Télédétection marine
Propriétés optiques apparentes et inhérentes des océans
L’océan n’est pas une masse d’eau pure. Ce gigantesque milieu aquatique en interaction (biologique, écologique, tectonique …) constante avec le milieu aérien et aussi terrestre, contient une grande quantité de constituants diversifiés en type, en taille et en fonctions (matières organiques dissoutes, matières organiques en suspension, virus, bactéries, phytoplancton, zooplancton…). Ces constituants interagissent avec la lumière solaire par des processus de diffusion et d’absorption. Preisendorfer, (1961) a pu réaliser une distinction entre les propriétés optiques inhérentes (IOPs) dépendantes exclusivement des propriétés du milieu physique, et les propriétés optiques apparentes (AOPs) qui prennent en considérations les IOPs et les constituants de l’eau et d’éclairement en surface.
Outres les constituants du milieu, les propriétés optiques apparentes AOP sont dépendantes des conditions d’éclairement, c’est à dire de la distribution angulaire des photons incidents (cas de la lumière solaire), la nébulosité et les aérosols. La détermination de ces propriétés se fait à partir des mesures radiométriques des paramètres comme la luminance et l’éclairement. La luminance ? est le flux de puissance lumineuse reçu ou émis par une surface élémentaire dS. La luminance est un paramètre fondamental permettant de décrire le flux du rayonnement dans la direction (θ l’angle zénithal, φ l’angle azimutal) par unité d’angle solide et par unité d’aire en un point (x, y, z).
On note ? (?, φ, λ, x, y, z) (en W m-2 sr-1 nm-1)
Ou θ (angle zénithal) est compté à partir de l’horizontale. Si le soleil est directement sous l’observateur, le zénith a un angle de 90°. L’horizon a donc un zénith de 0°.
φ (angle azimutal) est compté à partir du nord à l’est, en sorte qu’un astre dans le nord à un azimut de 0 °, un astre à l’est a un azimut de 90°.
λ, désigne la longueur d’onde, x, y, z les coordonnées du point.
Le transfert radiatif étudie les modifications apportées par le milieu au flux radiatif ?. Il est régi par des équations complexes (équations du transfert radiatif) qui n’ont pas de solutions analytiques et qui impliquent une description précise du milieu étudié. L’inversion de ces équations permettrait d’obtenir une description du milieu, au prix d’opérations complexes. En télédétection satellitaire de couleur de l’océan, on analyse le signal de luminance reçu au sommet de l’atmosphère Ltoa qui provient du signal émis par le soleil qui traverse l’atmosphère et l’océan avant d’être rétrodiffusé vers l’espace (Figure I.1). Ce signal peut se décomposer de la façon suivante :
Ltoa = Latm + Lw x t + Lg x T (I.1)
où Latm est le signal de luminance rétrodiffusé par l’atmosphère, Lw la luminance sortant de la mer qui contient toute l’information sur le milieu marin pondéré par un terme de transmission diffuse t dû à la traversé de l’atmosphère, Lg représente la réflection spéculaire du soleil (glitter) pondéré par un coefficient de transmission T. La difficulté de la télédétection marine provient de ce que le terme Latm << Ltoa relation ou Latm peut atteindre 90% de Ltoa. Cette relation est directionnelle (voir eq. I.1).
On définit l’éclairement comme E(λ) la somme des luminances intégrées provenant de toutes les directions reçues (ou émises) par une surface et est et dénoté par E(λ). Lorsque le rayonnement n’a lieu que dans une direction (c’est le cas du soleil) on peut écrire :
E(λ) = E0(λ) cos (?s) (I.2)
Constituants de l’eau (optiquement significative)
La couleur de l’eau est essentiellement affectée par le phytoplancton, les sédiments, les substances chimiques dissoutes et aussi la structure moléculaire de l’eau. Le phytoplancton (qui fait l’objet de cette étude), contient de la chlorophylle, qui est le principal pigment qui absorbe la lumière des plantes photosynthétiques. Comme chez les végétaux terrestres, ce pigment absorbe le bleu et rouge du spectre et reflète le vert, de ce même concept, la biomasse phytoplanctonique est responsable du virage de la couleur de l’eau vers une couleur verdâtre. Les sédiments absorbent et diffusent différentes longueurs d’ondes affectant par suite la couleur de l’eau. De même, les matières en suspension, qui absorbent essentiellement le bleu, reflètent ainsi une couleur jaunâtre. D’où il est très important de prendre en considérations les constituants influençant sur l’optique de l’eau de mer en réalisant une étude sur la couleur de l’océan.
Types des Eaux : Cas 1 et Cas 2
La classification des eaux océaniques en « Cas 1 » et « Cas 2 » a été suggérée par (Morel and Prieur, 1977). Deux cas extrêmes peuvent être identifiés :
Le cas 1: qui constitue la majorité des eaux des océans (95%). La propriété optique de ce type est conditionnée exclusivement par la dynamique du phytoplancton renfermant la chlorophylle-a et de l’ensemble de ses produits associés (détritus organiques sous formes de particules ou de substances dissoutes et organismes hétérotrophes).
Le cas 1 est généralement typique des eaux de l’océan, éloignées des côtes et des embouchures riveraines.
