INTRODUCTION
La force économique de Madagascar se trouve depuis toujours dans les activités agricoles. Le secteur primaire qui comprend l’agriculture, l’élevage, la pêche et la sylviculture, crée autour de 25 % de la valeur ajoutée nationale, le secteur secondaire 13% et le secteur tertiaire environ 62% (Randrianarison, 2012). Dans ce contexte, la filière riz détermine de manière significative la performance du secteur agricole. Cette contribution se manifeste par la création d’emplois et de revenus au niveau de la production.
Le riz constitue la principale source de revenus agricoles pour les malgaches à raison de 48% du total des revenus agricoles (Rakotomanana, 2011) La question du riz revêt une importance stratégique à Madagascar. Non seulement les malgaches accordent au riz une valeur hautement symbolique mais également le riz constitue de loin la première culture du pays avec une proportion importante dans la production agricole.La politique du riz affecte donc directement la population : que ce soit en tant que consommateur ou comme producteur, dans la mesure où l’immense majorité des paysans cultive cette céréale, que ce soit pour leurs propres besoins ou pour le commercialiser (Roubaud, 1996).Depuis l’Indépendance de Madagascar, la politique rizicole malgache a connu plusieurs grandes phases. La première République (1960-1972) est marquée par une coexistence du secteur privé public et parapublic. Les petits négociants ont organisé la commercialisation du riz avec le Bureau de Commercialisation et de Stabilisation du Riz (BCSR) paraétatique. Le BCSR fixait les prix minimum et maximum, offrait des crédits aux fermiers, et organisait les associations paysannes. Pendant cette période, les politiques agricoles se concentraient sur un agrandissement du secteur agricole à travers les grands projets d’infrastructure de l’irrigation dans des zones telles que le Lac Alaotra, Marovoay, et le Delta du Mangoky.
Ceci était fait en combinaison avec des efforts d’utilisation des intrants modernes notamment les engrais et les pesticides et un matériel amélioré pour la riziculture (Minten et al., 2006).Pendant la période socialiste, l’Etat s’est chargé de la presque totalité de la filière riz dont la production, la collecte, la transformation et la commercialisation afin de stabiliser le prix du riz sur le marché local. Cette politique a été entreprise par l’Etat pour stabiliser le prix du riz sur le marché local afin de se débarrasser du secteur privé de la commercialisation perçu comme étant prédateur (Gloanec et al., 2011). En parallèle avec ces politiques, sur le plan technique, la riziculture à Madagascar a connu diverses améliorations au cours du temps, en l’occurrence, le système de riziculture améliorée ou SRA et le système de riziculture intensive ou SRI. Ces modes de culture ont pour objet d’augmenter la productivité vu que la superficie des rizières par ménage agricole à Madagascar best assez faible de l’ordre 0,57 ha d’après les données du recensement de l’agriculture de 2004. De ce fait, la riziculture constitue la filière principale du secteur agricole malgache, en effet les malgaches restent parmi les plus gros consommateurs mondiaux de riz, le riz représente l’aliment de base pour la grande majorité des malgaches. La consommation moyenne est évaluée à 97 kg/hab/an (INSTAT, 2011).
Efficience
Le concept d’efficience se réfère seulement à la manière dont les ressources disponibles sont utilisées pour réaliser les objectifs définis, sans se soucier de la question de savoir si ces objectifs sont adéquats. Une institution est déclarée techniquement efficiente si, pour les niveaux d’intrants utilisés et d’extrants produits, il lui est impossible d’augmenter la quantité d’un extrant sans augmenter celle d’un ou de plusieurs intrants ou de réduire la quantité d’un autre extrant. En ce sens, une organisation peu efficiente peut être relativement efficace si elle atteint ses objectifs, même avec un coût élevé. A l’inverse, mais avec des inconvénients plus sensibles, une institution peut être considérée comme efficiente du seul point de vue de sa rentabilité sans qu’elle ait atteint ses objectifs. En économie, quelle que soit l’activité productive qui préoccupe l’étude, le raisonnement se fait toujours en termes d’objectifs à atteindre (Galdemar et al., 2012). En considérant la nuance entre l’efficacité et l’efficience, cette étude va apprécier l’efficience des régions de Madagascar à travers l’utilisation des ressources qui leur sont disponibles. Selon les objectifs de l’étude ou la nature des entités étudiées, l’efficience peut présenter plusieurs formes : (Nambinintsoa, 2014) .
