Propriétés physiques et réactivité chimique des cétènes

LES CETENES 

Les cétènes sont des dérivés des acides carboxyliques contenant un système de deux doubles liaisons adjacentes, l’une de type oléfine et l’autre de type carbonyle (RR’C=C=O). Les trois premiers composés de cette famille ont été préparés à partir des chlorures d’acyle correspondants par H. Staudinger au début du XXème siècle. Il s’agit du diphényl (DPK, 1), du diméthyl (DMK, 2) et de l’éthylcétène (EK, 3) .

Peu étudiés jusqu’au milieu des années 50, les cétènes, de part leur rôle important dans de nombreuses réactions organiques et procédés de synthèse, ont connu un regain d’intérêt qui a conduit à la parution de plusieurs revues. D’une manière générale, la famille des cétènes peut être scindée en deux classes :
• les aldocétènes (4), monosubstitués,
• les cétocétènes (5), disubstitués.

Le premier composé de la série, appelé cétène et de formule H2C=C=O, est le seul à avoir connu un développement commercial car la plupart d’entre eux sont instables et ne peuvent pas être isolés. Les principales applications industrielles du cétène sont la préparation de l’anhydride acétique et de beaucoup d’autres produits intermédiaires de la chimie fine .

Propriétés physiques et réactivité chimique des cétènes

Propriétés physiques 

A température ambiante et sous pression atmosphérique, le diméthylcétène (DMK), le méthylcétène (MK) et l’éthylcétène (EK) sont des composés liquides, jaune ou vert pâle , contrairement au cétène, incolore et gazeux. Les moments dipolaires des cétènes sont plutôt faibles, et compris entre 0,97 et 1,90 Debye dans le benzène ; ceci est dû à la contribution d’une structure de résonance (6) réduisant la charge négative sur l’oxygène .

Par RMN 13C et RMN 1H, l’observation d’un champ très élevé sur le carbone en position β de l’oxygène reflète la présence d’une forte charge négative sur ce carbone, comme le laissait entrevoir la forme de résonance (6) précédemment décrite. D’une manière générale, la structure des cétènes est isoélectronique de celle des isocyanates. Une charge négative partielle peut être placée sur les atomes de carbone et d’oxygène terminaux et une charge positive partielle sur le carbone central comme représenté sur l’éthylcétène ci-après (7). Cette structure de base permet de comprendre la grande majorité des réactions impliquant des composés de cette famille.

Dangerosité et toxicité

Comme la plupart des cétènes, et particulièrement les plus volatils, les cétocétènes et les aldocétènes sont sensibles à l’air. Ils réagissent très facilement avec le dioxygène pour former des peroxydes dangereusement explosifs . Ces composés, isolés par H. Staudinger et coll.

Ces peroxydes ne sont stables qu’en dessous de –20°C. Au-dessus, ils se décomposent lentement et sans danger en cétone (ou aldéhyde) et en dioxyde de carbone. Leur formation peut donc être évitée en travaillant à des températures supérieures, mais la plupart des cétènes ne sont pas stables à ces températures, ce qui oblige à travailler dans la gamme de dangerosité. Au vu de cette importante réactivité, les cétènes volatils sont donc des composés dangereux.

Selon G.F. Pregaglia et M. Binaghi , l’ajout d’une faible quantité d’une solution à 10% en masse de triéthylaluminium dans l’heptane permet de conserver le diméthylcétène pendant plusieurs semaines en évitant son altération ainsi que la formation de peroxydes. Cette étude n’a pas été effectuée sur les aldocétènes. Le stockage à basse température de ces composés au laboratoire n’est donc pas souhaitable pour des raisons de sécurité.

Enfin, il n’existe pas de données toxicologiques concernant l’éthylcétène, que ce soit à court ou long terme, mais on peut se rapporter au cétène H2C=C=O dont la toxicité est comparable à celle du phosgène avec un seuil de tolérance de 0,5 ppm. En plus de son caractère irritant pour les muqueuses, son inhalation provoque des œdèmes pulmonaires même dans le cas d’une exposition de courte durée.

