Concept et construit de capacité d’absorption
CONCLUSION SUR L’ANALYSE DU CONSTRUIT DE CAPACITÉ D’ABSORPTION
Nous avons vu une assez grande variété de définitions de la capacité d’absorption. Van Vijk et coll. (2011) citent sept d’entre elles. Celles de Liyanage et Barnard (2003), Lim (2009), de Jimenez-Barrionuevo, Garcia-Morales et Molina (2011) ou encore de Camisón et Forés (2010) s’ajoutent à cette liste. Celles de Lane, Koka et Pathak (2006) et de Cohen et Levinthal (1990) convergent. Plusieurs d’entre elles s’orientent vers l’approche d’une capacité dynamique soulevée (Zahra et George, 2002) ou mettent l’accent sur les routines (Lewin, Massini et Peeters, 2011; Matusik et Heeley, 2005). Pour Van Vijk et coll. (2011), elles atteignent maintenant une saturation théorique. Pourtant, aucune d’entre elles ne pose sa candidature pour une opérationnalisation et la mesure d’une capacité d’absorption.
Cette variété des définitions entraîne également une diversité de modèles où les dimensions passent de deux à cinq. Lewin et Massini (2004) en suggèrent deux : les métaroutines internes et externes d’une capacité d’absorption. Lane et coll. (2006) prônent un retour vers les trois d’origine de Cohen et Levinthal (1990) : apprentissage d’exploration, de transformation et d’exploitation. Zahra et George (2002) en avancent quatre : acquisition, assimilation, transformation et exploitation. Todorova et Durisin (2007) s’interrogent sur le modèle de Zahra et George (2002) et réintroduisent la reconnaissance de valeur comme cinquième dimension54 : reconnaissance de valeur, acquisition, assimilation, transformation et exploitation.
Que devons-nous comprendre de cette diversité ? Les constats de Lane, Koka et Pathak (2006) s’avèrent fort révélateurs. Quatre-vingts pour cent des chercheurs citent le concept ou par automatisme, ou par « obligation » de référence à un phénomène vu comme important en management. Plusieurs l’indiquent simplement au passage dans un texte qui rejoint de loin des thèmes associés. La question qui surgit : en connaissent-ils les fondements ? Par ailleurs, à peine le quart des articles abordent les trois dimensions initiales de Cohen et Levinthal (1990:128). Pourtant les auteurs mentionnent explicitement que les habiletés de reconnaissance, d’acquisition, d’assimilation et d’application de l’information à des fins commerciales interagissent collectivement. En faire fi revient à analyser un construit différent. Dans ce contexte, lorsque des études relient une « capacité d’absorption » à des résultats empiriques, leur validité soulève des interrogations (Lane, Koka et Pathak, 2006).
Cette pluralité d’interprétation, bien qu’enrichissante, du point de vue des idées et des liens potentiels avec le concept de capacité d’absorption pose un problème de taille pour sa mesure. Quel phénomène devons-nous appréhender ? Quelles frontières présente-t-il ? Combien de dimensions le composent ? Lesquelles le constituent ? Quel contenu leur associer ? Sur quels comportements observables devons-nous miser ? Quelle(s) approche(s) devons-nous prendre en compte pour développer un construit opérationnel et significatif pour les gestionnaires ? Ces variations dans les définitions, les modèles, les indicateurs et la mesure ainsi que le manque de consensus entre les chercheurs trouvent un écho chez Lane, Koka et Pathak (2006:858) qui constatent que les écrits sur la capacité d’absorption ne présentent pas d’évidences d’une ligne directrice et d’une accumulation des connaissances dans le domaine. Adams, Bessant et Phelps (2006:21) expliquent cette anomalie par une absence de consensus sur des méthodes de mesure reconnues par une communauté de pratique. Dans de tes cas, mentionnent-ils, les avancées théoriques se dispersent à travers la variété des terminologies et résistent à l’accumulation des connaissances dans le domaine. Van Vijk et coll. (2011) l’expriment explicitement: « One of the root causes inhibiting progress in our understanding of absorptive capacity is that empirical studies have estimated absorptive capacity in a wide variety of ways […] the use of such a variety of measures for absorptive capacity has obfuscated current insights. The proxies used seem to gauge phenomena beyond absorptive capacity and do not necessarily correlate ». (2011:280, 282)
