La recherche des ingrédients : Naissance du projet
Stage expérimental ? Quelle est cette dénomination ?
Le stage expérimental est un dispositif exclusif à l’IFP de la Salpêtrière à Paris. Il permet aux étudiants de troisième année d’intégrer une structure de leur choix, où aucun psychomotricien n’exerce encore.
Un binôme ou trinôme d’étudiants doit se créer afin de construire et mener conjointement le projet. Une liste de lieux de stages expérimentaux est fournie par l’IFP aux étudiants. Ceux-ci, en fonction, de leurs expériences antérieures, de leurs affinités, ou du domaine sur lequel ils souhaiteraient interroger leur raisonnement de futurs psychomotriciens, vont postuler auprès de l’une de ces structures. Ceci afin d’intervenir soit auprès des personnes qui sont en soins, soit pour les personnes qui y travaillent, à titre curatif ou préventif. Une convention de stage classique tripartite entre l’université, l’entreprise et chaque étudiant est signée. Dans notre cas, les services municipaux que nous avons contactés n’étaient pas référencés dans cette liste. Sur le lieu de stage, comme il a été mentionné plus haut, aucun psychomotricien n’exerce, donc un tuteur interne à la structure est choisi. Un tuteur externe à l’établissement, Psychomotricien diplômé depuis plus de trois années, est également nécessaire afin d’apporter son expertise et sa validation sur toutes les propositions que les étudiants souhaitent mettre en place dans le cadre du stage. En fonction des observations préalables de la population définie soit dans son cadre de soins, soit sur son lieu de travail, les étudiants, en accord avec leurs tuteurs externes et internes, vont développer un projet de recherche psychomoteur, en fonction des problématiques rencontrées par leur population. Ils choisissent également une ou plusieurs médiations qui leur semblent adaptées aux possibilités physiques des participants en étant appropriées quant aux grandes fonctions psychomotrices que celles-ci mobilisent. Le binôme a l’obligation d’être inscrit à un groupe d’analyse de pratiques mensuel, conduit par un Psychomotricien D.E. Chaque étudiant se trouve réparti dans un groupe différent afin de pouvoir exprimer librement ce qui pourrait le déranger au cours de cette intervention.
L’objectif d’une telle démarche est bien sûr d’accroître son autonomie de futur professionnel avec la contenance de professionnels confirmés, mais également de faire connaître la psychomotricité dans des domaines où elle n’est pas spontanément envisagée. Cela favorise l’élargissement de la reconnaissance du champ de compétences des psychomotriciens, avec potentiellement une réflexion sur la poursuite de l’intervention si elle a été perçue intéressante par les participants et la Médecine du travail.
En ce qui nous concerne, la Médecin du travail de la ville, qui avait accueilli favorablement notre intervention a spontanément accepté le rôle de tuteur interne. Madame Valentin-Lefranc, Psychomotricienne D.E et coordinatrice pédagogique à l’IFP de la Salpêtrière, accepta de nous guider dans cette aventure en tant que tuteur externe.
Comment cette idée de projet est-elle née ?
Nous nous sommes toutes les deux rencontrées lors de notre deuxième année de formation en psychomotricité où nous étions dans le même groupe de travaux dirigés. Une amitié est née entre nous malgré nos différences, notamment de parcours. Nous nous sommes mutuellement soutenues pendant nos révisions, nous avions même pris l’habitude de travailler ensemble et de nous encourager à plusieurs centaines de kilomètres de distance, confinement oblige ! Durant l’été 2020, l’idée d’un projet préventif a d’abord germé chez Dominique puis s’est développée chez Noémie. Celle-ci a pris forme à partir de nos expériences professionnelles respectives ainsi que de nos réflexions communes sur l’intérêt des médiations que nous avons expérimentées depuis notre reprise d’études vers la profession de psychomotricien.
