Psychothérapie institutionnelle, hôpital de jour et atelier journal

Généralités de fonctionnement

Le projet écrit de l’atelier figure en annexes, nous en rapportant ici quelques informations essentielles.
L’atelier a lieu chaque lundi de 10h30 à 12h. Les séances sont prévues ainsi : trois séances d’élaboration de contenu puis deux de mise en forme sur l’ordinateur. La périodicité est donc en moyenne d’un numéro toutes les cinq semaines. L’atelier est semi-ouvert, c’est-à dire que quiconque peut s’engager à condition de rester au moins le temps de la construction d’un numéro. Pendant ces cinq semaines le groupe est fermé, il devient ouvert entre deux numéros : on peut alors choisir de quitter le groupe et de nouvelles personnes peuvent l’intégrer. Le contenu du journal reflète les intérêts et désirs de ceux qui le constituent.
Chacun aborde ce qu’il a envie d’aborder, la seule règle étant de ne pas nuire au respect d’autrui d’une façon ou d’une autre. Il est possible de s’exprimer de plusieurs façons dans le journal : articles écrits, dessins ou encore productions littéraires ou picturales issues d’autres ateliers de l’HDJ. Le choix de la mise en forme des productions est aussi une autre façon encore de s’exprimer. Le contenu est généralement élaboré en atelier mais il est possible si cela est plus facile pour certains de préparer des articles ou autre durant leur temps libre.
D’une façon comme de l’autre, il nous importe deux choses: la réalisation manuscrite de l’objet à publier avant retranscription informatique ; la mise en commun orale de l’article ou du dessin avec une présentation au groupe par l’auteur. L’atelier est accessible à toutes sortes de soignés, y compris ceux qui ont un accès limité à l’écriture. On s’arrange alors pour que cela ne soit pas un frein à leur participation et qu’ils puissent néanmoins s’exprimer au même titre que chaque participant. Le groupe est d’ailleurs à ce sujet très hétérogène, ce qui ne change rien à la place qu’occupe chacun ou à l’objectif commun. Deux rituelsparticipent à structurer l’atelier: chaque séance commence par un tour de table pour prendre mesure de l’état dans lequel chacun se trouve. Chaque séance se termine parl’écoute d’une chanson ou d’une musique décidée ensemble. Les soignants qui désireraient prendre part à cet atelier pour une co-animation ont leur place.
Dans la réalité, deux choses diffèrent du projet tel qu’il est pensé : le groupe de journalistes/patients est resté à l’identique depuis le lancementde l’atelier à deux personnes près (une soignante et un soigné). Ceux qui étaient présents dès le début sont restés car il semble qu’ilsaient trouvé une place et un bénéfice qui leur conviennent dans cet atelier. Une personne en soins a préféré quitter le groupe après le premier numéro. Les autres personnes en soin de l’HDJ qui ne font pas partie de l’atelier, n’ont pas le désir de s’y in scrire, bien que la porte leur soit ouverte. Du côté des soignants, jusqu’à l’arrivée de l’infirmière, nommée ici Marguerite, dont nous avons parlé plus avant, personne n’est venu assister à l’atelier hormis notre maitre de stage le temps d’une séance.

