Propriétés physico-chimiques des groupements de nanoparticules d’or auto-assemblés

A l’échelle du nanomètre, l’interaction entre la matière et la lumière devient très faible, rendant très difficiles l’analyse et la détection de molécules uniques. Dans le cas de molécules interagissant de manière résonante avec la lumière, moins d’un photon sur un million est typiquement absorbé. Mais pour une protéine absorbant dans l’UV, moins d’un photon visible sur 10¹² sera diffusé, limitant drastiquement leur détection optique. Toutefois, des objets nanométriques fortement polarisables peuvent entrer en résonance avec le champ électromagnétique incident et exhiber des sections efficaces de diffusion et d’absorption suffisamment importantes pour être détectés individuellement. Rendre de telles nanostructures optiquement sensibles à des molécules permet alors de sonder et d’analyser la matière à l’échelle du nanomètre et est une approche séduisante pour le développement de biocapteurs optiques ultrasensibles.

En particulier, la résonance plasmon de surface localisée des nanoparticules métalliques les dote de propriétés remarquables largement utilisées de nos jours. D’une part, les particules d’une dizaine de nanomètres absorbent très fortement la lumière, permettant ainsi de chauffer très localement leur milieu environnant. Ces propriétés sont notamment utilisées comme source photothermique dans le traitement de cellules cancéreuses [1–4]. De plus, les sections efficaces de diffusion permettent à ces nanoparticules d’être utilisées comme agents de contraste en optique [5,6]. Ces deux utilisations démontrent leur potentiel considérable dans des applications biomédicales, mais également la nécessité de connaître et de contrôler leur stabilité physico-chimique pour pouvoir les exploiter efficacement.

Le greffage de ligands à la surface des nanoparticules est fondamental pour les applications utilisant des suspensions colloïdales. En effet, les ligands régissent les propriétés de stabilité et d’interaction des particules entre elles et également avec les biomolécules environnantes. Dans cette optique, les ligands à base de poly(éthylène) glycol sont largement utilisés car ils minimisent les interactions avec les protéines extérieures, tout en maintenant une bonne stabilité vis-à-vis de la force ionique du milieu [7].

Par ailleurs, les résonances des particules métalliques sont très sensibles à l’indice diélectrique du milieu dans lequel elles se trouvent. Cette propriété a permis le développement de capteurs optiques capables de suivre l’accrochage de biomolécules à leur surface [8, 9]. L’optimisation de la résonance des particules vis-à-vis de la constante diélectrique du milieu entourant la particule a d’autre part rendu possible la détection de l’accrochage de molécules uniques [10,11]. Cependant, le faible décalage spectral mesuré et la complexité du dispositif expérimental associé à ces mesures encouragent l’utilisation de groupements de nanoparticules.

En effet, lorsque deux particules plasmoniques se rapprochent, leurs résonances se couplent entraînant une augmentation notable de la section efficace de diffusion ainsi qu’un décalage vers le rouge de la longueur d’onde de résonance [12]. Ces effets sont d’autant plus marqués que les particules sont proches et ont donné lieu au développement de capteurs colorimétriques [13,14]. Ce sont des capteurs pour lesquels la présence de l’analyte cible entraîne l’agrégation d’une suspension colloïdale, ce qui modifie drastiquement sa couleur. En calibrant la longueur d’onde de résonance en fonction de la distance interparticule au sein d’un système composé uniquement de deux nanoparticules, il est possible de détecter des variations de distance nanométriques via un signal optique aisément mesurable. Cette propriété est à l’origine des pieds à coulisses moléculaires plasmoniques (plasmon ruler) [15–17].

