L’analyse du génome
Les acides nucléiques
Les molécules d’ADN (acide désoxyribonucléique) et d’ARN (acide ribonucléique) constituent le support de l’hérédité et permettent la réplication, la transcription et la traduction de l’information génétique chez les organismes vivants. Ces acides sont appelés nucléiques en raison de leur abondance dans les noyaux cellulaires où ils ont été isolés pour la première fois en 1869 par Miescher sous le nom de « nucléine [1]. Ces molécules sont des polymères formés par l’assemblage d’unités élémentaires appelées nucléotides (voir figure 2.1). Chaque nucléotide est composé d’un sucre (le désoxyribose pour l’ADN et le ribose pour l’ARN), d’un groupement phosphate et d’une base azotée. Il existe quatre types de bases différentes : l’adénine (A), la thymine (T), la cytosine (C) et la guanine (G) pour l’ADN. Pour l’ARN l’uracile (U) remplace la thymine. Le stockage de l’information génétique est contenu dans le code à 4 lettres (ATCG) formé par l’empilement de ces bases le long de la molécule que l’on appelle séquence génétique.
Appariement entre bases : hybridation
Tandis que l’ARN se présente sous la forme d’une molécule simple brin, l’ADN dans sa forme simple brin n’apparaît que marginalement au cours du cycle cellulaire. La forme la plus stable de l’ADN, décrite par Watson et Crick [2], est celle constituée de deux brins complémentaires enroulés en une double hélice représentée sur la figure 2.2. Cette structure double brin résulte essentiellement de la propriété des bases à s’apparier entre elles de manière stable et spécifique. L’association entre bases s’effectue par des liaisons hydrogène. Le nombre possible de ces liaisons hydrogène ainsi que des gênes stériques entre bases ne permettent que deux couples de paire de base. L’adénine s’associe avec la thymine pour former la paire « AT » et la cytosine s’associe avec la guanine pour former la paire « CG » (cf. figure 2.4). La molécule d’ADN double brin est stabilisée à la fois par l’appariement des bases et par l’empilement de celles-ci le long de l’axe de la molécule, à travers des interactions de Van der Waals. Ces deux facteurs s’opposent à la répulsion électrostatique entre les groupements phosphates (porteurs de charge négatives) et empêchent la séparation spontanée des brins dans les conditions physiologiques. Contrairement à l’ADN, l’ARN se présente comme un simple brin dans son milieu physiologique. Fréquemment, ce brin unique forme des structures complexes en s’appariant partiellement avec lui même (structure secondaire et tertiaire ). La reconnaissance spécifique entre des séquences complémentaires est appelée hybridation (figure 2.3). L’hybridation entre deux simples brins d’ADN de séquences complémentaires donne lieu à la double hélice. L’hybridation complète ou partielle entre un simple brin d’ADN et un simple brin d’ARN est également possible.
Gènes, transcription et traduction de l’information génétique
L’ADN est la forme de stockage de l’information génétique de pratiquement tous les organismes vivants . Cette information (représentée sur le chromosome par une suite linéaire de gènes séparés par des régions intergéniques) est utilisée lors de l’expression génétique, c’est à dire pour la synthèse des protéines. Un gène est tout d’abord copié sous forme d’une molécule complémentaire d’ARN (transcription). La copie sous forme d’ARN est ensuite traduite par les ribosomes qui assemblent les acides aminés pour former la protéine (traduction). Les ARN codant pour la synthèse des protéines sont appelés ARN messagers ; d’autres ARN (de transfert et ribosomiaux) interviennent également au cours de l’étape de traduction de l’ARN messager en protéine. Le contrôle et la catalyse de ces différents processus s’effectuent principalement par la reconnaissance et les interactions spécifiques entre acides nucléiques et protéines. La réplication est catalysée par des protéines nommées ADN-polymérases et la transcription par les ARN-polymérases. D’autres protéines interviennent dans ces processus : des répresseurs, des activateurs ou des facteurs de transcription qui bloquent ou stimulent l’action des polymérases en fonction des besoins de la cellule (régulation de l’expression génétique).
Séquençage et Projet Génome
Chaque protéine cellulaire est le fruit de l’expression d’un gène et l’ensemble de ces protéines est à la base de l’édification et du maintien des cellules de l’organisme. L’organisme entier peut être considéré comme résultant de l’activité des gènes qui constituent son génome. L’analyse de génomes entiers a réellement débuté il y a une quinzaine d’années avec le lancement du Programme International Génome Humain [3, 4]. Celui-ci avait pour but d’analyser la structure du génome humain (ainsi que celle d’organismes modèles), de déterminer la localisation de l’ensemble des gènes présents et d’en établir la séquence complète. Ce projet a suscité de nombreux débats lors de son lancement quant à son opportunité, son coût et sa faisabilité [3]. Cependant, des progrès dans l’automatisation des méthodes d’analyse ont permis de parvenir au séquençage entier d’organismes modèles (levures, vers …) et de chromosomes humains [4, page 1959]. Le défi actuel semble résider dans la compréhension de l’ordre sous-jacent (ère post-génomique) c’est à dire la classification des gènes selon leur fonction en déterminant les séquences codantes et régulatrices, les variations polymorphiques à l’intérieur d’une espèce ou encore l’expression des gènes lors du développement de réponses physiologiques ou de maladies. L’approche gène par gène doit dans ce cas être remplacée par une « vision globale » permettant d’analyser simultanément des milliers d’informations génétiques lors d’un processus biologique. C’est dans ce contexte qu’une nouvelle technique d’analyse génétique massivement parallèle, les puces à ADN, apparaît d’un grand intérêt [5, 6].