Evolutions de l’atelier depuis sa mise en place

Une évolution notable est l’arrivée de Marguerite fin mai (16èmeséance). Jusqu’alors, nous étions seul à animer l’atelier ce qui fonctionnait mais pouvait par moments être compliqué tant certains journalistes/patients requièrent une attention et un étayage (et une énergie psychique) importants. En ce sens l’arrivée de Marguerite a été pour nous un soulagement. Nous pouvions être dès lors plus présent avec d’autres journalistes/patients qui, parce qu’ils étaient plus autonomes, ne bénéficiaient pas de la présence que nous leur devions pourtant. Cette arrivée d’une deuxième animatrice a certainement permis par ailleurs de redynamiser le groupe, rompant d’une certaine façon avec l’habitude de l’animateur unique.
Marguerite, avec sa sensibilité très différente de la nôtre a apporté comme un équilibre en constituant un tandem d’animateurs dans lequel les journalistes/patientspeuvent puiser telle ou telle ressource. Enfin, cet atelier qui était à la base une sorte de dispositif expérimental plus ou moins éphémère (le temps de notre stage, la suite étant a priori très incertaine) devient finalement pérenne puisqu’après avoir observé et pris ses marques, Marguerite a à cœur de prendre la relève.
Par rapport au groupe, l’évolution qui s’en ressent relève de n’importe quel groupe qui apprend à fonctionner ensemble dans une durée suffisamment longue. Ainsi, notre ressenti est que la communication intra-groupe est plus fluide qu’à ses débuts, les présentations à voix haute des articles lors des phases de mise en commun sont plus évidentes. De même, le groupe passera outre le comportement par moments agité de tel journaliste/patient, parce qu’ils savent qu’il lui est difficile d’être là autrement. Ce même journaliste/patient auquel nous pensons est de plus en plus disponible psychiquement lors des ateliers et ses dispersions diminuent.

Evaluation pratique

Choix des outils

L’outil que nous avons choisi pour réaliser notre recherche-action est l’entretien semidirectif. Il nous est apparu comme le plus cohérent, plus qu’un questionnaire que nous aurions pu élaborer, à la fois au regard de ce que nous évaluons mais aussi de notre lieu de stage, lieu où l’on privilégie la parole.
Pour questionner la place de l’atelier journal au sein de l’institution ainsi que ses apports éventuels, nous avons posé les trois questions suivantes :
1) Que pensez-vous du journal de l’HDJ?
2) Quelle place, selon vous, a-t-il pu trouver au sein de l’HDJ?
3) Qu’est ce qui peut l’aider à s’inscrire davantage dans la vie institutionnelle ?
La première question est volontairement très large, elle a pour but de laisser la personne interrogée s’exprimer sans barrière sur ce qu’elle pense du journal. La seconde, assez explicite, porte sur la question centrale de notre recherche (les apports de l’atelier pouvant être évoqués spontanément dans la première question). La dernière question est une perspective d’ouverture pour la suite, elle vise à affiner l’atelier en prenant en considération les retours des personnes interrogées.
Pour des questions de faisabilité, surtout liées au temps, nous n’avons pas pu rencontrer l’intégralité de l’équipe. Nous avons vu cinq personnes en entretien occupant des fonctions différentes afin d’avoir une représentativité la plus large possible. Ainsi, nous avons rencontré:

Analyse des entretiens

Dans un souci de meilleure lisibilité, nous avons effectué deux analyses de contenu.
La première concerne directement les questions qui nous importent dans cette rechercheaction, la seconde porte sur les perspectives d’évolution du journal pour après notre départ. En effet, il nous semble que c’est là l’intérêt même d’une recherche -action : servir le terrain le temps de notre passage sur ce terrain mais que ce que nous pouvons apporter et mettre en sens puisse perdurer et évoluer encore.

