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Blocage de Coulomb
Afin de mesurer les propriétés de transport électronique d’une boîte quantique, celle-ci doit être reliée à deux électrodes métalliques source et drain (Fig. 1.9). Ces électrodes de contact sont des réservoirs avec lesquels la boîte quantique peut échanger des électrons et permettent de mesurer les propriétés de transport de la boîte. La boîte est également couplée capacitivement à une autre électrode, appelée électrode de « grille », utilisée pour changer le potentiel électrostatique de la boîte. Le point quantique est séparé des deux électrodes source et drain par des jonctions tunnel et le transport électronique à travers la boîte ne peut se faire que par ces deux électrodes de contact (Fig. 1.9). Une fois les électrodes de source et de drain reliées à un environnement de mesure extérieur, il est possible d’appliquer une tension de polarisation Vsd à leurs bornes et de mesurer le courant I circulant dans le dispositif. Cette configuration est identique à celle d’un transistor à un électron (Single Electron Transistor, SET) [153] telle que la valeur du courant s’écoulant entre la source et le drain est changée par l’utilisateur en appliquant une tension Vg sur l’électrode de grille.
Effet Kondo
Dans le paragraphe précédent, nous avons considéré les propriétés de transport d’une boîte quantique faiblement couplée aux électrodes de source et de drain et dont le comportement est dominé par le blocage de Coulomb. Dans ce cas, le transport par des effets tunnels de premier ordre conduit à un courant uniquement aux pics de Coulomb délimitant des diamants de Coulomb à l’intérieur desquels le nombre d’électrons dans la boîte est maintenu constant du fait du blocage de Coulomb. Cependant, lorsque les contacts électriques sont suffisamment transparents, de telle sorte que la résistance des barrières tunnel aux interfaces devient comparable au quantum de résistance h/e2 = 25.8 kΩ, les processus tunnel d’ordre supérieur doivent être pris en considération. Ces processus se manifestent dans le cas d’une boîte suffisamment bien couplée aux électrodes et conduisent à des fluctuations quantiques sur le nombre d’électrons dans la boîte, même lorsque celle-ci est dans un régime de blocage de Coulomb. La probabilité de ces processus de cotunneling, impliquant le passage simultané de deux électrons, est proportionnelle à T2 où T est la transparence des contacts. Ainsi, ils ne sont observables que lorsque la transparence des interfaces avec la boîte quantique est suffisamment importante.
La figure 1.14.a schématise un exemple de processus tunnel d’ordre supérieur à travers une boîte quantique. La boîte est initialement dans un état tel qu’il n’y a pas de niveau discret dans la boîte, aligné par rapport aux niveaux de Fermi des électrodes. Un niveau discret est occupé par un électron mais puisque ce niveau n’est pas aligné par rapport aux potentiels chimiques des électrodes, l’électron ne peut pas sortir de la boîte vers une des électrodes par effet tunnel du premier ordre. Du fait de la conservation de l’énergie dans la boîte, le nombre d’électrons ne peut pas changer à cause de la barrière de Coulomb qui impose que le coût en énergie pour ajouter ou enlever un électron de la boîte est de l’ordre de Uc. Dans le cas de barrières tunnel opaques, le transport à travers la boîte ne peut se faire à cause du blocage de Coulomb qui empêche le transport séquentiel des électrons un par un entre deux pics de Coulomb successifs. Par contre, si les contacts sont suffisamment transparents, l’électron initialement à l’intérieur de la boîte, peut sortir vers une des électrodes et laisser la boîte temporairement dans un état virtuel, interdit en physique classique. Ceci n’est autorisé qu’à condition qu’un autre électron, provenant de l’autre électrode, passe par effet tunnel dans la boîte et ne remplace immédiatement l’électron initialement sorti. De cette manière, le système retrouve l’énergie qu’il avait perdue. L’échelle de temps caractéristique pour un tel processus de cotunneling doit satisfaire à la relation d’incertitude d’Heisenberg et est de l’ordre de h/Uc où Uc est l’énergie de charge de la boîte. Le système retrouve alors le même état d’énergie que l’état initial, mais un électron a été transporté à travers la boîte. On parle alors de processus de cotunneling « élastique » qui est un processus cohérent. Ce processus ne change pas l’état d’énergie de la boîte et se distingue du processus de cotunneling « inélastique » où la boîte est laissée dans un état excité. Pour un processus inélastique, l’électron sorti initialement est remplacé par un autre électron occupant un niveau discret d’énergie différente [57].
