Psychodynamique : l’École de Palo Alto

Psychodynamique : l’École de Palo Alto

Contexte externe

Depuis les Trente glorieuses, l’Etat traverse des crises économiques successives qui enjoignent les élus à revisiter leurs politiques et la gestion étatique, notamment par l’introduction de la Nouvelle gestion publique (NGP) (De Visscher & Varone, 2004) et, poussent ainsi les institutions à poser des objectifs pour répondre aux mandats et contrats de prestation visant l’efficience. Ainsi, la Confédération, dans un souci d’économie, a mis en place dès les années 1980 des réformes administratives inspirées de la NGP. Une orientation de cette réforme a eu des conséquences directes sur les institutions par « l’introduction d’éléments propres à l’économie de marché et aux principes de la concurrence2 ». Les bouleversements se situent alors à plusieurs niveaux dont notamment, selon de Gaulejac (2015), celui de la révolution numérique, d’une mutation accélérée et de la domination de la logique financière. Le management des institutions étatiques ou subventionnées doit alors évoluer pour répondre à ces changements sociétaux et leurs nouveaux paradigmes. La politique fédérale actuelle sur l’enfance et la jeunesse se base sur la Constitution suisse et estime que la protection de cette population « requiert la construction d’une politique de l’enfance et de la jeunesse coordonnée et intégrée, plutôt que le développement de secteurs isolés3 ». Cela exige une certaine coopération entre les différents acteurs pour assurer la cohésion.

Ainsi, la Confédération pose les paradigmes de concurrence et de coopération. En 2008, le Service de la recherche de l’éducation4 (SRED) met en exergue la nécessité d’un soutien à la parentalité en milieu ouvert (à domicile et en ambulatoire) dans le canton de Genève comme alternative au placement, notamment trop coûteux. L’Action éducative en milieu ouvert (AEMO) est donc créée en 2009. En janvier 2016, suite à un constat du nombre élevé d’hospitalisations sociales de mineurs et d’une interpellation au Grand Conseil, l’Office de l’enfance et de la jeunesse libère des fonds pour la mise en place d’une AEMO petite enfance (APE). L’APE a pour mission principale de diminuer les hospitalisations sociales de bébés entre 0 et 2 ans, en favorisant des retours à domicile avec un accompagnement intensif et individualisé à chaque situation. Cette prestation est issue d’un besoin identifié tant par les organes financeurs pour des économies substantielles (coûts élevés d’une journée hospitalière) que par les professionnels de tous bords qui relèvent l’inadéquation d’une prise en charge hospitalière pour des difficultés psycho-sociales, notamment en termes de développement psycho-affectif du bébé. Le 15 décembre 2016, le Grand conseil genevois, sous l’impulsion d’un rapport de la Cour des comptes5, adopte un budget supplémentaire de 500’000.- pour les prestations AEMO confiées à l’AEMO Genève. L’APE est également confirmée pour 1,5 poste dont 0.5 en provisoire.

Démarche inductive

Une démarche inductive est basée sur des faits, des données, des situations vécues ou observées pour construire des théories générales (Breviglieri, 2016). « Le va-et-vient continu entre lectures et terrain permet d’affiner une problématique solide » qui se précise au fur et à mesure (d’Arripe, Oboeuf, & Routier, 2014, p. 6). « L’approche inductive élabore de façon formelle son canevas de recherche en cours de collecte de données pour en faciliter l’analyse rigoureuse » (Rispal, 2002, p. 51, cité par d’Arripe, Oboeuf, & Routier, 2014, p. 4). Une telle démarche permet de rendre compte de la complexité des situations vécues. Les auteurs relèvent toutefois la nécessité de tenir compte, lors de la récolte des données, de la subjectivité du chercheur, qui « appréhende les phénomènes avec sa sensibilité théorique et ses connaissances antérieures » (d’Arripe, Oboeuf, & Routier, 2014, p. 5).