Etat des lieux du journal : place, intérêts, limites

Nous précisons que le bilan que nous dressons de l’atelier journal se fait après 22 séances d’atelier, soit 4 numéros parus. L’analyse de contenu par grappes de Matalon et Ghiglione a permis de mettre en exergue 4 classes.
Classe 2 : Dépasser les murs de Cajeunet. Une perspective d’évolution du journal serait de le faire connaitre dans tout l’hôpital, ce qui peut avoir un aspect à la fois informatif et valorisant pour l’HDJ. Cela rejoint ce que nous disions dans la première analyse de c ontenu, à savoir que cette diffusion permet une narcissisation des soignants impliqués dans l’HDJ. La reconnaissance de leur travail ne peut se faire que si ce journal circule et est lu par d’autres personnes qu’eux-mêmes. Cet élargissement de la diffusion pourrait avoir deux bénéfices sur le plan institutionnel. D’abord une fonction informative pour les personnes soignantes ou dans l’administration arrivées depuis plus ou moins longtemps dans l’institution ou tout simplement pour toute personne qui méconnaitrait Cajeunet. La deuxième fonction va plus loin et consiste à pouvoir changer des représentations erronées au sein mêmede l’institution, par exemple de l’intra sur l’extra hospitalier. Le journal, dans une logique dePI, peut en ce sens être une occasion d’établir ou rétablir des liens. Concrètement, deux idées ont été formulées pour favoriser cette diffusion élargie (en plus du fait de prévoir des exemplaires pour l’intra et les autres structures ambulatoires):
– Le journal pourrait avoir sa place lors des expositions ponctuelles portant sur les ateliers organisées par l’hôpital.
– Le journal pourrait circuler informatiquement sur le réseau interne de l’hôpital.
Dans une autre mesure, il peut être également envisageable de sortir des murs de la psychiatrie pour aller dans la cité, à la rencontre de diverses personnes publiques par exemple, comme le maire de la ville dans laquelle est implanté l’HDJ. Ces rencontres pourraient faire l’objet d’interviews.
Classe 3 : Le projet. Ce point concerne la période qui suivra notre départ. Il ne s’agit pas de revoir le fond du projet mais certains aspects formels. Voici déjàles premières idées concernant ce futur remaniement :
– Une nécessaire co-animation et non un animateur unique. A l’heure où nous écrivons ces lignes, un futur stagiaire psychologue est déjà pressenti pour assurer la co-animation auprès de Marguerite.
– La fréquence de parution, qui sera moins élevée que ce qu’elle est actuellement.
– Une ouverture moins restreinte aux élèves de passage (infirmiers etaides-soignants).
Si cet aspect-là du projet est revu, les étudiants en question n’auraient plus à attendre le début d’un nouveau cycle (un cycle est le temps total d’élaboration d’un numéro donc cinq semaines) pour intégrer l’atelier mais pourraient l’intégrer n’importe quand. Avec le projet tel qu’il existe aujourd’hui, l’atelier journal est incompatible avec la participation des élèves puisque leur durée de stage est inférieure ou égale à cinq semaines et qu’il est rare que les élèves participent aux ateliers dès leur première semaine. Le projet actuel stipule que n’importe qui peut venir participer à condition de venir en début de cycle et pour toute la durée de celui-ci, soit cinq semaines.