Afin d’utiliser ces propriétés de couplage entre deux nanoparticules pour l’étude de déformations structurales de molécules ou pour leur détection, il est indispensable de pouvoir assembler ces deux particules avec un système dynamique, flexible et programmable. Pour cela, l’utilisation de brins d’ADN synthétique dont les extrémités thiolées se lient de façon très efficace aux particules d’or s’est développée depuis 1996, pour le contrôle d’auto-assemblages de nanoparticules [13, 18]. L’électrophorèse sur gel d’agarose permet de contrôler le nombre de brins d’ADN attachés à la surface de chaque particule [19]. La fabrication de dimères de nanoparticules dont la distance interparticule est déterminée par l’échafaudage d’ADN a alors été établie pour des particules de diamètre allant jusqu’à 40 nm [20].

En utilisant un brin d’ADN possédant une tige-boucle dans sa séquence, il est envisageable de contrôler la distance interparticule en fonction d’une information chimique locale. Cela a initialement été démontré avec une paire de fluorophores, ce qui a donné naissance aux balises moléculaires [21]. Malheureusement, la faible photo-stabilité de ces objets limite leur performance. L’utilisation de nanoparticules semble ainsi être une bonne alternative aux fluorophores puisque celles-ci ne photoblanchissent pas. Dans cette optique, des équipes ont pu démontrer la déformation réversible de dimères assemblés par des brins d’ADN dynamiques [22] et les utiliser en tant que capteurs optiques [23]. Dans ce dernier cas, la faible pureté des échantillons ainsi que le faible signal optique mesuré limitent cependant leur utilisation.

Repères historiques

Les origines des nanotechnologies

Bien que la première utilisation du terme « nanotechnologie » par le scientifique Japonais Norio Taniguchi ne date que de 1974, leur conceptualisation est en réalité plus ancienne. Elle est généralement attribuée au discours de Richard Feynman datant de plus de cinquante ans, « there’s plenty of room at the bottom ». Il y décrivit l’idéologie selon laquelle il serait possible de contrôler la matière à l’échelle moléculaire et de concevoir des robots microscopiques en utilisant des techniques d’assemblages. Il est d’ailleurs amusant de noter que son discours n’eut aucune influence pendant presque trente ans après sa première publication [25]. On attribue également le développement des nanotechnologies à l’invention d’instruments permettant d’observer et d’interagir avec la matière à l’échelle de l’atome, tels que le microscope à effet tunnel (1981) et le microscope à force atomique (1985), mais c’est réduire les nanosciences à leur échelle spatiale la plus basse. En effet, les nanoparticules sont définies comme des particules dont au moins une dimension est inférieure à 100 nm ; leur étude est ainsi bien plus ancienne. Dans le cadre de cette définition, l’invention de l’ultramicroscopie à immersion en 1912 par Richard Zsigmondy (1865-1929), Prix Nobel en 1925, peut aussi être définie comme la naissance des nanotechnologies [26].

A travers les nanoparticules d’or

Pendant l’antiquité, vers le 4ième ou 5ième siècle de notre ère, l’or colloïdal était utilisé pour produire du rubis doré (figure 1.1a) et pour la coloration de la céramique. L’exemple le plus célèbre est la coupe de Lycurgue datant du 4ième siècle, qui se trouve actuellement au British Museum de Londres [27]. La coupe apparaît vert-pâle en lumière réfléchie (figure 1.1b) et rouge vif en lumière transmise (figure 1.1c). Cet effet est dû à des colloïdes d’un alliage or-argent emprisonné dans la matrice de verre. Il ne reste aucune description du procédé de fabrication utilisé dans l’empire romain [26] et il a ainsi fallu attendre plus de 12 siècles avant de retrouver des publications du docteur Italien Francisci Antonii (1618) décrivant la synthèse d’or colloïdal [28].

