Synthèse des copolymères
La plupart des polymères étudiés ont été synthétisés par Arkema par polymérisation radicalaire contrôlée par nitroxide. Ces copolymères ont été préparés de telle sorte qu’il existe un gradient de composition entre le bloc central et le ou les blocs latéraux. Pour avoir le même type de copolymère, mais sans le gradient, nous avons synthétisé un copolymère au laboratoire, par Atom Transfer Radical Polymerisation (ATRP). Nous allons dans ce paragraphe décrire plus en détail les modes opératoires utilisés dans chaque synthèse.
Synthèse par nitroxide
Principe de la synthèse radicalaire contrôlée par nitroxide
Cette technique de synthèse utilise un radical libre qui permet d’initialiser le système et un nitroxide pour contrôler la polymérisation. Dans une synthèse radicalaire contrôlée par nitroxide, le contrôle est possible grâce à l’équilibre entre l’espèce vivante et l’espèce protégée ou dormante qui est formée par la combinaison entre l’espèce active et le radical nitroxide.
A gauche de l’équilibre se situe l’espèce dormante, qui est majoritaire en solution car la constante de désactivation kd est supérieure à la constante d’activation ka. L’espèce active, à droite, peut réagir avec les monomères présents en solution, et donc polymériser. Les espèces actives ont une durée de vie très courte en solution (puisque l’équilibre favorise les espèces dormantes) donc, le risque de terminaison des chaînes en croissance, est diminué.
Méthode expérimentale
Dans les synthèses des copolymères qui nous intéressent, le radical nitroxide utilisé est le SG1 (figure 2). Les polymères obtenus sont soit des diblocs, soit des triblocs. Le premier bloc ou bloc central est le plus souvent du poly (méthylacrylate) (PMA). Nous avons aussi étudié un copolymère tribloc dont le bloc central est du polystyrène (PS). Les blocs latéraux ou blocs synthétisés en second sont toujours du poly (laurylméthacrylate) (PLMA).
La synthèse du premier bloc se fait sous azote, jusqu’à un taux de conversion de l’ordre de 50 % (mesurée par chromatographie en phase gazeuse). A ce moment là, le polymère et les monomères résiduels sont extraits du milieu réactif. Une analyse par Chromatographie d’Exclusion Stérique (CES) est effectuée pour connaître précisément la taille et la polydispersité du premier bloc. La synthèse du ou des seconds blocs se fait dans un réacteur de verre équipé d’un condenseur. Dans un premier temps les monomères de LMA sont chauffés à 100 °C sous azote, en agitant vigoureusement. Puis le polymère et les monomères résiduels de méthylacrylate ou de styrène sont ajoutés. La réaction est arrêtée lorsque le taux de conversion est de l’ordre de 60% (mesuré par chromatographie en phase gazeuse).
Le liquide visqueux obtenu est alors dilué en ajoutant du THF et le mélange est précipité dans le méthanol. La purification du polymère se fait en augmentant la température sous pression réduite pour éliminer les monomères résiduels et le solvant s’il en reste. Une analyse du produit final est faite par CES, pour connaitre la masse molaire totale ainsi que la polydispersité du polymère synthétisé. Dans certains cas, des analyses plus poussées ont été effectuées. Plus de détails sur la méthode de synthèse sont disponibles dans la référence [1].
Il faut bien noter que le fait d’introduire les monomères qui n’ont pas réagi lors de la synthèse du premier bloc, dans les monomères du second bloc crée un gradient de composition dans le second bloc. La forme de ce gradient de composition dépend du taux de réactivité des monomères dans les conditions de la synthèse. En conséquence, la forme du gradient de composition peut être différente lorsque le premier bloc est du PS et quand le premier bloc est du PMA.
Synthèse par ATRP
Pour connaître précisément le rôle du gradient de composition sur les propriétés des copolymères, nous avons synthétisé un polymère sans gradient de composition. Le polymère qui a été le plus étudié étant le PLMA-PS-PLMA, nous avons cherché à préparer le même polymère, mais sans le gradient. Nous avons travaillé par ATRP, en utilisant un protocole de synthèse déjà mis au point au laboratoire [2] dont nous avons modifié certaines conditions expérimentales.
Principe de la synthèse par ATRP
L’ATRP (Atom Transfer Radical Polymerization) est une méthode de polymérisation radicalaire controlée . Cette fois ci, l’agent de contrôle n’est plus un nitroxide mais la combinaison entre un radical halogéné (RX) et un métal de transition (M) au degré d’oxydation n, qui forme un complexe avec des ligands (L). L’activation de RX est une réaction d’oxydation avec départ de l’halogène X, qui se fixe sur le métal de transition (qui passe alors au niveau d’oxydation n+1). Elle permet la formation de l’espèce radicale active R· , qui peut ensuite amorcer la polymérisation.
