Propriétés alkylantes des dérivés de l’artémisinine

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Polymérisation de l’hème

Dans la vacuole digestive acide du parasite, 20 à 80% de l’hémoglobine de l’hôte est digérée8. Contrairement aux vertébrés, Plasmodium ne possède pas d’hème oxygénase pour dégrader l’hème-fer(II) libéré par cette digestion. Cet hème-fer(II) est capable de réduire l’oxygène moléculaire entraînant ainsi la formation d’espèces réduites O2•- et H2O2. Ce processus initie un  » stress oxydant  » pour le parasite.
Pour éviter les dommages dus à la présence d’hème-fer(II) libre et toxique, le parasite agrège l’hème-fer(II) sous la forme d’un polymère insoluble, microcristallin dans lequel le fer est oxydé en fer(III) non toxique : pigment malarique ou hémozoïne. À la suite de la première structure proposée en 1991 par Slater et al.9, Pagola et al. proposent que l’hémozoïne soit en fait composée d’unités dimériques d’hème (dans lesquelles un groupement carboxylate d’une molécule d’hème coordonne l’atome de fer d’une seconde molécule d’hème et réciproquement) reliées entre elles par des liaisons hydrogènes (figure 2)10.
L’hémozoïne s’accumule dans la vacuole digestive du parasite. Toute perturbation de ce processus de détoxification peut avoir des conséquences néfastes pour la survie de Plasmodium. La ferriprotoporphyrine présente une forte affinité pour les quinoléines telles que la chloroquine, la quinine et la méfloquine11. Ces composés antipaludiques efficaces se complexeraient à l’hème-fer(II) qui ne pourrait plus se polymériser et initierait alors les réactions toxiques en catalysant la réduction de l’oxygène moléculaire12, 13.

LES CAPACITÉS ALKYLANTES DE L’ARTÉMISININE

L’artémisinine : un trioxane à activité antipaludique

L’artémisinine (ou qinghaosu) est obtenue des feuilles d’une armoise Artemisia annua L. et était utilisée sous forme de décoctions en Chine, dans la pharmacopée traditionnelle, pour le traitement des fièvres. Ce n’est qu’en 1972 que le qinghaosu a été isolé par extraction des feuilles au diéthyléther, suivies de recristallisations14. L’artémisinine est une lactone sesquiterpénique tétracyclique comportant une fonction endoperoxyde (figure 3), indispensable à son activité. Quatre métabolites humains ont été identifiés15.
Un des inconvénients de l’artémisinine est sa faible solubilité dans l’eau et l’huile, vecteurs couramment utilisés pour l’administration de médicaments. Pour pallier ce problème, des dérivés ont été préparés par réduction de la lactone au borohydrure de sodium, suivie d’une éthérification, dans le cas de l’artéméther et de l’artééther, ou d’une estérification, dans le cas de l’artésunate (figure 3). Tous les composés de la famille de l’artémisinine ont d’excellentes activités in vivo. Par voie orale, la dose efficace réduisant de 50% la parasitémie chez les souris infectées par Plasmodium berghei (DE50) est de 3 mg/kg/j pour l’artéméther et de 5 mg/kg/j pour l’artémisinine (traitement standard de 4 jours)16. Par voie sous-cutanée, les DE50 sont environ 10 fois plus faibles (Artm : 0,5 ; Arts : 0,4 ; Art : 0,9 mg/kg/j).
Ces composés sont très utilisés depuis plus de 20 ans en Asie du sud-est sans effet secondaire ou résistance jusqu’à maintenant17. En laboratoire, l’induction de résistances aux dérivés de l’artémisinine chez la souris est lente et réversible18. Cependant, l’utilisation de ces dérivés en monothérapie est associée à de forts taux de recrudescence à cause de leur temps court de demi-vie dans le plasma19. Pour cette raison, ces dérivés sont associés à d’autres molécules, comme la méfloquine ou la luméfantrine, qui sont éliminées plus lentement.
L’inconvénient majeur de l’artémisinine concerne ses problèmes d’approvisionnement : les rendements maximums, obtenus à partir d’Artemisia cultivée, ne représentent que 2% de la plante sèche contre 0,5% pour des plantes sauvages20. De plus, la production d’artémisinine à partir d’armoise cultivée dépend des régions géographiques (5 fois plus d’artémisinine à l’hectare en Inde qu’au Vietnam ou en Afrique)21. Les cultures indiennes plus productives ainsi que le développement de nouvelles voies d’accès aux dérivés de l’artémisinine (production d’acide artésunique par des levures)22 peuvent aider à la baisse du coût de l’artémisinine. Toutefois, il est essentiel de synthétiser un nouvel antipaludique très bon marché et présentant le même mécanisme d’action. Pour se faire, une connaissance minimale du mécanisme d’action de l’artémisinine est nécessaire.

