Propriétés électriques des membranes et canaux ioniques

Propriétés électriques des membranes et canaux ioniques

Rôles et caractéristiques générales des membranes

Toutes les cellules de l’organisme sont limitées par une membrane plasmique hydrophobe garantissant l’intégrité cellulaire et permettant la compartimentation, la régulation des échanges cellule/environnement, ou encore le contrôle des flux d’informations entre les cellules. En plus de cette membrane plasmique, les cellules eucaryotes sont également dotées de membranes internes délimitant des organites intracellulaires et assurant quelques-uns des rôles fondamentaux des mitochondries, chloroplastes ou lysosomes. La membrane plasmique est principalement composée de lipides (phospholipides, glycolipides et cholestérol) organisés en deux feuillets tête-bêche formant une barrière physique imperméable entre le milieu extracellulaire et le cytoplasme. Les autres composants essentiels de la membrane sont les protéines membranaires, assurant les fonctions de transport et de communication avec le milieu extracellulaire indispensables à la survie cellulaire. Celles-ci peuvent être intrinsèques ou extrinsèques selon qu’elles traversent intégralement la bicouche lipidique ou qu’elles soient périphériques, et peuvent être glycosylées ou non .

La nature lipidique de la membrane lui confère une relative imperméabilité vis-à-vis des molécules hydrosolubles. Le transport des ions et des molécules polaires telles que les sucres ou les acides aminés est donc assuré par des protéines transmembranaires spécialisées: les transporteurs et les canaux ioniques. Les transporteurs utilisent l’énergie de gradients de concentration (transport passif) ou de l’hydrolyse de l’ATP (transport actif) pour faire passer des ions ou des molécules d’un côté à l’autre de la membrane (vitesse de transport comprise entre 10 et 10³ molécules par seconde). Les canaux ioniques laissent passer spécifiquement des ions (flux allant jusqu’à 10⁷ voir 10⁸ ions par seconde) et leurs ouverture/fermeture sont régulées par différents facteurs suivant la nature des canaux considérés: variation du potentiel membranaire, de la pression, ou encore fixation d’un ligand.

Propriétés électriques des membranes et canaux ioniques

Les canaux ioniques sont des éléments essentiels des membranes des cellules excitables. Permettant le passage d’ions (les ions ne diffusent pas spontanément à travers la bicouche lipidique qui leur est imperméable), ils interviennent dans la modulation du potentiel de membrane, engendrent des signaux électriques, et régulent des flux d’ions. Ils contrôlent également le volume cellulaire, l’excitation des cellules nerveuses et musculaires (propagation rapide de signaux électriques sur de longues distances), la transmission synaptique, la contraction musculaire, et certains phénomènes de sécrétion entre autres activités (Hille, 2001).

L’étude de ces canaux repose essentiellement sur la mesure des phénomènes électriques qu’engendrent les flux ioniques qui les traversent. Tout courant électrique I (en ampères A) est défini par un flux de charges passant par un point donné par unité de temps (seconde): les courants ioniques correspondent donc à des flux d’ions passant par un point donné (canal ionique) par seconde, et sont généralement compris entre quelques picoampères (pA) et quelques microampères (µA) suivant que l’on observe l’activité d’un ou plusieurs canaux simultanément. Par convention, l’intensité I d’un courant dit « entrant » (flux entrant de cations ou sortant d’anions) est négative, et positive pour un courant dit « sortant » (flux sortant de cations ou entrant d’anions). Comme toute particule chargée, un ion gagne ou perd de l’énergie en se déplaçant d’un point à un autre de potentiels différents, cette différence de potentiel étant notée ∆V (en volts, V). C’est ce qui se produit lorsqu’un ion passe d’une face à l’autre de la membrane plasmique présentant des potentiels différents.

Les canaux KATP

Architecture moléculaire des canaux KATP

Produits de l’assemblage unique d’un récepteur membranaire de la famille des transporteurs à ATP-binding cassette (ABC) et d’un canal potassique, les canaux potassiques sensibles à l’ATP (KATP) sont des canaux potassiques rectifiant entrants inhibés par l’ATP et activés par le MgADP. Cette sensibilité particulière aux nucléotides adénylés intracellulaires leur confère un rôle primordial au sein des cellules excitables où ils couplent le métabolisme cellulaire au potentiel de membrane. Présents au sein de tissus variés tels que les muscles cardiaques, les muscles squelettiques et muscles lisses, les neurones ou encore le pancréas, ils interviennent de ce fait dans de nombreuses fonctions essentielles telles que le contrôle de la durée du potentiel d’action cardiaque, de la relaxation des muscles vasculaires lisses, de la libération de neurotransmetteurs ou encore de la sécrétion d’insuline.