Cette réaction étant réversible, un équilibre dynamique s’établit, qui favorise les espèces dormantes. Donc comme dans le cas de la polymérisation contrôlée par nitroxide, la faible concentration de radicaux en solution fait qu’il y a peu de terminaisons et que cette technique de synthèse ressemble beaucoup à une polymérisation vivante si les bonnes conditions expérimentales sont utilisées.
Méthode expérimentale
Les monomères de styrène et de laurylméthacrylate ont été purifiés par passage sur une colonne d’alumine avant utilisation pour enlever les traces éventuelles d’inhibiteurs. Les autres produits ont été utilisés sans purification préalable. L’amorceur bifonctionnel utilisé a été synthétisé selon le protocole décrit dans la référence [2]. C’est du 1,2-bis (2’-bromo-2’- methylpropionyloxy)ethane. Cet amorceur a été synthétisé pour réagir avec des monomères acrylates mais il amorce aussi le styrène. Au cours de la synthèse, des mesures d’absorption dans l’infra rouge proche (NIR) . Les deux étapes de polymérisation ont été réalisées dans un réacteur Büchi BEP 280 de contenance 250mL, l’agitation magnétique étant contrôlée par un Cyclone 150. Le réacteur est équipé d’un circuit d’huile qui permet de placer l’ensemble à la température désirée pour la synthèse.
Synthèse du bloc central ( Polystyrène)
Le styrène (50 g, 0.48 mol), le ligand PMDETA (0.683 g, 3.93 mmol) et l’anisole (120 ml) sont placés dans le réacteur de 250 mL dont l’air est remplacé par de l’azote (trois cycles, 0.1 mbar). Puis le chlorure de cuivre (I) (0.182 g, 1,79 mmol) finement broyé dans quelques gouttes d’anisole est ajouté sous agitation forte (environ 400 tours/minutes). La température est alors fixée à 50 °C. Enfin, l’amorceur difonctionnel (0.321 g, 0.893 mmol) est introduit dans le réacteur et le suivi automatique par NIR peut commencer. Tout au long de la polymérisation, le réacteur est sous azote, et des échantillons sont prélevés pour analyser la conversion par RMN et la masse molaire par CES. La conversion est mesurée par NIR toutes les 5 minutes.
A 50 °C, le taux de conversion n’évolue pas, donc du catalyseur est ajouté dans le milieu réactionnel et la température est fixée à 70 °C, puis 120 °C. En effet, d’après Matyjazsewski, le styrène polymérise seulement au dessus de 100 °C [3]. A cette température, nous observons que le taux de conversion augmente. Lorsqu’il a atteint la valeur attendue (ici 60 %, après environ 17 h à 120 °C), la réaction est arrêtée et le mélange réactionnel est transféré dans un flacon et mis à 4 °C. En réalité, le simple fait d’ouvrir le réacteur et de laisser entrer de l’air oxyde le catalyseur et suffit à arrêter la réaction.
Pour enlever les traces d’amorceur et de cuivre, le mélange réactionnel est purifié par passage sur une colonne de silice après dilution par du THF. Comme il reste encore de la couleur bleue typique du cuivre, cette étape est répétée en augmentant la taille de la colonne. Le liquide visqueux incolore récupéré à la sortie de la colonne est alors précipité dans du méthanol, puis filtré et séché à 80 °C pendant 12 heures. Différentes analyses ont été effectuées sur ce polymère. Les mesures par CES de ce bloc de PS donnent une masse de 55 kg/mol et une polydispersité de 1.3. La masse molaire est un peu plus élevée que ce que nous souhaitions. La polydispersité est aussi assez élevée pour une synthèse faite par ATRP, mais la température que nous avons imposée est un peu trop élevée pour permettre un contrôle total de la synthèse et peut favoriser des réactions de terminaison.