Ces processus de cotunneling peuvent se manifester de manière générale dans une boîte quantique de façon indépendante du nombre d’électrons et du spin de la boîte (Fig. 1.14.a). Par contre, lorsque la boîte a un spin de valeur finie, ce spin peut avoir un effet sur les processus de cotunneling. Ainsi, lorsque le spin de la boîte est pris en compte, des processus de cotunneling tels que celui schématisé sur la figure 1.14.b, peuvent avoir lieu. Initialement, la boîte a un spin global « up » causé par le spin d’un électron individuel localisé dans la boîte, mais après que la boîte soit passée par un état virtuel intermédiaire, le spin de la boîte se renverse. Lorsque l’ensemble de ces processus de cotunneling, dans lesquels le spin de la boîte se renverse à chaque passage d’un électron, sont additionnés de manière cohé- rente, ces processus conduisent à l’apparition d’un nouvel état fondamental. Dans cet état, les spins des électrons dans les réservoirs des électrodes de contacts et le spin de la boîte sont fortement corrélés et forment un état singulet de spin. Dans cet état, le spin localisé dans la boîte est complètement écranté par les spins des électrons des réservoirs métalliques. Cet état est à l’origine de l’effet Kondo dans les boîtes quantiques et se traduit par l’apparition d’un pic étroit dans la densité d’état aux niveaux de Fermi des électrodes [149]. Contrairement au régime de blocage de Coulomb qui révèle le comportement des électrons uniquement confinés dans la boîte, l’effet Kondo incorpore également de manière cohérente l’effet des électrons délocalisés dans les électrodes.
L’effet Kondo est un effet général se manifestant dans d’autres systèmes que les boîtes quantiques. Il a été observé initialement dans des métaux nobles (par exemple Au) contenant une faible concentration d’impuretés magnétiques (<0.1 %) d’atomes de Co ou de Fe par exemple. Contrairement au comportement habituel d’un métal noble à basses températures, il a été observé, déjà depuis les années 1930 [59], qu’en dessous d’une certaine température (typiquement de l’ordre de 10 K), la résistance de tels métaux dopés augmente de façon logarithmique avec la température. Comme cet effet n’apparaît uniquement qu’en présence d’impuretés magnétiques [231], il doit forcément être lié au spin des électrons. Ce n’est qu’à partir de 1964 que Jun Kondo expliqua cet effet comme provenant d’un écrantage du spin des impuretés magnétiques par les électrons libres du métal hôte [143]. Le moment magnétique de l’impureté interagit avec le spin des électrons de conduction par un couplage anti-ferromagnétique. Ce couplage entraîne une polarisation des électrons situés à proximité de l’impureté magnétique. Ces électrons, couplés avec l’impureté, forment un état à plusieurs électrons qui écrante le spin de l’atome ferromagnétique. Cet écrantage entraîne, dans un métal, une augmentation des collisions entre les électrons de conduction au voisinage immédiat des impuretés magnétiques et ainsi une augmentation de la résistance. La température en dessous de laquelle ce phénomène apparaît porte le nom de « température Kondo » TK. Cette température traduit l’énergie de liaison de l’état singulet de spin conduisant à l’effet Kondo. C’est en 1988 que l’effet Kondo a été prédit dans des boîtes quantiques [78, 195] puis observé plus tard tout d’abord dans les boîtes quantiques fabriquées dans des hétérostructures semiconductrices [80] puis dans les nanotubes de carbone [198], dans des molécules individuelles [206] et plus récemment dans des boîtes quantiques fabriquées dans des fils semi-conducteurs [124]. L’effet Kondo dans les boîtes quantiques a une origine tout à fait analogue à l’effet Kondo observé dans les métaux dopés. La principale différence est que l’effet Kondo conduit à une augmentation de la résistance dans les métaux dopés avec des impuretés magnétiques tandis que l’effet Kondo dans une boîte quantique entraîne une augmentation de la conductance. Dans une boîte quantique, l’effet Kondo couple plus fortement les deux électrodes de source et de drain et favorise le passage des électrons d’une électrode à l’autre. Du fait de la résonance Kondo, la probabilité de transmission d’un électron à travers la boîte quantique est augmentée de même que la conductance à des températures inférieures à TK. L’état fondamental du système est un état singulet de spin et l’ensemble des processus de cotunneling conduit à l’apparition d’un pic de conductance au niveau