Réactivité chimique

C’est la présence des deux doubles liaisons adjacentes sur les composés de type cétène qui leurs confère une très grande réactivité. L’approche et l’attaque des réactifs peuvent s’expliquer d’une part par les charges partielles des atomes de carbone et d’oxygène du groupe fonctionnel, et d’autre part par la structure des orbitales frontières moléculaires .

Ainsi, la réaction des électrophiles avec les cétènes se fait par une approche perpendiculaire au plan de la molécule sur le carbone β chargé négativement. Au contraire, les réactifs nucléophiles attaquent dans le plan de la molécule de cétène sur le carbone α chargé positivement. La chimie des cétènes est donc dominée par des réactions d’additions nucléophiles ou électrophiles ainsi que par des réactions de cycloaddition. Parmi les réactions d’addition, celles réalisées avec des composés possédant un hydrogène labile donnent avec les cétènes des dérivés de l’acide carboxylique correspondant .

Ainsi, les cétènes réagissent violemment avec l’eau et l’éthanol entraînant une importante exothermie, pour donner respectivement l’acide et l’ester éthylique correspondants. De plus, leur réaction avec l’acide correspondant, beaucoup plus lente, produit l’anhydride carboxylique dérivé. Beaucoup d’autres réactifs donnent des réactions d’addition nucléophile et électrophile avec les cétènes . Par exemple, la réaction des cétènes avec des organolithiens permet de synthétiser des cétones tandis que leur réaction avec le diiode ou bien le chlorure de thionyle conduit à des composés halogénés .

