Les élastomères – Généralités
Les élastomères appartiennent à la famille des thermodurcissables ou hauts-polymères. Ils sont généralement définis comme étant des polymères réticulés qui présentent un état caoutchoutique à la température ambiante, très supérieure à la température de transition vitreuse (Tg) du polymère.
A une température inférieure à Tg, l’élastomère est dans l’état vitreux : les chaînes sont figées les unes par rapport aux autres. Ces interactions proviennent des liaisons de type Van des Waals et hydrogène, dont les énergies sont respectivement de l’ordre de 4 kJ/mol et de 20 à 40 kJ/mol. A une température supérieure à Tg, ces liaisons sont détruites. Les chaînes sont donc souples et non figées les unes par rapport aux autres. Les nœuds de réticulation empêchent toutefois l’écoulement. Un nouvel état de la matière est ainsi défini : l’état caoutchoutique [Flory et al., 1943], [Verdu, 1997]. Enfin, à très haute température, le matériau se dégrade.
Les particularités physiques décrites ci-dessus conduisent à un comportement mécanique particulier aux élastomères : l’élasticité entropique. Le matériau déformé présente une énergie d’origine entropique très supérieure à son énergie interne. Ainsi, la force de rappel est due à la diminution d’entropie (l’alignement des chaînes entraîne la diminution du nombre de conformations possibles) et non à l’augmentation de l’énergie interne. Prenons l’exemple d’un élastomère étiré. Si l’on augmente la température, la force de rappel augmente. En d’autres termes, la température permet au matériau de retrouver un état d’entropie plus élevé : les chaînes se replient sur elles-mêmes et la force de rappel augmente. Notons que ce comportement peut être modifié par l’ajout de charges [Clément, 1999].
La composition d’un élastomère industriel est souvent complexe et tenue secrète. On trouve en général, en plus du polymère initial, des charges (0 à 95%), un agent de réticulation, souvent le soufre et éventuellement un péroxyde, un activateur (souvent l’oxyde de zinc), un accélérateur, des plastifiants (souvent d’origine pétrolière), des agents de protection ( rôle vis à vis de l’oxygène, de l’ozone, de la lumière, ..), etc…[IFOCA, 1990]. L’agent de vulcanisation permet de créer des nœuds chimiques (par liaisons covalentes) entre les chaînes polymères de façon à former un réseau tridimensionnel. Les charges peuvent être renforçantes, semi renforçantes ou diluantes (inertes). Le caractère renforçant varie avec la nature de la charge, sa taille, sa morphologie, mais aussi ses interactions physiques et chimiques avec la matrice.
Des additifs particuliers sont ajoutés dans les polyuréthannes tels des catalyseurs, des agents tensioactifs (pour la fabrication des mousses), des agents d’expansion, des extenseurs de chaînes.
Les élastomères dans les semelles
Les matériaux utilisés dans les semelles doivent être capables de subir de façon réversible des déformations importantes, de résister au fluage en compression, aux coupures dues à la flexion de la semelle et à l’abrasion [Zanni, 1995]. Ils doivent également résister aux UV, au vieillissement par l’ozone et par l’oxygène, et aux agressions chimiques.
Outre le cuir, deux types de matériaux répondent au cahier des charges :
– les thermoplastiques : PVC (polychlorure de vinyl) , TR (segments alternés de polybutadiène ou polyisoprène et polystyrène) , EVA (éthylène – vinyle acétate ), …
– les thermodurcissables : NR (natural rubber) , SBR (butadiene styrene rubber) , CR (polychloroprene rubber) , NBR (butadiene-acrylonitrile rubber), …
La première classe de matériaux est peu résistante à la thermoabrasion car les chaînes polymères ne sont pas réticulées. La deuxième classe présente des propriétés mécaniques plus intéressantes. C’est à cette dernière qu’ appartiennent les matériaux sélectionnés pour cette étude. Il s’agit d’un caoutchouc styrène butadiène (SBR) chargé de silice et d’un polyuréthanne réticulé (PU) de densité 0.6.
