Psychologie écologique

Psychologie écologique

Durant les dernières années, l’importance des tirs au but dans les compétitions officielles internationales est en pleine croissance. On constate que prêt d’un quart des matchs (4/15), lors de la phase finale de la coupe du monde 2014 ont eu recourt à une séance de tir au but pour départager les deux protagonistes. Lors de l’Euro 2016 un cinquième des matchs ont subi la même issue et pour ce qui est de la Ligue des Champions, 11 finales sur 32 (depuis 1984, la version moderne de la LDC) ont terminé avec une séance de tir au but.

De plus, une faute commise à l’intérieur de la surface de réparation provoquant un coup franc direct donne à l’équipe adverse un coup de pied de réparation. Ce genre de situation a une influence particulièrement grande sur le dénouement d’une rencontre. Lors de la coupe du monde 2014, environ 7,02% (12/171) des buts inscrits le sont sur coup de pied de réparation et 7,41% (8/108) lors de l’Euro 2016.

De plus, on sait qu’entre 20% et 35% des coups de pieds de réparation sont manqués (Franks & Harvey, 1997; Kuhn, 1988). On peut donc en déduire que malgré les difficultés pour le tireur, notamment la pression que doit gérer le joueur, l’attaquant reste en position de force lors de cet exercice. Cela peut s’expliquer par le fait que les joueurs ont mis des  stratégies en place, afin d’obtenir un taux de réussite aussi élevé que possible. Il a d’ailleurs été montré que 75% des tireurs attendent que le gardien choisissent un côté avant de placer le ballon à l’opposé (Kuhn, 1988). Même si cela paraît particulièrement difficile à contrer pour le gardien, qui va devoir trouver le moment exact pour plonger. En effet, il va devoir plonger suffisamment tôt, pour avoir mécaniquement la possibilité d’arrêter le ballon et suffisamment tard pour éviter au tireur de changer d’option et de tirer à l’opposé de son mouvement. Les informations perçues et traitées par le gardien, avant que le joueur ne frappe, auront donc une importance capitale.

Coordination visuo-motrice

L’être humain utilise ses sens afin de produire des mouvements dans un but précis. La coordination visuo-motrice est l’habileté à créer une commande motrice à partir d’information visuelle (McLeod, 1994).

Ces informations sont particulièrement importantes, notamment pour l’apprentissage moteur ainsi que pour la performance motrice. L’apprentissage moteur passe par plusieurs étapes afin d’acquérir un mouvement encore inconnu jusque-là. Il demande une phase d’apprentissage physique obligatoire. La performance motrice, elle, débute lorsque le mouvement est en partie ou totalement connu et que l’on veut planifier ou produire ce mouvement afin d’atteindre un but précis. C’est ce qu’on appelle aussi le contrôle moteur. Il n’y a pas de point précis entre la phase d’apprentissage et de performance cela est dû au fait que l’on peut être expert dans un domaine et novice dans un autre.

Psychologie cognitive

La psychologie cognitive nous permet de comprendre comment fonctionne le cerveau lors du traitement de l’information. On peut la considérer comme « the study of how people perceive, learn, remember, and think about information ». Sternberg (2003, p.527) Cela comprend le gain d’information sur le monde environnant, le stockage d’information dans la mémoire et nous permet de comprendre comment la connaissance est utilisée pour résoudre des problèmes, penser ou même parler. Selon Summers (Summers, 2004, p.7), il y a trois étapes lors du traitement de l’information. La perception, la prise de décision et enfin la sélection de la réponse. Mais comme il est difficile de mesurer l’information traitée lors d’un processus cognitif, les psychologues ont défini dans la psychologie cognitive des « sub-areas » permettant de comprendre comment l’information est acquise, traitée et quels sont les effets sur les comportements humains. Voici quelques « sub-areas » :
• Les neurosciences cognitives : Détermine les zones du cerveau qui sont utilisées lors du traitement de l’information
• Sensation et perception : Traitement de l’information sensorielle dans un court intervalle de temps (< 100ms)
• Attention : Sélection des informations utiles parmi un vaste choix d’informations. Peut prendre entre 120 et 200 ms (utilise les cinq sens)
• Conscience : Explique pourquoi nous sommes conscients de certaines choses et non d’autres. Domaine relativement mystérieux.
• Mémoire : Stockage et utilisation des informations
• Langage : Explique l’expression littéraire sous toutes ses formes.
• Résolution de problème : Explique comment on utilise notre attention, perception, etc… afin de résoudre certaines situations problématiques.
• Prise de décision et raisonnement : Choix des alternatives
• Créativité : Compréhension de la génération de pensées originales
• Développement cognitif : Description des modifications dans le cerveau entre la naissance et le 3ème âge.
• Intelligence et expertise : Défini pourquoi certaines personnes ont des talents dans certains domaines.
• Intelligence artificielle, robotique, facteurs humains : Permet deµ comprendre l’interaction entre les hommes et le monde ainsi que de créer des machines agissant comme les humains.