L’autre grande catégorie de réactions caractéristiques de la chimie des cétènes regroupe les cycloadditions, réalisables sur de nombreux composés possédant des liaisons de type oléfinique, carbonyle ou azo. Les cétènes ont une étonnante facilité à donner des réactions de cycloaddition [2+2]. Cette particularité offre un intérêt majeur en synthèse : elle permet, par exemple, de synthétiser à partir de cétènes et d’alcènes, des cyclobutanones avec dans la plupart des cas une stéréosélectivité importante , des β-lactones en présence d’aldéhyde ou de cétone et des β-lactone en présence d’imine.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : BIBLIOGRAPHIE
I.1 LES CETENES
I.1.1 Propriétés physiques et réactivité chimique des cétènes
I.1.1.1 Propriétés physiques
I.1.1.2 Dangerosité et toxicologie
I.1.1.3 Réactivité chimique
I.1.1.4 Dimères et trimères
I.1.1.4.1 Cétocétènes
I.1.1.4.2 Aldocétènes
I.1.2 Préparation des cétènes
I.1.2.1 Régénération des cétènes à partir des dimères
I.1.2.2 Déhydrohalogénation des halogénures d’acyle
I.1.2.3 Déhalogénation des halogénures d’acyle α-halogénés
I.1.2.4 Décomposition des dérivés de l’acide malonique
I.1.2.5 Pyrolyse des acides carboxyliques et de leurs dérivés
I.2 POLYMERISATION DES CETENES
I.2.1 Polymérisation anionique
I.2.1.1 Amorçage par les métaux alcalins
I.2.1.2 Amorçage par les bases : alcoolates, amines et phosphines
I.2.1.3 Amorçage par les organométalliques
I.2.1.4 Amorçage par les alcoolates de lanthanide
I.2.2 Polymérisation cationique
I.2.2.1 Amorçage par les halogénures d’aluminium
I.2.2.2 Amorçage par les organométalliques, les acides de Lewis faibles et les acides de Brönsted
I.3 CARACTERISATION DES POLYMERES
I.3.1 Polyesters
I.3.2 Polycétones
I.3.3 Polyacétals
I.4 CONCLUSION
CHAPITRE II : SYNTHESE DE L’ETHYLCETENE
I.1 INTRODUCTION
II.2 SYNTHESE DE L’ETHYLCETENE PAR LA METHODE DE McCARNEY
II.2.1 Montage
II.2.2 Calcul du rendement
II.2.2.1 Détermination a posteriori du rendement par pesée
II.2.2.2 Détermination du rendement par dosage en retour de l’aniline
II.2.2.2.1 Dosage colorimétrique
II.2.2.2.2 Dosage potentiométrique
II.2.2.3 Détermination du rendement par une sonde UV-Visible couplée à un bilan massique
II.2.3 Synthèse dans d’autres solvants
II.3 SYNTHESE DE L’ETHYLCETENE PAR PYROLYSE
II.3.1 Appareillage utilisé au laboratoire
II.3.2 Pyrolyse de l’anhydride butyrique
II.3.3 Purification de l’éthylcétène
II.3.4 Résultats
II.3.4.1 Pyrolyse de l’anhydride butyrique
II.3.4.2 Purification de l’éthylcétène
II.3.4.2.1 Condensation des impuretés dans le Dewar F
II.3.4.2.2 Purification à travers un solvant dans le piège G
II.3.4.3 Réacteur H
II.4 CONCLUSION
CHAPITRE III : POLYMERISATION ANIONIQUE DE L’ETHYLCETENE
III.1 INTRODUCTION
III.2 POLYMERISATION DE L’ETHYLCETENE
III.2.1 Polymérisation de l’éthylcétène dans le THF
III.2.1.1 Influence de la température de polymérisation
III.2.1.2 Influence de l’amorceur
III.2.1.3 Influence du rapport [monomère]/[amorceur]
III.2.1.4 Effet d’ion commun par addition de LiCl
III.2.2 Suivi cinétique par spectroscopie UV-Visible de la polymérisation anionique de l’éthylcétène dans le THF
III.2.2.1 Influence de l’amorceur
III.2.2.2 Influence de LiCl
III.2.3 Polymérisation dans d’autres solvants
III.2.3.1 Ethylcétène préparé par la méthode de McCarney
III.2.3.2 Ethylcétène préparé par pyrolyse de l’anhydride butyrique
III.3 CARACTERISATION DES POLYMERES
III.3.1 Analyse par IRTF-ATR
III.3.2 Analyse par RMN
III.3.2.1 Polymères précipités
III.3.2.2 Résidus de synthèse
III.3.3. Réduction par LiAlH4
III.3.3.1 Analyse par GC-MS
III.3.3.2 Analyse par RMN 13C
III.4 PROPRIETES THERMIQUES DES POLYMERES
III.4.1 Analyse thermogravimétrique (TGA)
III.4.2 Analyse enthalpique différentielle (DSC)
III.5. CONCLUSION
CHAPITRE IV : POLYMERISATION CATIONIQUE DE L’ETHYLCETENE
IV.1 INTRODUCTION
IV.2 POLYMERISATION CATIONIQUE DE L’ETHYLCETENE
IV.2.1 Résultats
IV.2.2 Purification des polymères
IV.3 CARACTERISATION DES POLYMERES
IV.3.1 Analyse par IRTF-ATR
IV.3.1.1 Polymère purifié
IV.3.1.2 Résidu de synthèse
IV.3.2 Analyse par RMN
IV.3.2.1 Polymères purifiés
IV.3.2.1.1 RMN 1H
IV.3.2.1.2 RMN 13C
IV.3.2.1.3 RMN-HSQC
IV.3.2.2 Résidu de synthèse
IV.3.2.3 Extrait de purification
IV.3.3 Chromatographie d’exclusion stérique
IV.3.4 Analyse thermogravimétrique (TGA)
IV.3.5 Analyse enthalpique différentielle (DSC)
IV.3.6 Analyse par diffraction des rayons X
IV.3.6.1 Généralités
IV.3.6.2 Polycétones purifiées
IV.3.6.3 Polycétones recuites
IV.4 MISE EN OEUVRE DE LA POLYCETONE
IV.4.1 Rappels bibiographiques
IV.4.1.1 Evaporation de solvant
IV.4.1.2 Films par compression
IV.4.2 Bilan des essais de mise en œuvre
IV.4.2.1 Films par évaporation de solvant
IV.4.2.2 Films par compression
IV.5 CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE

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