Cependant, c’est réellement la préparation du « pourpre de Cassius » par Andreas Cassius (1605-1673) qui rendit l’or colloïdal populaire au 17ième siècle [26]. Il était largement utilisé comme pigment dans l’émail (couche de protection en céramique) et dans les fabriques de soie. En 1857, soit 200 ans après, Michael Faraday (1791 1867) décrivit la formation de solutions rouges intenses d’or colloïdal par la réduction d’acide chloraurique avec du phosphore dans du CS2 et attribua la couleur obtenue à la taille des particules métalliques. Il utilisa un microscope à projection pour démontrer le changement de couleur du fluide en bleu lorsque la solution était mélangée avec du sel. Sans pouvoir expliquer complètement ce phénomène, il l’attribua à une simple variation de la taille des particules. De plus, sans aucune connaissance de leur taille, il supposa que les ondes lumineuses étaient grandes en comparaison avec la dimension des particules [26]. Pour ces raisons, certains attribuent à sa conférence de 1857 la naissance des nanotechnologies modernes [29]. Il fallut presque un demi-siècle pour que le chimiste Richard Zsigmondy et le physicien Henry Siedentopf (1872-1940) puissent déterminer la taille de l’or colloïdal grâce à leur invention, l’ultramicroscope, basée sur la diffusion lumineuse des particules. L’intérêt pour l’or colloïdal au début de 20ième siècle était alors très important. Entre autres, Gustav Mie (1869-1957) fournit une explication théorique de sa couleur, Schulze et Hardy étudièrent sa stabilité en présence d’ions, Albert Einstein (1879-1955) développa une théorie concernant son mouvement brownien et Marian Smoluchowski (1872-1917) formula une théorie concernant ses processus de coagulation. L’invention de l’ultramicroscope permit à Jean-Baptiste Perrin (1870 1942) de suivre le mouvement des nanoparticules, ce qui confirma expérimentalement l’existence des atomes et valida les prédictions d’Einstein et de Smoluchowski. Vingt ans après, Ernst Ruska (1906-1988) et Max Knoll (1897-1969) introduisirent le premier microscope à transmission électronique. Bien qu’ils n’étudiaient pas de milieu liquide, la résolution fut vite poussée jusqu’à une dizaine de nanomètres. Plus tard, les progrès de cette technologie permirent à Turkevich et al. d’établir que les suspensions fabriquées par Faraday étaient constituées de particules d’or de 6 ± 2 nm [30, 31].

Contexte actuel

Depuis plus d’un siècle, grâce aux premières études sur les suspensions colloïdales d’or, nous savons que les nanocristaux possèdent des propriétés distinctes du matériau massif. Bien que l’on connaisse l’origine de ces différences, la possibilité d’obtenir des propriétés physiques complètement différentes avec un même matériau demeure néanmoins remarquable. La fabrication de nanostructures aux propriétés particulières peut se faire selon deux approches différentes qui ont permis le développement de deux techniques fondamentales :
– Premièrement, il est possible de contrôler et obtenir très précisément les propriétés physiques désirées d’un système en sculptant la matière à l’échelle du nanomètre. En effet, les propriétés intrinsèques des nanoparticules métalliques sont principalement dépendantes de leur taille, leur forme, leur composition, leur cristallinité et leur structure. Il est donc possible, en principe, de faire varier chacun de ces paramètres pour maîtriser précisément les propriétés de ces nanoparticules. Cette approche a permis le développement de la fabrication top-down, telle que dans la photolithographie, qui fait référence à la manipulation microscopique d’un petit nombre d’atomes pour modeler des formes élégantes.
– Deuxièmement, si l’état intermédiaire entre l’atome isolé et le matériau massif permet d’accéder à des propriétés physiques nouvelles, l’assemblage contrôlé de nanoparticules permet d’accroître cette gamme de propriétés physiques. De plus, un arrangement organisé de nanoparticules possède des propriétés propres à l’arrangement, qu’une particule unique ne peut avoir, peu importe sa taille et sa forme [32]. L’étude, la fabrication et la caractérisation de ces assemblages de petites  particules métalliques datent d’une trentaine d’années [33–37]. Cette approche a permis le développement de la fabrication bottom-up qui fait référence à de l’auto-assemblage de blocs de construction de manière parallèle, selon leurs propriétés de reconnaissance. Dans cette optique, l’ADN apparaît comme le bloc de construction idéal pour la conception de nanostructures auto-assemblées [38, 39].