Mécanisme d’action de l’artémisinine

Le  » stress oxydant  » dû à des espèces réduites de l’oxygène a été considéré comme responsable de l’activité de l’artémisinine23, 24. Cependant ces travaux ont été effectués à des concentrations en artémisinine mille fois supérieures aux doses pharmacologiquement actives. À ces concentrations, les lésions provoquées ne sont pas spécifiques et ne peuvent rendre compte de l’activité antipaludique des endoperoxydes utilisés à des concentrations nanomolaires. L’hypothèse la plus probable repose sur l’application de la chimie classique des peroxydes au cas de l’artémisinine : activation réductrice du peroxyde par un complexe métallique de bas degré d’oxydation. L’hème qui est internalisé par les parasites est abondant dans les globules rouges. De plus, l’artémisinine s’accumule dans les globules rouges infectés. Dans ces conditions, la réaction entre l’hème-fer(II) et l’artémisinine est-elle possible ?
La coupure des 1,2,4-trioxanes, initiée par le fer(II), commence par un transfert monoélectronique du fer(II) vers le pont peroxyde, générant deux radicaux anions 3 et 5 (figure 4), chacun pouvant évoluer selon sa propre voie réactionnelle25.
La coupure du peroxyde de l’artémisinine 1 avec fixation du fer sur l’oxygène 1 peut générer le radical oxygéné 2 qui évolue rapidement via la coupure de la liaison C3-C4 adjacente pour former le radical alkyle primaire en position C4 3. L’autre ouverture du peroxyde peut donner naissance au radical oxygéné 4 qui évolue via un transfert 1,5 d’hydrogène pour générer le radical alkyle secondaire 5.
Après des expériences préliminaires sur une métalloporphyrine synthétique modèle d’hème (la méso-tétraphénylporphyrine de manganèse)26, la PPIX-Fe(III) (stable à l’air), incubée avec de l’artémisinine en présence d’un réducteur capable de générer du fer(II) réactif, a été convertie avec de très bons rendements en adduits covalents hème-artémisinine. Ces adduits résultent de l’alkylation des quatre positions meso de la porphyrine par un radical alkyle primaire centré en C4 3 issu de l’activation réductrice de l’artémisinine (figure 5)27, 28.