Les domaines de l’attention, des sensations et perceptions vont jouer un rôle prépondérant dans notre étude notamment sur le temps nécessaire pour sélectionner l’information visuelle (120-200ms). Cela corrobore parfaitement avec les études de (Kerwin & Bray, 2006) et (Schmidt & Lee, 2011).

Psychologie écologique (Gibson (1966, 1979))

La psychologie écologique ou perception direct base ses fondements sur le fait que l’homme perçoit l’environnement dans lequel il performe, sans aide extérieur tel la mémoire ou la connaissance. Cela implique qu’il existe aussi une psychologie indirecte qui prend en compte l’intervention de la mémoire ou de la connaissance stockée dans le cerveau. L’idée de la théorie de Gibson est que les informations visuelles existent de façon invariante dans l’environnement. C’est à dire qu’elles ne changent pas et gardent la même qualité dans toutes les situations. La contribution la plus importante de Gibson est la découverte du réseau optique, qui est la projection de l’environnement visible et du flux optique, qui est le changement du réseau optique. Il est dû par exemple au mouvement de l’observateur ou au mouvement d’un objet dans le champ visuel de l’observateur.

Gibson explique encore que nous faisons beaucoup de mouvements, sans même avoir conscience de les faire, et donc nous ne passons pas toujours par les différents niveaux cognitifs décrits ci-dessus. C’est pour cela qu’il nous est parfois très difficile d’expliquer comment nous effectuons un mouvement.

Le coup de pied de réparation

Football moderne et coup de pied de réparation

Comme nous l’avons dit ci-dessus, le tireur se trouve en position favorable face auµ gardien. En effet la taille d’un gardien oscille entre 1m 85 et 2m en moyenne, ce qui lui donne une envergure de bras entre 1m 90 et 2m20.

Facteurs sensorimoteurs affectant le coup de pied de réparation

Le coup de pied de réparation est un exercice incluant deux parties, le gardien et le tireur. Chacune de ces parties va être affectée dans sa performance par les facteurs sensorimoteurs. Si nous nous focalisons sur la performance du gardien, ce dernier doit utiliser les informations perçues avant la frappe pour «deviner » de quel côté va partir le tir. Comme vu ci-dessus, le gardien ne peut attendre le contact pied-balle, sans quoi il n’aurait aucune chance d’arrêter le pénalty. Le gardien a donc trois options :
– Rester au centre de la cage
– Choisir un côté de façon aléatoire
– Prédire la direction du tir et anticiper en plongeant avant le contact piedballe La troisième option est la plus utilisée par les gardiens et d’après Franks et Harvey (Franks & Harvey, 1997), les informations capitales se trouvent sur la jambe d’appui 250 ms avant le contact pied balle. Ce qui ne laisserait au gardien qu’environ 750 ms pour traiter l’information et exécuter le mouvement. Hors nous avons démontré précédemment qu’il fallait au moins 880 ms au gardien pour effectuer le mouvement complet. Une étude plus récente analyse le mouvement complet du corps, notamment par l’intermédiaire du déplacement des différents segments du corps (Diaz, Fajen, & Phillips, 2012). Elle a montré que la conjonction des informations locales avec le déplacement des différents segments corporels est une source fiable pour la prédiction de la direction d’un tir.