Classe 4 : Le contenu. Nous revenons sur le fond pour aborder enfin le contenu du journal. Il est tout d’abord une chose qui pourrait contribuer à un gain d’intérêt de la part du lectorat de l’équipe soignante, c’est l’introduction de plus d’humour, de fantaisie et de surprise. Un aspect décalé qui surprenne pour éviter de faire un journal trop classique.
D’autres propositions concernent l’approfondissement de certaines rubriques, notamment une rubrique déjà phare : les interviews. Une dernière rubrique, qui elle n’existe pas pour l’instant, pourrait intéresser, il s’agit d’une rubrique «actualités » dans laquelle les journalistes/patients donneraient leur point de vue sur l’actualité, ce qui par l’ancrage dans le temps que cela implique pourrait avoir quelques vertus thérapeutiques.

Nos observations

Notre traversée de l’atelier journal

Systématiquement, après chaque fin d’atelier lorsque tous les journalistes/patients sont sortis, nous nous attelons à une retranscription se voulant rigoureuse de la séance qui vient d’avoir lieu dans un cahier prévu à cet effet et auquel nous sommes seul à avoir accès. La lecture de ce cahier de notes a posteriori témoigne d’un réel cheminement ainsi que d’une évolution dans notre façon d’animer l’atelier mais aussi dans le regard critique que nous portons sur celui-ci. Nous notons qu’au début, les prises de notes post-ateliers étaient très succinctes et factuelles. Nous retranscrivions en effet au tout début surtout ce sur quoi avaient travaillé les patients/journalistes lors de la séance. Au fil du temps, nous abordions dans nos notes ce qui avait pu les travailler lors des séances, nous centrant ainsi plus sur les journalistes/patients que sur leurs activités. Ceci témoigne d’un certain affinement de notre regard clinique.
Dans ces notes nous ne parlons pas que des participants mais également des idées qui nous venaient en tête, des difficultés que nous pouvions traverser puis de diverses remarques à propos de l’atelier. C’est précisément cela qui nous intéresse dans cette présente partie. Les idées que nous allons présenter peuvent être complémentaires de celles collectées par les personnes interrogées pour notre recherche. Les # renvoient aux numéros de séance, les dates sont précisées entre parenthèses. Nous combinons une retranscription de nos observations faites sur le moment avec des remarques faites a posteriori , avec un temps de recul. #3 (11/02) :Nous remarquons que le journal semble investi par le groupe mais à un niveau encore trop individuel. Nous soulignons donc la nécessité de travailler l’écoute au sein du groupe. Cela peut se faire surtout lors des moments qui se prêtent le plus à l’écoute comme les présentations des articles ou dessins au groupe par les auteurs. Il nous appartient alors de susciter plus d’interactions entre les membres du groupe, par exemple en leur demandant de rebondir davantage sur ce qui vient d’être présenté, en les invitant à communiquer ce que cela a suscité comme émotions chez eux, comment ils ont pu accueillir ce texte ou ce dessin…