Autres activateurs et cibles possibles de l’artémisinine

L’alkylation de protéines parasitaires par les dérivés hémisynthétiques de l’artémisinine a été mise en évidence34. L’incubation de la dihydroartémisinine radioactive, à des concentrations pharmacologiquement actives, dans des érythrocytes infectés par Plasmodium falciparum, révèle l’alkylation de protéines parasitaires spécifiques. Parmi ces protéines parasitaires, la TCTP (Tranlationally Controlled Tumor Proteine) est alkylée in vitro en présence d’hème35.
Très récemment, l’inhibition sélective par l’artémisinine de PfATP6, une ATPase calcium-dépendante a été décrite36. Cette inhibition dépend également du fer. Par ailleurs, l’inhibition par l’artémisinine (à la concentration très élevée de 200M) de l’activité de protéases à cystéine dans la vacuole digestive de Plasmodium, a également été rapportée.
Plusieurs hémoprotéines (hémoglobine, catalase, cytochrome c) réagissent avec l’artémisinine. Après incubation avec de l’artémisinine marquée, la radioactivité est associée non seulement à l’hème mais également à la partie protéique37. Ainsi, dans les hémoprotéines, l’hème peut également catalyser l’alkylation de la partie protéique.
Après activation de l’artémisinine par l’hème, l’alkylation de protéines est donc également possible. En effet, avec une durée de vie de 1 à 3 ns, une molécule organique peut se déplacer sur une distance de 8 à 14 Å en solution aqueuse à température ambiante38. Ainsi, un radical carboné, généré par l’hème, peut se déplacer et alkyler une protéine du voisinage de l’hème. Toutefois, d’autres espèces biologiques de fer peuvent également jouer le rôle d’activateur, de même que d’autres espèces métalliques réductrices.

PROPRIÉTÉS ALKYLANTES D’ANTIPALUDIQUES DÉRIVÉS DE L’ARTÉMISININE

Dans la deuxième partie, nous allons nous intéresser à des dérivés de l’artémisinine afin de voir si ces propriétés alkylantes peuvent être généralisées aux composés comportant un motif 1,2,4–trioxane. Parmi ces molécules, nous étudierons l’action de l’hème sur l’acide artésunique (forme acide de l’artésunate : dérivé hémisynthétique de l’artémisinine le plus utilisé en clinique humaine), mais aussi sur une trioxaquine®, molécule duale comportant le pharmacophore de l’artémisinine et celui de la chloroquine (cf. partie 2, chapitre 1). Enfin, la littérature faisant controverse de cette alkylation, nous regarderons en détail ce qu’il en est avec des dérivés de la déoxoartémisinine modifiés en C10 (cf. partie 2, chapitre 2).

Cycle de vie des schistosomes

Les infections par S. mansoni, S. japonicum, S. mekongi ou S. intercalatum sont souvent associées à des hépatites chroniques et des fibroses intestinales. Les infections par S. haematobium provoquent des fibroses et une calcification de l’appareil urinaire. Toutes les schistosomoses sont consécutives à un contact direct avec de l’eau (mare, étang, flaque) contenant des formes larvaires du parasite produites par le mollusque4. Les cycles de vie des différentes espèces sont très semblables et ne diffèrent que par quelques points qui sont précisés ci-après.

Libération des œufs par l’hôte

Les couples de vers adultes vivent dans les vaisseaux sanguins (système porte pour S. mansoni et S. japonicum, système cave pour S. haematobium) de l’organisme de l’hôte mammifère. Les œufs pondus par les femelles migrent, à travers les vaisseaux sanguins, vers la vessie ou l’intestin de l’hôte5. Dans le cas de S. mansoni, les œufs libérés dans les voies mésentériques sont transportés dans le sang à proximité du gros intestin, où ils pénètrent graduellement la paroi de l’intestin, le lumen et sont libérés dans les fèces. Les œufs de S. japonicum se trouvent dans les voies mésentériques supérieures à proximité de l’intestin grêle et sont également éliminés dans les fèces. Ceux de S. haematobium passent la paroi de la vessie et sont éliminés par l’urine6. Au voisinage de l’œuf, des enzymes protéolytiques sont libérées et aident à la digestion des tissus de l’hôte. Les œufs possèdent un éperon qui leur permet de percer la paroi de l’intestin. De plus, les mouvements péristaltiques aident à la progression. Il est communément observé que des œufs soient piégés dans les tissus et causent des inflammations entraînant la formation d’un granulome sur chaque site d’œuf piégé. De plus, des occlusions des petits vaisseaux sanguins entraînent des nécroses et des ulcérations.

