Proposition d’un cadre intégrateur pour l’entrepreneuriat durable

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Les différentes approches de la transition sociotechnique

Plusieurs auteurs expliquent la transition en ayant recours à différentes approches. Suite aux revues de littérature sur les transitions de Markard, Raven, et Truffer (2012), Lachman (2013), Chang et al. (2017) et Grin et al. (2011), nous identifions les principales approches des transitions sociotechniques et retenons les approches suivantes : les systèmes d’innovation technologique TIS « Technological Innovation System », le management stratégique des niches SNM « Strategic Niche Management », le management de la transition TM « Transition Management », l’approche multi-phases MPC « Multi Phase Concept ». Puis nous exposons en détail la perspective multi-niveaux MLP « Multi Level Perspective ».

L’innovation des systèmes techniques (TIS)

Cette approche analyse l’émergence des nouvelles technologies, ainsi que les changements institutionnels et organisationnels qui lui sont corrélés.
Le concept de Système Technologique d’Innovation est introduit pour la première fois sous le terme système technologique par Carlsson et Stankiewicz (1991). Ce système dont les quatre composantes principales sont les acteurs, les réseaux, les institutions, ainsi que les technologies ; contribue à la génération, la diffusion et l’utilisation de nouveaux produits et processus. Les innovations sont générées et diffusées grâce aux diverses interactions entre les acteurs appartenant à des réseaux différents et encadrés par des institutions (Hekkert et al. 2007). En plus, ce système influence la rapidité et la direction du changement technologique dans une société. Cette approche s’inscrit dans le champ des études des innovations et a comme objectif principal de détecter les moteurs, ainsi que les barrières relatives aux systèmes d’innovation. Les TIS puisent leurs fondements théoriques des NIS « National Innovation System » tels que conçus par Freeman (2004), tout en offrant une analyse plus générique ne se limitant pas à des systèmes nationaux ou sectoriels. De plus, les TIS empruntent leur conception des systèmes d’innovation aux travaux d’Edquist (2001). Cette approche est reprise dans le cadre des études sur les transitions par un certain nombre d’auteurs (Hekkert et al. 2007 ; Bergek et al. 2008 ; Markard et Truffer 2008) qui ajoutent que le succès de l’innovation dépend non seulement de la structure de l’écosystème d’innovation mais aussi des fonctions clés ainsi que de l’agencement de ces fonctions ou activités. Hekkert et al. (2007) proposent une analyse en quatre étapes pour détecter les entraves qui bloquent l’émergence, le développement et la diffusion des nouvelles technologies.
Dans une première étape, une analyse de la structure des systèmes d’innovation s’opère à travers l’analyse des quatre composantes de la structure : les acteurs, les institutions, les réseaux et la technologie. Les acteurs englobent les entreprises, les producteurs de connaissances, les utilisateurs, les financeurs et les régulateurs. Les institutions désignent les règles et les normes qui forment un cadre régulateur des interactions entre les acteurs. Les réseaux renvoient aux liens formels et informels qui relient les différents acteurs.
Dans une deuxième étape, une analyse des modes de fonctionnement du système s’effectue à travers l’étude des sept fonctions, ainsi que de l’interaction entre elles. L’analyse de la performance des fonctions du système s’opère par le biais d’experts. Les sept fonctions du système à évaluer sont: a) la création et la diffusion des connaissances indispensables à toute innovation et qui favorisent la transition technologique, b) les activités entrepreneuriales qui permettent l’identification de nouvelles opportunités et le lancement de nouvelles activités, c) la création de nouveaux marchés, d) l’existence d’une vision qui oriente la recherche et qui pousse les différents acteurs à investir dans une technologie précise, e) la mobilisation des ressources (humaines, physiques et financières), f) la légitimation des innovations technologiques pour contrecarrer la résistance au changement et g) le développement d’externalités positives.
Dans une troisième étape, la détermination de la phase de développement se fait à travers un certain nombre de critères. L’importance de l’identification de ces phases réside dans le fait que les fonctions des TIS varient en fonction du processus de transition. Hekkert et al. (2011) identifient quatre phases. La première phase, ou phase de pré-développement, se caractérise par la fabrication d’un prototype. Durant cette phase, une importance majeure doit être accordée à la création et la diffusion des nouvelles connaissances. Dans la phase de développement, le produit est commercialisé pour la première fois sans subventions. À ce stade, la fonction entrepreneuriale devient la fonction clé du système. Dans la phase de croissance, on assiste à la diffusion de cette technologie et à l’augmentation de la taille du marché. Pour cette phase de « take-off » la mobilisation de toutes les fonctions est indispensable. Cependant, la fonction de création de connaissance et d’externalités positives sont marginales. Enfin, la saturation du marché marque la phase d’accélération principalement soutenue par la fonction de création de nouveaux marchés. Dans une quatrième étape, l’identification des barrières qui entravent le développement de cette nouvelle technologie se fait à travers l’analyse des fonctions de l’écosystème. Ainsi, pour chaque fonction, une analyse des quatre composantes doit être opérée pour détecter les obstacles.
Cette approche présente un outil adapté pour l’analyse des défaillances structurelles et fonctionnelles qui entravent le développement et la diffusion des innovations durables. À ce propos, Lachman (2013) considère que les TIS peuvent servir d’outil de décision en matière de politique publique pour le choix des technologies à développer ou à subventionner. Markard, Raven, et Truffer (2012) avancent que les études les plus récentes dans cette approche dévient de leur approche traditionnelle dans l’étude des innovations radicales ou technologiques dans une optique de croissance économique, vers l’étude de l’émergence des innovations durables, dans une optique de transition. Cette nouvelle perspective offre une alternative intéressante aux études des transitions basées sur le concept de régime socio- technique.
Cependant, Geels et Schot (2007) reprochent aux TIS de ne pas prendre en considération l’environnement extérieur (macro). Smith, Voß, et Grin (2010), ainsi que Geels (2011) considèrent que cette approche se focalise plus sur l’analyse des faiblesses au niveau de la structure et des fonctions du système et moins sur la dynamique du système, afin de générer la transition. Geels (2011) ajoute que cette approche n’explicite pas la dynamique entre les nouveaux entrants et les entreprises biens établies « incubments». Markard, Raven, et Truffer (2012) trouent que cette approche, ne permet pas de rendre compte des dimensions spatiales et culturelles qui sont cruciales pour les transitions.