Le journal et l’équipe

La série des entretiens réalisés auprès de cinq membres de l’équipe de l’HDJ nous donne une idée de la façon dont le journal a pu s’inscrire dans la vie institutionnelle et être approprié ou non par les membres de l’équipe. Les observations qui suivent s’intéressent à cette même question vue d’un autre angle. Elles offrent de plus un aperçu détaillé du processus par lequel se sont faits les liens et de la façon dont ils ont évolué dans le temps.
Lesdites observations sont issues du même cahier susmentionné et sont complétées par des remarques plus actuelles.
#2 (04/02) :Une des infirmières nous demande le projet de l’atelier pour pouvoir le lire. Ceci est la première preuve d’intérêt témoignée envers l’atelier.
#6 (04/03) :L’équipe soutient le journal en faisant passer pour nous des formulaires de droits à l’image à des patients pris en photo pour le journal. L’un des patients refuse d’apparaitre sur les photos, un infirmier se propose de travailler cela avec lui.
Ce même infirmier exprime le souhait de venir participer à une séance d’atelier, sous réserve de pouvoir se dégager à ce créneau. Céline exprime ce même souhait et pense pouvoir venir un lundi en avril.
#16 (27/05) :Marguerite prend part pour la première fois au journal, à ce stade pour un cycle seulement ou tout au moins sans qu’il ne soit question qu’elle assure la continuité du journal.
Nous notons une espèce de phénomène de « traversée du désert » dans le lien entre le journal et l’équipe : Dès la deuxième séance, nous avons le signe d’un intérêt d’une infirmière envers l’atelier. Cet intérêt se confirme autour de la séance #6 par une dynamique qui commence à gagner l’équipe et ne demande qu’à être appuyée, travaillée. Il faut attendre dix séances avant qu’un évènement hasardeux, l’arrivée d’une nouvelle infirmière dans l’équipe, vienne relancer la possibilité de créer plus de liens avec l’équipe. Rien n’a été maillé avec celle-ci pendant dix séances alors que nous avions soulevé dès la séance #6 la nécessité de travailler davantage avec l’équipe. Nous nous attribuons la responsabilité de cette absence de liens par une démarche d’ouverture très insuffisante. Le journal commençait à trouver une certaine place dans l’institution et nous n’avons pas suffisamment entretenu les liens qui auraient impliqué davantage l’équipe dans le projet.
#18 (10/06) :Nous présentons en réunion institutionnelle l’idée d’aller interviewer le directeur du centre hospitalier. D’une part nous nous enquerrons de l’avis de l’équipe par rapport à cette idée puis nous discutons avec eux des aspects pratiques et logistiques. L’équipe est prête à nous soutenir. Cette interview est une nouvelle occasion de créer du lien avec l’équipe et d’inscrire davantage le journal dans la vie institutionnelle.
A cette même période l’HDJ a connu des travaux de peinture rendant inaccessible la salle où a lieu l’atelier collage, se déroulant en même temps que l’atelier journal. Face à ce fait, une seule salle pour deux ateliers au même créneau, les infirmières en charge de l’atelier collage, avec une très grande attention et délicatesse, ont spontanément renoncé à assurer leur atelier pour nous laisser assurer le nôtre. Nous avons par la suite émigré dans la salle de relaxation, exiguë mais suffisante, afin de leur permettre d’assurer l’atelier collage, car il n’y avait aucune raison que l’atelier journal ait plus de poids ou de privilèges que leur atelier.
Ce geste délicat ne témoigne pas que de la gentillesse des infirmières dont nous parlions mais également d’une place, d’une certaine légitimité du journal qui, même s’il manque de liens avec l’équipe est bien reconnu et respecté.
#19 (17/06) :Céline est venue participer à un atelier. Son impression a posteriori fut très positive.
#20 (24/06) : A l’annonce de l’accord du directeur pour réaliser l’interview, Amélie, la plus réfractaire des personnes interrogées sur le journal, nous fait part de son enthousiasme concernant cette nouvelle.
#22 (22/07) :Marie-Anne, l’éducatrice de l’HDJ, a ramené le paquet de journaux de l’imprimerie se situant dans l’hôpital en intra, alors qu’elle en revenait.
Nous terminons de dresser le bilan du journal pour notre recherche à la séance #22 incluse, qui correspond à la moitié du cinquième cycle. Le bilan concernant l’intégration du journal par rapport à l’équipe, selon nos observations, est mitigé. On ne peut pas dire qu’il ait suscité l’émulation escomptée, on ne peut pas dire non plus qu’il soit complètement absent de leurs considérations. Deux éléments augurent une évolution positive par rapport à cela.
D’abord, l’interview du directeur (développée dans la prochaine sous-partie). Celle-ci paraitra dans le journal numéro 5. Personne ne l’a donc encore lue (en dehors du groupe journal bien sûr) et pourtant cette interview fait déjà beaucoup parler. Cela est sans doute dû à l’importance de la personne interviewée, toujours est -il que c’est un sujet qui rassemble déjà d’une certaine manière. Comme l’avait précisée l’une des personnes interrogées pour notre recherche, la rubrique interview peut être un des points forts du journal au niveau de l’attention soulevée par ses lecteurs. Il nous parait très important de la développer à l’avenir, quitte à ce que cela rallonge la périodicité, car une telle rubrique implique beaucoup de travail en amont, sur le moment et en aval. Le deuxième élément est notre prise de conscience, permise par les entretiens pour cette recherche, de nombre d’éléments à revoir absolument pour créer plus de liens et répondre à certaines attentes de l’équipe. Celles que nous retenons en premier lieu est l’élargissement de la diffusion dans l’institution en dehors des m urs de Cajeunet. Par ailleurs, nous irons à l’avenir davantage vers l’équipe pour faire plus de liens par le biais des sorties, des ateliers. Nous leur proposerons également en réunion institutionnelle la possibilité pour eux d’intervenir dans ce journal sans avoir à assister aux ateliers, puisque la réalité fait que cela leur est impossible.

