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Les grandeurs caractéristiques
Lors de l’analyse des signaux, nous avons vu qu’il existe de nombreuses grandeurs, aussi bien dans le domaine temporel que fréquentiel, qui peuvent être extraites. Parmi elles, certaines vont nous servir à caractériser les évènements qui surviennent sur le réseau électrique étudié. Ces grandeurs sont dites caractéristiques ou discriminantes, et représentent la signature des appareils. Afin de pouvoir répondre à la problématique posée, il nous faut, dans un premier temps, identifier ces grandeurs caractéristiques. C’est pourquoi, dans cette partie nous présentons les grandeurs qui pour nous seront caractéristiques, et expliquons pourquoi selon nous elles sont discriminantes. Ces grandeurs seront stockées dans ce que nous appellerons le vecteur d’informations, un tableau regroupant les informations discriminantes, c’est-à-dire les grandeurs qui vont nous permettre de reconnaitre les évènements qui ont été causés par une même charge et également d’associer chaque évènement (ou groupe d’évènements) à une charge électrique (ou type de charge). A chaque évènement est donc associé un vecteur d’informations. Ce tableau peut contenir tout type de caractéristiques aussi bien dans le domaine temporel que fréquentiel.
Domaine temporel :
La première grandeur que doit contenir le vecteur d’informations est, bien évidemment, l’instant de transition, c’est-à-dire la date (l’instant) à laquelle est survenu l’événement. Cette grandeur est très importante, si ce n’est la plus importante, pour répondre à la problématique posée car ne perdons pas de vue que le but final est de fournir une estimation de la consommation électrique de chaque classe d’appareil. Donc si les instants de transition sont estimés de façon peu précise ou pire si un événement n’est pas détecté, nous risquons de fournir des estimations de la consommation par usage qui ne correspondent pas à ce qui s’est réellement produit sur le réseau car pour estimer la consommation d’un appareil il suffit de connaitre le scénario qu’il a suivi, c’est-à-dire savoir quand il était en fonctionnement et quand il ne l’était pas.
Il serait intéressant de mettre un paramètre dans le vecteur d’information qui nous indiquerait le sens de la transition, c’est-à-dire une transition ON ou OFF. L’intérêt est de créer deux classes, la classe des évènements ON et la classe des évènements OFF, afin d’aider à la classification. Une manière simple d’obtenir cette information est de regarder si l’amplitude estimée de la fréquence fondamentale du courant ou de la puissance, après la transition, est plus faible ou plus élevée que ce qu’elle était avant la transition.
Ensuite, nous avons vu dans la partie II.1.2 que lorsqu’une charge s’allume sur le réseau elle provoque une transition qui peut être, suivant la nature ou le type d’appareil, de forme différente. Les transitions courtes ou longues sont définies et se différencient par leur durée et leur forme. Donc à chaque fois que nous détecterons une transition, il serait bon de connaitre sa durée ainsi que sa forme. Ceci permettra de savoir si l’événement détecté a été provoqué par la mise en route d’un appareil résistif ou d’un moteur.
Les grandeurs temporelles que nous allons considérer comme caractéristiques de chaque événement sont donc :
Stratégie envisagée
– l’instant de transition.
– sens de la transition (ON ou OFF).
– la durée de transition.
– la forme des transitions.
Dans un premier temps, ces caractéristiques vont être extraites du signal de courant car c’est là qu’elles sont le plus « visibles ». Le changement d’état (mise en route, arrêt…) d’un appareil électrique va certes créer une perturbation sur la tension (variation d’amplitude) mais elle sera beaucoup plus difficile à percevoir et à extraire sur la tension que sur le courant. En effet, nous avons vu plus tôt qu’un évènement qui survient sur le réseau crée un changement d’amplitude brusque (une transition) sur le courant. Et il en va de même pour les autres grandeurs telles que la durée et la forme de la transition, qui seront beaucoup plus visibles sur le courant.
Domaine fréquentiel :
La valeur de la fréquence fondamentale n’est pas une grandeur caractéristique discriminante car elle ne dépend pas de l’appareil en fonctionnement mais du fournisseur d’électricité et des perturbations qui surviennent sur le réseau de distribution. Par contre l’évolution de son amplitude complexe est une grandeur caractéristique car elle nous permet de quantifier la transition. L’amplitude complexe de la fréquence fondamentale F0 du courant ?, par exemple, est donnée par : R?(F0,t)=A?,0(t)ej.φ?,0(t) (II.4) où : A?,0(t) et φ?,0(t) sont, respectivement, l’amplitude et la phase de cette fréquence sur le courant.