L’efficience technique globale qui se traduit par la définition propre de l’efficience c’est-à-dire que l’efficience technique globale résulte de la résolution du Programme tous les intrants confondus. En effet cette efficience peut se décomposer en efficience technique pure et l’efficacité d’échelle qui est le résultat du ratio efficience technique globale et efficience technique pure.
L’efficience technique pure qui reflète la capacité d’une entreprise à optimiser sa production pour un niveau donné d’intrant et, symétriquement à minimiser ses consommations d’intrants pour un niveau donné d’extrant.
L’efficience d’échelle si ses rendements sont constants, permet de rapporter la mesure de l’efficience technique au rendement d’échelle obtenu pour les niveaux d’activité optimaux et permet de définir la taille optimale. de l’entreprise. En ce qui concerne l’inefficience d’échelle, elle se dit d’une entreprise à situation initiale caractérisée par des rendements d’échelles non constants. L’efficience d’échelle est mesurée en décomposant l’efficience technique en efficience technique pure et efficience d’échelle.
L’efficience allocative appelée aussi efficacité des prix, reflète la situation où il y a une production optimale compte tenu des prix sur le marché. L’efficience allocative concerne la capacité des entreprises à combiner les intrants et extrants dans la proportion optimale et ce, compte tenu des prix données sur le marché.
L’efficience économique qui intègre simultanément l’efficience technique et l’efficience allocative, lorsque ces deux efficiences se recoupent, alors l’entreprise est économiquement efficiente.
La frontière de production
La notion de frontière de production se réfère à une fonction limite qui tient compte d’un critère de maximalité du produit obtenu d’une part, et d’accepter la possibilité d’une sous-utilisation des moyens de production d’autre part. Dans les résultats des traitements analytiques, les entités qui se placent sur la frontière de production sont considérés comme efficient ou efficace.Les méthodologies des frontières permettent l’identification, la mesure et l’analyse de l’efficience technique ou productive. La détermination et l’hypothèse de la frontière de production dépendent de la méthodologie adoptée. L’élaboration de la frontière et le calcul des efficiences techniques peuvent se faire avec deux types de méthodes : les méthodes paramétriques et les méthodes non paramétriques.Dans les méthodes paramétriques, la frontière est supposée représentable par une fonction analytique dépendant d’un nombre fini de paramètre.
Le problème consiste à spécifier cette fonction et à estimer les paramètres, soit par les méthodes statistiques de l’économétrie, soit par les méthodes issues de la programmation linéaire. Dans les méthodes non paramétriques, en revanche, la forme analytique particulière pour la frontière n’est pas spécifiée, mais plutôt les propriétés formelles que l’ensemble de production est supposée satisfaire. L’approche non paramétrique implique le recours aux techniques de programmation mathématique (Ambapour, 2001).
La culture du riz
Le système de culture de riz se caractérise principalement par le système d’irrigation, le mode de semis, le mode de travail du sol, les associations et les rotations et le mode de reproduction de la fertilité. Le choix d’un système de culture est lié au type du sol et du climat. Ainsi, les parcelles de bas-fonds sont généralement irriguées et repiquées, tandis que les parcelles de « tavy » sont des parcelles de riz pluvial semé directement. (Robilliard, 1998). Il y a aussid’autres modes de culture comme le Système de Riziculture Intensive qui suggère de repiquer les plants jeunes de 8 à 12 jours. Le SRI est aussi caractérisé par l’espacement plus large entre les plants de l’ordre25 cm*25cm (Demeringo, 2005). Donc une typologie des rizières dépend du choix du chercheur, par exemple suivant le niveau de maîtrise d’eau, il y a quatre types de rizières : les rizières bien irrigués qui ne rencontrent pratiquement pas de problème d’eau pour l’irrigation, ces rizières d’une disponibilité permanente en eau et un meilleur système d’irrigation. Deuxièmement, les rizières mal irrigués qui sont caractérisées par une défaillante distribution en eau d’irrigation. Les causes de cette défaillance peuvent être l’insuffisance des ressources en eau couplée avec une organisation non effective des usagers.
Le troisième est constitué par les rizières pluviales ou mixtes dont la source d’eau est principalement l’eau pluviale. L’appellation « mixte » vient du fait que ces rizières peuvent être soumises à des conditions d’alternance de sec et de submersion. Enfin, les rizières inondées qui, comme son nom l’indique ont des problèmes de drainages dont les paysans se soucient peu par rapport à ceux de l’irrigation (Razafimandiby et al., 2008).
