Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’études approfondies en chimie moléculaire
Spécialité : Traitement des Eaux
Depuis plusieurs décennies, le monde est marqué par des bouleversements notamment dans les domaines technologiques. Au cœur de ces mutations, l’eau, essentielle et indispensable occupe une place fondamentale. L’eau est présente à la surface du globe terrestre à hauteur de 70 %. Cependant, elle est inégalement répartie et reste très peu exploitée. La demande d’eau en qualité et quantité suffisante se fait, en effet, de plus en plus pressante, surtout dans les pays en développement à cause du phénomène d’urbanisation massive. Cette ressource est utilisée aussi bien pour les besoins de l’agriculture (irrigation), de l’industrie (eau de brasseries et boissons gazeuses, sucreries et raffineries de sucres, hydrométallurgie…) que pour la consommation humaine. Dans cette dernière utilisation, il est évident qu’on doit s’assurer que l’eau est exempte de toutes substances nuisibles à la santé. En effet, une eau potable est indispensable à une bonne santé des populations qui la consomment car prévenant des maladies telles que la diarrhée, le choléra…etc. Une eau de qualité destinée à la boisson a des conséquences sur la santé publique, un impact sur le développement économique et social, car une personne malade est incapable de développer des activités productrices : d’où l’importance de la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine. Il faut noter que beaucoup de pays du monde présentent des eaux très riches en fluor (ANNEXE 1). La consommation de telles eaux engendre des problèmes graves de santé publique dans plusieurs pays du monde. Dans les années 1980, une estimation montrait que près de 260 millions de personnes dans le monde consommait une eau contenant plus de 1 mg/L de fluor. En effet, le problème de l’excès de fluor dans l’eau est grave dans des pays comme l’Inde, la Chine et le Mexique où les populations sont exposées à une fluorose endémique [3]. En englobant ainsi d’autres populations comme celles de l’Afrique, à travers des pays tels que le Sénégal (Diourbel, Fatick, Kaolack…), le Niger, l’Ethiopie, le Kenya, la Tanzanie (Arusha, Kilimanjaro, Mwanza, Mara…) et l’Afrique du Sud (Karoo, Northern Cape, Limpopo, North-west Provinces…); mais aussi celles du bassin méditerranéen, avec le Maroc, l’Algérie, la Turquie et l’Israël, ou encore d’Amérique du Sud avec l’Argentine, le total de la population mondiale atteinte de fluorose excède très vraisemblablement les 70 millions [3]. Au Sénégal, la majeure partie des populations situées dans la zone du bassin arachidier consomment une eau fortement fluorée et sont exposées à des fluoroses dentaire et osseuse, et même à des troubles neurologiques. On peut aussi citer le cas de certaines zones aux États-Unis où l’augmentation de la teneur de l’eau potable en fluor a provoqué un accroissement de la mortalité par cancer du foie, cancer des os, tumeurs des cellules squameuses de la bouche, et autres méfaits. Par conséquent, les effets sur la santé de la consommation régulière et continue d’une eau très riche en fluor sont aussi graves que variés. Nous pouvons noter en plus des maladies sus citées, l’effet sur le développement de l’intelligence des enfants tel que décrit par Yan LU et coll.. Dès lors, la défluoruration des eaux destinées à la consommation humaine s’avère pertinente et devient une nécessité partout où elles présentent une concentration en fluor au dessus des recommandations de l’O.M.S (0,7-1,5mg/L).
PROPRIETES ET CARACTERISTIQUES DU FLUOR
Le fluor qui appartient à la famille des halogènes, est l’élément le plus électronégatif et par suite l’oxydant le plus puissant de la chimie. Du fait de sa grande réactivité, il ne se rencontre pas à l’état libre dans la nature [9]. Le fluor, communément présent dans la fluorine (ou spath-fluor) CaF2, la cryolithe (ou alumino-fluorure de sodium) Na3AlF6 et la fluoro-apatite 3Ca3(PO4)2.CaF2, vient au 13ème rang des éléments les plus abondants dans la nature.