Or les signaux de courant et de tension contiennent des fréquences harmoniques dues à la nature des appareils connectés au réseau. Ils ne proviennent pas de l’alimentation mais du réseau client : les centrales électriques générant des tensions sinusoïdales, les courants harmoniques sont dus à la présence d’une charge électrique non linéaire dans un réseau électrique. On dit qu’une charge est non linéaire quand, soumise à une tension purement sinusoïdale (typiquement à 50Hz), le courant en sortie contient la fréquence fondamentale 50Hz plus d’autres fréquences (harmoniques).
L’estimation en traitement du signal
Cette partie, qui se compose de trois sous parties, traite le problème de l’estimation en traitement du signal.
Tout d’abord, nous présentons le principe général de l’estimation ainsi que les différentes situations possibles en fonction du modèle choisi.
Ensuite, étant donné la nature déterministe du modèle nous nous orientons vers les méthodes d’estimation paramétrique. Nous développons ce type de méthode pour deux cas distincts en fonction des hypothèses de départ.
C’est pourquoi dans un premier temps nous traitons le cas où tous les paramètres du modèle, tels que les fréquences, les amplitudes et les phases, sont inconnus. Nous nous trouvons donc dans le cas non linéaire.
Ensuite, comme nous l’avons vu précédemment la fréquence fondamentale est comprise dans une plage bien définie. De plus, cette dernière varie lentement (sur une longue durée). Nous allons donc restreindre le problème en considérant que les fréquences sont connues. De ce fait, nous nous retrouvons dans un cas linéaire d’estimation paramétrique.
Estimation paramétrique en situation non-bayésienne : cas non linéaire
Tel qu’il est défini plus haut, le modèle utilisé est non linéaire car nous nous trouvons dans le cas où les fréquences, les amplitudes et les phases sont inconnues. Il nous faudra donc utiliser une méthode d’estimation adaptée au cas non linéaire.
Il existe dans la littérature de nombreuses méthodes permettant d’estimer les fréquences, amplitudes et phases d’un modèle construit par une somme de sinusoïdes. Nous ne les développerons pas toutes ici3. Dans un premier temps, nous présentons la méthode des moindres carrés non linéaire. Compte tenu de notre modèle, notre choix s’est naturellement porté sur cette méthode. Dans un second temps, nous présenterons la méthode Matrix Pencil qui est également une méthode d’estimation paramétrique, rencontrée lors de l’état de l’art [10], qui fait partie des méthodes haute résolution.
La détection en traitement du signal
Le problème le plus simple relevant de la théorie de la décision est le problème qui consiste à devoir choisir entre plusieurs hypothèses (notées Hi) qui permettent chacune d’expliquer ou d’interpréter des données observées : il s’agit donc de décider à partir d’un ensemble d’observations collectées, quelle est l’hypothèse qui est vraie, ou qui semble vraie.
Sous chacune des hypothèses, les données collectées sont supposées de nature aléatoire. Les observations ont une fonction de densité de probabilité notée fdp (cas continu) ou une loi de probabilité (cas discret) qui dépend de l’hypothèse Hi qui est réalisée. Chaque fonction de densité (fdp) ou chaque loi de probabilité est totalement (hypothèses simples) ou partiellement (hypothèses composées) connue sous chacune des hypothèses possibles Hi. A chaque hypothèse est donc associée une fdp ou une loi de probabilité sur l’espace de mesure.
Considérons un système de communication par exemple : l’émetteur envoie une suite de symboles représentés chacun par un signal de forme particulière (l’opération de modulation qui réalise la correspondance entre un symbole et une forme déterminée de signal). Le récepteur doit donc détecter si un symbole a été émis et sélectionner ce symbole parmi un alphabet de symboles possibles. La séquence de ces symboles constitue un message. Ce dernier se propage dans un canal de transmission (ligne électrique, fibre optique, atmosphère, …) imparfait, et subit des modifications ou des altérations lors de sa propagation. Ces modifications sont le plus souvent dues à la nature dispersive et fluctuante du milieu dans lequel se propage le signal, à des atténuations, voire plus simplement à des effets d’interférences en présence de signaux parasites (d’autres émetteurs utilisent le même canal de transmission). Le signal capté par le récepteur est donc différent du signal émis et les fluctuations subies par ce dernier sont de nature aléatoire. Il se peut par ailleurs que l’appareil de réception lui-même introduise un bruit parasite non négligeable. La tâche du détecteur est donc de retrouver le symbole émis à partir d’observations ”noyées” dans un bruit, ou de prendre toute autre décision sur la nature du signal observé, en faisant un minimum d’erreurs de décision par exemple. L’objectif de la théorie de la détection est d’étudier comment de telles erreurs peuvent être rendues aussi rares ou aussi peu coûteuses que possible.