Le SBR chargé de silice
Le caoutchouc styrène butadiène (SBR) est utilisé de façon courante pour la fabrication des semelles de chaussures de ville. Trois nuances de caoutchouc Styrène Butadiène chargé ont été choisies et étudiées. Ces trois nuances sont appelées SBR A (SBR 32860), SBR B (SBR 32963), SBR C (SBR 32726.18). La nuance A est spécifiée par le fournisseur de qualité et de coût courants et moyens, la nuance B de qualité et de coût supérieurs, la nuance C de qualité et de coût inférieurs. Le travail a porté essentiellement sur la nuance « moyenne » : la nuance A. C’est cette nuance qui est décrite dans le mémoire. Les résultats obtenus sur les deux autres nuances (essais mécaniques, identification des lois de comportements) sont détaillés dans les annexes du mémoire.
Mise en forme
L’étude du comportement mécanique du SBR et de ses propriétés de résistance à l’amorçage d’une fissure en fatigue nécessite la sollicitation de différentes éprouvettes. et explicite leur mise en forme. Les ‘lanières’ et ‘haltères’ sont découpées ou poinçonnées dans des plaques calandrées, dont les dimensions initiales sont de 700×800 mm2 . Leur épaisseur avoisine les 3 mm. Les ‘pions’ sont moulés individuellement. Les ‘plots’, éprouvettes axisymétriques faiblement entaillées, sont injectées et les ‘AE’, éprouvettes axisymétriques plus fortement entaillés, sont mises en forme par compression-transfert.
Microstructure
La microstructure du SBR A a été observée au Microscope Electronique à Balayage (MEB). Les échantillons ont été découpés à l’aide d’un microtome à une température de -65°C, métallisés par une couche de 200 Å d’or et de palladium. Les éléments ont été analysés par EDS (spectrométrie par dispersion d’énergie) dans la chambre du MEB. La surface observée à faible grossissement laisse apparaître de nombreuses tâches claires . Ces dernières correspondent aux charges de silice. Leur taille varie de un à plusieurs dizaines de microns. Les agglomérats de noir de carbone apparaissent sous la forme de tâches sombres. Ils se trouvent en quantité beaucoup plus faible. Ce premier cliché illustre la mauvaise dispersion des particules dans la matrice. Notons que les silices sont ajoutées en quantité importante car elles améliorent les propriétés à l’usure du caoutchouc.
Les agglomérats de silice sont constitués d’un regroupement d’agrégats de silice de taille 1 micron environ – Fig. 1.4 et 1.5 -. On observe également des agrégats de silice dispersés dans la matrice (quelques uns sont indiqués par des flèches sur la Fig. 1.4). L’adhérence des agrégats et des agglomérats à la gomme semble mauvaise dans le SBR puisque le couteau du microtome a produit une décohésion au niveau de l’interface charges/gomme, et également, semble-t-il, au sein de l’agglomérat – Fig. 1.5 -. On verra plus loin que ce phénomène n’a pas eu lieu sur les agglomérats de noir de carbone. Ces observations, jointes à des considérations économiques, nous laisse penser qu’il s’agit d’une silice de précipitation et non de pyrogénation.