Le fluor (du latin fluere signifiant flux ou fondant) est décrit par Georigius AGRICOLA en 1529 sous sa forme de fluorite comme une substance utilisée pour promouvoir la fusion des métaux ou des minéraux. En 1670 SCHWANDHARD remarqua que le verre était attaqué lorsqu’il était exposé à de la fluorite traitée à l’acide. Karl SCHEELE ainsi que d’autres chercheurs tels que Humphry DAVY, Gay-Lussac, Antoine LAVOISIER et Louis THENARD firent des expériences avec de l’acide fluorhydrique (HF) dont certaines se terminèrent en tragédie en raison du danger de ce produit. En 1771, C. W. SCHEELE a préparé pour la première fois du fluorure d’hydrogène (ou acide fluorhydrique) en faisant réagir des fluorures avec de l’acide sulfurique concentré. C’est effectivement en 1824 que le chimiste BERZELIUS prouva l’existence d’un nouvel élément. Mais son isolation causa un problème pendant plus de 50 ans. On proposa le nom de «fluor» pour ce nouvel élément, qui signifie en grec, destructif, car cela semblait être un nom approprié pour décrire les propriétés destructrices de cet élément chimique [13]. Le chimiste français Henri MOISSAN fut le premier à isoler le fluor, le 26 juin 1886, grâce à sa propre invention, le four à arc électrique. Il reçut le prix Nobel en 1906, une année avant sa mort, pour avoir isolé le fluor [13].
Le fluor ne date pas du XIXe siècle; certains archéologues soutiennent qu’il était présent à l’origine des plantes et des hommes. Sa présence est surtout associée aux volcans et eaux naturellement fluorées. L’être humain est le seul «animal» qui creuse des puits pour trouver son eau de consommation, et les nappes d’eau découvertes possèdent souvent une forte concentration en ion fluoré surtout dans les régions recevant peu de pluie et les régions volcaniques. Dans son livre «Fluoride and the Aging Factor» [14], J. YIAMOUYIANNIS cite plusieurs endroits sur la planète où des gens meurent jeunes suite à l’empoisonnement au fluor présent naturellement dans leur eau de consommation [13]. Le fluorure peut arriver dans le sol, dans l’air et dans l’eau par l’intermédiaire de sources naturelles ainsi que de sources anthropiques.
LES SOURCES NATURELLES
Le fluor d’origine naturelle provient de la dissolution de certaines roches dans l’eau [16]. Les sources naturelles à l’origine de la présence du fluor dans les eaux souterraines les plus couramment constatées sont :
– La nature des roches de l’aquifère ;
– Le temps de contact entre l’eau et les minéraux fluorés ;
– Le contrôle chimique des eaux .
➤ La nature des roches de l’aquifère
D’un point de vue géologique, les eaux riches en fluor peuvent se rencontrer dans les trois grands types de terrain que sont les bassins sédimentaires, les zones de socle cristallins et les régions volcaniques. Dans le premier cas, l’origine du fluor provient du fait que, excepté pour les évaporites, le fluor est l’halogène le plus abondant des roches sédimentaires [17]. La fluorite, l’apatite ou fluoro-apatite des bassins phosphatés et les micas sont les principaux minéraux fluorés de ces roches [18]. Dans le second cas, la région la plus connue et la mieux documentée est le Rift Est-Africain, où des teneurs allant jusqu’à 180 mg/L ont pu être observées dans des lacs au Kenya [19]. Le fluor vient alors soit du lessivage des roches magmatiques alcalines possédant des minéraux tels que l’apatite, la topaze ou la fluorine soit de l’activité volcanique elle-même qui engendre des apports gazeux fluorés tel que HF [20]. Enfin, des exemples d’eaux souterraines dépassant largement la teneur en fluor recommandée par l’OMS (<1,5 mg/L) et provenant d’aquifères granitiques ont été localisés en Inde, en Thaïlande, en Chine, en Afrique du sud et dans la partie Est du Sénégal [3]. Le fluor peut être naturellement présent dans les eaux de surface à la suite d’un dépôt de particules provenant de l’atmosphère ou d’une altération atmosphérique des roches et des sols contenant du fluorure.
➤ Le temps de contact entre l’eau et les minéraux fluorés
L’hydrodynamique du système aquifère joue un rôle important dans le temps de contact entre l’eau et les roches. Ainsi, lorsque le flux des eaux souterraines est relativement lent, une nette augmentation des teneurs en substance totale dissoute (TDS) et en fluor est observée. Le rôle du climat est donc ici très important. En effet, les faibles précipitations des régions arides entraînent généralement des temps de transfert de l’eau souterraine plus longs que dans les zones humides. Les temps de contact eau/roche plus longs provoquent alors un enrichissement de l’eau en substances minérales. L’importance de l’hydrodynamique du système est également notable par la présence de quantité de fluor, souvent plus forte en aquifère captif que dans les aquifères superficiels. En région aride l’évaporation qui affecte les eaux superficielles et les sols, susceptibles de s’infiltrer, est aussi un facteur important de l’augmentation des concentrations des eaux souterraines en fluor [3]. La comparaison des teneurs en fluor obtenues par Travi dans les aquifères Sénégalais et Tunisiens illustre clairement ce rôle joué par la constante de solubilité de la réaction (1). En effet, bien que situés tous les deux dans des formations sédimentaires phosphatées et présentant tous les deux des eaux saturées vis-à-vis de la fluorine, les concentrations mesurées au Sénégal peuvent s’élever jusqu’à 13 mg/L tandis que celles obtenues en Tunisie ne dépassent que très rarement les 2 mg/L. La cause d’une telle différence vient de la présence, dans le cas de la Tunisie, de roches tel que le gypse (CaSO4 ,2H2O) engendrant un apport et une concentration non négligeable de calcium dans les eaux souterraines limitant ainsi les teneurs en fluor beaucoup plutôt qu’au Sénégal [3]. Par conséquent, les fortes teneurs de fluor semblent donc associées le plus souvent à des eaux souterraines possédant des valeurs élevées de pH (>7) facilitant ainsi les échanges ioniques entre fluorures F- et groupements hydroxyles OH- , et de type bicarbonaté-sodique (Na+ , HCO3- ) caractérisées par des faibles concentrations en magnésium et en calcium en raison de la faible solubilité de la fluorine.