Notons que quel que soit le type de signal auquel on s’intéresse, de nature déterministe ou bien de nature aléatoire, la présence de bruit au niveau du récepteur ne peut être prise en compte que dans le cadre d’une approche probabiliste. Le signal à l’entrée du récepteur sera donc un processus stochastique ne pouvant être décrit qu’à l’aide de sa fonction de densité de probabilité. La forme de cette fdp résume l’ensemble des connaissances disponibles sur la nature physique des perturbations ou du signal lui-même. Dans cette partie nous nous intéresserons au problème de décision binaire, le récepteur ayant à choisir entre deux hypothèses notées H0 et H1.
CUSUM
Nous décrivons ici la méthode des sommes cumulées, appelée algorithme CUSUM. Cet algorithme utilisé dans [25] a pour but de détecter des changements d’état dans la série de donnée, en l’occurrence des changements de moyenne. Pour cela, on considère une séquence de variable aléatoires indépendantes zk dont la densité de probabilité, notée L(θ|z), dépend d’un paramètre scalaire θ.
Avant l’instant de changement d’état, le paramètre θ est égal à θ0, et après cet instant il est égal à θ1≠θ0. Notons que le paramètre θ0 avant le changement d’état est supposé connu. Le problème consiste donc à détecter l’instant de changement de paramètre, c’est-à-dire l’instant où le paramètre θ passe de la valeur θ0 à θ1.
Principe :
Le principe de la méthode Cusum est de sommer les écarts entre des valeurs observées et une valeur attendue sur une durée de référence (moyenne de référence).
Une alarme statistique est générée si cette somme dépasse la valeur seuil. A chaque fois que l’algorithme détecte un saut (somme cumulée > seuil ≡ changement de valeur moyenne), la somme est remise à zéro et la nouvelle moyenne devient la moyenne de référence.
Validation du modèle
Cette partie a pour but de vérifier, sur des signaux parfaitement connus, la validité du modèle mis en place précédemment.
Pour cela, nous simulons un courant, avec deux fréquences, contenant une transition. Ensuite, nous calculons la TFD de différentes portions de ce signal (à des instants différents), correspondant aux cas avec ou sans transition, puis nous les comparons au modèle fréquentiel mis en place.
Pour le cas de la transition courte, nous simulons un courant, sur une durée de 5 secondes, dans lequel il y a deux transitions traduisant la mise en route et en arrêt d’une charge électrique. La charge en question s’allume à 1 seconde et s’éteint à 4 secondes. Cette simulation consiste en un courant ?k 1 présent sur toute la durée du signal et un autre courant ?k 2 qui vient s’ajouter au précédent entre 1s et 4s. Donc nous construisons ?k 1 et ?k 2 tel que : ?k 1 = I0 1 cos(2πF0tk + φ0 1) + I1 1 cos(2πF1tk + φ1 1 ) ?k 2 = I0 2 cos(2πF0tk + φ0 2 ) + I1 2 cos(2πF1tk + φ1 2). avec, tk = (k − 1). Δt ∀ k = 1, … ,10000, F0 = 50Hz et F1 = 150Hz puis :
I1 = [35, 4] , φ1 = [45°, 60°].
I2 = [22, 2] , φ2 = [30°, −36°].
Donc le courant contenant les transitions est obtenu de la manière suivante :
?k = ?k 1 ∀ k ∈ [1, … ,2000] ∪ [8001, … ,10000].
?k = ?k 1 + ?k 2 ∀ k ∈ [2001, … ,8000].
Moindres carrés
Cette partie a pour but de développer une méthode permettant d’estimer les paramètres du modèle défini précédemment dans le cas où il y a une transition dans la fenêtre d’observation.
Comme nous l’avons vu précédemment, le modèle dépend maintenant :
– des paramètres amplitudes et phases {A1,φ1} caractérisant l’état stationnaire qui précède la transition (état .1),
– des amplitudes et phases {A2,φ2} qui caractérisent le signal correspondant au courant consommé par la charge qui a provoqué la transition (état .2).
– de la longueur N2 de la portion de signal correspondant à l’état .2.
Estimation de l’instant de transition
Nous avons vu que l’estimation des admittances pouvait être obtenue en effectuant le rapport des estimations des paramètres sur la tension et le courant. De plus nous savons que les évènements surviennent sur le signal de courant uniquement. Nous allons donc développer un algorithme permettant de détecter les évènements qui surviennent sur le courant afin d’estimer l’instant de transition.