Bénéfices secondaires de l’atelier : trajectoire d’un patient dans l’atelier journal

Ces bénéfices sont dits « secondaires » mais ne sont pas à entendre comme étant moins importants. Les apports du journal pour la personne en soin et pour l’institution appartiennent à deux plans différents et ne sont pas hiérarchisables. Dans cette partie, les bénéfices sont dits « secondaires » dans le sens où ils ne concernent pas l’axe central de notre recherche qui concerne l’institution au sens large. Nous avons vu que la PI vise entre autre au soin de l’institution en favorisant la mise en liens et la réflexion institutionnelle. La PI n’aurait pas de sens si elle ne se souciait que de cela, délaissant la personne en soins. C’est cela dont il est question dans cette vignette clinique. Nous présentons les apports del’atelier journal en tant qu’outil pratique découlant de la dynamique de PI. Plutôt que d’ « apports », peut-être serait-il plus approprié de parler de « traversée », ou de « trajectoire »de cette personne en soins inscrite dans l’atelier.
Nous présentons ici Salvador, inscrit depuis le début dans l’atelier journal et encore présent dans celui-ci. De la même manière que pour les deux sous-parties précédentes, nous nous basons sur nos observations écrites recueillies à chaque fin d’atelier. L’intégralité des observations concernant Salvador est consultable en annexes. Salvador est le journaliste/patient pour lequel nous avions relevé le plus d’éléments dans notre cahier, ce qui déjà dit quelque chose de notre lien, c’est pourquoi nous l’avons choisipour cette vignette clinique.
Salvador ne fait pas partie des patients/journalistes que nous avons en suivi en dehors de l’atelier ni des personnes pour lesquelles nous avons effectué un bilan psychologique dans l’année. Nous ne savons donc rien de son histoire car nous préférons ne connaitre les personnes en soin de l’HDJ que nous ne suivons pas individuellement que par ce qu’ils nous laissent savoir et par ce que nous avons pu entendre de l’équipe. De ces sources nous ne sommes certains que de trois choses : Salvador a 52 ans, il a été par le passé ingénieur avant de décompenser sur un mode psychotique. Par parenthèse, nombre d’éléments nous laissent à penser que Salvador est schizophrène, mais cette hypothèse diagnostique, bien que fort probable, ne présente que peu d’intérêt ici. C’est donc avec un œil assez «naïf » que nous allons présenter la trajectoire de Salvador.
Nous sommes toujours un peu rêveur et admiratif à la lecture de ces récits cliniques relatant des trajectoires de personnes en soins dont l’évolution aboutit sur ce qui s’approche d’un succès thérapeutique. L’évolution de Salvador est loin d’être linéaire, elle se présente plutôt en dents de scie et demeure comme telle au moment où nous écrivons ces lignes.
Le premier élément que nous notons est l’assiduité de Salvador à cet atelier, ce qui déjà dit quelque chose de la façon dont il l’investit. Avant que l’atelier journal n’existe, Salvador était inscrit à l’atelier collage, ayant lieu au même créneau horaire. Il est la seule personne en soin à être allé voir les infirmières en charge de cet atelier pour leur communiquer qu’il allait arrêter le collage pour aller au journal (bien que naturellement les infirmières fussent au courant de cela). Nous précisons cela car Salvador peut donner cette impression d’une rupture de liens avec la réalité qui se présente à lui, comme s’il n’habitait pas cette réalité. Cette intervention de sa part prouve le contraire et montre une nouvelle fois la nécessité de voir au-delà des apparences. Par ses remarques telles que « bon alors, on y va? », sous-entendu à l’atelier journal, une demi-heure avant son commencement rend également compte en partie de l’investissement de cet atelier ainsi que de la temporalité de Salvador qui lui est propre.
Salvador brille par son ambivalence au niveau de l’élaboration (aspect qualitatif) ainsi que l’aspect fluctuant de sa créativité (aspect quantitatif). On note en premier lieu une créativité remarquable dans le domaine de l’expression graphique. Contrairement à l’expression écrite, le dessin semble chez Salvador agir comme un cadre qui le contient réellement durant tout le temps de sa réalisation. A ce propos, une des particularités des dessins de Salvador est qu’il trace systématiquement à la règle un cadre dans lequel il s’exprime. La rédaction lui tient également à cœur mais est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre. L’assemblage de mots pour créer du sens, démarche beaucoup plus symbolique, lui est plus difficile d’accès. Ses productions écrites sont le reflet de son morcellement psychotique.
Les mots sont apposés comme ils viennent, sans forme, si ce n’est une ordination de ses phrases ou idées précédées par un chiffre en début de ligne, par analogie avec le cadre tracé dans les dessins.
Cela nous conduit à la contenance et à l’étayage dont Salvador a grandement besoin et ce depuis le lancement de l’atelier. Nous sommes souvent amenés lui et n ous à partager des instants de proximité durant lesquels nous essayons de mobiliser un désir, celui d’exprimer dans le journal quelque chose qui lui corresponde, puis dans un second temps de mettre en forme ses productions écrites jusque-là informes comme nous le disions plus haut.
L’aboutissement de ces articles conduit à un compromis entre une forme intelligible pour le lecteur avec un style d’expression qui reste celui de Salvador, car ilne s’agirait pas que les journalistes/patients se sentent dépossédés de leurs productions par un résultat final qui leur semblerait émaner d’un étranger.