En effet, en parallèle de ses précédentes études en langues étrangères, Noémie a occupé un poste dans la restauration rapide connu pour solliciter physiquement et nécessiter une bonne gestion du stress. Mais quel est l’impact psycho-corporel du stress quand celui-ci devient chronique ? Quel est le rôle du psychomotricien dans le champ de la prévention en milieu professionnel ? Nous connaissons le rôle du psychomotricien pour intervenir préventivement auprès notamment des jeunes enfants ou des sujets âgés. Il demeure moins connu en milieu professionnel mais rentre également dans son champ de compétences. Dans ce dernier cas, comment le psychomotricien construit sa place auprès des employés lorsqu’elle n’est pas forcément attendue ? Au regard de sa poursuite d’études en psychomotricité et de son expérience passée, Noémie a alors souhaité répondre aux questions qu’elle se posait à travers ce projet préventif. D’autant plus qu’après avoir découvert certaines médiations corporelles au cours de notre formation, elle était convaincue de l’intérêt de celles-ci pour favoriser l’équilibre psycho-corporel des employés en milieu professionnel.
La reprise d’études de Dominique en psychomotricité a été fortement influencée par un besoin de changement de paradigme sur l’approche du corps dans le soin, en étant toutefois complémentaire de sa formation initiale. Au départ, celle-ci avait un abord très mécanique, complétée par un master en biomécanique humaine et ergonomie, progressivement il lui semblait évident que d’autres mécanismes étaient à l’œuvre dans l’apparition de certaines douleurs ou pathologies. Malgré les cours de psychologie qu’elle avait eus à travers son cursus, ils lui semblaient insuffisants pour leur compréhension. Dominique ressentait également les tensions liées au travail très présentes à certains moments au niveau de son organisme, en parallèle elle les constatait cliniquement chez ses patients. De là, un besoin, mêlé d’une envie d’approfondir l’a spontanément amenée à la psychomotricité. Son approche des patients est désormais “composite”, en considérant à la fois le contexte environnemental, les potentielles origines mécaniques macro ou micro traumatiques en ajoutant l’aspect psycho-affectif, neurologique (développemental, atteinte brutale (type AVC) ou dégénératif). Les problématiques que ceux-ci rencontrent au niveau de leur motricité semblent être des combinaisons de ces variables dont le pourcentage se détermine en fonction de chaque personne.
La pression psychique et physique que nous avions préalablement ressentie lors de nos expériences, a attisé nos réflexions sur les bénéfices supposés d’une intervention en entreprise. Notamment en ce qui concerne la gestion du stress, désormais reconnu comme un des principaux risques psycho-sociaux, ainsi que sur la prévention des Troubles Musculo Squelettiques (T.M.S), grand sujet de préoccupations en Médecine du travail.
Les différents scénarios explorés quant au lieu de stage
Initialement nous souhaitions mettre cette idée à l’œuvre auprès des personnels soignants d’un Hôpital, afin de les soutenir de notre mieux à traverser la crise sanitaire actuelle. Après le rendez-vous avec la Médecine du travail de l’Hôpital qui était favorable à la mise en place d’un stage de ce type, plusieurs grosses problématiques venaient troubler la réalisation. D’une part, en pleine crise sanitaire, elle avait ciblé le service des urgences, ce qui semblait des plus adaptés vu leurs contraintes, cependant nous n’aurions eu que quinze minutes de séance en salle de pause, seulement sur des chaises. D’autre part, cela modifiait considérablement notre projet, il nous était explicitement demandé d’effectuer des séances de relaxation, sans certitude que les personnes aient le temps nécessaire à la détente. Il n’y avait dans cette demande aucune recherche spécifique d’un programme psychomoteur établi en fonction des besoins des personnes, et on nous imposait une technique à réaliser. Cela nous semblait donc irréalisable dans ce type de structure au vu des conditions sanitaires et de leurs exigences très restrictives
La personne chargée des sports, qui nous a répondu en plein mois de juillet 2020 a tout de suite été intéressée par le sujet, et nous a orientées auprès de la Médecin du travail de la ville, elle-même très sensible aux conditions de travail des salariés, à leur bien être afin de rendre les tâches, même les plus fastidieuses, les moins pénibles possibles. Cette proposition a immédiatement suscité son enthousiasme. Depuis de nombreuses années elle a été amenée à constater un stress important avec des répercussions sur la santé des employés, notamment des Troubles Musculo Squelettiques (TMS). Nous avons eu plusieurs rendez-vous avec elle afin de cibler la population nécessitant le plus ce genre d’atelier. Spontanément, elle a identifié les agents techniques des écoles de la ville, en considérant la pénibilité de leurs tâches quotidiennes, le temps qu’il leur est imparti pour les réaliser ainsi que leur condition physique et leurs possibilités d’accéder aux différentes activités que la ville propose déjà à ses salariés.