de Fermi, appelé résonance Kondo (Fig. 1.15.a). Cette résonance est responsable de l’augmentation de la conductance à des températures infé- rieures à TK . Le pic de conductance apparaît lorsqu’il n’y a pas de niveau d’énergie discret aligné par rapport aux niveaux de Fermi des électrodes et se situe au milieu de deux pics de Coulomb successifs (Fig. 1.15.b). Bien que l’énergie de charge de la boîte ait tendance à bloquer le passage des électrons à travers la boîte, l’effet Kondo tend à s’opposer au blocage de Coulomb pour permettre le passage des électrons. A des températures inférieures à TK, la conductance augmente de façon logarithmique avec la température et peut atteindre une valeur maximale théorique égale à 2e2/h. Dans ce cas, les deux électrodes source et drain sont fortement couplées via la résonance Kondo. Par contre, lorsque T > TK, l’état singulet de spin est détruit, la conductance du système diminue et le comportement de la boîte quantique est dominé par le blocage de Coulomb. Une autre différence importante entre les boîtes quantiques et les métaux dopés avec des impuretés est que dans les métaux, l’effet Kondo apparaît dans un matériau massif contenant de nombreux atomes ferromagné- tiques tandis que pour les boîtes quantiques, l’effet provient du spin localisé dans la boîte quantique qui se comporte comme une seule « impureté magnétique ». D’autre part, dans une boîte quantique, l’effet Kondo dépend essentiellement des paramètres qui régissent le comportement de la boîte quantique, c’est-à-dire l’énergie de charge Uc, la position des niveaux d’énergie dans la boîte et le taux de transfert tunnel Γ. Ces paramètres sont directement accessibles et modifiables expérimentalement dans une boîte quantique [149], contrairement aux métaux dopés où la concentration en impuretés et la force d’interaction entre les impuretés magnétiques et les spins des électrons de conduction sont fixes pour un échantillon donné.
Boîte quantique à nanotube de carbone
Après avoir rappelé de manière générale quelques propriétés du comportement d’une boîte quantique, intéressons-nous plus particulièrement dans ce paragraphe aux boîtes quantiques fabriquées à partir de nanotubes de carbone. Lorsque deux électrodes métalliques sont déposées au-dessus d’un nanotube de carbone, des barrières tunnel se développent naturellement aux interfaces entre le nanotube et le métal. Les électrodes définissent sur le nanotube une section de longueur finie. Lorsque la longueur de la jonction est suffisamment courte et que celle-ci est mesurée à des températures suffisamment basses, les effets quantiques provenant de la taille finie de la jonction peuvent se manifester. La jonction à nanotube se comporte alors comme un point quantique dont le spectre d’énergie est quantifié. La taille de la boîte quantique est directement déterminée par la séparation L entre les électrodes métalliques (Fig. 1.16). La longueur finie L entraîne une quantification des niveaux d’énergie dans la direction suivant l’axe du nanotube. Du fait du confinement des électrons dans le nanotube de longueur finie, les ondes électroniques se réfléchissent en partie aux interfaces avec les contacts métalliques. Lorsque le transport des électrons à travers le nanotube se fait de manière cohérente, les ondes électroniques peuvent interférer entre elles et conduisent à une quantification du spectre d’énergie du nanotube. Les niveaux d’énergie du nanotube sont discrets et distants d’une énergie ∆E. En tenant compte du spin des électrons, les électrons de spins opposés ont la même énergie, de sorte que chaque niveau orbital est doublement dégénéré en spin et peut être occupé au maximum par deux électrons de spins opposés. En faisant l’approximation de l’électron confiné dans une boîte de longueur finie L, on peut estimer ∆E pour un nanotube métallique. En considérant que la relation de dispersion du nanotube, proche du niveau de Fermi, est linéaire (Fig. 1.16.b) et s’exprime par : E(k) = ±~vF où vF = 8.1×105 m/s est la vitesse de Fermi du graphite, on déduit :
∆E = | = | ≈ | (1.12) |
dE∆k | hvF | 1.0meV | |
dk2 | 4L | L[µm] |
