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Les techniques de lithographie émergentes
D’autres approches de lithographie ont été développées pour remplacer ou compléter la lithographie conventionnelle, repoussant ainsi ses limitations. Ces techniques semblent être prometteuses pour réduire davantage le CD et le pitch des circuits intégrés à réaliser. Parmi elles seront présentées succinctement la lithographie extrême UV (EUV), la lithographie électronique (e-beam), la nano-impression (NIL) et l’auto-assemblage dirigé des copolymères à blocs (DSA).
La lithographie extrême UV « EUV »
La lithographie optique à immersion atteignant ses limites, les industriels ont dû choisir entre deux stratégies de développement pour adresser les nœuds technologiques plus agressifs.
La première se base sur l’utilisation de la technologie 157 nm, suite logique du 193 nm mais solution temporaire puisqu’elle ne permet pas de répondre aux besoins des nœuds technologiques en dessous du 22 nm. De plus, l’incompatibilité des résines utilisées pour les lithographies 248 nm et 193 nm avec la longueur d’onde 157 nm constitue un point bloquant au développement de cette
technologie. A cette longueur d’onde, les résines sont absorbantes, ce qui signifie que seule une faible épaisseur de résine en surface de la plaque de silicium est insolée lors de l’étape de lithographie. Ainsi, l’épaisseur maximale du dépôt est limitée, ceci pouvant conduire à des motifs ne débouchant pas sur la couche inférieur et donc des défauts lors du transfert par gravure [Bates 2001].
La deuxième stratégie est celle d’investir dans la recherche de sources optiques émettant à une longueur d’onde de 13.4 nm. Le développement de cette technologie dite « extrême UV » (EUV) permet d’avoir des sources dont la longueur d’onde est bien en-dessous du nœud technologique visé, rendant la fenêtre de procédé lithographique plus confortable [Mojarad 2015]. Il reste cependant plusieurs verrous technologiques à lever. Les sources lumineuses à cette longueur d’onde ont une puissance maximale d’environ 40 W, ce qui ne permet pas de tenir la cadence de production de la lithographie conventionnelle. En effet, les sources EUV actuellement utilisées en recherche et développement permettent de produire environ 50 à 100 plaques par heure, là où la lithographie 193i en produit 200 dans le même temps. Les masques sont également très coûteux puisque les motifs qui les composent doivent être imprimés avec un CD de l’ordre de 50 nm. A ce besoin de précision se rajoute une défectivité qui doit être d’environ 0.34 défauts par masque, alors
qu’actuellement ce taux est plutôt autour de 40 à 50 défauts par masque [Wu 2014].
La nano-impression
La lithographie par nano-impression (NIL pour Nano-Imprint Lithography) est une technologie où le transfert de motif se fait non pas par contraste chimique mais par contraste topographique.
Le motif est imprimé en trois dimensions à l’aide d’un moule qui est en contact direct avec la résine. Deux approches se déclinent :
– la nano-impression thermique [Chou 1995] (cf. figure I-8 (a)) : la résine et le moule sont chauffés à une température supérieure à la température de transition vitreuse de la résine (notée Tg). Le moule est ensuite pressé sur la résine ramollie. La séparation du moule et du substrat se fait à une température plus basse que la température Tg de la résine afin que cette dernière soit rigide et que les motifs imprimés ne soient pas détériorés.
– la nano-impression assistée par UV [Haisma 1996] (cf. figure I-8 (b)) : une résine fluide et photosensible est déposée sur le substrat. Le moule, transparent au rayonnement ultraviolet, est pressé contre la résine. Une insolation UV du moule va permettre de photopolymériser la résine et ainsi la durcir. Le retrait du masque permet de révéler les motifs.
Les morphologies du copolymère à blocs
Le potentiel du copolymère à blocs pour la lithographie réside dans la structure hétérogène de la chaîne de polymère, combinée à l’immiscibilité des deux homopolymères qui la constitue. En effet, lors d’un mélange en solution de deux homopolymères non miscibles, il se produit une macroséparation de phase, à l’instar de l’eau et de l’huile. Dans le cas du copolymère dibloc, les deux homopolymères sont liés entre eux par une liaison covalente, limitant ainsi la séparation de phase en nano-domaines lorsqu’elle a lieu. Cette micro-séparation de phases est gouvernée par le produit χN qui est l’énergie d’incompatibilité thermodynamique. Ce produit est propre à chaque copolymère. Le paramètre de Flory-Huggins, noté χAB, est le degré de miscibilité des deux blocs du copolymère [Flory 1953]. Il est inversement proportionnel à la température. A une température donnée, plus χAB est grand, plus la répulsion entre les blocs A et B est grande. Le nombre de monomères dans la chaîne de polymère est noté N. En dessous d’une valeur théorique de χN=10.5, la limite ordre-désordre est atteinte [Leibler 1980]. Cela signifie que les deux homopolymères ne sont pas assez incompatibles et/ou que les chaînes sont trop courtes pour que la micro-séparation de phases se produise. Pour χN<10.5, la morphologie est désordonnée.
