L’éclairage à l’état solide, ou « solid state lighting » (SSL) fait référence à un type d’éclairage utilisant des diodes électroluminescentes (DEL) ou « Light Emitting Diodes » (LED) à base de semiconducteurs. Ce type d’éclairage est une technologie alternative aux sources habituelles de lumière comme les lampes à incandescence, à plasma ou à gaz, et présente un potentiel écologique, énergétique et économique très important [7]. En effet, l’utilisation de dispositifs LED pour l’éclairage présente plusieurs avantages tels que :
– Une faible consommation électrique,
– Une longue durée de vie,
– Une bonne résistance aux chocs et aux vibrations,
– La possibilité d’intégrer de l’optique et de l’intelligence embarquées,
– Un coût de production potentiellement faible : possibilité de production en parallèle à très grande échelle.
– Un domaine d’application très étendu : feux de signalisations, panneaux d’affichages, téléphones portables, lampes frontales, écrans, automobile etc…
Le département d’optique et photonique (DOPT) du CEA-Léti travaille actuellement, et depuis plusieurs années, au développement de nouvelles technologies d’éclairage à base de LED. Dans le cadre d’un programme de ressourcement Carnot, intitulé « Nouvelles sources pour l’éclairage à l’état solide», et en collaboration avec des laboratoires CNRS comme le GEMAC , le CRHEA et l’Institut Néel , le CEA-Léti explore entre autre la possibilité d’utiliser de l’oxyde de zinc (ZnO) pour la réalisation de diodes électroluminescentes. L’oxyde de zinc, est en effet un matériau très prometteur pour les applications en optoélectronique dans le domaine UV, notamment pour la réalisation de dispositifs électroluminescents (LED). Les potentialités majeures du ZnO pour ces applications résident en outre dans sa forte liaison excitonique (60 meV ), sa large bande interdite directe (3.4 eV ), la disponibilité de substrats massifs de grands diamètres ainsi que la possibilité de réaliser des croissances épitaxiales de très bonne qualité en couches minces ou nano structurées (nanofils). Cependant, le développement de ces applications est entravé par la difficulté de doper le matériau de type p. L’impureté permettant d’obtenir une conductivité électrique associée à des porteurs de charges positifs (trous), et donc la réalisation de jonctions pn à base de ZnO, n’a pas encore été réellement identifiée, malgré de nombreux travaux présents dans la littérature groupés dans plusieurs articles de revues [2, 8, 9]. C’est autour de cette problématique, et dans le cadre d’une collaboration étroite entre le CEA-Léti, pour les aspects technologiques et la réalisation des échantillons, et l’Institut Néel, pour son expertise dans les mesures électriques, que s’est déroulée cette thèse portant sur les propriétés électriques du ZnO monocristallin.
L’ Oxyde de Zinc « ZnO »
Le matériau ZnO existe sous forme naturelle, sous le nom de « Zincite », mais peut aussi être synthétisé de manière artificielle sous forme massive . C’est un semiconducteur II-VI à large bande interdite directe dont la couleur varie suivant les impuretés qu’il contient et en fonction de son écart à la stœchiométrie.
Les principales applications de l’oxyde de zinc sont encore aujourd’hui situées dans les domaines de l’industrie chimique et pharmaceutique (peintures, crèmes solaires. . . ). Dès les années 1920, le ZnO était également utilisé en tant que transducteur dans les récepteurs des premières radios sans fil (effet piézoélectrique). Le ZnO a été étudié de manière importante depuis le début des années 1950 avant d’être relativement délaissé dans les années 1970, pour connaitre ensuite un regain d’intérêt important à partir des années 1990 . en raison de ses propriétés fondamentales très attractives [9, 10]. Dans le domaine de l’optoélectronique, le ZnO est vu comme un concurrent direct du GaN, matériau avec lequel il partage de nombreuses propriétés tant structurales qu’électroniques.
Les propriétés du ZnO
H. Morkoç et U. Ozgur , C. Jagadish et S. J. Pearton, ainsi que C. Klingshirn et al., ont publié un état de l’art exhaustif des propriétés du ZnO dans un article de revue [2, 10] ainsi que dans deux ouvrages [3, 11] dont nous rappelons ici quelques unes des plus importantes.
