Introduction
L’engouement pour la microélectronique de ces dernières années a permis la réalisation de nombreux composants électroniques nanométriques. Il a aussi favorisé le développement de nombreuses techniques de micro et nanofabrication. L’apparition de ces nouveaux outils a donné naissance à l’optique intégrée qui s’intéresse à la conception de composants nanométriques basés sur le contrôle de la lumière visible et proche infrarouge. La réalisation d’un circuit photonique complet, de manière analogue à un circuit électronique, nécessite le développement de composants clés. Les plus fondamentaux sont des sources de lumière pour la génération du signal, des guides pour son transport et enfin des capteurs pour sa détection. Les applications potentielles pour ces objets sont nombreuses. Premièrement nous pouvons citer leur usage pour le traitement de l’information à l’image de la microélectronique. Toutefois leur intérêt s’étend bien au delà de ce domaine et présente un intérêt dans le champ de la biologie, la santé et l’environnement. Il est possible, en effet, d’imaginer le développement de nouveaux composants optiques pour la détection ultrasensible de gaz, de biomolécules et pour la mise au point de nouvelles techniques d’imagerie. Actuellement, la plupart des composants photoniques sont fabriqués par une approche dite « descendante » qui consiste à venir nanostructurer un matériau massif. Cependant il existe aussi une approche « montante » dans lequel des briques nanométriques, ou nanoparticules, sont assemblées entre elles afin de réaliser des nanostructures plus complexes ou superstructures. Parmi toutes les méthodes de fabrication de nanoparticules, la création de suspensions colloïdales – particules solides dispersées de manière homogène dans un liquide – par synthèse chimique est une voie qui a été particulièrement développée et étudiée ces deux dernières décennies. Cette technique est intéressante car elle permet de générer une grande quantité de nanomatériaux à la fois de géométrie tridimensionnelle, de structure cristalline et de taille contrôlées et ajustables. De plus, cette méthode s’applique à la création de nanoparticules dans les trois grandes catégories optiques d’objets que sont les métaux, les semiconducteurs et les diélectriques. L’exploitation de ces particules en solution pour la réalisation de nouveaux composants optiques est alors d’un intérêt majeur. Cependant cela requiert le développement de nouveaux outils technologiques puisque leur distribution homogène et aléatoire à l’intérieur d’un liquide les rend difficiles à manipuler. Afin de répondre à cette attente, plusieurs méthodes ont vu le jour telles que l’assemblage par force capillaire. Cette technologie parallèle et bas coût a été développée afin de permettre le positionnement déterministe de nanoparticules colloïdales sur une surface. Ce travail de thèse a pour objectif la création de composants optiques colloïdaux sublongueur d’onde ayant un intérêt pour la détection biomoléculaire ultrasensible et l’optique intégrée. Les principaux défis sont d’une part de fabriquer ces composants grâce au développement de procédés basés sur l’assemblage capillaire et d’autre part d’évaluer leur potentiel grâce à des expérimentations optiques appuyées par des modélisations théoriques. vi Table des matières Le chapitre 1 introduit tout d’abord les propriétés optiques individuelles de deux familles d’objets, les nanoparticules métalliques et les microsphères diélectriques. Un état de l’art des différents composants optiques réalisés à partir de ces objets est ensuite présenté. Un accent particulier est mis sur les technologies de fabrication employées à cette fin ainsi que les différentes applications ayant vu le jour grâce à l’exploitation et à la maîtrise des effets optiques propres à ces deux types de particules. Le chapitre 2 présente les procédés de fabrication mis au point pour la création de nanostructures colloïdales. En premier lieu, le principe de fonctionnement de l’assemblage capillaire assisté par convection est détaillé. La stratégie complète de fabrication est ensuite décrite ainsi que les techniques développées autour de l’assemblage capillaire pour la manipulation des nanoparticules. Enfin les performances de ces différents procédés sont évalués grâce à une étude statistique du niveau de contrôle sur le positionnement et sur la forme des nanostructures colloïdales ainsi créées. Le chapitre 3 propose une étude expérimentale préliminaire des propriétés optiques individuelles de nanoparticules. Cette étude a pour but de sélectionner et d’évaluer les nanoparticules colloïdales qui seront employées comme élément de base pour la création de nouveaux composants optiques. Ainsi, les caractéristiques optiques des nanoparticules d’Au et des microsphères de polystyrène, comme leur sensibilité aux variations de taille, de forme et à l’influence de l’environnement sont mesurées. Les performances, en terme d’émission de lumière, de microsphères fluorescentes et de nanocristaux semiconducteurs sont aussi abordées. En parallèle les montages expérimentaux développés pour la caractérisation optique de nanostructures colloïdales sont détaillés. Le chapitre 4 est une étude complète d’une nanostructure métallique singulière : le dimère d’Au. Son comportement optique tel que le couplage plasmonique est étudié en champ lointain de façon experimentale par spectroscopie et de façon théorique grâce à des modélisations FDTD. Ces dernières permettent de plus de connaître le comportement en champ proche de dimères et de remonter à des relations empiriques permettant d’estimer l’effet d’exaltation du champ électromagnétique dans ces structures. Le dimère est ensuite exploité comme amplificateur de signal Raman pour la détection ultrasensible de molécules et comme nanoantenne à boîtes quantiques grâce à une étude sur l’amplification de la photoluminescence. Finalement, le chapitre 5 s’intéresse aux composants à base de microsphères. La mise au point d’un réseau de microsphères comme outil de détection est tout d’abord évaluée à partir d’une étude sur la propagation en champ lointain des modes de galerie et sur leur interaction avec une couche de métal. Le guidage optique dans des chaînes de microsphères disposant d’un émetteur intégré est ensuite étudié en détail. Enfin, inspiré par l’intérêt suscité par l’utilisation des microsphères fluorescentes comme émetteurs, un nouvel objet est élaboré. Il s’agit d’un nouveau type de sources micrométriques, qui pourrait être qualifié de microlampe halogène, car émettant un spectre blanc (continu dans tout le visible).