Pour un copolymère à χN≥10.5, la morphologie des nano-domaine dépend de la fraction volumique des deux blocs A et B (notée respectivement fA et fB), elle-même dépendante du nombre de monomère composant la chaîne de polymère (cf. équation I-2). ?? = ?? ?? + ??.
Les nano-domaines pour la lithographie
Afin de l’utiliser comme résine pour la lithographie, le copolymère à blocs doit être structuré en film mince. En micro-électronique, le support va être la plaque de silicium dont la surface a pu être ou non structurée, modifiée ou recouverte d’un empilement technologique particulier. En pratique,ce sont surtout les morphologies cylindrique et lamellaire qui vont nous intéresser pour des applications lithographiques. En effet, dans l’approche classique, il est nécessaire de transférer les motifs créés par DSA dans les couches inférieures.
Organisation en surface libre
Quand il est déposé en film mince sur plaque de silicium non structuré, nous parlons d’autoorganisation du copolymère à blocs en « surface libre ». L’orientation des nano-domaines dépend de l’épaisseur du film mais également des énergies d’interfaces polymère/substrat et air/polymère. Souvent, le matériau déposé sur le substrat, qui est donc en contact direct avec le polymère, a une énergie de surface différente pour les deux blocs. Ceci a pour conséquence d’attirer préférentiellement un bloc par rapport à l’autre. La surface est dite « affine » avec le bloc en question. Dans le cas du copolymère poly(styrène-bloc-méthacrylate de méthyle) noté PS-b-PMMA, le bloc PMMA est hydrophile alors que le bloc PS est plus hydrophobe car il possède une énergie de surface plus faible. Ainsi, lorsque le PS-b-PMMA lamellaire est déposé sur une couche d’oxyde de silicium, plutôt hydrophile, les lamelles seront orientées parallèlement au substrat, avec une couche de mouillage de PMMA sur l’oxyde et une couche de PS à l’interface avec l’air [Kim 2010].
Pour le poly(styrène-bloc-diméthylsiloxane) noté PS-b-PDMS, le bloc PDMS a une énergie de surface plus faible que le PS (19.9 mN/m contre 40.7 mN/m). Le PDMS forme donc une couche dit de « démouillage » à l’interface air/polymère [Jung 2007].
L’orientation des phases par rapport au substrat est également régie par la différence entre l’épaisseur du film de copolymères et l’espacement entre deux nano-domaines répétitifs appelé « période intrinsèque » du polymère et noté L0. Elle varie selon la morphologie du copolymère considéré.
Polymère lamellaire : les deux blocs sont présents en proportion égale dans le copolymère.
• Dans le cas où un seul des blocs a une affinité préférentielle avec l’air ou le substrat, ou les deux, et que l’épaisseur du film est supérieure à L0, une orientation des domaines parallèlement au substrat est observée. Si l’interaction est symétrique (un bloc à la même affinité avec le substrat et l’air), l’épaisseur totale sera un multiple de L0. En cas d’interaction asymétrique (affinité d’un bloc avec le substrat et l’autre avec l’air), l’épaisseur sera égale à (n+1/2)L0 [Kim 2010].
Quand l’épaisseur du film est inférieure à L0, l’orientation des domaines est préférentiellement perpendiculaire au substrat (configuration la moins coûteuse en énergie), bien que les domaines puissent être ponctuellement parallèles à ce dernier [Walton 1994].
• Si aucun des blocs ne présente une affinité particulière avec la surface et/ou l’air, l’interface est dite « neutre ». Les nano-domaines sont orientés perpendiculairement au substrat quelle que soit l’épaisseur du film.
Polymère cylindrique : dans la morphologie cylindrique, un des deux blocs est majoritaire dans le copolymère à blocs.