où ∆k est la séparation entre les vecteurs d’onde discrets selon l’axe du nanotube de longueur finie L. En prenant des conditions aux limites finies aux extrémités de la boîte, on estime ∆k = π/L. Le facteur 1/2 dans la formule (1.12) ne considère que la contribution d’une seule orbitale. Cependant, la bande de conduction et la bande de valence d’un nanotube métallique se croisent au niveau de Fermi en deux points de vecteurs d’onde opposés. Le spectre d’énergie de la boîte quantique à nanotube est ainsi composé de deux orbitales, chaque orbitale étant doublement dégénérée en spin. Chaque niveau discret peut être occupé par quatre électrons se répartissant sur les deux orbitales. En tenant compte de cette dégénérescence orbitale, l’espacement entre niveaux discrets est le double de celui de la formule (1.12) et s’écrit : ∆E = hvF /2L. On remarque que la distance entre niveaux est inversement proportionnelle à la longueur de la jonction. Ainsi, les niveaux discrets sont d’autant plus espacés que la longueur du nanotube est courte. Ainsi, pour une longueur L=100 nm, la formule (1.12) prédit une séparation entre niveaux ∆E ≈ 8 meV, suffisamment élevée pour modifier profondément les propriétés de transport électronique de la jonction à basses températures (kBT ≈ 10–3 meV à T=40 mK, ∆E ≫ kBT). Par ailleurs, la formule (1.12) n’est valable que dans le cas de nanotubes de carbone dans un régime balistique tels que L < Le, Lφ (section 1.2.3). Cette condition est nécessaire à la formation d’une boîte quantique unique définie sur toute la portion de nanotube située entre les deux électrodes métalliques de contact. En effet, dans le cas où L ≳ Le, les défauts structuraux segmentent la jonction à nanotube de longueur L en une série de boîtes quantiques plus petites. La fabrication et l’étude de boîtes quantiques à nanotube nécessitent donc d’utiliser des nanotubes de carbone de très bonne qualité structurale. La réduction de la longueur du nanotube connecté est également une manière de minimiser l’effet des défauts et d’augmenter la probabilité d’obtenir une boîte quantique unique. On peut aussi remarquer que d’autres facteurs peuvent être responsables de la formation de plusieurs boîtes quantiques en série au sein d’un même nanotube de carbone comme par exemple l’interaction entre le nanotube et le substrat sur lequel le nanotube est déposé. On observe également, d’après l’équation (1.12), que l’espacement entre les niveaux d’une boîte quantique à nanotube est constant et ne dépend pas du nombre N d’électrons dans la boîte. Cette propriété n’est pas commune à tous les types de boîtes quantiques comme les boîtes définies dans des gaz bidimensionnels formés dans des hétérostructures semiconductrices où l’espacement entre niveaux diminue et peut devenir très faible lorsque la boîte quantique est peuplée de plus en plus d’électrons. Le spectre d’excitation de ce type de boîte quantique devient alors beaucoup plus complexe que celui des boîtes quantiques à n – (a) Représentation schématique d’une boîte quantique à nanotube de carbone. Les deux électrodes métalliques de source (S) et de drain (D), séparées d’une distance L sont déposées au-dessus du nanotube. La boîte quantique est formée par le segment de nanotube compris entre les deux électrodes, conduisant à un spectre d’énergie quantifié suivant la direction longitudinale du nanotube. Le nanotube est également couplé capacitivement à une électrode de grille contrôlée par la tension Vg, permettant de changer la position des niveaux discrets du nanotube par rapport aux potentiels chimiques des électrodes métalliques. La transparence des contacts aux interfaces entre le nanotube et les électrodes métalliques va déterminer fortement le régime de transport de la boîte. (b) Illustration de l’effet de la quantification de l’énergie sur la structure de bande d’un nanotube métallique de longueur finie. Seul le croisement des deux bandes du graphène au niveau de Fermi pour des vecteurs d’onde positifs est représenté. Du fait de la taille finie L du nanotube, les vecteurs d’onde selon l’axe du nanotube sont quantifiés et distants de ∆k = π/L. La quantification des vecteurs d’onde entraîne un spectre en énergie discret, composé de niveaux séparés d’une distance ∆E. L’espacement en énergie entre deux niveaux successifs ∆E est d’autant plus important que ∆k est grand, c’est-à-dire que la longueur L du segment du nanotube est courte.
Synthèse des nanotubes et remplissage simultané
Le remplissage des nanotubes in situ est réalisé en une seule étape de synthèse. Les deux techniques permettant le remplissage des nanotubes de carbone pendant leur croissance sont les procédés par arc électrique et CCVD (Catalytic Chemical Vapor Deposition). Ces deux techniques conduisent en général à la synthèse et au remplissage de nanotubes multiparois (MWNTs).