Composition moléculaire et stoechiométrie du canal KATP

Les canaux KATP résultent de l’assemblage de deux sous-unités: le canal sélectif au potassium rectifiant entrant Kir6.x (∼450 acides aminés), associé au récepteur des sulphonylurées SUR (∼1600 acides aminés). Suivant les tissus considérés, on trouve deux isoformes différentes de Kir6.x (i.e. Kir6.1 dans les muscles lisses et Kir6.2 dans le pancréas, le cerveau, le cœur et les muscles squelettiques) et trois isoformes de SUR (i.e. SUR1 dans le pancréas, SUR2A dans le cœur et les muscles squelettiques, et SUR2B au niveau des muscles lisses des vaisseaux sanguins). De structure hétérooctamérique, les canaux sont constitués d’un pore central formé de quatre sous-unités Kir6.2, entouré par quatre sous-unités SUR (Clement et al., 1997) jouant un rôle régulateur . L’ensemble forme un complexe d’environ 950 kDa. La présence simultanée des deux sous-unités est indispensable pour que le canal soit fonctionnel à la membrane plasmique (Inagaki et al., 1995a), et leur association physique a été confirmée dans le cas du canal KATP cardiaque par des études de coimmunoprécipitation (Lorenz et Terzic, 1999). A l’image de nombreux autres membres de la famille des canaux potassiques rectifiant entrants (Kir), Kir6.2 s’assemble en tétramère pour former le pore potassique central des canaux KATP (Clement et al., 1997; Shyng et Nichols, 1997). La stoechiométrie finale du complexe a pu être déterminée grâce à l’utilisation de tandems SUR1-Kir6.2 fusionnés: la construction SUR1-Kir6.2 présente des propriétés similaires à celles des canaux natifs, contrairement aux tandems SUR1-Kir6.2-Kir6.2 ne permettant pas spontanément la formation de canaux sauf si ils ont coexprimés avec SUR1. Ceci indique que chaque sous-unité Kir6.2 requiert une sous-unité SUR et suggère qu’une stoechiométrie 1:1 est nécessaire pour le bon fonctionnement des canaux (Clement et al., 1997; Inagaki et al., 1997). La structure octamérique du canal KATP a été confirmée par des études biochimiques qui montrent que la masse moléculaire du complexe est d’environ 950 kDa, ce qui correspondrait à quatre sousunités SUR1 et quatre sous unités Kir6.2 (Clement et al., 1997) .

De plus, la structure tridimensionnelle du complexe en microscopie électronique à basse résolution (18Å) (Mikhaïlov et al., 2005) confirme cette stoechiométrie avec quatre sousunités SUR englobant un pore central formé de quatre sous-unités Kir6.2.

Assemblage et adressage 

Les modalités d’assemblage du canal in vivo sont encore méconnues, mais certains résultats suggèrent que SUR1 interagit rapidement avec Kir6.2 monomérique dans le réticulum endoplasmique, et non pas avec des tétramères de Kir6.2, et stabilise cette forme monomérique. La formation du complexe octamérique se ferait alors à partir de ces hétéromères SUR1/Kir6.2 (Crane et Aguilar-Bryan, 2004). Un certain nombre de zones d’interaction entre sous-unités potentiellement mises en jeu au cours de cette assemblage ont été rapportées: ainsi, le domaine N-terminal TMD0 de SUR1 s’associe fortement à Kir6.2 et module son adressage ainsi que ses propriétés d’ouverture (Chan et al., 2003; Fang et al., 2006), de même qu’un segment cytoplasmique de SUR2A reliant les domaines TMD2 et NBD2 interagit également avec Kir6.2 et perturbe l’adressage du canal natif lorsqu’il est coexprimé avec SUR2A et Kir6.2 (Rainbow et al., 2004a/2004b).