Oscillations multipolaires dans une sphère
Le confinement de la lumière dans une particule de taille comprise entre quelques nanomètres et quelques dizaines de microns entraîne des effets d’interférences et de résonances causant l’apparition d’extrema du champ électromagnétique (EM) dans ces systèmes. Le nombre d’extrema dépend de la géométrie du système et de la longueur d’onde λ ou de l’énergie E de la lumière. Ainsi pour chaque λ, il est possible de définir un paramètre, « l’ordre » prenant une valeur entière L = 1, 2, …, N et qui correspond à la moitié du nombre d’extrema observés. On parle de mode dipolaire lorsque L = 1, quadripolaire pour L = 2, etc. Le premier terme est plus particulièrement utilisé dans le cas des particules de taille sub-longueur d’onde car l’analogie avec un dipôle oscillant est très pertinente. Finalement, la décomposition en ordres multipolaires consiste à traiter séparément chaque mode que l’on suppose sans interactions entre eux.
Résonance plasmon de surface localisée
Nous avons vu dans l’expression de la fonction diélectrique d’un métal (relation Eq. (1.15)) la présence d’un terme particulier ωp qui est la fréquence plasma aussi appelé fréquence plasmon de volume. Ce paramètre est attribué à l’apparition d’un phénomène de relaxation d’énergie bien particulier dans un métal. Il s’agit d’un effet durant lequel un faisceau lumineux vient exciter le nuage électronique d’un métal et créer une onde quantifiée de densité d’électrons libres que l’on appelle plasmon de volume. Dans certaines configurations, le plasmon ne se propage plus dans les trois dimensions de l’espace à l’intérieur du métal mais reste confiné en deux dimensions à sa surface. On parle alors de plasmon de surface. Dans un morceau de métal massif le rapport surface sur volume est faible. Par conséquent la contribution optique des plasmons de surface est totalement négligeable face à celle des plasmons de volume.
Sensibilité des WGMs à la taille de la microsphère
D’après la relation Eq. (1.26) et les précédentes considérations faites sur le graphe 1.18a, le diamètre de la sphère et la longueur d’onde du faisceau considéré apparaissent comme les paramètres clés définissant les WGMs. Dans la littérature le paramètre de taille x défini par la relation Eq. (1.7) est plus couramment utilisé. La figure 1.19 illustre l’effet d’un faible changement de diamètre (environ 1%) sur les WGMs. Celui-ci se traduit par un décalage linéaire vers le rouge de λl,n quand D augmente. Les variations de la position des pics sont comprises entre 2,2 et 3,7 nm pour un ∆D = 10 nm. Dans cette gamme de valeur de D (2000 ± 20 nm) le facteur de qualité pour un même mode change de façon négligeable, seule la position spectrale est affectée de manière notable.