Synthèse des blocs latéraux (PLMA-PS-PLMA)
Le laurylméthacrylate (30.3 g, 0.119 mol), le ligand PMDETA (0.189 g, 1.1 mmol), le polystyrène synthétisé dans l’étape précédente (15 g, 0.27 mmol) et l’anisole (120 ml) sont placés dans le réacteur de 250 mL dont l’air est remplacé par de l’azote (trois cycles, 0.1 mbar). Une fois que toutes les espèces sont bien solubilisées dans l’anisole, le chlorure de cuivre (I) (0.054 g, 0.54 mmol) finement broyé dans quelques gouttes d’anisole est ajouté sous agitation forte. La température est alors fixée à 50°C. Cette fois-ci, ce sont les chaînes de PS qui vont jouer le rôle d’amorceur dans la synthèse (à condition qu’elles soient toujours actives). La température est augmentée et fixée à 70 °C au bout de 3h30 car la polymérisation ne semble pas progresser. En pratique, le suivi automatique par NIR ne fonctionne pas bien pour cette synthèse, car la solution est rapidement devenue orange-rouge (figure 5) de sorte qu’elle absorbe fortement le faisceau. Il est donc difficile de connaitre le taux de conversion en temps réel. Nous avons donc mesuré la conversion par RMN seulement et au vu des premiers prélèvements estimé que le taux de conversion désiré serait atteint au bout de 12 h. Pendant la nuit la température est abaissée à 40 °C. La réaction est arrêtée après 12 heures, en ouvrant le réacteur et en transférant le mélange réactionnel dans un flacon que nous avons placé à 4 °C. Pour enlever les traces d’amorceur et de cuivre, le mélange réactionnel est de nouveau purifié par passage sur une colonne de silice. Puis la solution est précipitée dans le méthanol, filtrée sur Buchner et mise à sécher à 80 °C sous vide pendant 12 heures.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Propriétés des copolymères en fondu et mise en solvant sélectif
I. Synthèse des copolymères
I.1 Synthèse par nitroxide
I.2 Synthèse par ATRP
II. Caractérisation moléculaire des copolymères
II.1 Présentation des espèces utilisées
II.2 Caractérisation par Chromatographie d’Exclusion Stérique
II.3 Résonance Magnétique Nucléaire (RMN)
III. Mise en évidence du gradient de composition
III.1 Position du problème
III.2 Microscopie électronique à transmission (TEM) pour différents traitements
III.3 Propriétés thermomécaniques : mesures par DMA et DSC
III.4 Gradient de composition et structure
IV. Modélisation des phases lamellaires appliquée à la caractérisation de la composition des copolymères
IV.1 Description du principe
IV.2 Cas du PLMA-PS-PLMA
IV.3 Cas du PMA-PLMA 12-7K
V. Mise en solvant sélectif des copolymères
V.1 Protocole : méthode du co-solvant
V.2 Structures des copolymères mis en solvant sélectif et discussion
Chapitre 2 Méthodes expérimentales
I. Techniques de caractérisation moléculaire
I.1 Chromatographie d’Exclusion Stérique (CES)
I.2 RMN
II. Méthodes de préparation d’échantillons en fondus
II.1 Extrusion
II.2 Pressage
II.3 Préparation de films minces par évaporation de solvant
III. Méthode de caractérisation des structures : mesures de rayons X
III.1 Calcul des densités électroniques
III.2 SAXS
III.3 Rhéo-SAXS
III.4 Traitement des données
IV. Rhéologie
V. Méthodes de caractérisation en fondu
V.1 Analyse mécanique dynamique
V.2 Analyse enthalpique différentielle
V.3 Microscopie électronique à transmission
VI. Méthodes de caractérisation en solvant
VI.1 Diffusion dynamique de la lumière
VI.2 Spectroscopie Infra-Rouge
Chapitre 3 Structure et dynamique des solutions micellaires au voisinage de l’équilibre
I. Position du problème : identification des différents comportements en fonction de la concentration
I.1 Viscoélasticité linéaire
I.2 Etude de la dynamique locale des solutions par diffusion de la lumière
I.3 Discussion des valeurs des bornes
II. Solutions micellaires diluées : structure et dynamique
II.1 Facteur de forme des micelles
II.2 Facteur de structure des micelles en solution
II.3 Etude de la dynamique locale par diffusion de lumière
II.4 Rhéologie linéaire
II.5 Discussion
III. Etude du régime de concentrations intermédiaires
III.1 Etude structurale par diffusion des rayons X
III.2 Etude de la dynamique locale dans le régime intermédiaire
III.3 Rhéologie linéaire
IV. Régime concentré
IV.1 Etude structurale par diffusion des rayons X aux petits angles
IV.2 Etude de la dynamique locale
IV.3 Rhéologie linéaire
V. Conclusions et discussions
V.1 Diagramme de phase
V.2 Revue bibliographique
V.3 Origine des interactions attractives
Chapitre 4 Temperature behaviour of colloid-like acrylic gradient copolymer micelles: swelling and rheology
I. Experimental section
I.1 Materials
I.2 Sample preparation
I.3 Rheology
I.4 Small Angle X-Ray Scattering
I.5 Theoretical modeling of SAXS data
II. Results
II.1 Form factor of micelles at room temperature
II.2 Structure factor of solutions at room temperature
II.3 Role of temperature
II.4 Rheology
III. Discussion
III.1 Relation between micellar structure and block copolymer architecture
III.2 Generic description of the viscosity of PLMA-PS-PLMA micelles
Conclusion générale
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