Cycle du schistosome chez l’hôte intermédiaire

Les œufs libérés dans les excrétions d’une personne infectée, se retrouvent au contact de l’eau et libèrent des larves microscopiques appelées miracidia (figure 2). Ces dernières doivent trouver et pénétrer un mollusque aquatique spécifique (Biomphalaria glabrata pour S. mansoni par exemple) de manière à survivre. Des agents chimiques du mollusque (mucus, acides gras, acides aminés) attirent le miracidium. Une fois à l’intérieur du mollusque, le miracidium se transforme en un sporocyste-mère qui génère 35 à 600 sporocystes-filles en trois semaines. Ces dernières migrent dans les glandes digestives du mollusque dès le 12ème jour après la pénétration par le miracidium, se transforment par un cycle de reproduction asexué et produisent de nouvelles larves parasites (les cercaires) qui sont libérées par le mollusque dans l’eau (environ 1500 cercaires par jour). La durée entre la pénétration des miracidia dans l’escargot et la libération des cercaires est de 4 semaines.

Cycle du schistosome chez l’hôte mammifère

Les personnes sont contaminées par les cercaires lors d’un contact avec de l’eau infectée pendant leurs activités quotidiennes (hygiène, récréation, agriculture). Cinq minutes de contact suffisent pour que les personnes soient infectées. Cette phase de pénétration peut se manifester par un prurit au cours du bain, puis immédiatement après le bain, par une dermatite dite cercarienne (éruption maculopapuleuse prurigineuse correspondant aux points de pénétration des larves) disparaissant dans les 48 heures suivant le bain infectant8. La pénétration de la cercaire à travers le derme d’un individu a été longuement étudiée. Elle se fait en plusieurs temps suite à des stimuli chimiques et thermiques9, 10. Au cours du processus de pénétration de la peau, la cercaire perd son extrémité terminale et devient une schistosomule. Cette étape dure approximativement 18 heures. La schistosomule entre ensuite dans la circulation sanguine et continue son cycle biologique par migration à travers les poumons pour atteindre le foie (phase d’invasion, environ 15 jours). Dès sa pénétration dans l’hôte, la schistosomule puis les schistosomes adultes dégradent l’hémoglobine de l’hôte. Ce processus leur est indispensable. Trois à quatre semaines (selon les espèces) sont nécessaires après la pénétration, avant que les vers adultes ne s’apparient dans le foie, la femelle se logeant dans le canal gynécophore du mâle. Les adultes migrent alors à contre courant vers les plexus veineux mésentériques pour S. mansoni, S. japonicum et S. intercalatum ou vésicaux pour S . haematobium. La femelle gorgée d’œufs se place sous la muqueuse digestive ou vésicale et la ponte peut débuter. Deux cents à 2000 œufs par jour sur une période de 5 ans sont libérés à partir du 40ème jour après l’infestation (phase d’état). Les œufs passent le lumen des vaisseaux sanguins. Certains migrent à travers la muqueuse de l’intestin ou de la vessie et sont éliminés par les fèces ou l’urine.
Dans les zones endémiques, où les réinfections se produisent continuellement, la pénétration répétée des parois de l’intestin et/ou de la vessie entraîne la formation de nombreuses cicatrices qui empêchent la migration des œufs à travers les parois. Ainsi, de nombreux œufs connaissent une  » migration aberrante  » et sont transportés vers le foie et parfois d’autres sites comme le cerveau, la moelle épinière, l’utérus, les gonades, les poumons. Les cirrhoses et hypertrophies du foie et de la rate ne sont pas rares.

Manifestations de la maladie

Les infections légères dues aux schistosomes peuvent être asymptomatiques et les personnes touchées par la maladie vivre toute leur vie sans savoir qu’elles ont été infectées. Le premier symptôme évident de l’infection par S. haematobium est la présence de sang dans les urines. Comme les œufs de S. mansoni se retrouvent dans les fèces, des symptômes intestinaux comme la diarrhée, avec ou sans trace de sang, sont présents dans les infections sévères. La difficulté de diagnostic réside dans le fait que ces signes ne sont pas spécifiques.
Les altérations majeures des trois principaux types de schistosomoses sont produites par les œufs, qui sont le foyer de réactions inflammatoires. De plus, la migration des œufs à travers la paroi de la vessie pour la schistosomiase haematobia et à travers la paroi du colon pour les schistosomiases mansoni et japonica produit des hémorragies.