Optimisation des nanostructures plasmoniques pour la biodétection
Bien que les dimères de nanosphères soient intéressants pour une utilisation comme capteurs de par leurs caractéristiques optiques bien connues et maîtrisées, d’autres types de structures ont été développés afin d’améliorer tout particulièrement l’exaltation EM. C’est en effet ce phénomène qui est la clé pour la détection ultrasensible de manière générale. Pour mener à bien cette ingénierie de points chauds, plusieurs paramètres sont à considérer. L’intensité maximale du champ Imax est le paramètre le plus logique, cependant la position de la LSPR est tout aussi cruciale puisqu’elle définit à quelle longueur d’onde l’exaltation sera optimale. Il sera par exemple important d’accorder λp – la longueur d’onde de la LSPR – avec la longueur d’émission du signal Raman de la molécule à détecter, dans le cas de mesures SERS. Si l’on regarde tout d’abord à l’échelle de la particule individuelle, les deux variables – λp et Imax – peuvent être ajustées en modifiant la taille, la forme et aussi la composition desdites particules. Pour λp, ce point a déjà été abordé dans la partie 1.1.2.3. Quant à Imax, il a été montré que des objets asymétriques et possédant des bords pointus favorisent les effets de divergence du champ et entraînent donc une augmentation de l’exaltation locale. La figure 1.27 donne des cartes théoriques du champ |E|/|E0| de particules d’Au dont la géométrie évolue de la sphère vers des géométries de plus en plus « acérées » (bâtonnet, grain de riz, bipyramide). La valeur maximale |Emax|/|E0| évolue alors progressivement de 6 à 300 soit une différence de 6 ordres de grandeurs dans le facteur d’amplification Raman. Les cubes ont aussi été étudiés pour leurs angles bien définis [Rycenga 2010]. Les nanosphères multicouches ou « cœur/coquille » sont des objets qui ont eux aussi été beaucoup étudiés récemment [Oldenburg 1998, Talley 2005, Knight 2008, Lassiter 2008]. Ils sont habituellement composés d’un cœur de silice enrobé d’une couche d’Au. L’existence de modes plasmons supplémentaires ainsi que l’accroissement du confinement électronique dans ce type de structure les rend plus sensibles au milieu extérieur et entraîne une exaltation locale de champ plus importante que dans leurs homologues mono-matériau.
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Table des matières
Introduction
1 Propriétés optiques et organisation de nanostructures colloïdales
1.1 Optique des micro et nanostructures
1.1.1 Cas général : théorie de Mie, effets de résonances électromagnétiques
1.1.2 Plasmonique et nanoparticules métalliques
1.1.3 Microsphères diélectriques, focalisation et modes
1.2 Composants optiques à base de micro et nanoparticules
1.2.1 Nanostructures métalliques pour la détection biomoléculaire
1.2.2 Antennes optiques
1.2.3 Autres applications des nanoparticules métalliques
1.2.4 Composants d’optique intégrée à base de microsphères diélectriques
1.3 Conclusion
2 Technique d’assemblage capillaire pour la conception de composants optiques colloïdaux
2.1 Assemblage capillaire assisté par convection
2.1.1 Principe
2.1.2 Banc expérimental
2.2 Stratégies de fabrication
2.2.1 Réalisation de surfaces micro et nanostructurées
2.2.2 CA-CFA : paramètres et conditions d’assemblage
2.2.3 Transfert
2.3 Performances de la technique
2.3.1 Reproductibilité et positionnement déterministe
2.3.2 Exemples d’assemblage
2.4 Conclusion
3 Optique de colloïdes en solution ou individuels
3.1 Spectroscopie en solution
3.1.1 Montage
3.1.2 Particules métalliques
3.1.3 Particules diélectriques
3.2 Microspectroscopie de nanostructures individuelles
3.2.1 Montage
3.2.2 Particules émettrices
3.2.3 Interactions particule métallique – substrat
3.2.4 Influence de la forme des particules
3.3 Conclusion
4 Nanostructures métalliques : plasmonique à base de colloïdes
4.1 Dimères passifs
4.1.1 Spectroscopie de diffusion
4.1.2 Modélisation FDTD
4.1.3 Couplage plasmonique et effet associé
4.2 Dimères actifs
4.2.1 Diffusion Raman exaltée de surface
4.2.2 Nanoantennes à boîtes quantiques
4.3 Conclusion
5 Composants photoniques à base de colloïdes diélectriques
5.1 Composants photoniques innovants
5.2 Propagation et diffusion des modes de galerie de sphères diélectriques
5.2.1 Observation des modes de galerie dans des microsphères de polystyrène de 2 µm
5.2.2 Diffusion des modes de galerie par une couche métallique
5.2.3 Vers le détecteur à microsphères
5.3 Guides colloïdaux
5.3.1 Principe de mesure
5.3.2 Etude du guidage par nanojets photoniques
5.4 Emetteur local de lumière blanche
5.4.1 Principe
5.4.2 Préparation des solutions initiales de fluorophores
5.4.3 Microstructures blanches fabriquées par lithographie à deux photons
5.5 Conclusion
Conclusion et perspectives
Bibliographie
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