Cent cinquante mille personnes sont atteintes d’Accident Vasculaire Cérébral (AVC) chaque année en France. Il s’agit de la 1ère cause de handicap acquis non traumatique de l’adulte, de la 2ème cause de démence et de la 3ème cause de mortalité (1). Un quart des patients victimes d’un AVC ont moins de 65 ans, et selon le registre de Dijon, il y aurait eu en France en 2005 près de 3500 nouveaux cas d’AVC de moins de 45 ans (2). Les AVC peuvent être de type ischémique dans 80% des cas ou hémorragique dans 20% des cas. Environ 15% des AVC ischémiques, ou infarctus cérébraux (IC) surviennent chez le sujet jeune (entre 15 et 60 ans) (3 , 4) et l’impact économique est très important (5). Les IC sont sources d’altération de la qualité de vie par les séquelles physiques et cognitives qu’ils peuvent entraîner et le retentissement social, professionnel et familial qu’ils induisent même en l’absence de séquelles physiques graves (6). Les étiologies des IC du sujet jeune diffèrent de celles de la population âgée. Chez le sujet de plus de 65 ans, les étiologies de l’IC sont dominées par l’athérosclérose (30%), les cardiopathies emboligènes (20%) et les maladies des petites artères (20%). Les affections hématologiques à l’origine de l’IC dans cette population sont rares (environ 1%)(7). Chez les sujets jeunes, les étiologies rencontrées sont : les dissections artérielles (13%), les cardiopathies embolique (20 à 47%), la maladie des petites artères (7 à 14%), l’athérosclérose (2 à 11%), les causes hématologique dont les troubles de coagulation (0,5 à 15%), et les causes multiples (2 à 3%) (5). Les recommandations de la Société Française Neurovasculaire (SFNV) publiées en 2008 suggèrent de mener une enquête étiologique exhaustive chez les patients jeunes (8). Malgré la réalisation de cette enquête, la cause de l’IC n’est pas retrouvée dans 20 à 40% des cas (9).
La recherche d’un trouble de coagulation ou bilan de thrombophilie constitutionnelle ou acquise fait partie du bilan étiologique chez le sujet jeune. La recherche des Anticorps antiphospholipides est indiquée en première intention. Le bilan de thrombophilie complet (dosage des protéines S, C et de l’antithrombine, recherche d’une résistance à la Protéine C Activée et mutation Leiden du facteur V, recherche de la mutation G20210A du gène de la prothrombine) est proposé en quatrième intention selon les recommandations de la SFNV de 2008 en tenant compte des antécédents personnels ou familiaux de thrombose artérielle ou veineuse, ou lorsqu’un mécanisme d’embolie paradoxale est évoqué (8). La protéine Z (PZ) a été plus récemment étudiée. Il s’agit d’une protéine se liant à une autre protéine ZPI (inhibiteur dépendant de la protéine Z). Le complexe PZ-ZPI ainsi formé inhibe le facteur X activé à la surface des phospholipides et inhibe la coagulation (10). La diminution du taux plasmatique de PZ pourrait avoir des conséquences procoagulantes et jouerait un rôle dans la survenue de pathologies thrombotiques artérielles ou veineuses et notamment, dans la survenue d’un infarctus cérébral. A l’heure actuelle, les différentes études mettent en évidence des résultats contradictoires concernant le rôle de la PZ et la survenue d’un IC (11, 12). Plusieurs équipes se sont intéressées aux polymorphismes du gène codant pour la PZ. Il a été montré que ces polymorphismes avaient un impact sur la concentration plasmatique de PZ (13). Quatre polymorphismes (G-79A, G-42A, G 103A, A-13G) ont été plus particulièrement étudiés dans la pathologie artérielle (14). Là encore, les résultats sont divergents et la littérature est pauvre à ce sujet. Le dosage de la protéine Z (PZ) et la recherche des polymorphismes du gène de la PZ ne sont donc pas recommandés à l’heure actuelle dans le bilan étiologique d’un IC (15). Notre étude a pour but d’évaluer le rôle des polymorphismes du gène de la PZ et du taux plasmatique de la PZ dans la survenue d’un IC chez le sujet jeune et plus particulièrement lorsqu’aucune cause n’est retrouvée à cet IC.