Les tireurs quant à eux ont mis deux stratégies en place une stratégie indépendante du gardien de but et une stratégie dépendante du gardien de but. Dans le premier cas, le joueur n’est d’aucune manière influencé par le gardien et ses mouvements. En effet, il choisit un côté et s’y tient quoi qu’il advienne. Dans le cas d’une stratégie dépendante du gardien de but, le joueur choisit aussi un côté, mais il s’attend à ce que le gardien plonge avant la fin de sa course d’élan. Il peut ainsi modifier son tir et tirer dans le goal vide. Dans ce cas de figure, trois scénarios sont possibles :
– Le gardien ne bouge pas lors de la phase d’élan. Le joueur s’en tient donc à son plan A et frappe du côté choisi.
– Le gardien plonge avant le contact pied-balle du côté opposé à celui choisi avant la frappe. Le joueur ne change donc pas son idée de base.
– Le gardien plonge avant le contact pied-balle du côté choisi par le tireur. Leµ tireur doit donc modifier son tir et ses mouvements, afin de tirer dans le côté opposé. Mais les boucles sensorimotrices demandent un temps minimum pour modifier le mouvement lors de l’exécution.

Le temps nécessaire aux boucles sensorimotrices est un point crucial pour les gardiens, car c’est à ce moment-là que tout va se jouer entre lui-même et le tireur. Voyons cela d’un peu plus près. Selon Greg Wood et Mark R. Wilson (Greg Wood et Mark R. Wilson, 2010), le tireur utilise un troisième de type de stratégie, différent des stratégies dépendantes et indépendantes du gardien. Cette troisième technique consiste à regarder le côté opposé à l’endroit ciblé. Laµ précision du tir n’est pas significativement différente d’un tir où le joueur regarde la zone ciblée. La technique la plus utilisée reste la stratégie dépendante du gardien comme dans l’expérience de (Kuhn, 1988), une technique moins précise et moins efficace, que lorsque le regard est fixé sur la cible ou le coin opposé à la cible.

Le temps et les boucles sensorielles contrôlant l’exécution du coup de pied
de réparation 

Le temps nécessaire afin de modifier un mouvement et de le réussir, a été en neurosciences, le sujet de nombreuses études pour des mouvements relativement basiques (mouvement de la main dans le prolongement du mouvement). Lors de modifications d’un mouvement simple dû à un stimulus visuel, on peut observer une déviation de la trajectoire de base de la main entre 280 et 350 ms après la perturbation visuelle et un changement de la vitesse entre 190 et 280 ms après la perturbation visuelle (Johnson, Van Beers, & Haggard, 2002; Prablanc & Martin, 1992; F. Sarlegna et al.,  2003). Certaines études ont observé un temps encore plus court, avec une modification de la trajectoire de la main, 130 ms µ après le stimulus (Day & Lyon, 2000) et un premier changement dans la réponse électromyographique après seulement 110 ms (Reichenbach, Thielscher, Peer, Bulthoff, & Bresciani, 2009; Soechting & Lacquaniti, 1983). Mais toutes ces recherches sont focalisées sur un mouvement simple de la main et non pas sur un mouvement aussi complexe que le coup de pied de réparation au football. Deux études testent le temps minimum nécessaire au tireur pour changer la direction de leur tir. Morya, Ranvaud, & Pinheiro essaye de déterminer ce temps minimum à l’aide de simulations informatiques, où des points représentent le gardien, le joueur et le ballon (Morya, Ranvaud, & Pinheiro, 2003). Le participant voit le point représentant le joueur avancer en direction du ballon et doit choisir de quel côté par le ballon lors du contact pied-balle en levant un des deux leviers représentant la droite ou la gauche. Le point représentant le gardien peut bouger et le participant doit ainsi modifier son choix en fonction du déplacement du gardien. Ils ont pu observer lors de cette étude, que lorsque le déplacement du gardien se fait 400 ms avant le contact pied-balle, 100% des participants redirigent le ballon vers le côté vide du but et en dessous de 150 ms la réussite atteint le facteur chance de 50%.