Propriétés structurales
Sous les conditions usuelles de température et de pression, le ZnO cristallise dans la structure Wurtzite. Cette structure est un empilement de doubles couches (Zn et O) compactes, selon l’axe [0001] appelé également axe c. Dans cette structure Wurtzite, les paramètres de maille du ZnO sont :
– a = 0,32495 nm
– c = 0,52069 nm.
Chaque atome de Zinc (en site tétraédrique) est entouré de quatre atomes d’oxygène et inversement. La coordinence 4 est typique des liaisons covalentes de type sp3 . Cependant la liaison O-Zn possède également un caractère fortement ionique en raison de la forte éléctronégativité de l’atome d’oxygène. Les molécules d’oxyde maintiennent donc, dans une certaine mesure, leur individualité, contrairement à ce que l’on attendrait d’un cristal purement ionique ou purement covalent.
De plus la structure wurtzite est non centro-symétrique. Le ZnO cristallisé sous cette forme a la propriété d’être un matériau polaire suivant son axe c. La face zinc (Zn) est notée par convention (0001) ou (+c) tandis que la face oxygène (O) est notée (000-1) ou (-c). Cette structure polaire du ZnO, liée à sa structure wurtzite, entraine l’apparition d’une polarisation macroscopique même en l’absence de déformation. Le ZnO possède ainsi une polarisation non nulle selon l’axe c, appelée polarisation spontanée, de valeur −0.05 C.m−2 [12]. A cette polarisation spontanée, s’ajoute une polarisation piézoélectrique si le matériau est sous contrainte (ce qui est le cas par exemple dans les structures à puits quantiques). Il faut également préciser que la présence de ce champ électrique interne (spontanés et piézo) est à l’origine d’un effet Stark confiné quantique qui diminue l’efficacité radiative dans les puis quantiques polaires [13]. Ce champ électrique interne entraine une séparation spatiale des électrons et des trous. Les recombinaisons sont alors moins probables, et la lumière émise est décalée vers les grandes longueurs d’ondes. De plus, lorsque l’on clive les cristaux de ZnO de type wurtzite parallèlement au plan basal de la maille hexagonale, deux surfaces structurellement et chimiquement différentes sont donc créées. Cette polarité est responsable d’un comportement spécifique de chacune des faces. Les recuits, le polissage ou les attaques chimiques par exemple n’affectent pas de la même manière les deux faces. Les modes de croissance ou d’épitaxie ou l’incorporation d’impuretés sont également très différents suivant la polarité considérée [14].
Propriétés électro-optiques
L’oxyde de zinc est un matériau transparent dont l’indice de réfraction sous sa forme massive est égal à 2 et qui possède une bande interdite directe d’environ 3, 4 eV à 300°K . Le ZnO fortement dopé entre dans la classe des oxydes transparents conducteurs dits TCO (Transparent Conductive Oxide). Une autre propriété importante du ZnO est sa forte liaison excitonique de l’ordre de 60 meV. Cette propriété est souvent citée comme favorisant la recombinaison radiative de la paire électron trou et permettant aussi de baisser le seuil d’excitation pour l’émission stimulée. En comparaison, la force de l’exciton dans le GaN est d’environ 20 meV. l’existence d’alliages de gap plus grand Zn1−xMgxO (ZnMgO) ou plus petits Zn1−xCdxO (ZnCdO). L’existence de ces alliages permet d’envisager des structures LED à base de puits quantiques, dites hétérostructures, avec par exemple une barrière de ZnMgO et un puits de ZnO, qui permettent d’augmenter les recombinaisons radiatives par confinement des porteurs et donc d’améliorer le rendement lumineux du dispositif. Il faut noter cependant que le paramètre de maille de ces alliages varie avec leur composition, ce qui risque de se manifester par l’apparition de dislocations lors de la réalisation des hétérostructures, qui pourraient fortement en dégrader l’efficacité radiative.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Contexte de la thèse