L’algorithme consiste à faire glisser la fenêtre d’observation dans le temps (τ= temps absolu). On définit l’instant τn comme étant la date de début de la fenêtre d’observation numéro n avec : τn=(n−1)Δt , ∀ n=1,2,…
Lors de l’initialisation, c’est-à-dire à l’instant τ1=0, on suppose que la fenêtre d’observation ne contient pas de transition. Cette étape consiste donc à estimer les paramètres {Â?1,φ̂?1}τ1 caractérisant l’état .1 dans la première fenêtre d’observation.
À l’instant τn, on reconstruit le signal (à l’état .1) en utilisant une estimation des paramètres d’intérêt à l’instant τd1 telle que : {Â?1,φ̂?1}τd1={Â?1,φ̂?1}τn−1 sur un état stationnaire, et sur un état transitoire, {Â?1,φ̂?1}τd1 est la dernière estimation de {Â?1,φ̂?1} avant la transition.
Ainsi, nous obtenons la prédiction de la TFD du signal, correspondant à ce que serait l’état .1 estimé à l’instant τn, que nous noterons : ℐ ̂1(f,τn|τd1).
Nous calculons ensuite l’erreur entre la TFD du signal mesuré x, contenu dans la fenêtre d’observation, et la prédiction de la TFD du signal. Ainsi, nous obtenons l’erreur de prédiction, notée Ε1, telle que : E1(f,τn)=X(f,τn)−ℐ ̂1(f,τn|τd1).
Tant qu’il n’y a pas de transition, cette erreur devrait être petite. En effet, nous avons vu précédemment que dans le cas sans transition, le spectre du courant à l’état .2, notée ℐ2, n’existe pas et que donc cette erreur correspond à l’erreur d’estimation seule. Et dans le cas transitoire, l’information contenue dans le résidu est due au signal ℐ2.
Ceci est confirmé par les figures IV.19 et IV.20 qui montrent l’erreur de prédiction (en vert) dans les cas cités précédemment, c’est-à-dire :
– l’erreur de prédiction E1(f,τn) lorsque la fenêtre d’observation ne contient pas de transition.
– l’erreur de prédiction E1(f,τn) lorsqu’il existe une transition dans la fenêtre d’observation.
On remarque clairement que dans le cas stationnaire, l’erreur de prédiction est très faible. Tandis que dans le cas transitoire, on voit apparaître le spectre du courant à l’état .2.
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Table des matières
Chapitre I Problématique et état de l’art
Introduction
I.1 Problématique
I.1.1 Contexte et objectifs
I.1.2 Contraintes industrielles
I.2 État de l’art
I.2.1 Méthodes basées sur les macro signatures
I.2.2 Méthodes basées sur les micro signatures
Conclusion
Chapitre II Analyse des signaux et stratégie envisagée
Introduction
II.1 Analyse des signaux
II.1.1 Mesures
II.1.2 Signaux
II.2 Stratégie envisagée
II.2.1 Les grandeurs caractéristiques
II.2.2 Stratégie
En résumé
Chapitre III Description des méthodes existantes : estimation et détection
Introduction
III.1 L’estimation en traitement du signal
III.1.1 Principe :
III.1.2 Estimation paramétrique en situation non-bayésienne : cas non linéaire
III.1.3 Estimation paramétrique en situation non-bayésienne : cas linéaire
III.2 La détection en traitement du signal
III.2.1 CUSUM
III.2.2 Application numérique
Conclusion
Chapitre IV Proposition d’un nouveau modèle et algorithmes d’estimation et de détection associés
Introduction
IV.1 Modélisation
IV.1.1 Modèle
IV.1.2 Validation du modèle
Synthèse
IV.2 Estimation
IV.2.1 Moindres carrés
IV.2.2 Application numérique
IV.3 Détection
IV.3.1 Estimation de l’instant de transition
IV.3.1 Algorithme
IV.3.2 Application numérique
Conclusion
Chapitre V Identification des charges
Introduction
V.1 Méthodologie
V.1.1 Principe général
V.1.2 Influence du choix des fréquences
V.1.3 Algorithme proposé
V.2 Identification
V.2.1 Cas de signaux simulés
V.2.2 Cas de signaux expérimentaux
V.3 Variantes possibles
V.3.1 Module d’estimation
V.3.2 Etude du phénomène de non-linéarité
V.4 Amélioration : Détection à seuil fixe
V.4.1 Principe
V.4.2 Validation
V.4.3 Application à des mesures réelles
Conclusion
Conclusion et perspectives
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