• Comme pour la morphologie lamellaire, lorsque le film a une épaisseur supérieure à L0, les cylindres formés par le bloc minoritaire sont couchés (parallèles au substrat) [Van Dijk 1995]. Une couche de démouillage peut se former si le bloc minoritaire a une affinité plus grande avec l’air que l’autre bloc.
• Si les deux constituants du copolymère ont la même affinité avec l’air, des demi-cylindres couchés se forment à l’interface air/polymère.
• Lorsque l’épaisseur de polymère est de l’ordre de L0, les cylindres sont perpendiculaires au substrat.
Avantages et contraintes du DSA
Les avantages du DSA sont nombreux par rapport aux autres méthodes évoquées précédemment. Tout d’abord, les copolymères à blocs sont compatibles avec les procédés de micro-électronique (sous réserve d’avoir effectué une décontamination métallique préalablement). En effet, les polymères rentrent dans la composition des résines utilisées en lithographie conventionnelle et les solvants utilisés pour la dissolution du copolymère sont déjà présents dans les salles blanches. De
plus, le recuit des copolymères à blocs est équivalent à celui fait sur les résines standards : le rendement d’environ 200 plaques par heure est conservé.
Le DSA, lorsqu’il est compatible avec le procédé CMOS standard (notamment en termes de contamination métallique), permet d’utiliser les outils de lithographie conventionnelle sans Le DSA pour le CMOS avancé développement spécifique, ce qui permet une mise en production plus rapide. En comparaison avec le « multiple patterning » qui augmente le nombre de lithographie/gravure successives, le DSA se fait en un nombre plus réduit d’étapes et diminue considérablement le nombre de masques de lithographie utilisés.
Le DSA permet d’aller au-delà des limites de résolutions de la lithographie conventionnelle, tant en termes de dimensions critiques que de densité. Ainsi, cette technique permet de passer d’une ligne de largeur 55 nm, en bord de fenêtre de procédé du 193i, à environ 10 nm pour du PS-b-PMMA lamellaire. Le pitch est également amélioré : le DSA permet d’augmenter jusqu’à quatre fois la densité des motifs (passant d’un pitch de 80 nm à 20 nm en utilisant le PS-b-PMMA) [Wan 2015]. Certains polymères « high-χ » permettent d’adresser des densités encore plus grandes car ils s’organisent avec une périodicité de 12-15 nm [Cushen 2012].
Bien que n’étant plus mise à jour depuis 2015, l’ITRS a émis un avis consultatif sur le moyen terme sur l’évolution future des technologies et notamment de lithographie qui reste suivi aujourd’hui [ITRS 2015]. En particulier, plusieurs critères sont à prendre en compte pour juger de l’avancée d’une technologie et de sa maturité pour être adoptée par l’industrie et ce, en termes de dimensions, d’alignement, de latitude de procédé, de fidélité du transfert de motif à la gravure, de pitch, de défauts… Dans le tableau ci-dessous, nous avons positionné le DSA sur ces différents critères en prenant comme point de comparaison les spécifications de l’ITRS et de l’industrie en général (cf. tableau I-3).
L’empilement technologique
En lithographie 193i, la résine est généralement utilisée en faible épaisseur (80-100 nm), ce qui n’est pas suffisant pour transférer entièrement les motifs dessinés par insolation dans les couches sous-jacentes. Le recours à un masque dur est donc nécessaire. Il doit répondre à certains critères spécifiques à la lithographie (propriété anti-réflective, résistance au solvant) mais aussi aux contraintes du DSA (résistance à la gravure du copolymère et au recuit d’auto-organisation à haute température). L’empilement « SiARC/SOC » est utilisé de manière courante en lithographie 193i et répond à tous ces critères, c’est pourquoi nous l’avons choisi comme masque dur pour les procédés DSA. Le SiARC et le SOC sont des produits commercialisés fournis par JSR.