1.2 L’ Oxyde de Zinc « ZnO »
1.2.1 Les propriétés du ZnO
1.2.1.1 Propriétés structurales
1.2.1.2 Propriétés électro-optiques
1.2.2 La croissance du ZnO
1.3 Objectifs et motivations de ce travail
2 Outils et modèles pour la caractérisation électrique du ZnO
2.1 Contacts métal-semiconducteur ZnO
2.1.1 Cas idéal – Modèle de Schottky et Mott (1939)
2.1.1.1 Cas où φm = φsc
2.1.1.2 Cas où φm > φsc
2.1.1.3 Cas où φm < φsc
2.1.1.4 Résumé
2.1.2 Cas réel – Influence des états de surface
2.1.3 Réalisation des contacts
2.1.3.1 Contacts ohmiques
2.1.3.2 Contacts Schottky
2.1.3.3 Résumé
2.2 Méthode C(V) : Capacité des barrières Schottky
2.3 Effet Hall et résistivité
2.3.1 Principe de l’effet Hall
2.3.2 Mesure de densité de porteurs
2.3.3 Mesures de résistivité
2.3.3.1 Configuration Van Der Pauw
2.3.3.2 Configuration barre de Hall
2.3.3.3 Résistivité 4 pointes colinéaires
2.3.4 Détermination de la mobilité
2.4 Dynamique des porteurs
2.4.1 Densité de porteurs
2.4.1.1 Cas général
2.4.1.2 Cas d’un seul niveau donneur
2.4.1.3 Cas de deux niveaux donneurs
2.4.1.4 Cas d’un niveau donneur et d’un niveau accepteur proche de la bande de conduction
2.4.2 Mobilité des porteurs
2.4.2.1 Diffusion des porteurs : principe du temps de relaxation
2.4.2.2 Règle de Mathiesen
2.4.2.3 Processus de diffusion intrinsèques
2.4.2.4 Processus de diffusion extrinsèques
2.4.2.5 Mobilité globale des porteurs
2.5 Spectroscopie des niveaux d’impuretés
2.5.1 Mécanismes de génération recombinaison
2.5.2 Cinétique de capture
2.5.3 Nature des centres profonds
2.5.4 Section de capture des centres profonds
2.5.5 Spectroscopie à transitoire de capacité (DLTS)
2.5.5.1 Principe
2.5.5.2 Mise en œuvre
2.5.5.3 Stratégies de mesures
2.5.6 Spectroscopie d’admittance
2.5.6.1 Principe
2.5.6.2 Admittance et conductance d’une barrière Schottky
2.5.6.3 Mise en œuvre : modèle équivalent
2.6 Tableau récapitulatif
3 Le dopage résiduel de type n du ZnO massif
3.1 La synthèse du ZnO massif
3.1.1 Synthèse Hydrothermale
3.1.2 Synthèse en phase vapeur
3.2 Préparation des échantillons
3.2.1 Conditionnement des échantillons pour l’épitaxie de ZnO
3.2.2 Influence des traitements de surface
3.3 Origine du dopage résiduel de type n du ZnO
3.3.1 Les défauts intrinsèques
3.3.2 Les défauts extrinsèques
3.4 Mesures préliminaires
3.4.1 Nature des échantillons
3.4.1.1 Les échantillons hydrothermaux
3.4.1.2 Les substrats CVT
3.4.2 Mesures de résistivité et de concentration de dopants
3.4.3 Concentration et mobilité des porteurs libres
3.4.3.1 Échantillons hydrothermaux
3.4.3.2 Échantillons CVT
3.4.4 Influence de la température des recuits post-croissance
3.5 Étude des niveaux profonds
3.5.1 Mesures de spectroscopie d’admittance
3.5.2 Mesures d’effet Hall haute température
3.5.3 Spectroscopie des niveaux d’impuretés par DLTS
3.6 Rôle de la nature des centres profonds sur la conductivité
3.6.1 Mobilité des porteurs
3.6.2 Densité de porteurs
3.7 Bilan sur le dopage résiduel de type n du ZnO massif
4 Essais de dopage de type p du ZnO
4.1 Généralités
4.2 Dopage de type p du ZnO par substitution
4.3 Le dopage azote
4.3.1 État de l’art du dopage azote
4.3.2 Tentatives de dopage de type p par implantation ionique d’azote
4.3.2.1 Profils d’implantation
4.3.2.2 Recuits post-implantation
4.3.2.3 Mesures de transport
4.4 Le dopage arsenic
4.4.1 Motivations
4.4.2 Tentatives de dopage de type p du ZnO par diffusion d’arsenic
4.4.2.1 Diffusion en phase solide
4.4.2.2 Diffusion en phase gazeuse
4.5 Bilan sur les essais de dopage de type p du ZnO
5 Conclusion