Mots clés : Fluor, santé, eau de boisson saumâtre, procédé.
|
Table des matières
I – INTRODUCTION
II – PROPRIETES ET CARACTERISTIQUES DU FLUOR
II-1 – LES SOURCES NATURELLES
II-2 – LES SOURCES ANTHROPIQUES
II-3 – AUTRES SOURCES
III – FLUOR ET SANTE
III-1 – NORMES ET RECOMMANDATIONS
III-2 – METABOLISME DU FLUOR : diffusion, distribution et élimination
III-3 – FLUOROSE DENTAIRE
III-4 – FLUOROSE OSSEUSE
III-5 – FLUOR ET CERVEAU
III-6 – FLUOR ET GLANDE PINEALE
III-7 – FLUOR ET GLANDE THYROIDE
III-8 – FLUOR ET REINS
III-9 – FLUOR ET ESPACE GASTRO-INTESTINAL
III-10 – FLUOR ET CANCER
III-11 – FLUOR ET REPRODUCTION
III-12 – FLUOR ALLERGIE ET HYPERSENSIBILITE
IV – PROCEDES DE TRAITEMENT DES EAUX FLUOREES
IV-1 – ETAT DE L’ART
IV-1-1 – LES PROCEDES CHIMIQUES CLASSIQUES
IV-1-2 – LES PROCEDES PHYSICO-CHIMIQUES
V – CHOIX DU PROCEDE
CONCLUSION
ANNEXE 1
ANNEXE 2
ANNEXE 3A
ANNEXE 3B
ANNEXE 3C
ANNEXE 3D
ANNEXE 4
ANNEXE 5
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES
REFERENCES
NOMMENCLATURE
AA: alumine activée.
ANDDH : Association Nigérienne pour la Défense des Droits de l’Homme.
CFA : Communauté Financière Africaine.
ChE : cholinestérase.
C0 : concentration initiale de fluor.
Cp : concentration de fluor dans le perméat.
Da : dalton.
DDW : “deionized distilled water ”, (eau distilléé deionisée).
ED : électrodialyse.
EWG: environmental working group.
FCV: facteur de concentration volumique.
HOGGY: hospital général de grand yoff.
ICM : incisives centrales maxillaires.
IRD : institut de recherche pour le développement.
ISF : indice synthétique de fécondité.
Ks : constante de solubilité.
KRASS : Krishna Ram Ayurvigyan Shodh Sansthan
MFP : monofluorophosphate disodique.
NA: nalgonda.
NF : nanofiltration.
OI : osmose inverse.
OMS : organisation mondiale pour la santé.
ONEP : office national de l’eau potable du Maroc.
Paisa : unité monétaire de certains pays d’Asie.
pH : potentiel hydrogène.
ppb : partie par billion.
ppm : partie par million.
PVC: polychlorure de vinyle.
Q.I : quotient intellectuel.
Q0 : débit d’eau initial.
QP : débit d’eau dans le perméat.
SDE : société des eaux du Sénégal.
SNE : société nationale des eaux du Niger.
SGW: simulated geothermal water ; (eau reconstituée).
SW : sea water ; (eau de mer).
TAC : titre alcalimétrique complet.
TDS : total dissolved solids ; (substances totales dissoutes).
TR: taux de rétention.
TRG: taux de rétention global.
TRS: taux de rétention spécifique.
UF : ultrafiltration.
UNICEF : united nations chilfren’s fund ; (fond des nations unis pour l’enfance).
V0 : volume initial de l’eau brute.
VP : volume d’eau dans le perméat.
VR : volume d’eau dans le rétentât.
Y : taux de conversion.