La typologie suggérée dans le Memento de l’Agronome en 2002 est analogue à celle précédente sauf que le document fait référence à trois types de système de riziculture dont la riziculture pluviale, la riziculture irriguée et la riziculture inondée sur bas-fonds. Dans ce cas, la riziculture pluviale ne dispose pas de système d’irrigation, la riziculture inondée sur bas-fonds comporte un système d’irrigation et de drainage incomplet et avec la riziculture irriguée, la date d’arrivée et du retrait ainsi que la hauteur de la lame d’eau sont maîtrisées.
Place de la riziculture dans l’activité agricole
Les performances de la filière du riz déterminent de manière significative celles du secteur agricole. Sur le plan social, la contribution de la filière à la création d’emplois et de revenus a été définie: à Madagascar. Principale culture vivrière renommée à Madagascar, le riz occupe une place importante dans le secteur agricole. La filière riz constitue la première activité économique en milieu rural en termes de volume. La riziculture est en effet pratiquée par environ 2 000 000 de ménages soit 85% des exploitants agricoles selon le Recensement de l’Agriculture 2004-2005. Et le riz occupe presque la moitié des revenus agricoles générés à raison de 48% (INSTAT, 2011).
Le volume de travail généré par la production rizicole outre la transformation et la commercialisation correspond à 242 millions de jours de travail par an, représentant l’équivalent de 970 000 emplois à temps plein. A cela, s’ajoutent près de 70 000 emplois salariés générés en aval de la production par la transformation et la commercialisation. La rémunération de l’ensemble des personnes concernées par les activités rizicoles représente en moyenne 20% de la valeur ajoutée directe ; soit plus de 100 millions d’Ariary (MinAgri, 2010) .
Choix du thème et de la zone d’étude
Le riz constitue la base de l’alimentation des malgaches, et la filière riz a souvent été sujette à des recherches et des projets de développement, alors ce projet de recherche a pour objet de donner un aperçu de l’état de la production rizicole de Madagascar afin d’évaluer l’efficience des régions par rapports aux facteurs de productions pris en compte. En effet, vu le contexte de l’agriculture à Madagascar notamment au niveau de la superficie moyenne de terrain cultivée par unité d’exploitation familiale qui est très faible de l’ordre de 0,8ha (Randrianarison, 2012), les paysans malgaches sont dans l’obligation de rendre les plus efficientes possibles leurs activités afin que la production agricole puisse subvenir à leurs besoins face à la croissance démographique.
La présente étude essaie d’analyser l’efficience du système de production rizicole à l’échelle nationale en comparant les efficiences des 22 régions de l’île. Celles-ci, afin d’identifier d’une manière globale les paramètres d’inefficience pour avoir des éléments indicatifs dans l’objectif de mieux orienter la conception des plans/programmes et de politiques de développement de Madagascar. La Figure 3 montre la carte de Madagascar avec ses 22 régions.
DEA, un outil performant pour la mesure d’efficience dans différents secteurs
Il est à rappeler que la méthode DEA est un outil très puissant qui permet d’analyser l’efficience relative des firmes, des organisations de toute entité qui utilisent des ressources pour une production de biens ou de services. Elle permet ainsi, de déterminer la frontière efficiente de production ou frontière de meilleures pratiques d’un ensemble «d’unités de décision » ou UD (unité administrative, entreprise agricole, institution scolaire/universitaire, hôpitaux, banque, port, etc.). Selon Diagne (2007), la méthode DEA est particulièrement idoine pour évaluer l’efficience dans des domaines complexes. Ce qui confirme le choix de cette méthode dans le cadre de la présente étude sur l’efficience des régions en termes de production rizicole avec comme UD les 22 régions.
Par ailleurs, d’autres auteurs ont utilisé également la même méthode de mesure d’efficience dans des différents secteurs ci-après :
– Santé, Dominic (2007) a étudié l’efficience des hôpitaux Québécois pour réduire les coûts des soins dans les hôpitaux.
– Agriculture, Djimasra (2010) : L’efficience des pays africains producteurs de coton.
– Foresterie, Mack (2009) : L’efficience des exploitations forestières publiques en Suisse.
– Industrie, Sow (2011) : L’analyse de l’efficacité des entreprises sénégalaises en termes d’utilisation du capital du travailleur.
– Transport, Wang (2002) : L’analyse des mesures d’efficience des ports.
– Microfinance, Randriamanana (2014) : Analyse de la performance sociale et financière des institutions de microfinance .