DÉGRADATION DE L’HÉMOGLOBINE ET FORMATION DE L’HÉMOZOÏNE

Les schistosomes en croissance ou adultes vivent dans les vaisseaux sanguins de l’hôte, où ils se nourrissent de globules rouges11. L’hémoglobine de l’hôte est essentielle pour leur croissance, leur développement et leur reproduction.

Dégradation de l’hémoglobine et polymérisation de l’hème

Les schistosomes digèrent l’hémoglobine de l’hôte. Les globules rouges du sang de l’hôte sont lysés par action d’hémolysines dans l’œsophage des schistosomes12. L’hémoglobine libérée est transportée vers le cæcum des vers, où elle est dégradée en acides aminés, nécessaires à la construction des protéines du parasite. Les vers femelles ont une capacité protéolytique supérieure aux mâles et digèrent d’avantage d’hémoglobine13. La digestion de l’hémoglobine se fait dans une enveloppe acide et l’existence d’au moins une protéase spécifique de l’hémoglobine a été montrée chez S. mansoni14.
Comme nous l’avons vu pour le paludisme, les organismes hématophages doivent posséder un bon mécanisme de protection contre la toxicité de l’hème-fer(II) libéré lors de la digestion de la partie protéique de l’hémoglobine, qui peut réduire l’oxygène moléculaire et former des espèces réactives : O2•-, H2O2, HO, ROO. Chez Plasmodium et Rhodnius prolixus, la plupart de l’hème est détoxifiée par la formation d’un agrégat, l’hémozoïne, dans lequel le fer de l’hème est au degré d’oxydation III.

Mise en évidence d’un polymère d’hème chez les schistosomes

Dès 1940, Rogers note la présence d’un pigment noir, insoluble dans l’eau mais soluble dans une solution d’hydroxyde de potassium à 10%, dans les intestins de S. mattheei et S. mansoni15. Ce pigment résulterait de la digestion des hématies de l’hôte. En 1966, Kloetzel et al. confirment la présence de ce pigment, détectable de manière évidente 25 jours après l’infestation et en quantité importante16. Ils l’identifient à un dérivé non caractérisé de l’hème. L’agrégation de l’hème dans les intestins de Schistosoma en un polymère insoluble et son élimination par régurgitation constituent le moyen de détoxification de l’hème pour les schistosomes.

Caractérisation de la structure du polymère d’hème

Il existe une grande similitude entre le pigment produit par les schistosomes et le pigment malarique. Dès 1972, Homewood et al. montrent que les deux pigments sont très proches structurellement17. Les spectres UV-visible des deux pigments dans une solution de soude aqueuse (0,1 M) sont très similaires. Les deux pigments ne peuvent être différenciés ni par des examens spectroscopiques ni par des examens microscopiques. De même, le pigment schistosomiasique est très similaire de celui produit par Rhodnius prolixus.

Processus de polymérisation de l’hème

La synthèse du pigment schistosomiasique se fait très tôt dans le développement des schistosomes (quelques heures après l’infection humaine) : de petites particules de pigments sont observables dans les intestins des schistosomules de l’espèce S. mansoni18.
Le processus d’agrégation de l’hème est dépendant du pH : Plasmodium, Rhodnius et Schistosoma digèrent l’hémoglobine dans un environnement légèrement acide. L’agrégation nécessite que la moitié des chaînes propionates de l’hème soit dissociée. La dissociation de ces chaînes se produit à un pH voisin du pKa de l’hème (pH = 4,8) dans la vacuole digestive de Plasmodium falciparum, dans la membrane périmicrovillaire de Rhodnius et dans des particules lipidiques de Schistosoma19. L’hème peut ainsi se dimériser puis s’agréger comme cela a été présenté dans le cas du paludisme (cf. partie 1, chapitre 1). Deux molécules d’hème sont liées par une coordination réciproque fer-carboxylate (figure 3). Les dimères sont ensuite liés, entre eux, par des liaisons hydrogène pour former le pigment.