Définition et particularités étiologiques des infarctus cérébraux du sujet jeune
Définition du sujet jeune
Le sujet jeune est défini selon les différentes études publiées par un âge inférieur à 55 ans ou 60 ans et parfois 65 ans .
Etiologies d’un infarctus cérébral chez le sujet jeune
Selon la classification TOAST (Trial of Org 10172 in Acute Stroke Treatment), les étiologies d’infarctus cérébral chez le sujet jeune sont :
– la maladie des gros vaisseaux ou athérosclérose (2-11%),
– les cardiopathies emboligènes (20-47%),
– les maladies des petites artères intracrâniennes de causes diverses (7à 14%) dont la lipohyalinose des artères perforantes liée à l’hypertension artérielle et la maladie de CADASIL (Cerebral Autosomic Dominant Arteriopathy with Subcortical Ischaemic Stroke)
– les autres causes déterminées (20-34%) dont :
o Les dissections artérielles extra ou intracrâniennes (13%)
o Les atteintes artérielles inflammatoires: vascularites cérébrales primitives ou secondaires survenant au cours d’une maladie systémique, d’une infection, suite à une radiothérapie.
o Les atteintes artérielles constitutionnelles : maladie de Fabry, dysplasie fibromusculaire, syndrome de Susac, encéphalopathie mitochondriale.
o Les causes hématologiques (0.5 à 15%) dont la thrombopénie à l’héparine, les troubles de coagulation constitutionnels ou acquis détaillés ci-dessous, ou certaines affections hématologiques (polyglobulie, drépanocytose, thalassémie, coagulation intravasculaire disséminée, thrombocytémie essentielle, leucémie)
o Le syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible.
– les infarctus de cause indéterminée (20 à 40%) si :
o 2 ou plusieurs causes potentielles ont été identifiées ou
o Aucune cause retrouvée malgré une enquête étiologique exhaustive ou
o Les investigations sont incomplètes.
Troubles de coagulation
Le bilan étiologique d’un IC chez le sujet jeune identifie dans 0.5 à 15% des cas un trouble de coagulation (5, 19). Les troubles de coagulation sont dépistés en routine par les tests d’hémostase (TP, TCA, numération plaquettaire, dosage du fibrinogène). Une anomalie d’un de ces examens et/ou un élément évocateur de pathologie thrombophiliante à l’interrogatoire (thromboses veineuses et/ou artérielles à répétition, fausses couches spontanées répétées, antécédents familiaux de pathologie thrombophiliante) sont des arguments pour réaliser un bilan de thrombophilie spécifique, génétique ou recherche d’anticoagulant circulant ou anticorps anti phospholipides. Les troubles de coagulation peuvent être constitutionnels, acquis, ou mixtes. Les troubles de coagulation constitutionnels résultent de la mutation de gène codant pour des protéines anticoagulantes et les facteurs de coagulation. Le rôle de certains de ces facteurs dans les événements thromboemboliques veineux a clairement été démontré .
Concernant les thromboses artérielles, leur rôle est controversé (21). Les troubles de coagulation potentiellement impliqués dans la survenue d’un IC sont rapportés dans une revue de 2010 (22). Actuellement, seul le lien entre le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL) et la survenue d’un IC est bien établi. Les autres troubles de coagulation potentiellement impliqués dans l’IC sont :
– le déficit en protéine C, protéine S et antithrombine,
– la mutation Leiden du facteur V et la résistance à la protéine C activée,
– la mutation G20210A du gène de la prothrombine,
– l’hyperhomocystéinémie et les polymorphismes de la MTHFR (méthylènetétrahydrofolate réductase),
– l’élévation du facteur VIII,
– la protéine Z et les polymorphismes du gène de la protéine Z.