Le chargé de prévention de la ville a fait des formations PRAP (Prévention des Risques liés à l’Activité Physique, gestes et postures) à de nombreux agents des écoles et la ville avait mis à la disposition des agents trois créneaux d’accès gratuits en salle de sport dans un gymnase le mardi soir, le jeudi soir et le samedi matin (avec un prof de sport sur place). Malheureusement, avec la crise sanitaire, le gymnase a dû fermer, et ils ne disposaient plus de ces avantages, même si ceux-ci ne fédéraient pas non plus le maximum d’agents.
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Table des matières
Introduction
I. La recherche des ingrédients : Naissance du projet
A. Stage expérimental ? Quelle est cette dénomination ?
B. Comment cette idée de projet est-elle née ?
C. Les différents scénarios explorés quant au lieu de stage
D. Présentation et organisation du lieu de stage
1) Travail et entreprise
2) La Mairie
3) Les écoles
4) Les différents postes du service restauration
E. Qu’est-ce que la prévention ? Point de départ de la construction du projet
1) Que penseriez-vous d’une définition ?
2) Quels en sont les trois types ?
a) Prévention primaire : stade pré maladie
b) Prévention secondaire : stade des prémices de maladie
c) Prévention tertiaire : stade où la pathologie est installée
3) Quelle est la place de la psychomotricité et des psychomotriciens dans le champ de la prévention ?
F. Méthodologie : chronologie du projet, en amont et en aval
G. La cohorte
H. Observations qualitatives et quantitatives des recueils de donnée
1) Intérêt d’un questionnaire, qu’ont révélé les observations et prémices de construction des ateliers ?
2) Les questionnaires utilisés
a) Présentation
b) Résultats des questionnaires distribués en novembre 2020
II. L’entrée : Quels sont les aspects théoriques des problématiques repérées dans le recueil des données ?
A. Le stress
1) Quelle définition pouvons-nous en donner ?
2) Modèle neurobiologique
a) Les trois phases de ce syndrome
3) Le stress comme objet d’étude : approche psychosociale
a) Modèle interactionniste
b) Modèle transactionnel
4) Le stress comme objet d’étude : approches causalistes
5) Le stress a-t-il une répercussion sur l’efficacité ou la performance ?
6) Conséquences du stress sur la santé
B. Les troubles musculo squelettiques (T.M.S)
1) Quelle en est la définition ?
2) Où se localisent-ils principalement ?
3) Comment apparaissent-ils ?
4) Que représentent-ils en chiffres ?
III. Le plat principal : élaboration et réalisation des ateliers psychomoteurs
A. Quelles distinctions entre médiation, activité physique et méthode ?
1) Qu’est-ce qu’une médiation ?
a) N’est-ce pas une notion juridique ?
b) Pourquoi est-elle employée en psychomotricité ?
2) Définition de l’activité physique
3) Qu’en est-il pour une méthode ?
B. Choix des médiations en fonction de nos observations et des questionnaires
1) La détente inspirée de la relaxation
2) En quoi la méthode Pilates peut-elle être utile dans notre atelier ?
3) Bénéfices supposés de ces deux médiations dans nos ateliers
a) Définition du tonus et tonicité
b) Comment agissent les médiations proposées ?
c) Pourquoi avons-nous choisi cet ordre de médiations et leurs répartitions ?
C. Notre emploi du temps en tant que stagiaires dans les écoles
D. Cadre et déroulement des ateliers
IV. La garniture ou bilan des ateliers proposés
A. Échelle de Stress Perçu
B. Questionnaire Nordique
C. Questionnaire évaluation finale : retours, bilan des participants
D. Questionnaire évaluation finale : retours, bilan des non participants
E. Questionnaire évaluation finale : retour du Médecin du travail
V. Le dessert ou discussion
A. Analyse des résultats résumés et arguments
B. Biais organisationnels rencontrés au cours des ateliers
C. Postures de stagiaires
CONCLUSION
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