Effet de la chloroquine sur la polymérisation de l’hème

La chloroquine inhibe la formation de l’hémozoïne chez S. mansoni20. Cette inhibition est  également observée avec d’autres quinoléines, comme l’amodiaquine, la quinacrine, la quinidine et la quinine. Il est probable que cette inhibition de l’agrégation de l’hème soit due, comme chez Plasmodium, à l’interaction π-π entre les noyaux aromatiques plans de l’hème d’une part et des résidus quinoléines des drogues d’autre part. Le praziquantel, molécule de choix pour le traitement des schistosomiases et sur laquelle nous reviendrons en détail, n’a aucun effet sur l’agrégation de l’hème. Cette observation n’est pas étonnante, compte tenu de l’absence de cycle aromatique étendu dans le praziquantel.
L’administration de chloroquine (1 dose en ip à 50 mg/kg de J = 42 à 49 post-infestation) à des souris infectées par S. mansoni entraîne des altérations drastiques des vers mais une faible réduction de la quantité d’hémozoïne formée20. Bogitsh et al. montrent que la chloroquine induit un gonflement de l’intestin des parasites, suggérant ainsi que non seulement ce compartiment est acide mais aussi que la chloroquine s’y accumule21. Toutefois, le mécanisme d’action de cette inhibition est encore inconnu.

LES DIFFÉRENTS ANTIHELMINTHIQUES

Les stades larvaires du parasite sont libérés dans l’eau par un mollusque intermédiaire et pénètrent à travers la peau des hommes qui sont en contact avec de l’eau infectée. Il n’est pas possible d’envisager l’éradication de l’infection : il serait nécessaire de traiter des espèces aquatiques très dispersées et très nombreuses. Le traitement serait onéreux, devrait être répété dans le temps et pourrait avoir des conséquences néfastes pour l’environnement. Un vaccin serait souhaitable, mais sa réalisation semble actuellement lointaine. La prévention, l’utilisation de molluscicides et la lutte biologique par des mollusques prédateurs permettent également de lutter contre cette parasitose. Toutefois, seules les chimiothérapies permettent d’apporter une solution aux problèmes des schistosomiases déclarées.

Alkylation de l’hème par l’acide artésunique in vitro et caractérisation des produits de couplage