Déficit en protéine C(PC), protéine S (PS) et antithrombine (AT)
Ces déficits sont peu fréquents dans la population générale (0.2-0.5%) (22). Les résultats des études prospectives sont donc contradictoires en terme d’implication de ces anomalies dans la survenu d’un IC, principalement en raison du faible nombre de patients inclus (25). Concernant les études rétrospectives, une étude japonaise concernant 26 800 patients présentant une pathologie cardiovasculaire met en évidence la survenue plus précoce d’IC chez les patients présentant un déficit en PC (26). Au contraire, Martinelli et collaborateurs ne mettent en évidence aucun lien entre un déficit en PS, PC ou AT et la survenue d’un IC (27). Une méta analyse publiée en 2005, concernant 18 études cas/contrôles, met en évidence une corrélation possible entre la survenue d’un IC et la présence d’un déficit en PC. La prévalence du déficit en PC chez des enfants ayant présenté un IC exprimée en odds ratio est de 6.49 [2.96-14.24] pour un intervalle de confiance de 95% (28). Les résultats ne sont pas significatifs concernant la PS et l’AT. Ces résultats significatifs pour la PC sont obtenus chez des enfants et ne sont pas reproduits dans une population adulte.
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Table des matières
I) INTRODUCTION
II) DEFINITION ET PARTICULARITES ETIOLOGIQUES DES INFARCTUS CEREBRAUX DU SUJET JEUNE
1) DEFINITION DU SUJET JEUNE
2) ETIOLOGIES D’UN INFARCTUS CEREBRAL CHEZ LE SUJET JEUNE
3) TROUBLES DE COAGULATION
a. Déficit en protéine C(PC), protéine S (PS) et antithrombine (AT)
b. Résistance fonctionnelle à la PC activée (RPCa) et mutation Leiden du facteur V
c. Mutation G20210A du gène de la Prothrombine
d. Homocystéine et polymorphisme de la MTHFR
e. Facteur VIII
f. Anticorps Anti Phospholipides
III) PROTEINE Z
1) GENE DE LA PROTEINE Z
2) FONCTIONS DE LA PROTEINE Z
3) PROTEINE Z ET PATHOLOGIE VASCULAIRE
a. L’infarctus cérébral
b. Thrombose veineuse
c. La maladie coronarienne
d. Artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI)
e. Pathologies gravidiques
IV) OBJECTIFS DE L’ETUDE
V) MATERIEL ET METHODES
1) SELECTION DES CAS
2) TEMOINS
3) MESURE DE LA CONCENTRATION PLASMATIQUE DE LA PROTEINE Z
4) ETUDE DES POLYMORPHISMES GENETIQUES DE LA PROTEINE Z
a. Extraction et amplification par Polymerase Chain Reaction (PCR)
b. Digestion enzymatique
c. Migration
d. Coloration et photo
5) BILAN DE THROMBOPHILIE
a. Recherche du déficit en protéine C et en antithrombine
b. Recherche du déficit en protéine S et dosage du facteur VIII
c. Recherche de la mutation Leiden du facteur V, mutation G20210A du gène de la prothrombine, étude des polymorphismes de la MTHFR
6) RECUEIL DE DONNEES
7) STATISTIQUES
VI) RESULTATS
1) DONNEES DEMOGRAPHIQUES ET ANTECEDENTS DES PATIENTS AVEC IC
2) DONNEES CLINIQUES A L’ENTREE
3) DESCRIPTION DE LA POPULATION TEMOIN
4) ANALYSE UNIVARIEE
a. Comparaison des groupes IC0 versus IC+
b. Comparaison des groupes IC tous confondus (IC0 et IC+) versus témoins
c. Comparaison des groupes IC0 versus témoins
d. Comparaison des groupes IC+ versus témoins
5) ANALYSE MULTIVARIEE
6) CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION AYANT UN DEFICIT EN PZ
IV) DISCUSSION
1) OBJECTIF PRINCIPAL
a. Taux plasmatique de PZ
b. Rôle des polymorphismes
2) DESCRIPTION DE NOTRE POPULATION
3) FORCES ET LIMITES DE L’ETUDE
V) CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
VI) ANNEXES
VII) REFERENCES