ont amené aux conclusions et recommandations suivantes.
 Au plan épidémiologique : Une rareté de l’affection a été observée avec seulement 6 cas pédiatriques sur 26 diagnostiqués en 14 ans. Nous avons noté une nette prédominance masculine avec 5 garçons pour 1 fille. L’âge moyen était de 10 ans avec des extrêmes de 4-15 ans.
 Au plan diagnostique : Si le diagnostic est aisé dans les formes typiques, il expose parfois à des doutes dans les formes atypiques en particulier dans les formes sans bourrelet nécessitant le recours à des arguments histopathologiques, évolutifs ou thérapeutiques. Contrairement aux adultes, sa localisation préférentielle au cuir chevelu et le caractère diffus des lésions font la particularité de cette affection chez les enfants. Les examens complémentaires biologiques sont peu spécifiques. Par contre l’histologie permet de faire le diagnostic de dermatose neutrophilique .Dans le cadre de la recherche étiologique les prélèvements bactériologiques sont souvent stériles sauf en cas de surinfection. La fréquence de l’association pyoderma gangrenosum et affections hématologiques, tumeurs et affections digestives en particulier la rectocolite hémorragique, est aussi notée chez les enfants. Ainsi sur les 6 patients explorés, seul un patient est atteint de rectocolite hémorragique. En dehors de ces associations, nous avons pu noter d’autres associations chez les enfants telles qu’une anémie sévère et une atteinte oculaire qui sont d’ailleurs rapportées dans la littérature. Dans 17% des cas l’absence de maladie associée a été notée, ce qui est également une particularité du pyoderma gangrenosum de l’enfant.
 Au plan thérapeutique : Quant au traitement qui ne fait pas encore l’unanimité (corticoïdes, antibiotiques, sulfamides, clofazimide, thalidomides), le choix thérapeutique est porté sur les corticoïdes en première intention. En effet, ils ont permis la cicatrisation rapide et complète des lésions toutes les fois qu’ils ont été institués. Toutefois, les nombreuses rechutes observées, l’ont été par arrêt de la corticothérapie.
 Au plan évolutif : L’évolution était favorable chez 50 %des patients. Deux patients sont décédés dans un tableau inconnu. Un patient a subi une amputation du membre inférieur suite à une gangrène. Le pronostic immédiat est bon mais à moyen et long terme, il reste réservé .les malades décèdent davantage des complications iatrogènes (surtout tuberculose et diabète) liées à l’immunodépression que du PG lui même. Ainsi des recherches restent à faire afin de trouver les molécules efficaces avec le moins d’effets secondaires possibles.
 Aux patients : Il consiste à les informer et les éduquer sur le rôle des traumatismes cutanés dans le pyoderma gangrenosum, sur la chronicité de cette affection et sur l’observance du traitement pour éviter les rechutes et les récidives.
 Aux praticiens : Le pyoderma gangrenosum amène aussi souvent le Dermatologue à poser le diagnostic de Médecine Générale. Une approche pluridisciplinaire entre Dermatologues, Pédiatres, Chirurgiens et Infectiologues est nécessaire pour le diagnostic et la prise en charge précoces de PG chez l’enfant. Le pyoderma gangrenosum est un diagnostic surtout clinique. La confusion avec les autres ulcères et infections cutanées est fréquente. Ainsi il est nécessaire de penser à ce diagnostic en cas d’absence de réponse thérapeutique avec les antibiotiques.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : Revue de la littérature
I. GENERALITES
I.1 Historique
I.2 Epidémiologie
I.3 Physiopathologie
I.3.1 Anomalies extrinsèques des polynucléaires neutrophiles
I.3.2 Anomalies intrinsèques des polynucléaires neutrophiles
II. DIAGNOSTIC POSITIF
II.1 Formes cliniques
II.1.1 Pyoderma gangrenosum ulcéreux
II.1.2 Pyoderma gangrenosum pustuleux
II.1.3 Pyoderma gangrenosum bulleux
II.1.4 Pyoderma gangrenosum superficiel granulomateux ou végétant
II.2 Signes d’accompagnement
II.3 Signes para cliniques
II.4 Critères diagnostiques
III. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
IV. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
IV.1 Recherche étiologique
IV.2 Maladies associées
IV.2.1 Maladies hépato-gastro-intestinales
IV.2.2 Maladies rhumatismales
IV.2.3 Maladies hématologiques
V. EVOLUTION-PRONOSTIC
V.1 Évolution
V.2 Pronostic
VI. TRAITEMENT
VI.1 Traitement curatif
VI.1.1 But
VI.1.2 Moyens
VI.1.2.1 Traitements généraux
VI.1.2.2 Traitements locaux
VI.1.3 Indications
VI.3 Traitement préventif
DEUXIEME PARTIE : Travail personnel
I. OBJECTIF DE L’ETUDE
II. PATIENTS METHODOLOGIE
II.1 Type d’étude
II.2 Cadre d’étude
II.3 Critères d’inclusion
II.4 Méthodologie
III OBSERVATIONS
IV RESUME DES OBSERVATIONS
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES

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