Arc électrique à anode composite
Cette technique repose sur la création d’un arc électrique entre deux électrodes de graphite aux bornes desquelles est appliquée une différence de potentiel. Des températures de plusieurs milliers de degrés sont atteintes et subliment les éléments constituant l’anode au sein d’un plasma, puis recondensent en des endroits divers du réacteur. La synthèse de MWNTs remplis est réalisée en dopant l’anode avec l’élément à encapsuler à l’intérieur des nanotubes. C’est d’ailleurs cette technique qui a permis la découverte accidentelle des nanotubes simple paroi (SWNTs) en voulant initialement remplir des MWNTs avec du Fe [111] et avec du Co [15]. Les MWNTs se forment sur la cathode au sein d’un dépôt constitué de nombreux sous produits de synthèse (nanoparticules métalliques, carbone amorphe, coques de carbone, …). Une partie des MWNTs formés à la cathode est remplie de l’élément initialement utilisé pour doper l’anode. Cette technique a permis de synthétiser des nanotubes remplis avec des carbures métalliques [168, 169, 92, 236, 264], des métaux de transition (Ti, Cr, Ni, Cu, …) [60, 300, 237], des terres rares (Dy, Gd, …) [60, 92] et d’autres éléments (S, Ge, Sb, Se, …) [92, 177, 237].
CCVD (Catalytic Chemical Vapor Deposition)
Dans le procédé CCVD, un gaz carboné réactif se décompose sur des particules de catalyseur. Le carbone nécessaire à la formation des nanotubes provient du gaz carboné. Les nanotubes croissent à partir des particules de catalyseur. L’excès de catalyseur nécessaire à la formation des nanotubes peut être encapsulé à l’intérieur des nanotubes pendant leur formation sous la forme de particules ou de fils continus. La température de synthèse est plus basse que pour l’arc électrique et est typiquement comprise entre 500 et 1100˚C. Comme le composé encapsulé doit être aussi catalyseur de la croissance des nanotubes, le nombre d’éléments encapsulables par cette méthode est plus faible que pour l’arc électrique. Par contre, cette technique est plus appropriée pour remplir des MWNTs avec des métaux de transition ferromagnétiques comme le Fe [213, 84, 289, 159, 161, 87], le Co [278, 160] et le Ni [163, 277, 278]. Des remplissages composés d’alliages de Fe et de Ni ont également été réalisés [85]. La figure 2.2 présente des MWNTs remplis de Fe par un procédé CCVD assisté par catalyse, en partant d’un mélange gazeux d’éthylène et de ferrocène chauffé à 1000˚C sous pression réduite [213, 289]. Le remplissage est partiel, néanmoins de l’ordre de 60%, avec des nanotubes remplis sur plusieurs centaines de nm de long. Les cristaux de Fe sont généralement aussi larges que le diamètre interne du tube contenant (i.e., de l’ordre de 5-50 nm). D’autres éléments peuvent aussi être encapsulés par cette technique mais ils sont plus rares (Cu, Ge [54], Sn [117], Pd [31], …). Les qualités graphitiques des parois du nanotube et crystallographiques du remplissage peuvent être comparables avec celles des nanotubes remplis par arc électrique (Fig. 2.2.b). Par contre, la technique CVD conduit en général à moins de résidus de synthèse que l’arc électrique.
Les méthodes CCVD et par arc électrique sont intéressantes car elles permettent de remplir des nanotubes en une seule étape. Les parois des nanotubes ne subissent aucun traitement ultérieur et sont laissées intactes après la synthèse. Cependant, ces techniques conduisent en général à une grande hétérogénéité des diamètres des nanotubes. Ces mé- thodes sont limitées au remplissage de MWNTs de diamètres allant de quelques nanomètres à plusieurs centaines de nanomètres, suivant les conditions de synthèse. De plus, les remplissages sont en général composés des éléments purs ou plus rarement des carbures. Les températures élevées dans le plasma d’arc électrique ne permettent pas de remplir les nanotubes avec des oxydes ou des sels métalliques.