L’observation de Tucker et al. (1997) que Kir6.2 tronqué de ses trente-six résidus Cterminaux est capable de former en absence de SUR des canaux donnant lieu à des courants à la membrane plasmique s’explique par la présence dans ces trente-six résidus d’une séquence riche en arginines de trois acides aminés, RXR , qui agit comme signal de rétention de la protéine dans le réticulum endoplasmique (Zerangue et al., 1999). Un signal identique est présent chez SUR, localisé dans le segment cytoplasmique reliant les domaines TMD1 et NBD1. Ce signal interviendrait au moment de l’assemblage des canaux KATP et interagirait avec des dimères de protéine 14-3-3 (Yuan et al., 2003): dans un premier temps, SUR1 masquerait stériquement le signal de rétention de Kir6.2, puis 14-3-3 masquerait celui de SUR1, permettant ainsi la sortie du réticulum endoplasmique et l’adressage à la membrane plasmique (Heusser et al., 2006) .

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Table des matières

Introduction
Pré-requis : propriétés électriques des membranes et canaux ioniques
1. Rôles et caractéristiques générales des membranes
2. Propriétés électriques des membranes et canaux ioniques
A. Les canaux potassiques sensibles à l’ATP : KATP
1. Architecture moléculaire des canaux KATP
1.1 Composition moléculaire et stoechiométrie du canal KATP
1.2 Assemblage et adressage
2. Kir6.x, canal potassique rectifiant entrant
2.1 Les canaux Kir
2.1.1 Famille des canaux Kir
2.1.2 Rectification
2.1.3 Structure des canaux Kir
2.1.4 Régulation et pathologies associées
2.1.4.a Régulation
2.1.4.b Pathologies associées aux canaux Kir
2.2 Cas particuliers de Kir6.1 et Kir6.2
2.2.1 Localisations tissulaires
2.2.2 Régulation physiologique
3. SUR, un transporteur ABC particulier
3.1 Famille des transporteurs ABC
3.2 Topologie des transporteurs ABC
3.2.1 Organisation en domaines
3.2.1.a Domaines transmembranaires (TMD)
3.2.1.b Domaines de liaison des nucléotides (NBD)
3.2.1.c Autres domaines
3.2.2 Données Structurales
3.3 Mécanismes de transport
3.4 La sous famille ABCC
3.5 SUR, un « transporteur » régulant l’activité d’un canal ionique
3.5.1 Isoformes et localisations tissulaires
3.5.2 Régulation physiologique
3.5.3 SUR, régulateur des canaux Kir6.x
4. Les canaux KATP : un modèle de biocapteur physiologique
4.1 Association SUR/Kir6.x et couplage fonctionnel
4.1.1 Association
4.1.2 Couplage fonctionnel
4.2 Physiologie des canaux KATP et pathologies associées
4.2.1 Canaux KATP pancréatiques (diabète, PHHI)
4.2.2 Canaux KATP du système nerveux central
4.2.3 Canaux KATP cardiovasculaires
4.2.3.a Canaux KATP du myocarde
4.2.3.b Canaux KATP des muscles squelettiques
4.2.3.c Canaux KATP des muscles lisses
4.2.4 Autres canaux KATP
4.3 Pharmacologie des canaux KATP
4.3.1 Inhibiteurs pharmacologiques
4.3.2 Activateurs pharmacologiques
B. Récepteurs couplés aux protéines G et biocapteurs
1. Propriétés des GPCR
1.1 Familles de récepteurs couplés aux protéines G
1.1.1. Famille 1 ou A
1.1.2 Famille 2 ou B
1.1.3 Famille 3 ou C
1.1.4 Autres familles
1.2 Voies de signalisation des GPCR
1.2.1 Protéines G hétérotrimériques
1.2.2 Régulation de l’activité des GPCR
1.2.3 Voies de signalisation indépendantes des protéines G
1.3 Considérations structurales et fonctionnelles
1.4 GPCR et santé humaine
1.5 Cas particuliers des récepteurs M2 et D2
2. Régulation des canaux Kir par les GPCR
2.1 Régulation des canaux GIRK
2.2 Régulation des canaux KATP
3. Interactions directes GPCR/canaux et biocapteurs artificiels