Le management stratégique des niches (SNM)

Les auteurs de cette approche défendent que la plupart des innovations sont relativement non performantes lors de leur émergence, d’où elles ne peuvent pas concurrencer les technologies existantes. Ce problème est central pour beaucoup de technologies qui prônent la durabilité, ainsi que les innovations radicales.
Les fondements théoriques du SNM reposent sur la perspective quasi-évolutionniste de Kemp, Schot, et Hoogma (1998) concernant le développement des niches technologiques. Ces auteurs trouvent que l’innovation radicale n’est pas le fruit de mutations hasardeuses mais de variations intentionnelles dues à la sélection des acteurs du paradigme technologique à développer. Ainsi, le SNM est conçu comme un moyen de créer et de gérer les innovations radicales et durables, afin qu’elles puissent traverser « la vallée de la mort », c’est-à-dire de passer de la niche technologique vers le régime dominant et de le transformer.
Dans ce cadre, l’hypothèse de base du SNM formulée par Kemp, Schot, et Hoogma (1998) est que les innovations technologiques et durables peuvent être facilitées par la création de niches technologiques. Pour ces auteurs, ces niches sont des lieux protégés qui permettent aux innovations radicales et durables de se développer à l’abri de la compétition du marché, surtout qu’elles ne peuvent pas survivre à cette concurrence à cause de leur coût trop élevé, leur usage trop compliqué, leur imperfection ou leur faible efficience. Les premiers travaux sur les niches Kemp, Schot, et Hoogma (1998) conceptualisent cette transition comme un processus « bottom up », dans lequel les nouveautés émergent au niveau des niches technologiques, puis se développent et conquièrent le marché de niche pour remplacer, par la suite, le régime existant. Ainsi, la question de recherche principale est : comment et dans quelles circonstances l’émergence d’une niche technologique est – elle possible ?
Kemp, Schot, et Hoogma (1998) identifient trois processus internes aux niches qui favorisent leur émergence et leur développement :
a) L’articulation des visions et des attentes : Elle implique l’expression et la mise en cohérence des visions et des attentes des partenaires qui inspirent et guident les activités innovantes. Les attentes sont considérées comme cruciales pour le développement des niches car elles influencent le processus d’apprentissage et attirent l’attention des investisseurs.
b) L’apprentissage : L’expérimentation favorise les occasions d’apprentissage sur les différents aspects de la technologie. Ces aspects sont : le design technique, l’infrastructure, la demande du marché, les préférences des utilisateurs, les modèles organisationnels, les instruments de politique et les significations symboliques.
c) La construction des réseaux sociaux et l’enrôlement du plus grand nombre d’acteurs. Ce processus est important pour la création d’une circonscription qui appuie la nouvelle technologie, pour favoriser l’interaction entre les parties prenantes et pour assurer les ressources nécessaires. Hoogma, Weber, et Elzen (2005) testent des hypothèses relatives aux différents processus. Ils déduisent que : a) Les attentes peuvent contribuer au succès de ces niches si elles sont partagées par un grand nombre d’acteurs, si elles sont spécifiques et soutenues par les projets en cours, b) Les réseaux sociaux sont susceptibles de contribuer au développement des niches si plusieurs types de parties prenantes sont incluses. L’implication de personnes extérieures est importante car elle permet d’élargir les cadres cognitifs et facilite l’apprentissage de second ordre. Ils ajoutent que les personnes qui représentent leurs organisations doivent être capables de mobiliser des engagements et ressources dans leurs organisations et réseaux. c) Les processus d’apprentissage peuvent contribuer au développement des niches si elles permettent l’apprentissage de premier ordre et de second ordre.