Remplissage des nanotubes postérieur à leur synthèse
Les limitations importantes des techniques de remplissage in situ, en particulier pour les SWNTs, ont conduit à développer une autre approche où les nanotubes vides sont tout d’abord synthétisés puis remplis ultérieurement. Cette approche permet de remplir tous types de nanotubes (MWNTs, DWNTs, SWNTs, …) synthétisés au préalable par arc électrique, par CVD ou par ablation laser. Le remplissage ex-situ ouvre aussi beaucoup plus de possibilités dans la diversité des phases insérées. Initialement développées pour le remplissage des MWNTs, les méthodes de remplissage ex-situ ont également permis de remplir des SWNTs par une très grande diversité d’éléments (métaux, semiconducteurs, oxydes, sels métalliques, molécules, …).
Lorsque les nanotubes vides sont initialement fermés à leurs extrémités, il est nécessaire de les ouvrir (section 2.3.1) pour pouvoir y encapsuler une phase étrangère. Les nanotubes ouverts sont ensuite remplis par un élément ou un composé, inséré dans la cavité interne sous forme gazeuse (section 2.3.2) ou liquide (section 2.3.3).
Ouverture des nanotubes vides
On distingue deux principales méthodes d’ouverture. Les nanotubes peuvent être ouverts par oxydation thermique, en chauffant les nanotubes en présence d’oxygène (à l’air [1]), ou par oxydation chimique en milieu liquide [274]. Ces deux méthodes conduisent à l’ouverture des MWNTs et des SWNTs. Cependant, les conditions d’oxydation des MWNTs doivent être plus sévères que pour les SWNTs du fait du nombre plus important de parois. Selon Ajayan et al, les conditions optimales d’ouverture de MWNTs synthétisés par arc électrique impliquent un chauffage à l’air à 700˚C pendant 15 minutes [1]. Le rendement d’ouverture est alors d’environ 20%. L’ouverture se fait par écaillage feuillet par feuillet des extrémités des nanotubes. L’ouverture des SWNTs par oxydation thermique se fait en gé- néral à des températures plus faibles, typiquement comprises entre 350˚C et 500˚C pendant 30 minutes à 1-2 heures pour des SWNTs synthétisés par arc électrique [36]. L’oxydation thermique des SWNTs conduit en général à de meilleurs taux d’ouverture que pour les MWNTs car il n’y a qu’une seule paroi à oxyder.
La méthode chimique d’ouverture consiste à mettre en contact les nanotubes avec un agent chimique oxydant, typiquement un acide concentré comme HNO3 [34, 254, 41], H2SO4 ou un mélange des deux [232]. L’attaque acide se fait de préférence au niveau des défauts et des points de flexion des nanotubes [274]. De telles courbures sont engendrées par la présence d’hétérocycles impliquant cinq atomes de carbone au lieu de six. Ces défauts structuraux sont en particulier nécessaires pour fermer les nanotubes à leurs extrémités. Les extrémités des nanotubes sont donc des sites d’ouverture préférentiels. L’ouverture des SWNTs peut aussi se faire par les parois des nanotubes, aux endroits où des défauts structuraux étaient initialement présents. Par contre, pour les MWNTs, la probabilité pour que des défauts structuraux se superposent aux mêmes endroits sur toutes les parois est quasiment nulle et l’ouverture se fait essentiellement aux extrémités. D’autres agents chimiques oxydants [232] peuvent être aussi utilisés pour l’ouverture des nanotubes comme KMnO4, OsO4, HF/BF3, … . L’ouverture par reflux à l’acide nitrique (qui est la plus utilisée), comme l’utilisation d’autres oxydants, présente l’inconvénient de conduire à la fonctionnalisation des bouts et des parois des nanotubes par des groupes carboxyliques (-COOH), carbonyles (-CO) et hydroxyliques (-COH) [232]. L’élimination de ces groupes peut se faire par des recuits thermiques à haute température sous atmosphère inerte [34]. D’autre part, l’oxydation des nanotubes peut conduire à la présence de débris carbonés qui forment un bouchon à l’ouverture ainsi créee. L’élimination de ces obstructions au niveau des ouvertures peut se faire par un recuit à haute température.