Nous constatons dans cette analyse que les reconceptualisations du construit de capacité d’absorption, à l’exception de Lane Koka et Pathak (2006), délaissent la revue de ces trois articles fondateurs (1989a, 1989b-1994, 1990). Le concept s’interprète en fonction des approches et des croyances des chercheurs sur sa nature et sa portée. Nous avons vu que cette façon de faire soulève plusieurs interrogations. Toute tentative de réponses doit resituer la capacité d’absorption dans son contexte d’origine, en revoir la nature et les frontières, selon les études empiriques de Cohen et Levinthal (1989a, b-1994, 1990). Dans un objectif d’opérationnalisation et de mobilisation en milieux de pratique, le concept, ses construits et ses dimensions devraient alors correspondre aux termes d’usage des gestionnaires. Cette démarche de réappropriation du construit, comme le soulignent Cronbach et Meelh (1955), doit s’ancrer dans une méthodologie de conceptualisation et d’élaboration de théories55. Bien qu’une telle méthodologie soit nécessaire, un chercheur-développeur devra avant d’entreprendre tout travail de revue conceptuelle constater l’état de la situation théorique du phénomène à l’étude. En ce qui nous concerne donc, comment pouvons-nous examiner l’évolution théorique du concept de capacité d’absorption et en situer le niveau la maturité atteinte ?
Nous admettons qu’une bonne théorie se construit rarement d’un seul cycle. Elle se bonifie au cours des années et elle passe par des étapes de maturation. Aucune d’elles ne s’avère définitive. Sa conceptualisation constitue un processus itératif de remises en question qui se façonne au gré de nouvelles données empiriques ou de découvertes. Pour illustrer cette évolution des théories, MacInnis (2011) en a élaboré une classification (désormais nommée typologie). Il situe les phases de maturité des théories en fonction des connaissances acquises sur un phénomène. Chaque phase constitue un point potentiel de départ pour une mise à niveau ou pour une reconceptualisation de théories. Nous discuterons dans la prochaine section de cette typologie de MacInnis (2011) pour ensuite y situer l’état actuel des connaissances théoriques sur le construit de la capacité d’absorption. Cette démarche nous permettra de mieux saisir les besoins actuels de clarifications sur le concept et la portée des travaux à réaliser.
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Table des matières
RÉSUMÉ
ABSTRACT
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ENCADRÉS
LISTE DES LOGIGRAMMES
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE
1.1 Contexte général de la recherche
1.1.1 Connaissance
1.1.2 Innovation
1.2 Concept et construit de capacité d’absorption
1.2.1 Concept de capacité d’absorption : ses origines
1.2.2 Définition de la capacité d’absorption
1.2.3 Modèles de la capacité d’absorption
1.2.4 Examen critique des modèles et de leur opérationnalisation
1.3 Réification de la capacité d’absorption et conséquences
1.3.1 Réification d’un concept
1.3.2 Réification de la capacité d’absorption
1.4 Conclusion sur l’analyse du construit de capacité d’absorption
1.5 Typologie des contributions conceptuelles et capacité d’absorption
1.6 Synthèse des résultats, problématique, pertinence de l’étude et questions de recherche
1.6.1 Synthèse des résultats sur l’état des lieux
1.6.2 Définition de la problématique de recherche
1.6.3 Pertinence sociale, pratique et scientifique du projet
1.6.4 Questions de recherche
1.6.5 Objectifs de recherche
CHAPITRE II CADRE DE CONCEPTUALISATION D’UN CONSTRUIT