Le cas 2: ce sont les eaux qui se trouvent au voisinage des zones côtières, qui sont influencées par le drainage des décharges et sédiments terrestres. Pour cette raison, les propriétés optiques de ces eaux sont contrôlées par 3 facteurs : la chlorophylle, les sédiments mis en suspension et les matières dissoutes. Dans la nature, on ne peut pas arriver à une séparation complète de ces 2 cas, et on peut avoir des eaux qui soient de type intermédiaire.
Le phytoplancton
Le phytoplancton (plancton végétal) regroupe les organismes photosynthétiques microscopiques, vivant en suspension dans l’eau. Comme les végétaux terrestres, ces organismes sont munies de pigments chlorophylliens, ce qui leur a offert la capacité de synthétiser leurs propres matière organiques (glucides, lipides, protéines) à partir de substances minérales dissoutes dans l’eau de mer (le dioxyde de carbone et les sels nutritifs: nitrates, phosphates, silice, ammonium…) en utilisant l’énergie lumineuse : c’est le processus de la photosynthèse. Il existe une grande diversité d’espèces, de tailles et de formes.
Notion de Phytoplankton Size Class (PSC) et Phytoplankton Functional Type (PFT)
Sieburth, Smetacek and Lenz, (1978) ont établi une classification des organismes en fonction de leur taille (Phytoplankton Size Classe). Trois classes de taille sont essentielles dans l’étude de l’écologie phytoplanctonique :
• PICO phytoplancton (T < 2 μm)
• NANO phytoplancton (2 μm< T < 20 μm)
• MICRO phytoplancton (T >20 μm)
En général, ces groupes présentent une réparation inégale dans l’océan, du point de vue géophysique et géographique. Le microphytoplancton est présent dans les hautes et moyennes latitudes, le nanoplancton est omniprésent dans l’ensemble des océans de la surface globale, à l’exception des gyres subtropicaux, alors que le picophytoplancton est dominant dans les gyres subtropicaux. Une autre approche de classification du phytoplancton a été suggérée. Le nombre d’organismes, l’abondance relative des espèces, leurs traits biologiques et leurs rôles fonctionnels ont été utilisés pour décrire la structure des communautés de phytoplancton (Reynolds, 2006). Le concept de Phytoplankton functional type (PFT) a été introduit pour définir des groupes de phytoplancton par leurs fonctionnalités dans l’écosystème ; La définition de «groupe fonctionnel» est sujette à différentes interprétations, regroupant le phytoplancton sur la base de divers rôles écologiques et d’exigences spécifiques. Ce terme regroupe des espèces ayant des «traits morphologiques et physiologiques similaires» (Reynolds et al., 2002): un groupe fonctionnel est composé de différentes espèces qui, à partir de la même ressource ou composante écologique, remplissent une fonction écologique commune (Blondel, 2003). Suivant leur métabolisme biogéochimique, les principaux groupes de phytoplancton taxonomiques peuvent être assemblés en quatre «groupes fonctionnels» spécifiques (Falkowski et al., 2003; Litchman et al., 2007; Sathyendranath et al., 2014): fixateurs d’azote (propre aux procaryotes), calcifiants (y compris la classe taxonomique d’Haptophyceae, généralement connue sous le nom généralement appelée diatomée, suivis par quelques producteurs de chrysophytes, silicoflagellés et xanthophytes, peu répandus en mer Méditerranée, et de diméthylsulfoniopropionate (DMSP) (faisant référence à des organismes de phytoplancton marin appartenant principalement au groupe des Dinoflagellates, et quelques Haptophytes).
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre I: Télédétection Marine, Phytoplancton; Généralités
1. Télédétection marine
1.1. Propriétés optiques apparentes et inhérentes des océans
1.2. Constituants de l’eau (optiquement significative)
1.3. Types des Eaux : Cas 1 et Cas 2
2. Le phytoplancton
2.1. Notion de Phytoplankton Size Class (PSC) et Phytoplankton Functional Type (PFT)
2.2. Méthodes d’identification et de caractérisation du Phytoplancton
2.3. Etude du phytoplancton depuis l’espace
Chapitre II: Télédétection de la Variabilité des Pigments Phytoplanctoniques Secondaires par Méthode Neuronale ; Approche Globale
1. Introduction
2. Cartes de Kohonen
2.1. Idée de base
2.2. Architecture
2.3. Algorithme d’apprentissage
2.4. Propriétés
3. Estimation des pigments secondaires phytoplanctoniques à partir des images satellitaires en utilisant les SOM
Article 1: Estimation of secondary phytoplankton pigments from satellite observations using self-organizing maps (SOM)
1. Introduction
2. Materials
2.1. GlobColour Data
2.2. AVHRR SST Data
2.3. HPLC pigment Dataset
2.4. The experimental Database
3. The Proposed Method
3.1. Self-organizing maps (SOM), the general concept
3.2. Construction of the SOM
4. Results
4.1. Analysis of the SOM Organization and topology
4.2. Cross validation results
4.3. Estimation of pigment concentrations in the global ocean
5. Discussion
5.1. Comparison to other approaches deriving pigment concentrations
5.2. Uncertainties and quality control
5.3. Spatio-temporal variability of phytoplankton pigments
6. Conclusion
Chapitre III: La Méditerranée ; Caractéristiques Géographiques, Hydrodynamiques et Ecosystémiques
1. Caractéristiques géographiques et hydrodynamiques
2. Régime du vent
3. Circulation globale
3.1. Circulation de l’eau Atlantique
3.2. Circulation intermédiaire et thermohaline
4. Caractéristiques Ecosystémiques
Conclusion Générale