Alors que la communauté scientifique s’était initialement concentrée sur l’assemblage de cristaux macroscopiques denses par agrégation ou coalescence contrôlée (tels que dans les tests de grossesse [40]), des méthodes d’assemblage contrôlé de petits groupements de nanoparticules se sont ensuite développées [18]. En particulier, dans le cas des nanosphères, du fait de leur symétrie et donc de la réactivité uniforme de leur surface, la synthèse d’assemblage contrôlé était un challenge significatif.

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Table des matières

Introduction
1 Propriétés physico-chimiques des groupements de nanoparticules d’or auto-assemblés
1.1 Repères historiques
1.1.1 Les origines des nanotechnologies
1.1.2 A travers les nanoparticules d’or
1.1.3 Contexte actuel
1.2 Propriétés physiques des nanoparticules d’or
1.2.1 Propriétés physiques de l’or massif
1.2.2 Résonance plasmon de surface de nanoparticules
1.2.3 Approximation quasi-statique
1.2.4 Approximation dipolaire
1.2.5 Limites de l’approximation dipolaire précédente
1.3 Propriétés optiques d’un dimère de nanoparticules
1.3.1 Discussion quasi-statique et dipolaire
1.3.2 Limites de l’approximation quasi-statique dipolaire
1.4 De la nanoparticule à la suspension colloïdale
1.4.1 Suspension colloïdale
1.4.2 Forces entre objets supramoléculaires
1.4.3 Énergie d’interaction – Théorie DLVO
1.4.4 Stabilisation d’une suspension colloïdale de nanoparticules métalliques
1.4.5 Chimie de surface des nanoparticules d’or
1.5 De la nanoparticule à un auto-assemblage programmé
1.5.1 Nanotechnologie ADN
1.5.2 Le choix de l’ADN comme matériau dynamique
1.5.3 Structures dynamiques – Balises moléculaires
1.5.4 Les assemblages or-ADN
1.6 Biocapteurs optiques
1.6.1 LSPR : résonance surface plasmon localisée
1.6.2 Capteurs colorimétriques
1.7 Objectifs de la thèse
1.7.1 État de l’art
1.7.2 Ce manuscrit
2 Réversibilité morphologique de dimères de nanoparticules d’or de 8 nm assemblés sur ADN
2.1 Stratégie utilisée
2.1.1 Structure des dimères
2.1.2 Stratégie de fabrication de dimères dynamiques
2.2 Protocole d’auto-assemblage des dimères
2.2.1 Modification de la chimie de surface
2.2.2 Conjugaison de brins d’ADN sur une nanoparticule d’or
2.2.3 Purification des monomères par électrophorèse
2.2.4 Formation des dimères et étude morphologique par déplacement électrophorétique
2.3 Caractérisation morphologique par microscopie électronique cryogénique en transmission (cryo-EM)
2.3.1 Principes du cryo-EM
2.3.2 Évaluation de la pureté des échantillons
2.3.3 Évaluation des diamètres des dimères
2.3.4 Estimation des distances interparticules
2.4 Étude de la structure dynamique
2.4.1 Réversibilité et sensibilité
2.4.2 Reproductibilité
2.5 Conclusions
3 Assemblage de dimères de particules d’or de diamètres supérieurs à 40 nm
3.1 Contexte
3.2 Synthèse avec contrôle du nombre de brins d’ADN
3.2.1 Fonctionnalisation contrôlée des nanoparticules d’or
3.2.2 Formation des dimères
3.3 Synthèse minimisant le nombre de brins liants
3.3.1 Principe
3.3.2 Conjugaison or-ADN
3.3.3 Fabrication des dimères
3.4 Optimisation de la stabilité colloïdale par la chimie de surface
3.4.1 Généralités
3.4.2 Chaine poly(éthylène)glycol : E16m
3.4.3 Ligands amphiphiles
3.5 Dimères de nanoparticules d’or de 60 nm de diamètre
3.5.1 Accrochage d’ADN
3.5.2 Synthèse des dimères
3.6 Conclusions
Conclusion

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