2.1 Introduction
2.2 Conceptualisation en sciences sociales
2.3 Définition des termes « concepts », « construit » et « théorie »
2.3.1 Définition des termes « concepts » et « construit »
2.3.2 Définition du terme « théorie »
2.4 Qualités d’une bonne théorie
2.4.1 Qualités d’une bonne théorie
2.4.2 Conditions à rencontrer pour formuler une « bonne théorie »
2.5 Méthodologie d’élaboration d’une théorie
2.5.1 Méthode scientifique
2.5.2 Méthode générale d’élaboration de théorie
2.5.3 Avantages et limites du modèle de Lynham (2002)
2.6 Étape de conceptualisation d’une théorie
2.6.1 Étapes de conceptualisation
2.6.2 Description des phases de conceptualisation
2.7 Phase d’opérationnalisation
2.7.1 Étape de translation
2.7.2 Étape d’instrumentation
2.8 Conclusions sur le cadre de conceptualisation
CHAPITRE III MÉTHODOLOGIE
3.1 Recherche initiale de la documentation
3.2 Analyse des textes fondateurs et définition d’un construit de référence
3.3 Analyse et évolution du concept et des construits
3.4 Révision ou élaboration d’un nouveau construit
3.5 Opérationnalisation, translation
3.7 Synthèse
CHAPITRE IV RELECTURE DES TEXTES FONDATEURS DE COHEN ET LEVINTHAL (1989A, B-1994, 1990)
4.1 Biais potentiels et positionnement du chercheur/concepteur
4.2 Posture théorique du chercheur/concepteur
4.2.1 Critères relatifs à la position du chercheur/concepteur
4.2.2 Critères relatifs aux biais du chercheur/concepteur et expériences de travail
4.3 Approches systémiques
4.3.1 Approche traditionnelle des systèmes
4.3.2 Processus de rétroaction
4.3.3 Leçons de la mécanique quantique
4.3.4 De la théorie du chaos
4.3.5 En route vers les systèmes adaptatifs complexes
4.3.6 Systèmes adaptatifs complexes
4.3.7 Enjeux théoriques fondamentaux et systèmes complexes
4.4 Familiarisation avec les études en gestion des organisations
4.4.1 Organisation
4.4.2 Routines organisationnelles
4.4.3 Mémoires organisationnelles
4.4.4 Capacités
4.4.5 Signes, données, informations et connaissances
4.4.6 Capacité d’apprentissage d’une organisation
4.4.7 Capacité dynamique
4.5 Relectures de Cohen et Levinthal (1989a, 1989b-1994, 1990)
4.5.1 Innovation and learning: The two faces of R&D (1989a)
4.5.2 Fortune favors the prepared firms (1989b-1994)
4.5.3 Absorptive capacity : A new perspective on learning and innovation (1990)
CHAPITRE V ANALYSE, SYNTHÈSE ET RECONCEPTUALISATION
5.1 Introduction
5.2 Objet, portée, définition et maturation de la capacité d’absorption
5.1.1 Objets de reconnaissance de valeur
5.1.2 Portée : utilisation restreinte et métaphorique du terme « absorption »
5.1.3 Reformulation d’une définition théorique de la capacité d’absorption
5.1.4 Capacité d’absorption et d’apprentissage
5.1.5 Évolution et maturité du concept
5.2 Organisation, ses théories et la capacité d’absorption
5.3 Exploitation organisationnelle d’une capacité d’absorption
5.4 Cadre de mesure des capacités organisationnelles
5.5 Capacité d’absorption actualisée
5.5.1 Influence de la mesure dans la conceptualisation
5.5.2 Modèle général de la capacité d’absorption actualisée
5.5.3 Trois capacités et hypothèses de développement organisationnel
5.5.4 De la réplication à une capacité d’absorption actualisée
5.6 Ancrages théoriques, modèle de la capacité d’absorption actualisée
5.6.1 Modèle ancré dans une taxonomie étendue de Bloom
5.6.2 Modèle ancré dans le SECI (Nonaka et Takeuchi, 1995)
5.6.3 Modèle ancré dans la créativité
5.6.4 Conclusion sur les ancrages théoriques
CHAPITRE VI DISCUSSION, LIMITATIONS ET CONCLUSIONS
6.1 Introduction
6.2 Discussion
6.1.1 Ce qu’observent les chercheurs
6.1.2 Réponses aux questions soulevées
6.3 Limitations
6.4 Pistes de recherches
6.5 Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE 1 La mesure de la capacité d’absorption
ANNEXE 2 Les modèles de la capacité d’absorption
ANNEXE 3 Étapes d’une recension systématique
ANNEXE 4 L’histoire du déclin de Kodak
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