Les silices de précipitation résultent de l’action d’un acide sur un silicate alcalin. Les silices de pyrogénation, obtenues par réduction à très haute température du tétrachlorure de silicium, puis oxydation du silicium en silice, sont principalement utilisées comme charges dans les silicones. Les silices de précipitation peuvent avoir des tailles de particules comprises entre 10 et 500 nm. Leur surface spécifique est assez élevée (130 à 250 m2/gramme) [IFOCA, 1990]. Ces particules peuvent former des agrégats (quelques microns) qui peuvent à leur tour former des agglomérats (quelques dizaines de microns). En effet, la silice, qui est une charge polaire dans une matrice apolaire (la gomme) présente une forte tendance à se regrouper et à former des agglomérats. Ce phénomène de percolation peut être évité si l’on ajoute à la gomme un agent mouillant ou des silanes. Les silanes sont des chaînes polymères qui présentent une extrémité polaire (groupement type OH) qui peut alors former une liaison chimique avec la particule de silice, et une extrémité apolaire (groupement type CH3) qui peut se lier à la gomme. La présence d’agglomérats (taille de l’ordre de plusieurs dizaines de microns) laisse supposer qu’aucun agent n’a été ajouté à la gomme.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 – Propriétés physico-chimiques du SBR chargé de silice et du PU cellulaire
1.1 – Les élastomères – Généralités
1.2 – Les élastomères dans les semelles
1.3 – Le SBR chargé de silice
1.4 – Le Polyuréthanne cellulaire(PU)
1.5 – Conclusion
Bibliographie
Chapitre 2 – Comportement mécanique – Résultats expérimentaux
2.1 – Procédure expérimentale
2.2 – Résultats expérimentaux– Cas du SBR
2.2.1 – Essais mécaniques uniaxiaux
2.2.2 – Essais mécaniques multiaxiaux
2.3 – Résultats – Cas du PU
2.3.1 – Essais mécaniques uniaxiaux
2.3.2 – Essais mécaniques multiaxiaux
2.4 – Influence des charges – Cas du SBR
2.4.1 – Le renforcement et l’adoucissement – Eléments de bibliographie
2.4.2 – Essais mécaniques – Comparaison SBR chargé / non chargé
2.4.3 – Etude de l’influence des charges sur l’endommagement
2.4.3.1 – Mise en évidence de l’endommagement sur le SBR chargé
2.4.3.2 – – Observation de l’endommagement au MEB – Essais de traction in situ
2.5 – Conclusions
Bibliographie
Chapitre 3 – Modélisation du comportement mécanique
3.1 – Rappels mécaniques sur le cadre des transformations finies
3.2 – Les lois de comportement
3.2.1 – Les lois hyperélastiques quasi-incompressibles
3.2.2 – Les lois hyperélastiques compressibles
3.2.3 – Les lois d’endommagement
3.2.4 – Les lois élasto-plastiques
3.2.5 – Les lois viscoélastiques : l’approche fonctionnelle
3.2.6 – Les lois viscoélastiques : l’approche par variables internes
3.2.7 – Conclusions
3.3 – Identification des lois de comportement
3.3.1 – Identification de la loi hyperélastique viscoélastique endommageable du SBRA – Cas de l’intégrale héréditaire
3.3.2 – Identification du PU A – Cas de l’intégrale héréditaire
3.3.3 – Identification du SBRA – Cas de l’approche par variables internes
3.3.4 – Comparaison des deux approches viscoélastiques : approche fonctionnelle et approche par variables internes
3.4 – Simulation des essais multiaxiaux et validation de la loi de comportement
3.4.1 – Cas du SBR chargé – Approche fonctionnelle
3.4.2 – Cas du SBR chargé – Approche par variables internes
3.4.3 – Comparaison des deux approches viscoélastiques
3.5 – Conclusion
Bibliographie
Chapitre 4 – Comportement en endurance du SBR chargé de silice
4.1 – Conditions d’essais – Résultats
4.1.1 – Mise en oeuvre des essais
4.1.2 – Les résultats
4.1.3 – Les tendances
4.2 – Mécanismes d’endommagement
4.2.1 – Observations des faciès de rupture sur éprouvette plot
4.2.2 – Observations des éprouvettes `AE´
4.3 – Calculs des paramètres mécaniques en fond d’entaille
4.4 – Synthèse des résultats
4.4.1 – Les paramètres mécaniques pertinents
4.4.2 –Diagramme de fatigue
4.4.3 – Modélisation du critère de durée de vie
4.5 – Conclusion
Bibliographie
Chapitre 5 – Application industrielle : L’essai Bennewart ‘virtuel’
5.1 – Présentation des essais Bennewart ‘matériel’ et ‘virtuel’
5.2 – Etude cinématique de l’essai bennewart
5.3 – Instrumentation de l’essai Bennewart
5.4 – Essais mécaniques de flexion effectués sur la machine d’essai Bennewart
5.5 – Calcul numérique de flexion de plaques de SBR sur l’essai Bennewart
5.6 – Conclusion
Conclusion générale
Annexes