Propriétés optiques intrinsèques des nanoparticules plasmoniques ou luminescentes

Les nanoparticules désignent, selon la norme ISO TS/27687, tout objet dont les trois dimensions sont à l’échelle nanométrique (diamètre inférieur à 100 nm). Elles sont aujourd’hui de plus en plus présentes dans notre quotidien : dans les aliments (notamment en guise de colorant), [1] dans les médicaments ou pansements pour leurs propriétés anti-bactériennes, [2] dans les textiles afin de créer des tissus anti-UV ou ignifugés, [3,4] dans les cosmétiques (comme les filtres solaires ou le noir de carbone), [5,6] mais aussi dans l’électronique [7] ou le bâtiment. [8] Leur utilisation ouvre des perspectives incroyables.  Les dimensions nanoscopiques de ces particules offrent des propriétés physiques qui sont souvent complètement distinctes de celles observées pour leur matériau macroscopique respectif. [9] Les nanoparticules métalliques présentent des propriétés intéressantes et utiles, notamment de nouvelles caractéristiques électroniques, optiques et chimiques. Le mouvement collectif des électrons confinés dans ces particules, appelé plasmon de surface, est l’une de ces nouvelles propriétés dont l’étude connaît un réel essor ces trente dernières années. Outre une localisation du champ électrique local, les plasmons de surface sont à l’origine d’une exaltation de ce champ au voisinage de la surface métallique. [10]

De manière étonnante, ces plasmons de surface localisés sont exploités depuis des siècles par l’Homme. Particulièrement, les propriétés d’absorption de grains métalliques ont été largement utilisées sous forme d’inclusions dans des objets en verre afin de leur donner une coloration intense lorsque la lumière les traverse, l’exemple le plus connu étant celui de la coupe de Lycurgue. [11] Mais ce n’est que bien plus tard, au milieu du XIXe siècle, que M. Faraday a étudié la synthèse de suspensions colloïdales d’or et leur interaction avec la lumière. [12] Il y a donc longtemps que l’existence des propriétés optiques étonnantes des nanoparticules métalliques est connue, mais c’est seulement depuis une trentaine d’années que l’essor de la lithographie électronique et de la chimie colloïdale permet de produire de petites nanoparticules de formes variées, et que les avancées des techniques de caractérisation permettent de les étudier en détail.

L’assemblage de nanoparticules plasmoniques entre elles ou avec d’autres nanoparticules, notamment fluorescentes, montre des propriétés de couplage élargissant les possibilités de contrôle de la réponse optique de ces structures. [13 15] Les propriétés de ces systèmes assemblés sont ajustées par le contrôle des caractéristiques intrinsèques des nanoparticules, telles que la forme, la taille et le matériau, ainsi que par des caractéristiques environnementales telles que l’espacement entre les particules et l’environnement diélectrique. Ces nanoparticules sont, après synthèse, stabilisées par des ligands qui servent notamment aux auto assemblages. Les interactions intermoléculaires utilisées comprennent la liaison hydrogène, la coordination des métaux, l’attraction/répulsion électrostatique, les interactions dipolaires, les forces de Van der Waals et les interactions hydrophobes. [16,17] L’assemblage biomoléculaire est également utilisé pour incorporer les propriétés intrinsèques des biomolécules dans des structures nanocomposites. [18] La réalisation de ces assemblages présente encore de nombreux défis notamment sur le positionnement relatif des objets.

Propriétés optiques intrinsèques des nanoparticules plasmoniques ou luminescentes

Assemblages « plasmon-émetteurs » : quels enjeux ?