Toutefois, le test de ces hypothèses dans le cadre d’un projet de l’U.E et dans d’autres études fait ressortir les limites de cette approche. Hoogma, Weber, et Elzen (2005) soulignent que l’implication des acteurs extérieurs et l’apprentissage de second ordre requièrent l’existence d’un vrai besoin et de circonstances spécifiques. De plus, ils pointent l’importance d’avoir une vision avant de procéder à l’expérimentation. En effet, l’approche du TM permet de répondre à cette limite.
Suite à l’identification des trois processus qui favorisent l’émergence des niches technologiques, Hoogma, Weber, et Elzen (2005) s’intéressent à la gestion des processus qui permettent à ces innovations radicales et durables de provoquer un changement au niveau du régime. Ces études identifient cinq phases : a) l’identification des technologies qui permettent de modifier le régime, b) la conception des expérimentations qui s’exprime par l’identification des partenaires et des mesures de protection de la niche, c) l’implantation de l’expérimentation en adoptant les trois processus relatifs à l’émergence et au développement des niches, d) l’expansion ou la reproduction des expérimentations qui favorisent l’adoption de la technologie par un marché plus large, e) la revue de la protection de l’expérimentation qui s’exprime par la recherche des moyens de protection de cette nouvelle technologie. En essayant de comprendre cette transformation du régime, Geels et Raven (2006) présentent une contribution cruciale à la compréhension de ce phénomène et cela en proposant une distinction entre le niveau niche global « global niche level » et « les projets sociotechniques locaux ». Pour cet auteur, le niveau niche global englobe une communauté émergente qui partage des règles cognitives, formelles et normatives, alors que le niveau niche local « local projects » englobe les différents projets locaux.
Geels et Raven (2006) expliquent l’émergence des niches par l’interaction entre ces deux niveaux. Ainsi, des acteurs locaux appartenant à un réseau local d’acteurs introduisent une nouvelle technologie pour des raisons locales et personnelles. Les règles cognitives (attentes) qui guident ces projets sont généralement diffuses et instables. Ces projets sont les lieux où émergent et sont testés ces nouvelles idées. Si les processus d’apprentissage dans les projets locaux sont regroupés, les règles cognitives au niveau des niches globales deviennent plus articulées, spécifiques et stables. Dans cette conceptualisation, une niche technologique n’est pas uniquement caractérisée par la protection, qui doit être allégée lentement, mais par la dimension locale et l’instabilité des règles et des réseaux. De plus, ces auteurs critiquent l’analyse de la réussite et de l’échec de chaque projet individuellement et proposent une lecture de ces performances dans le cadre d’une séquence de projets qui s’accumulent dans des trajectoires d’apprentissage. Ainsi, l’échec d’un projet contribue au succès des autres projets. Enfin, ils soulignent que les facteurs externes, comme la fluctuation du prix du pétrole, peut dicter le choix des technologies.
Suite à une étude sur l’alimentation biologique, Smith (2006), indique que les acteurs au niveau des niches sont les pionniers dans l’adoption des nouvelles technologies. Mais, le changement du régime a lieu uniquement quand les processus d’apprentissage se développent et que les innovations sont adoptées par les acteurs du régime.
En effet, la MLP corrige le biais du SNM qui considère que la transformation du régime provient d’un processus « bottom – up » d’expansion de niches. En outre, elle permet de combler les manquements avancés par Geels et Raven (2006) ainsi que Smith (2006).
Enfin, Genus et Coles (2008), critiquent la SNM pour la place prépondérante qu’elle accorde à la technologie et son manque d’intérêt pour les dimensions culturelles et sociétales qui sont importantes pour les transitions.