Le procédé d’ouverture peut être optimisé en utilisant successivement une attaque acide, typiquement à l’acide nitrique, puis une oxydation à l’air. La combinaison des deux mé- thodes d’ouverture augmente le taux d’ouverture des nanotubes. Toutefois, il est nécessaire de bien contrôler les procédés d’ouverture pour minimiser au mieux les dommages de l’oxydation sur la qualité structurale des nanotubes, en particulier pour les SWNTs. Une oxydation trop violente pourrait conduire à une perte importante de leurs propriétés voire même à une destruction totale des nanotubes. Les procédés d’oxydation conduisent à une perte globale de masse de l’échantillon qui provient des nanotubes mais aussi de l’oxydation de résidus carbonés et d’impuretés. En particulier, pour des nanotubes synthé- tisés par arc électique ou par ablation laser, qui contiennent également beaucoup d’autres sous-produits de synthèse, les procédés d’ouverture permettent de purifier l’échantillon en éliminant une partie des impuretés et d’augmenter la proportion en nanotubes. Nous verrons par la suite que l’ouverture des nanotubes peut également se faire en même temps que l’étape de remplissage en phase liquide (section 2.3.3)
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Table des matières
Introduction générale
1 Généralités sur les nanotubes de carbone et les boîtes quantiques
1.1 Introduction
1.2 Nanotubes de carbone
1.2.1 Structure géométrique
1.2.2 Propriétés électroniques des nanotubes monoparois
1.2.3 Transport balistique
1.3 Boîtes quantiques
1.3.1 Introduction
1.3.2 Blocage de Coulomb
1.3.3 Effet Kondo
1.3.4 Boîte quantique à nanotube de carbone
1.4 Conclusion
2 Synthèse de nanotubes de carbone hybrides
2.1 Introduction
2.2 Synthèse des nanotubes et remplissage simultané
2.2.1 Arc électrique à anode composite
2.2.2 CCVD (Catalytic Chemical Vapor Deposition)
2.3 Remplissage des nanotubes postérieur à leur synthèse
2.3.1 Ouverture des nanotubes vides
2.3.2 Remplissage en phase gazeuse
2.3.3 Remplissage par capillarité en phase liquide
2.4 Nanotubes de carbone hybrides réalisés
2.4.1 Nanotubes de départ
2.4.2 Procédures expérimentales
2.4.3 Principales observations
2.5 Conclusion
3 Connexion électrique des nanotubes de carbone
3.1 Introduction
3.2 Dépôt des nanotubes de carbone
3.2.1 Les nanotubes utilisés
3.2.2 Dispersion des nanotubes
3.2.3 Dépôt d’une micro-goutte de dispersion
3.2.4 Peignage
3.3 Techniques de lithographie
3.3.1 Préparation du substrat
3.3.2 Lithographie optique
3.3.3 Lithographie électronique
3.3.4 Caractérisation du contact électrique
3.4 Observation TEM
3.4.1 Fabrication des membranes
3.4.2 Contactage et suspension des nanotubes
3.4.3 Observation des nanotubes
3.5 Conclusion
4 Propriétés de transport de nanotubes de carbone remplis de cobalt
4.1 Introduction
4.2 Présentation des résultats expérimentaux
4.2.1 Nanotubes de carbone avant remplissage (SWNTs)
4.2.2 Nanotubes de carbone remplis de cobalt (Co@SWNTs)
4.3 Discussion des résultats expérimentaux
4.3.1 Effet Magnéto-Coulomb
4.3.2 Volume d’activation
4.4 Conclusion
5 Etude du SQUID à nanotube
5.1 Introduction
5.2 Jonction Josephson
5.2.1 Théorie BCS
5.2.2 Effets Josephson
5.2.3 Modèle RCSJ
5.2.4 Autres types de jonctions Josephson
5.2.5 Réflexion d’Andreev
5.2.6 Jonction Josephson à boîte quantique
5.3 Jonction Josephson à nanotube
5.3.1 Régime intermédiaire
5.3.2 Régime ouvert
5.4 Effet Josephson alternatif
5.5 SQUID
5.5.1 Principe du SQUID
5.5.2 SQUID à nanotube
5.5.3 Jonction π
5.5.4 Application à la mesure d’une molécule unique
5.6 Conclusion
Conclusion générale
A Nanotubes hybrides
B Techniques de fabrication
B.1 Grilles amincies
C Mesures de transport à très basses températures
C.1 Filtrage
D Mesures de transport supplémentaires
D.1 Boîte Quantique
D.1.1 Régimes de couplage
D.1.2 Grille latérale/Grille en face arrière
D.2 Supraconductivité
D.2.1 Gap supraconducteur effectif
D.2.2 Pas de Shapiro
D.3 Mesures des SWNTs remplis de cobalt
Bibliographie
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