Le SiARC est une couche à base de silicium (Si containing Anti Reflective Coating) qui sert d’antiréflectif : il limite les réflexions multiples du faisceau lumineux sur la résine qui augmentent entre autres la rugosité des motifs imprimés. Le SOC (Spin-On Carbon) est une couche de polymères composée principalement de carbone, comme c’est le cas de la résine. Le SiARC est de nature chimique différente de celle de la résine et du SOC : la résine est peu consommée pendant l’ouverture du SiARC, et le SiARC est résistant à la gravure du SOC. Le dépôt de ces matériaux se fait par « spin-coating », ils sont donc très simples d’utilisation [Wei 2011]. Dans le schéma d’intégration des « VIA 0x » du C014 mis en place à STMicroelectronics, les contacts après DSA doivent être transférés dans une double couche de nitrure de titane (TiN) puis d’oxyde de silicium (SiO2 aussi appelé LTO pour Low Temperature Oxide). Cet empilement technologique complet a donc été utilisé pour faire la démonstration du procédé DSA pour l’application type « shrink de contact ». Cependant, les dépôts de TiN et de LTO nécessitent des infrastructures et un procédé plus complexe que les dépôts par « spin-coating » des matériaux SiARC et SOC. Pour les tests morphologiques préliminaires s’arrêtant après l’étape DSA, nous avons donc choisi de travailler sur l’empilement SiARC/SOC, plus simple à mettre en œuvre. Les épaisseurs des couches pour les deux empilements sont résumées dans le tableau ci-dessous (cf. tableau II-1).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : ETAT DE L’ART
I.1 CONTEXTE GENERAL DE LA MICROELECTRONIQUE
I.2 LA LITHOGRAPHIE EN MICROELECTRONIQUE
I2.1 La photolithographie (ou lithographie optique)
I2.1 Les techniques de lithographie émergentes
I2.1 Bilan
I.3 L’AUTO-ASSEMBLAGE DIRIGE DES COPOLYMERES A BLOCS
I3.1 Le copolymère
I3.2 Les nano-domaines pour la lithographie
I3.3 Diriger l’auto-assemblage en deux approches
I.4 LE DSA POUR LE CMOS AVANCE
I4.1 Les applications type ligne/espace
I4.2 Les applications type contact
I4.3 Avantages et contraintes du DSA
I.5 LE SUJET DE LA THESE EN CONTEXTE
I.6 CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE II : MATERIELS ET METHODES
II.1 LE PROCEDE DSA PAR GRAPHOEPITAXIE
II1.1 L’empilement technologique
II1.2 Définition des motifs de guidage
II1.3 La fonctionnalisation des surfaces de guidage
II1.4 Le procédé de planarisation
II1.5 Les matériaux
II.2 PROTOCOLE D’EVALUATION DES PERFORMANCES LITHOGRAPHIQUES
II2.1 Les dimensions critiques et leur dispersion
II2.2 La défectivité
II2.3 L’erreur de placement des contacts DSA
II.3 CONCLUSION
CHAPITRE III : ETUDE DU PROCEDE « SHRINK DE CONTACT »
III.1 ROLE DE L’AFFINITE DE SURFACE SUR LES PERFORMANCES LITHOGRAPHIQUES DU « SHRINK DE CONTACT »
III.2 TRANSFERT DU PROCEDE DSA VERS LA LIGNE DE PRODUCTION
III2.1 Mise en place des motifs de guidage
III2.2 Implémentation du procédé DSA avec le polymère C35
III2.3 Stratégie de relaxation de la contrainte de résolution des guides
III.3 ANALYSE DE LA DEFECTIVITE A GRANDE ECHELLE
III.4 TRANSFERT PAR GRAVURE DU MOTIF DSA
III.5 BILAN DES PERFORMANCES PAR RAPPORT A L’ETAT DE L’ART
III.6 CONCLUSION
CHAPITRE IV : ETUDE DU DEDOUBLEMENT DE CONTACTS PAR DSA
IV.1 MOTIVATIONS DE L’ETUDE
IV.2 METHODOLOGIE DE DETERMINATION DES FENETRES DE PROCEDES DU DEDOUBLEMENT DE CONTACT
IV.3 DEDOUBLEMENT DE CONTACTS DANS DES GUIDES ELLIPTIQUES AVEC UN COPOLYMERE C35
IV3.1 Détermination des fenêtres de procédé
IV3.2 Optimisation du recuit d’auto-assemblage
IV.4 DEDOUBLEMENT DE CONTACTS DANS DES GUIDES ELLIPTIQUES AVEC UN COPOLYMERE C43
IV4.1 Détermination des fenêtres de procédés
IV4.2 Stratégie de relaxation de la contrainte de lithographie sur le guide
IV4.3 Bilan des performances « shrink » et dédoublement de contact pour le copolymère C43
IV.5 DEDOUBLEMENT DE CONTACTS DANS DES GUIDES TYPE « PEANUT »
IV.6 CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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