Il se doit de garder l’esprit ouvert pour ne négliger aucune direction de pensées qui émergent au fil de la recherche. Le chercheur part « […] d’une idée, encore mollement formulée, va sur le terrain, recueille des données en tous sens, revient vers ses lectures et commence à organiser ses données, retourne sur le terrain, lesté de questions déjà mieux conceptualisées et repart enfin, avec de premières réponses, vers une formulation généralisante » (Winkin, 2001, pp. 190-191, cité par d’Arripe, Oboeuf, & Routier, 2014, pp. 5-6). Cette recherche suit cette démarche inductive au sens du continuel va-et-vient entre, d’une part, les situations vécues et les apports théoriques et entre, d’autre part, la position d’objet de recherche et de chercheuse. Elle s’inscrit dans un paradigme constructiviste par la complémentarité du subjectivisme du chercheur avec le relativisme de la réalité perçue des données collectées (Avenier et Thomas, 2011, p. 10, cité par Quintin, 2012, p. 15). L’objectivation s’est organisée et construite autour de l’évolution de la pensée et de l’émergence de nouvelles pistes de réflexion par la confrontation entre l’expérience du réel, la théorie et l’intersubjectivité.

Récoltes des données

J’ai choisi deux personnes de fonctions différentes (managériale et opérationnelle) dans la perspective de mettre en lumière ce que j’ai mobilisé dans la dynamique des situations et ainsi expliciter mes actions visibles et invisibles lors de situations paradoxales identifiées. L’intérêt de cette double strate est de pouvoir repérer les différents niveaux de dialogues face aux enjeux. Il est à noter que j’entretiens de bonnes relations avec ces deux personnes, qu’un climat de confiance est établi. L’accès au réel de l’activité se trouve modifié selon à qui l’on s’adresse ; « le destinataire de la verbalisation est constitutif de son contenu » (Vermersch, 1994, cité par Clot, 2000, p. 138). L’analyse provient, d’une part, de la description écrite des actions situées et de mon regard posé sur leur déroulement factuel et subjectif et, d’autre part, des deux entretiens individuels, de 36 minutes environ, que j’ai enregistrés en audio et que j’ai ensuite retranscrits mot-à-mot. De cette récolte de données écrites, j’ai procédé à une autoconfrontation simple en commentant certains passages écrits en italique, que j’ai considérés comme significatifs mais non exhaustifs. Dans l’autoconfrontation le travail peut se dire, un regard extérieur est posé (Libois, 2013, p. 93). Le chercheur peut provoquer sa propre analyse (Clot, 2005, p. 44). Cette approche s’inscrit dans le courant de la phénoménologie « qui a pour méthode de décrire le sens donné à un phénomène » (Becherra, 2002, cité par Ribau, 2005, p. 4.). La subjectivité de la narration n’est pas un biais mais bien une base de données à étudier (Ribau, 2005).

Attitude sensible

Dans la description de l’expérience, le je du sujet se manifeste, il s’agit alors pour le chercheur d’accueillir le sens qui se donne dans ce croisement entre l’expérience subjective et l’expérience intersubjective (Morais, 2013). Dans sa description, le chercheur permet de dévoiler les existantiaux (temporalité, corporéité, spatialité…) qui donnent sens à l’expérience. A ces existantiaux s’ajoute la formativité humaine (Honoré, 1992, p. 65, cité par Morais, 2013, p. 505) qui postule que l’homme existe en formation toute sa vie. « La formativité est le principe opérant de la formation de soi : nous nous formons depuis nos expériences de vie, en suivant une série continue d’expériences qui constituent la vie consciente » (Dewey, cité par Zask, 2003, cité par Morais, 2013, p. 506). Cette reprise des expériences passées pour les projeter vers l’avenir construit le sens dans le développement du sujet (Morais, 2013, p. 506).

La thématisation permet de comprendre une expérience non seulement par son incarnation mais également par ce qu’elle fait vivre à travers elle par sa mise en conscience en donnant une dimension expérientielle de l’expérience (Idib., p. 506). « Si j’arrive à dégager de mon expérience tout ce qu’elle implique, à thématiser ce qu’il m’a été donné de vivre à ce moment-là, j’arrive à quelque chose qui n’est pas singulier, qui n’est pas contingent et qui est l’expérience dans son essence » (Merleau-Monty, 1975, p. 18, cité par Morais, 2013, p. 506). Le chercheur lâche prise et accueille ce qui se présente à lui. « L’ancrage corporel de la pensée, s’accorde au principe de la vie de l’esprit au coeur de la subjectivité chez Heidegger, du même qu’au rôle du corps et de la sensibilité dans les fonctions cognitives rencontrées chez Merly-Ponty » (Morais, 2013, p. 507).