3.1 Exemples d’interactions directes GPCR/canaux ioniques
3.1.1 Interaction D1/NMDA et D1/CaV2.2
3.1.2 Interaction D2/Kir3 et D2/CLIC6
3.1.3 Interaction D5/GABAA
3.1.4 Interaction β2/Kir3 et β2/CaV1.2
3.2 Génération de biocapteurs artificiels par couplages GPCR/canaux
Matériel et Méthodes
1. Biologie moléculaire
1.1 Clones et vecteurs d’expression
1.2 Construction des protéines chimériques
1.2.1 Mutagenèse dirigée
1.2.2 Insertion/Délétion de grands fragments
1.3 Amplification du matériel génétique
1.3.1 Transformation de bactéries compétentes
1.3.2 Amplification et purification de l’ADN plasmidique
1.4 Séquençage
1.5 Transcription in vitro
2. Expression hétérologue dans l’ovocyte de Xénope
2.1 L’ovocyte de Xénope, outil pour l’expression fonctionnelle
2.2 Préparation des ovocytes
2.3 Injection des ARNm
3. Caractérisation des protéines membranaires exprimées
3.1 Contrôle de la synthèse protéique
3.2 Contrôle de l’adressage membranaire
3.3 Contrôle de la fonctionnalité des protéines
3.3.1 Technique du patch-clamp
3.3.1.a Principe du patch-clamp
3.3.1.b Instrumentation mise en œuvre en patch-clamp
3.3.1.c Configurations de travail en patch-clamp
3.3.1.d Conditions expérimentales de travail
3.3.2 Two Electrode Voltage Clamp (TEVC)
3.3.2.a Principe du TEVC
3.3.2.b Conditions expérimentales
Résultats
A. Etude du couplage fonctionnel entre SUR2A et Kir6.2
1. Position du problème
2. Résultats
2.1 Etude du domaine N-terminal TMD0/L0 de SUR2A
2.1.1. Suppression du domaine TMD0 de SUR2A
2.1.2. Remplacement du domaine TMD0 de SUR2A
2.1.3. Insertion du TMD0 de SUR2A dans d’autres ABCC
2.1.4. Chimères entre les TMD0 de SUR2A et MRP1
2.2 Rôle essentiel d’un domaine C-terminal proximal cytoplasmique
2.2.1 Identification d’un défaut de couplage et d’adressage
2.2.2 Trois résidus C-terminaux de SUR2A sont essentiels pour l’expression des canaux KATP et leur activation par le P1075
2.2.3 Les canaux SUR2A(EIL/AAA) présentent un défaut d’activation par le P1075 sans changement d’affinité
2.2.4 Les canaux SUR2A(EIL/AAA) présentent un défaut d’activation par le SR47063 sans changement d’affinité
2.2.5 La triple mutation E1305A/I1310A/L1313A dans SUR2A abolit l’activation par le MgADP
2.2.6 L’inhibition par l’ATP et le glibenclamide ne sont pas affectés chez le mutant SUR2A(EIL/AAA)
3. Discussion
3.1 Le domaine TMD0: un élément essentiel pour l’association et les processus d’inhibition?
3.2 Implication d’un domaine C-terminal de SUR2A dans les processus d’activation
3.2.1 Les résidus E1305, I1310 et L1313 jouent un rôle critique à l’interface entre SUR2A et Kir6.2
3.2.2 La partie C-terminale proximale de SUR2A est impliquée dans les processus d’activation couplant la fixation de ligands à SUR2A aux modifications des propriétés d’ouverture de Kir6.2
3.2.3 Les processus d’inhibition et d’activation des canaux KATP reposent sur des voies de transduction différentes
B. Création de biocapteurs électriques par assemblage du canal potassique Kir6.2 avec des GPCR
1. Position du problème
2. Résultats
2.1 Génération de biocapteurs hM2-Kir6.2
2.1.1 Construction et expression de fusions hM2-Kir6.2
2.1.2 Caractérisation fonctionnelle des ICCR hM2-Kir6.2
2.1.3 Contrôle du caractère direct du couplage fonctionnel
2.2 Génération de biocapteurs hD2-Kir6.2
3. Discussion
3.1 Les ICCR, un nouveau type de biocapteur électrique moléculaire
3.2 ICCR hM2-Kir6.2 et hD2-Kir6.2: implications mécanistiques
Conclusion et Perspectives
Références Bibliographiques

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