Cela nous donne un ordre d’idée du temps minimum mais nous ne nous permet pas de définir réellement le temps nécessaire car on substitue le mouvement complexe qu’est le coup de pied de réparation par un geste beaucoup plus simple de la main. De plus tous les acteurs sont représentés par des points et le participant ne fait pas partie intégrante du système. Van der Kamp va tenter lui aussi de trouver le temps minimum afin de changer la trajectoire d’un tir, mais avec une technique respectant plus la situation écologique du coup de pied de réparation (van der Kamp, 2006). Pour cela, il se rend sur un vrai terrain de football et il place des cibles lumineuses à droite et à gauche du but. Il demande ensuite aux tireurs de frapper en direction de ces dernières. Il peut naturellement changer la lumière de cible durant la phase d’élan. Il constate que le temps minimum requis pour changer la direction du tir est située entre 400 et 600 ms. Toutefois les faits montrent que l’exécution de cette étude n’est pas parfaite. On peut notamment critiquer le type de stimuli visuel utilisé ou encore le fait que le gardien, par sa présence (van der Kamp & Jackson Masters, 2007), sa posture (van der Kamp & J. Masters, 2008) et ses mouvements sur la ligne de but (Wood & Wilson, 2010) influence fortement le tireur. On peut néanmoins dire que les résultats trouvés sont nettement plus proche de la réalité que l’expérience de Morya, Ranvaud, & Pinheiro (Morya, Ranvaud, & Pinheiro, 2003).

Une étude de l’université de Fribourg a testé la capacité chez des jeunes de 11-12 ans à rediriger un coup de pied de réparation dans le cas où le gardien plonge du côté choisi par le joueur (Travail de Master Loris Molisani, 2016). La scène virtuelle d’un gardien de but dans sa cage est projetée sur un écran géant. Les joueurs reçoivent alors un entraînement durant quatre semaines. Le temps minimum requit afin de modifier la direction de son tir est en moyenne, lors du pré-test, de 430 ms et lors du post-test de 390 ms. Une performance particulièrement bonne a été observée avec un temps de réaction de 321 ms. Ces données sont particulièrement intéressantes pour les gardiens, elles vont leurs permettre de trouver des informations objectives et percutantes sur la direction du tir avant le temps minimum nécessaire à la redirection du tir.

CONCLUSION

Les points précédents nous ont permis de comprendre beaucoup de chose sur notre étude et sur les points à améliorer lors d’une prochaine tentative d’apprentissage au coup de pied de réparation sur des gardiens de niveau intermédiaire. Nous avons néanmoins pu mettre en lumière l’importance de l’anticipation et la difficulté qu’ont les gardiens à trouver les informations essentielles sur des timings aussi courts qu’une course d’élan lors d’un coup de pied de réparation. Malgré le fait que les sujets soient des gardiens aguerris, on constate qu’il est compliqué de laisser les gardiens sans aide extérieur à part la vidéo. On ne peut donc pas substituer les conseils d’un coach uniquement par de l’entraînement vidéo. On peut donc en conclure que l’entraînement par vidéo, sans aide extérieure, de la prise de décision de plonger à gauche ou à droite lors d’une séance de tir au but n’est pas efficace. Du moins sur une période d’entraînement aussi courte que celle proposée dans cette étude.

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Table des matières

1. INTRODUCTION 
1.1 Contexte
1.2 Coordination visuo-motrice
1.2.1 Psychologie cognitive
1.2.2 Psychologie écologique (Gibson (1966, 1979))
1.3 Le coup de pied de réparation
1.3.1 Football moderne et coup de pied de réparation
1.3.2 Facteurs sensorimoteurs affectant le coup de pied de réparation
1.3.3 Le temps et les boucles sensorielles contrôlant l’exécution du coup de pied de
réparation
1.3.4 Anticipation et recherche d’informations visuelles
1.4 But du travail et question de recherche
1.5 Hypothèses de recherche
2. METHODE
2.1 Sujets
2.1.1 Tireurs
2.1.2 Gardiens
2.2 Matériels
2.3 Procédure
2.3.1 Tireurs
2.3.2 Gardiens
2.4 Enregistrement des données
2.5 Analyse des données
3. RESULTAT
3.1 Résultats par sujets
3.2 Normalité
3.3 Paired T-test
3.4 Résultats Eye-tracking
4. ANALYSE DES RESULTATS
5. DISCUSSION
5.1 Succès et limites du travail
Travail de Master Tonnetti Benoit
5.2 Développement possible de l’étude
5.3 Comparaison avec d’autres études
6. CONCLUSION

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