De façon similaire a ce qui avait été observé pour l’artémisinine8, 9 (partie 1, chapitre 1), l’hème-fer(III) dans son état stable est réduit par le dithionite de sodium in situ. L’hème-fer(II) formé réagit rapidement en présence d’acide artésunique pour alkyler l’hème sur les quatre positions meso de la porphyrine. Les produits de couplage covalent hème-acide artésunique sont obtenus avec un bon rendement (figure 1).
Le suivi de la réaction d’alkylation par HPLC nous permet de déterminer un taux de conversion de l’hème de 96% pour un rapport hème/acide artésunique/réducteur de 1/1/1. Les produits de couplage métallés sont caractérisés par spectrométrie de masse à m/z = 998,7 [M- 2H]- pour l’adduit Fe-2 et m/z = 838,8 [M-2H]- pour l’adduit Fe-3*. Le produit d’alkylation Fe-2 est sensible aux conditions acides : l’hydrolyse de l’acétal en position C12 conduit à une ouverture du cycle et donc à la formation de deux fonctions aldéhydes en position C10 et C12 (Fe-3, figure 1).
De manière à avoir une caractérisation par RMN, ces adduits sont démétallés. Pour des raisons de solubilité, la purification des adduits démétallés par colonne de chromatographie est très difficile, les adduits sont donc dérivatisés. La dérivatisation des adduits Fe-3 la plus simple est la protection de ces fonctions en groupement hydrazone ou acétal ; les structures des produits dérivatisés sont présentées sur la figure 1 de la publication originale (page 71). En présence d’éthanol, de dinitrophénylhydrazine et d’acide sulfurique le composé 3 est transformé en bis-dinitrophénylhydrazone 4 selon les conditions décrites par McMurry10. Par ailleurs, la réaction du composé 3 démétallé avec le triéthylorthoformiate, en présence d’acide chlorhydrique11 donne le composé 5 avec deux fonctions diéthylacétal en position 10 et 12. Cette réaction s’accompagne également de l’estérification des chaînes propioniques de la porphyrine.
Un extrait du spectre 1H-RMN d’un dérivé du composé 5 (déprotection partielle des diéthylcétals) est présenté à la figure 2. En RMN du proton dans la zone des 10 ppm, les protons méso et les protons aldéhydiques sont attendus. Pour chaque adduit, un singulet est attendu pour chaque proton m é s o non substitué (soit trois singulets par adduit).
L’obtention de douze singulets en plus des protons aldéhydiques montre que l’alkylation se fait sur les quatre sommets méso de la porphyrine. Pour l’adduit substitué en β, les protons α, γ et δ sont observables et notés respectivement β(a), β(c) et β(d) (figure 2). De même, les protons meso de l’adduit substitué en α sont notés α(b), α(c), α(d).
Comme attendu, le diacétal linéaire 5 n’est pas très stable : l’acidité de la solution de chloroforme deutéré suffit à induire la réaction inverse de désacétalisation d’une des fonctions * les numérotations des composés correspondent à celles de l’article publié dans ChemBioChem (cf. page 70) ainsi que la protonation des NH intra-cycliques de la porphyrine. Pour éviter l’hydrolyse des diéthylacétals, une dérivatisation avec des acétals cycliques a été effectuée. En présence d’éthylène glycol et d’APTS, nous observons la formation de l’éthylène diacétal 6 ainsi que l’estérification des chaînes propioniques de la porphyrine12. Cette molécule a été caractérisée par spectrométrie de masse ainsi que par RMN. Les analyses détaillées RMN et MS sont données dans la partie expérimentale de l’article ci-joint.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
1ère PARTIE : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
CHAPITRE I : Propriétés alkylantes des dérivés de l’artémisinine 
Introduction
I – Le paludisme
II – Le rôle de l’hème dans le paludisme
II.1 – Digestion de l’hémoglobine
II.2 – Polymérisation de l’hème
III – Les capacités alkylantes de l’artémisinine
III.1 – L’artémisinine : un trioxane à activité antipaludique
III.2 – Mécanisme d’action de l’artémisinine
III.3 – Relation structure-activité des peroxydes antipaludiques
III.4 – Autres activateurs et cibles possibles de l’artémisinine