Proposition d’options stratégiques pour la réforme de la politique agricole
Faisant suite au projet de réalisation du futur recensement intégré de l’agriculture décrit dans le paragraphe précédent, il serait essentiel d’ores et déjà de mener une réflexion approfondie de procéder à la réforme de la politique agricole. D’ailleurs, comme il est mentionné précédemment, les directives de la FAO recommandent que la durée d’une politique agricole est de 5 à 10 ans ; étant donné que la politique de la filière rizicole date de 2010, il est opportun d’aiguiller les preneurs de décision en charge du développement rural de procéder à la révision de la dite politique pour asseoir une meilleure orientation dans la conception des plans/programmes efficients et efficaces afin de lutter contre la pauvreté et d’atteindre les objectifs du millénaire pour le développement. Il est à noter qu’il y a le Programme sectoriel Agriculture, Elevage et Pêche PSAEP prévue pour 2014-2025.
La politique publique désigne les contenus et choix faits dans des domaines ou des secteurs spécifiques par des plans dominants, buts et actions qui régulent les thèmes importants des intérêts publics (Schmithüsen, 2004). Le processus d’élaboration des politiques la manière dont les problèmes sont conceptualisés et présentés au gouvernement afin qu’il les résolve. Les institutions gouvernementales formulent des alternatives et sélectionnent des solutions sous la forme de politiques, qui sont mises en œuvre, évaluées et révisées (FAO, 2008).Compte tenu des différentes contraintes de la filière riz énoncées précédemment, afin d’assurer le développement de la filière agricole, des options stratégiques sont proposées aux fins de consultations et d’affinage auprès des acteurs régionaux concernées pour la réforme de la politique agricole.
– Options stratégique 1 : Promouvoir l’agriculture biologique respectueuse de l’environnement. En effet pour toute filière agricole, l’agriculture biologique constitue une opportunité considérable pour Madagascar. Outre le fait de réduire autant que possible l’utilisation des intrants chimiques, l’état « biologique » des produits doit être certifié par un organisme accrédité comme l’ECOCERT. Pour ce, cette stratégie peut comprendre :
o La promotion et la vulgarisation du compostage et des fumiers organiques ;
o La subvention de l’Etat sur les initiatives de certification bio des produits d’exportations ;
o L’augmentation des taxes sur les intrants chimiques.
– Options stratégique 2 : Promouvoir la mécanisation de l’agriculture à travers la vulgarisation des tractions animales. Selon le recensement de l’agriculture 2005, les exploitants agricoles utilisent en moyenne une charrue à bœuf/3,5 ha de terrain et une herse/5 ha; ce qui démontre que la mécanisation est assez faible à Madagascar. Alors, la réduction des TVA sur les équipements agricoles pourrait convenir à cette stratégie.
Par ailleurs, la régression linéaire (Tableau 7) a montré que la location des matériels présente une influence positive significative sur l’efficience et que les Régions Anosy et Menabe ayant alloué le moins des dépenses sur les matériels ont été inefficientes (Figure 6).
– Options stratégiques 3 : Promouvoir le crédit agricole. Pour améliorer le niveau de production ainsi que de l’efficience des régions, les exploitants doivent disposer des moyens leur permettant de s’investir dans les projets d’amélioration du système agricole qu’ils veulent entreprendre.
A titre d’exemple, pour l’investissement en intrant agricole : les résultats de la présente étude démontrent que les régions efficientes ont en moyenne dépensé plus en intrants agricoles que les régions inefficientes (Tableau 3), ceci est confirmé par les résultats de l’analyse par régression linéaire portant sur les éventuelles variations du score d’efficience par rapport aux facteurs de production considérés. En effet les intrants agricoles ont une influence positive significative sur le score d’efficience (Tableau 7). Il en est de même pour les dépenses en matériels agricoles et celles de la main d’œuvre.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. CONCEPTS ET ETAT DE L’ART
I.1 Concepts
I.2 Etat de l’art
II. MATERIELS ET METHODES
II.1 Matériels
II.2 Méthodes
II.3 Démarche de vérification des hypothèses
II.4 Limites de l’étude
II.5 Chronogramme des activités
III. RESULTATS
III.1 Efficience des régions
III.2 Analyse spatiale des variables par rapport au score d’efficience
III.3 Facteurs affectant les scores d’efficience du système rizicole des régions
IV. DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
IV.1 Discussions
IV.2 Recommandations
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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