Limites de la recherche-action

Nombre de limites ont déjà été pointées par rapport au journal, notamment tout ce que nous avons manqué, ce que nous aurions dû faire et qu’il est heureusement encore temps de faire. Voici donc quelques autres limites plus formelles.
Une première limite, d’ordre méthodologique, réside dans le fait que nous avons mené nous-même les entretiens de recherche. Nous craignions que cela, du fait de la part d’affect qui rentre nécessairement en jeu, puisse orienter les réponses. L’idéal aurait été de faire poser les questions par un tiers extérieur à la structure. Au final, contrairement à ce que nous imaginions, nous pensons que le biais est très minime et que les avisque nous avons collectés sont francs. Le deuxième biais est également lié aux entretiens et tient au nombre de personnes interrogées : cinq seulement. Nous regrettons de ne pas avoir pu disposer de plus de temps car plus de rencontres auraient certainement enrichi nos analyses.
Une troisième limite pourrait être le fait d’avoir inclus Céline dans notre recherche.
Céline étant partie prenante et donc partiale dans ce projet, cela soulève la question de la subjectivité. Pour autant nous nous questionnons : s’agit -il vraiment d’un problème, tant du point de vue pratique qu’éthique? Cette recherche-action n’est pas une recherche classique. Il s’agit bien d’un travail de terrain dans lequel on compose avec les différentes subjectivités, dont celle de Céline. La notion même de partialité ne peut d’ailleurs constituer un biais à notre étude puisque c’est précisément avec cette partialité que nous travaillons. Nous pensons qu’il en est de même pour notre lien à l’équipe et le fait que cette relation, y compris dans notre recherche, n’est pas neutre. Dans la réalité du terrain, un psychologue est -il un expérimentateur extérieur à l’équipe ? Nous pensons qu’il en fait partie au contraire et que contrairement à une recherche classique ce paramètre ne peut voire ne doit pas être contrôlé.
Nous rappelons l’une des trois fonctions des réunions selon les réflexions issues de la PI qui est l’échange affectif (en plus de l’échange d’informations et la prise de décisions). Il n’était donc pas question dans ce travail d’établir un modèle objectivable et exportable à d’autres structures de soins. Cette recherche-action est bien propre à l’HDJ Cajeunet car l’ensemble des réflexions de ce mémoire est indissociable de l’équipe et des personnes en soins qui occupent le lieu. La mise en lien de ces réflexions avec la PI est également propre à l’HDJ Cajeunet attendu que ce sont ces mêmes valeurs qui orientent le projet de soins.

Intérêts de la recherche-action

Outre le fait que le fruit de ce travail réponde à une demande, ce qui est le but de toute recherche-action, ce travail nous semble intéressant dans la mesure où il a donné une profondeur et un véritable sens au projet de l’atelier, lors de son élaboration. Les recherches bibliographiques sur l’atelier journal puis sur la PI et sur la transmission ont permis de mûrir une réflexion et nous ont permis d’aller plus loin que si nous nous étions cantonné à un projet écrit plus épuré, plus sommaire. Au-delà des réflexions relatives à la genèse du projet, cette recherche-action nous a permis une meilleure compréhension de l’atelier alors même qu’il était en cours. Ce niveau de lecture a été permis par les entretiens de recherche que nous avons effectués avec différents membres de l’équipe. Nous avons pu alors prendre un peu de recul et mieux cibler les attentes de l’équipe, permettant ainsi dans un avenir proche une évolution de l’atelier.
Cet affinement est d’autant plus intéressant qu’il peut être transmis. Par cette t race écrite, les personnes qui assureront la suite de cet atelier pourront d’abord se rendre compte de ce qui a été fait mais surtout de prendre mesure de ce qui est perfectible pour réajuster encore l’atelier.
Enfin, nous trouvons un intérêt pour nous-même. La formation universitaire nous forme principalement à la clinique telle qu’on la pratique auprès de patients. Une partie seulement, lors de la dernière année de formation, porte sur le regard institutionnel et le positionnement du psychologue dans l’institution. Par ce mémoire que nous réalisons, en ayant axé notre recherche sur l’institution, nous avons l’impression d’avoir affiné notre regard de clinicien sur l’institution. Nous saisissons mieux à présent la placeque peut occuper un psychologue clinicien au sein de l’institution et auprès d’une équipe, une place qui va au -delà de l’éclairage purement clinique sur telle ou telle personne en soins.