Le couplage des propriétés optiques d’émetteurs fluorescents, tels que les quantum dots (QD), les agrégats métalliques (NC pour nanoclusters) ou les centres colorés des nanodiamants (ND), avec celles de nanoparticules métalliques offrent de nouvelles possibilités d’applications. En effet, des propriétés uniques découlent de ces assemblages dont la fluorescence exaltée ou encore le couplage photon unique— plasmon unique, par exemple, offrent de nouvelles perspectives scientifiques et technologiques pour des applications variées comme la détection de biomolécules, l’imagerie médicale, l’information quantique ou la réduction des pertes d’énergie en électronique et l’amélioration des rendements photovoltaïques. Ce couplage gagnerait cependant à être mieux contrôlé et exploité au sein de ces assemblages hybrides. La construction des circuits hybrides, dans lesquels le transfert d’information d’un émetteur à un autre par des modes plasmons est possible, demande un couplage efficace entre des émetteurs et des guides d’ondes plasmoniques. Un couplage efficace permet l’excitation des plasmons de surface, tout en maximisant leur longueur de propagation dans la structure métallique afin de rendre possibles les transferts d’énergie à longue distance entre émetteurs. Prenons un exemple simple et illustré. En 2016, une collaboration entre l’équipe de J. Wenger et celle de G. Colas des Francs a démontré la création d’un modèle de transfert d’énergie guidé par plasmons entre deux émetteurs séparés d’un micromètre sur un nanofil d’argent (figure 1.1). [1] Bien que le transfert d’énergie par plasmon à longue distance ait été étudié précédemment, [2] ils sont les premiers à avoir démontré un transfert d’énergie assisté par des plasmons entre deux particules fluorescentes à longue distance. Deux émetteurs de longueurs d’onde différentes, un donneur émettant dans le rouge et un accepteur émettant dans le vert, sont disposés au hasard sur un nanofil d’argent. La détection de la fluorescence est ensuite fixée soit sur le donneur soit sur l’accepteur (figures 1.1.a-b) pendant qu’un laser excite la structure. Lorsqu’on excite uniquement l’accepteur (point 4 de la figure 1.1.d), aucune fluorescence n’est perçue pour le donneur (point 5 de la figure de la 1.1.d). Alors que dans le cas inverse, lorsque le donneur est excité par le laser (point 2 de la figure 1.1.c), un transfert de fluorescence est observé pour l’accepteur (point 1 de la figure 1.1.c) et pour un autre donneur délocalisé (point 3 de la figure 1.1.c). L’efficacité du transfert d’énergie entre le donneur et l’accepteur dans le deuxième cas, environ 7 fois supérieure à celui de l’excitation directe de l’accepteur par le laser, met en évidence l’intérêt de l’excitation à distance des plasmons de surface pour maximiser les interactions lumière – matière.

Cependant, les assemblages de cet article ont été réalisés par dispersion aléatoire des émetteurs sur un substrat recouvert de nanofils. L’utilisation de ce phénomène reste donc actuellement limitée par le manque de contrôle structural et fonctionnel de ces assemblages. Le passage sur des systèmes 2D permet par ailleurs d’utiliser ce transfert d’énergie pour faire du routage, mais demande un positionnement très précis. Les études sur des structures plasmoniques permettant  de faire du routage sont donc actuellement excitées par un laser en champ lointain. [3] Pouvoir contrôler le positionnement de particules émettrices est donc un point clé pour le contrôle de ce genre de structures.

Des plasmons de surface à la plasmonique

Les plasmons-polaritons de surface (SPP)

Les plasmons polaritons de surface (SPP pour surface plasmon polaritons), sont des ondes électromagnétiques de surface qui consistent en oscillations cohérentes d’électrons délocalisés existants à l’interface entre deux matériaux. [2] L’application des équations de Maxwell pour une interface plane entre un métal (de constante diélectrique εm(ω), avec ℜe[εm] < 0) et un milieu diélectrique (de constante εd, avec εd > 0) identifie des solutions avec une propagation le long de l’interface (direction Ox) pénétrant de manière évanescente perpendiculairement à celle-ci (direction Oz).

Les plasmons de surface localisés (LSP)

Les plasmons de surface localisés (LSP pour localized surface plasmons) proviennent d’une structure métallique et ne se propagent pas dans le matériau, contrairement aux SPP, mais peuvent être excités directement par irradiation lumineuse. [2] Ces modes surviennent naturellement dans le cas de petites nanoparticules conductrices placées dans un champ électromagnétique oscillant. La surface multifacettées des nanocristaux exerce une force de rappel sur les électrons excités par le champ électromagnétique, entraînant une résonance provoquant une amplification du champ à l’intérieur et dans le champ proche de la particule. Cette résonance est appelée résonance plasmon de surface localisée (LSPR pour localized surface plasmon resonance). Dans le cas simple d’une résonance plasmonique dipolaire d’une sphère métallique avec un diamètre d très inférieur à la longueur d’onde λ du champ incident E = E0z, nous pouvons utiliser, dans une approximation quasi-statique, l’équation de Laplace réduite :