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Table des matières

MOTS CLÉS
REMERCIEMENTS
1 RÉSUMÉ
2 INTRODUCTION
2.1 CHOIX DU SUJET
2.2 CHOIX DE LA MÉTHODE D’INVESTIGATION ET D’ANALYSE
3 CADRE DE LA RECHERCHE
3.1 PROBLÉMATIQUE
3.2 CONTEXTES DE LA RECHERCHE
3.2.1 Contexte externe
3.2.2 Contexte interne
3.3 AXE, OBJET ET SUJET DE RECHERCHE
3.3.1 Axe
3.3.2 Objet
3.3.3 Sujet
3.4 QUESTION DE RECHERCHE
4 MÉTHODOLOGIE
4.1 DÉMARCHE INDUCTIVE
4.2 CHAMP D’INVESTIGATION
4.3 OUTIL D’INVESTIGATION
4.4 RÉCOLTES DES DONNÉES
4.5 MÉTHODE D’ANALYSE : LA PHÉNOMÉNOLOGIE
4.5.1 Attitude phénoménologique
4.5.2 Attitude engagée
4.5.3 Attitude ouverte
4.5.4 Attitude sensible
4.5.5 Attitude poïèse
4.6 CADRE D’ANALYSE
4.7 CHOIX DES ACTIONS SITUÉES
4.7.1 1ère action située / Table ronde
4.7.1.1 Pré-acte
4.7.1.2 Acte
4.7.1.3 Post-acte
4.7.2 2ème action située / Coopération versus concurrence
4.7.2.1 Pré-acte
4.7.2.2 Acte
4.7.2.3 Post-acte
4.8 ETHIQUE DE LA RECHERCHE
4.9 ELÉMENTS THÉORIQUES
5 APPROCHES ET RÉFÉRENCES THÉORIQUES
5.1 RECHERCHES THÉORIQUES
5.2 PARADOXE ET SITUATION PARADOXALE
5.2.1 Sociologique : d’un point de vue de l’évolution des organisations
5.2.2 Psychodynamique : l’École de Palo Alto
5.2.3 Philosophique : la pensée complexe
5.2.4 Choix épistémologique
5.3 ANALYSE DE L’ACTIVITÉ
5.3.1 La clinique du travail
5.3.2 Travail prescrit – travail réel – intelligence pratique
5.3.3 Analyse de l’activité et travail social
5.4 L’ACTEPOUVOIR
5.5 FONCTION DIRIGEANTE
5.5.1 Ethique et responsabilité
5.5.2 Le manager et le paradoxe
6 RECUEIL DE DONNÉES
6.1 SITUATION 1 : TABLE RONDE
6.1.1 Avec le supérieur hiérarchique
6.1.2 Avec la collaboratrice
6.2 SITUATION 2 : COOPÉRATION VERSUS CONCURRENCE
6.2.1 Avec le supérieur hiérarchique
6.2.2 Avec la collaboratrice
6.3 RÉFLEXIONS PERSONNELLES
7 ANALYSE DES DONNÉES
7.1 L’ANALYSE DE L’ACTIVITÉ
7.2 LA COMPLEXITÉ
7.3 MANAGEMENT ET ÉTHIQUE
7.4 DES PARADOXES
7.5 CONCLUSION
8 CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
8.1 CONCLUSION PERSONNELLE
8.2 CONCLUSION PROFESSIONNELLE
8.3 CONCLUSION DE LA RECHERCHE
8.4 PERSPECTIVES
9 GLOSSAIRE
10 BIBLIOGRAPHIE
10.1 GÉNÉRALE
10.2 PARADOXE ET COMPLEXITÉ
10.3 ANALYSE DE L’ACTIVITÉ
10.4 MANAGEMENT

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