IV – Propriétés alkylantes d’antipaludiques dérivés de l’artémisinine
V – Bibliographie
CHAPITRE II : Les schistosomiases
I – Qu’est-ce-que la bilharziose ?
I.1 – Cycle de vie des schistosomes
I.2 – Manifestations de la maladie
II – Dégradation de l’hémoglobine et formatin de l’hémozoïne
II.1 – Dégradation de l’hémoglobine et polymérisation de l’hème
II.2 – Effet de la chloroquine sur la polymérisation de l’hème
III – Les différents antihelminthiques
III.1 – Molécules diverses
III.2 – Le praziquantel
III.3 – Les traitements du futur
IV – Bibliographie
2ème PARTIE : PROPRIÉTÉS ALKYLANTES DES DÉRIVÉS HÉMISYNTHÉTIQUES DE L’ARTÉMISININE ET DE LA TRIOXAQUINE DU1301
CHAPITRE I : Propriétés alkylantes de l’acide artésunique et des trioxaquines Résumé de la publictiaon Laurent S. A.-L., Loup C., Mourgues S., Robert A., Meunier B. Heme alkylation by artesunic acid and trioxaquine DU1301, two antimalarial trioxanes. ChemBioChem 2005, 6, 653-658
Introduction
I – Alkylation de l’hème par l’acide artésunique
I.1 – Introduction
I.2 – Alkylation de l’hème par l’acide artésunique in vitro et caractérisation des produits de couplage
II – Alkylation de l’hème par la trioxaquine® DU1301
II.1 – Généralités
II.2 – Alkylation de l’hème in vitro et caractérisation des produits de couplage
III – Conclusion
IV – Bibliographie
CHAPITRE II : Dérivés de la déoxoartémisinine modifiés en C10 Résumé de la publication Laurent S. A.-L., Robert A., Meunier B. C10-modified artemisinin derivatives : efficient heme-alkylating agents. Angew. Chem. Int. Ed. 2005, 44, 2060-2063.
Introduction
I – Alkylation de l’hème par la 10-déoxoartémisinine 2
II – Alkylation de l’hème par la 10α-(4-benzyl)-pipérazinylartémisinine 3
II.1 – Préparation du composé 3
II.2 – Alkylation de l’hème par le dérivé 3
III – Conclusion
IV – Bibliographie
3ème PARTIE : SYNTHÈSE DES TRIOXAQUANTELS. SYNTHÈSE STÉRÉOSÉLECTIVE DES TRIOXAQUANTELS
CHAPITRE I : Synthèse des trioxaquantels
Introduction
I –Synthèse du synthon praziquanamine 2
I.1 – Méthode de Rupe
I.2 – Méthode de Maffrand et analogues
I.3 – Méthode de Berkowitz
I.4 – Méthode à partir d’ions N-acyliminiums
I.5 – Méthode par cyclisation radicalaire
I.6 – Méthode choisie
II – Couplage de la praziquanamine 2 et des trioxanes : formation des trioxaquantels
II.1 – 1ère génération de trioxaquantels  » sans le CO  »
II.2 – Diméthyltrioxaquantels acylés en position 2
III – Partie expérimentale
IV – Bibliographie
CHAPITRE II : Obtention des stéréoisomères séparés du 9′-méthyltrioxaquantel
I – Obtention de la praziquanamine 2 énantiopure
I.1 – Tentative de synthèse énantiosélective de la praziquanamine
I.2 – Tentative de résolution de la (±)-praziquanamine par l’intermédiaire de sels chiraux diastéréoisomères
I.3 – Tentative de résolution de la (±)-praziquanamine sur colonne chirale HPLC
I.4 – Tentative de résolution cinétique de la (±)-praziquanamine par acylation enzymatique
I.5 – Transformation de la (±)-praziquanamine en dérivés covalents diastéréoisomères
II – Séparation des deux isomères cis et trans de la partie trioxane
II.1 – Séparation des composés du 9’-méthyl-diméthyltrioxane
II.2 – Séparation des isomères cis et trans du 9’H-diméthyltrioxane
III – Couplage des stéréoisomères du trioxaquantel
IV – Partie expérimentale
V – BIBLIOGRAPHIE
4ème PARTIE : ACTIVITÉ BIOLOGIQUE
I – Méthodologie du test in vivo
I.1 – Techniques d’infestation
I.2 – Traitement des souris
I.3 – Comptage des schistosomes après le traitement
II – Résultats
II.1 – Expérience préliminaire : DE50 du praziquantel sur la souche de Schistosoma mansoni étudiée
II.2 – Activités des trioxaquantels par voie orale sur les stades âgés
II.3 – Activités de deux stéréoisomères purifiés du trioxaquantel 9’Me-53 par voie intrapéritonéale sur les stades âgés
II.4 – Activité du trioxaquantel 9’Me-53 par voie orale sur les stades jeunes
II.5 – Analyse des résultats
III – Partie expérimentale
IV – Bibliographie
CONCLUSION GÉNÉRALE

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