Conclusion

Le journal, l’objet journal comme l’atelier, a pu trouver une certaine place auprès de l’équipe. Il a pu globalement se déprendre des résistances du journal quil’avait précédé. Ce nouveau journal a été accueilli et respecté par une grande partie des personnes soignantes et des personnes en soins. Il reste encore ignoré par une partie. Cela est partiellement dû au fait que le médium défaillit quelque peu dans les liens qu’il est censécréer. La faille principale qui a été pointée est son manque d’ouverture aussi bien à l’HDJ qu’au sein de l’institution plus largement c’est-à-dire le centre hospitalier dans son ensemble. Ce défaut, bien ciblé par ce travail, sera au moins partiellement corrigé d’ici la fin de notre stage, de sorte à ce que le journal puisse mieux s’inscrire dans la vie institutionnelle. Par la transmission que la forme écrite permet, ce mémoire pourra participer à l’amélioration de cet atelier à plus long terme.
Nous avons abordé nos réflexions (et nos actions) sous l’angle de la PI car la démarche de cet atelier, l’essence même du journal et ce pourquoi il est fait découlent tout à fait de ce mouvement de PI. L’atelier s’inscrit tout à fait dans leprojet de soins de l’HDJ de façon cohérente, projet lui-même imprégné des valeurs de la PI. Pour autant, cet angle d’approche que nous avons choisi en est un parmi tant d’autres. Nous n’érige ons pas la PI comme modèle absolu. Nous l’avons simplement choisi car il résonne avec notre sensibilité personnelle de clinicien.
Nous voyons ce travail comme le premier chapitre d’un livre, ou plutôt le second au vue du journal qui l’a précédé. Nous écrivons donc là les dernières lignes de ce chapitre qui pourra servir et donner du sens au troisième chapitre, symboliquement écritpar Marguerite et la ou les personnes qui co-animeront. Ce mémoire est une amorce nécessairement appelée à être enrichie et dépassée.

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Table des matières
Résumé
Introduction
La demande
Théorie
L’atelier journal
L’expression par l’écrit
Le journal : une élaboration collective
De constats empiriques
Psychothérapie institutionnelle
Définition personnelle de la psychothérapie institutionnelle
Bref historique
La psychothérapie institutionnelle dans la littérature
La psychothérapie institutionnelle aujourd’hui
Psychothérapie institutionnelle, hôpital de jour et atelier journal
La Transmission
Pourquoi transmettre ?
Transmissions
Le lieu de stage
La structure
Rôle de la psychologue dans la structure
Rôle du stagiaire psychologue
Fonctionnement de l’atelier journal
Amener le projet
Généralités de fonctionnement
Evolutions de l’atelier depuis sa mise en place
Evaluation pratique
Choix des outils
Analyse des entretiens
Etat des lieux du journal : place, intérêts, limites
Evolution, amélioration et attentes de l’équipe
Nos observations
Notre traversée de l’atelier journal
Le journal et l’équipe
Bénéfices secondaires de l’atelier : trajectoire d’un patient dans l’atelier journal
Discussion
Retour sur l’analyse de contenu
Retour sur la transmission
Limites de la recherche-action
Intérêts de la recherche-action
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Entretiens
Marguerite
Sergio
Amélie
Dana
Céline
Analyse de contenu
Première analyse de contenu
Classe 4 : Considérations secondaires
Pondération
Deuxième analyse de contenu
Observations sur Salvador
Projet de l’atelier journal
Demandez la Voix de Cajeunet

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