∇²? = 0 (1.18)

où ϕ est le potentiel scalaire relié au champ électrique E par :

? = −∇?. (1.19)

Des études sur les plasmons de surface dans les métaux nobles ont révélé que l’énergie lumineuse peut être confinée dans des volumes de dimensions inférieures à la longueur d’onde [15] ou se propager dans des pistes [16] et des rainures métalliques [17] sur des dizaines de micromètres. Si on prend un guide plasmonique (par exemple une bande d’or faite par lithographie) et que l’on réduit sa largeur, les SPP qui s’y propagent se dissipent très fortement quand la largeur devient inférieure à 1 µm. Dans ce cas, la propagation des plasmons n’offre pas d’avantage par rapport à la fibre optique. Pour éviter la dissipation, des alternatives à la bande d’or lithographiée ont été approchées, telles que les nanofils cristallins, des chapelets de petits disques faits par lithographie, où les modes dipolaires de chaque plot sont couplés ensemble en un mode délocalisé. [18] Le principal problème de ce dernier système est dû à la sensibilité de ce couplage à la taille, la forme et l’espacement des plots. Comme la lithographie ne permet pas de faire de petits espacements entre les plots, le couplage des modes dipolaires est donc faible. Dans le cas de chaînes de nanoparticules, la petite taille des particules et leur espacement, réduit à 1 nm environ, entraînent une augmentation locale importante du champ proche.