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Table des matières

Introduction
Première partie Cadre théorique
1.Chapitre 1 : La transition vers la durabilité
1.1 Introduction
2.1 Les différentes approches de la transition sociotechnique
2.2 La perspective multiniveaux (MLP)
2.3 Les fondements théoriques de la MLP
2.4 La MLP et le rôle des acteurs
2.5 Les critiques de la MLP
2.6 Discussion et conclusion
2 Chapitre 2 : Proposition d’un cadre intégrateur pour l’entrepreneuriat durable
2.1 Introduction
2.2 État de l’art sur l’entrepreneuriat durable
2.3 Proposition d’une nouvelle revue de littérature.
2.4 Résultats de l’analyse
2.5 Discussion
Deuxième partie Étude empirique
3. Chapitre 3 : Epistémologie et Méthodologie
3.1 Problématique, questions de recherche et positionnement épistémologique.
3.2 Le positionnement méthodologique
3.3. L’analyse des données
3.5 Discussion et conclusion
4. Chapitre 4 : Résultats et Discussion
4.1 Introduction
4.2 Analyse des résultats des entretiens auprès des acteurs du secteur de la construction durable.
4.2 Analyse des entretiens auprès des porteurs de projets.
4.3 Analyse des cas par la méthode des cartes cognitives
Conclusion
Annexes
Annexe 1: des articles primaires retenus dans la BDD: Wos
Annexe 2: Liste des articles retenus dans la BDD: CAIRN
Annexe 3: Liste des articles retenus dans la BDD: Erudit
Annexe 4 : Analyse des articles empiriques
Annexe 5 : Liste des auteurs par cluster
Annexe 6 : Guide d’entretien non directif adressé aux experts
Annexe 7 : Guide d’entretien semi-directif adressé aux porteurs de projets
Annexe 8 : Verbatims de l’analyse thématique horizontale
Annexe 9 : Liste des abréviations
Résumé en français
Résumé en anglais

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