Puces à ADN
Une puce à ADN est une matrice ordonnée d’échantillons d’ADN simple brin permettant d’analyser simultanément jusqu’à plusieurs milliers de séquences génétiques. Ce nouvel outil d’analyse génétique associe le processus biologique de reconnaissance spécifique entre simple brin d’ADN (hybridation) et des compétences et techniques issues de différents domaines : biologie moléculaire, biochimie, microtechnologies… Après avoir décrit le principe des puces à ADN (figure 2.5), nous mettrons dans la suite l’accent sur les différentes technologies mises en jeu pour la fabrication et l’analyse sur puces à ADN.
Principe des puces à ADN
Les puces à ADN sont constituées d’un support de petite taille (environ 1 cm2 , en plastique, en verre ou en silicium) sur lequel sont synthétisées ou greffées en des endroits prédéfinis des molécules d’ADN simple brin (oligonucléotides ou fragments de gènes) dont on connaît la séquence. L’utilisation d’outils issus de la microtechnologie permet de réaliser un réseau dense et régulier de quelques milliers (jusqu’à une centaine de milliers) de microsurfaces par centimètre carré contenant des échantillons d’ADN simple brin de séquences différentes. Ce réseau de microsurfaces, chacunes d’elles ayant une dimension de l’ordre de (100 µm) 2, constitue une matrice ordonnée d’échantillons d’ADN de séquences différentes et parfaitement déterminées. Les molécules d’ADN fixées à la surface de la puce sont appelées sondes pour leur capacité à analyser (« sonder ») des acides nucléiques de séquences inconnues. Ces molécules d’ADN simple brin sont en effet capables de reconnaître spécifiquement des acides nucléiques (ADN ou ARN) simple brin de séquence complémentaires en formant par hybridation le duplex d’ADN. Lorsqu’une puce à ADN est mise en contact avec une solution contenant des ADN simple brin de séquences inconnues, appelés cibles, l’hybridation entre cibles et sondes ne s’effectue sur la surface qu’aux endroits où se trouvent les séquences complémentaires. La détection localisée des différentes microsurfaces où s’est produite l’hybridation sur le support solide constituant la puce permet ainsi d’identifier les séquences génétiques présentes dans l’échantillon d’acides nucléiques analysé (échantillon de cibles).
Les puces à ADN permettent en une seule opération et de façon massivement parallèle de rechercher des mutations, de faire un typage local complet (« miniséquencage ») où d’étudier et de quantifier l’expression de milliers de gènes.
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Table des matières
1 Introduction
2 PUCES à ADN et techniques alternatives pour la détection de l’hybridation
2.1 L’analyse du génome
2.1.1 Les acides nucléiques
2.1.2 Appariement entre bases : hybridation
2.1.3 Gènes, transcription et traduction de l’information génétique
2.1.4 Séquençage et Projet Génome
2.2 Puces à ADN
2.2.1 Principe des puces à ADN
2.2.2 Technologies mises en jeu
2.2.3 Fabrication des puces à ADN
2.2.4 Détection standard de l’hybridation sur puces à ADN : la fluorescence
2.3 Techniques alternatives pour la détection de l’hybridation et application aux puces à ADN
2.3.1 Techniques « optiques » et « opto-électroniques »
2.3.2 Techniques « mécaniques » et « électro-mécaniques »
2.3.3 Techniques « électrochimiques »
2.4 Détection de biomolécules sur des structures semiconductrices et application à la détection de l’hybridation
3 Détection de biomolécules sur des réseaux de transistors à effet de champ
3.1 Détection de charges à la surface de transistors à effet de champ
3.2 Structures des transistors à effet de champ
3.2.1 Réseau de 96 transistors
3.2.2 Réseau de 62 transistors
3.3 Principe de la mesure électronique
3.3.1 Dispositif électronique de mesure
3.3.2 Caractéristiques des transistors et corrections
3.3.3 Etude des variations du courant(∆ISD) ou de la tension (∆USE) lors d’un apport de charge : deux méthodes d’analyse
3.4 Dépôt des solutions étudiées
3.4.1 Microdépôts
3.4.2 Macrodépôts
4 Détection électronique de la polylysine
4.1 La polylysine, un polymère positivement chargé permettant la fixation de l’ADN
4.1.1 Structure de la molécule
4.1.2 Un fixateur pour les ADN sondes
4.2 Variation de courant (∆ISD) et de tension (∆USE) pour une expérience modèle
4.3 Reproductibilité des mesures
4.3.1 Ensemble statistique et moyennage des pics
4.3.2 Variabilité intra-dépôt
4.3.3 Variabilité inter-dépôts
4.3.4 Effet de sel
4.4 Variation de la concentration en polylysine
4.4.1 Expériences à une concentration de 1 mM en KCl
4.4.2 Expériences à une concentration de 0.01 mM en KCl
4.5 Variation de la concentration en sel de l’électrolyte de mesure
4.5.1 Exemple d’une double série en sel avec dépôts de polylysine
4.5.2 Modélisation et interprétation des variations en sel
4.6 Vers une couche stable de polylysine pour la fixation future des ADN sondes
4.6.1 Etude de l’incubation partielle du réseau avec des macrodépôts de polylysine
4.6.2 Incubation globale du réseau
5 Détection d’ADN simple brin sur des réseaux de transistors préalablement recouverts de polylysine
6 Détection électronique d’ADN double brin issus de PCR et application à la détection d’une mutation
7 Conclusion
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