Ce phénomène est notamment mis en évidence dans des réseaux autoassemblés de chaînes de nanoparticules d’or de 10 nm de diamètre. [19] Les structures sont obtenues par interactions dipolaires attractives et forment des chaînes de nanoparticules articulées en réseaux macroscopiques. La SP-LDOS est étroitement confinée latéralement à quelques dizaines de nanomètres autour des chaînes. Sous irradiation d’un faisceau électronique focalisé, les espaces interparticulaires se réorganisent et forment des ponts d’or métalliques par déplacement d’une petite fraction des d’atomes d’or ce qui préserve par ailleurs la morphologie native des chaînes de particules. Ces structures présentent alors une métallicité continue du fait de la fusion partielle des particules (figure 1.8.a). Il en résulte que les plasmons localisés, initialement portés par les nanoparticules individuelles et couplés entre eux dans les chaînes auto-assemblées, laissent la place à des modes plasmons délocalisés le long des chaînes fusionnées. Cependant, des motifs de points chauds fortement contrastés et dépendants de l’énergie apparaissent, ce qui suggère une adressabilité d’entrée/sortie spatiale et spectrale à l’échelle nanométrique de l’énergie lumineuse dans ces réseaux de chaînes fusionnées. L’émergence de modes des plasmons de surface (SP) est observée par EELS jusqu’à une énergie faible (0,38 eV) adaptée à la propagation à longue distance (plusieurs microns) dans des guides d’ondes de section nanométrique (figure 1.8.b). La richesse des modes SP à haute et basse énergie dans les réseaux de chaînes fusionnées, ouvre la possibilité d’un adressage spectral et d’un contrôle spatial de l’énergie lumineuse à l’échelle du nanomètre. Deux modes de même énergie peuvent être reliés par un canal de transfert d’énergie.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 — Assemblages « plasmon-émetteur » : propriétés optiques et couplage
I – Propriétés optiques intrinsèques des nanoparticules plasmoniques ou luminescentes
I.1 – Assemblages « plasmon-émetteurs » : quels enjeux ?
I.2 – Des plasmons de surface à la plasmonique
I.2.1 – Les plasmons-polaritons de surface (SPP)
I.2.2 – Les plasmons de surface localisés (LSP)
I.2.3 – Densité locale d’états plasmoniques (SPLDOS)
I.3 – Propagation et délocalisation des modes plasmoniques
I.4 – Confinement et structure modale des plasmons dans des particules
I.5 – Choix du métal plasmonique
I.6 – Les émetteurs
I.6.1 – Les molécules fluorescentes
I.6.2 – Les quantum dots
I.6.3 – Les oxydes dopés lanthanides
I.6.4 – Les clusters d’or
I.6.5 – Les nanodiamants
I.7 – Choix des émetteurs
II – Propriétés optiques émergentes par couplage « plasmon-émetteur »
II.1 – Effets de couplage
II.1.1 – L’exaltation et l’extinction de fluorescence
II.1.2 – Modification de la LDOS photonique par les plasmons
II.1.3 – Effet de la cristallinité sur le facteur de Purcell
II.2 – Caractérisation des phénomènes optiques hybrides
II.2.1 – Mesures résolues spatialement
II.2.2 – Mesures résolues temporellement
III -Couplage de nanoparticules par auto-assemblage
III.1 – Auto-assemblages par effet « template »
III.1.1 – Immobilisation sur un substrat structuré
III.1.2 – Assemblage sur un brin d’ADN
III.1.3 – Assemblage sur un réseau ordonné de protéines
III.1.4 – Ingénierie de l’appariement d’ADN et origami
III.2 – Auto-assemblages directs
III.2.1 – Peptides complémentaires « coiled coil »
III.2.2 – Paires de protéines complémentaires
IV -Les protéines α-Repin
IV.1 – Qu’est-ce qu’une protéine artificielle ?
IV.2 – Genèse des α-Repin et construction d’une banque de « phage display »
IV.3 – Sélection par évolution dirigée de protéines à fonction ciblée
V – Conclusion
Références
Chapitre 2 — Matériel et Méthodes
I – Réactifs et composants chimiques
II – Synthèses des particules d’or plasmoniques
II.1 – Les microplaquettes d’or (2 – 20 µm)
II.2 – Les nanoprismes d’or, (500 – 1 000 nm)
III – Méthodes de caractérisation structurale
III.1 – Spectrométrie de masse (ESI-MS)
III.2 – Diffusion des rayons X aux petits angles
III.3 – Microscope à force atomique (AFM)
III.4 – Microscopie électronique à balayage (SEM)
III.5 – Microscopie électronique en transmission (TEM)
III.5.1 – Présentation générale
III.5.2 – Protocole de coloration des échantillons organiques
III.5.3 – Cryomicroscopie
IV – Méthodes de caractérisation optiques
IV.1 – Spectrophotométrie UV-visible
IV.2 – Spectroscopie de fluorescence en solution
IV.2.1 – Principe général
IV.2.2 – Spectroscopie en solution
IV.2.3 – Mesure de durée de vie en solution
IV.2.4 – Mesure du rendement quantique
IV.2.5 – Mesure de la fluorescence sous excitation large bande
IV.3 – Microscopies optiques
IV.3.1 – Microscopie en champ sombre par réflexion
IV.3.2 – Microscopie d’intensité et de durée de vie de fluorescence
IV.4 – La cathodoluminescence
Références
Chapitre 3 — Les protéines α-Rep, des modules pour l’autoassemblage
I – Une protéine biface pour la morpho-synthèse et la détection
I.1 -Des α-Rep à forte affinité pour la surface Au(111)
I.1.1 – Morpho-synthèse de nanocristaux d’or dirigée par les α-Rep antiAu(111)
I.1.2 – Ajustement spectral et enrichissement en nanocristaux 2D
I.2 – Micro-Spectroscopie par résonance plasmon sur nanoprisme individuel
I.2.1 – Spectres en champ sombre de particules uniques
I.2.2 – Sensibilité spectrale à l’indice ambiant
I.3 – Détection plasmonique de la streptavidine sur prisme individuel
I.3.1 – Fonctionnalisation de la plateforme colloïdale
I.3.2 – Mesure du décalage spectral en présence de la streptavidine
II – Ingénierie de protéines comme stratégie de couplage plasmon-émetteur
II.1 – Couplage direct par appariement de biomolécules complémentaires
II.2 – Origami de protéines : vers un nouveau « template » multifonctionnel
III -Assemblage et structure d’un template super-hélicoïdal d’αRep
III.1 – Protocoles biochimiques d’auto-assemblages
III.1.1 – Clivage et purification des protéines
III.1.2 – Induction de l’auto-assemblage des super-hélices αRep
III.2 – Caractérisation structurale
III.2.1 – Microscopie en coloration négative
III.2.2 – Diffraction des rayons X aux petits angles (SAXS)
III.2.3 – Imagerie cryoTEM
III.2.4 – Comparaison entre cryoTEM et SAXS
III.2.5 – Cryotomographie électronique
III.2.6 – Élaboration d’un modèle
III.3 – Conclusion
Références
Conclusion

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