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Le Stage Autonome en Soins Primaires Ambulatoires Supervisé (SASPAS)
Dans la circulaire DGS/DES/2004/n°192 du 26 avril 2004(13) relative à l’organisation du stage autonome en soins primaires ambulatoires supervisé, le législateur crée les modalités d’un véritable semestre professionnalisant, où l’interne est en autonomie et se confronte à l’exercice de la médecine générale.
Le stage est sous la tutelle de deux ou trois maîtres de stages dans un ou plusieurs lieux d’exercice ou SUMGA (Service Universitaire de Médecine Générale Ambulatoire).
Afin de conserver un apport pédagogique et de différencier le SASPAS du remplacement, l’interne doit effectuer, avec son maître de stage, des séances de rétroaction (supervision).
En cas de question ou de problème, le maître de stage est disponible pour, au minimum, un conseil téléphonique.
Les objectifs généraux de ce stage sont :
– d’être confrontés aux demandes de prise en charge en médecine ambulatoire et aux décisions qu’elles impliquent,- de se familiariser avec l’analyse des difficultés
rencontrées et l’élaboration des solutions qui permettent d’y remédier, – de prendre en charge des patients dont la situation relève d’un suivi au long cours (affections chroniques, affections évolutives, grossesses, nourrissons…),
– de participer à l’organisation matérielle d’un cabinet et à sa gestion, d’appréhender son contexte administratif et les exigences qui en découlent dans l’exercice quotidien,
– d’établir des contacts avec les confrères et une collaboration avec les autres professionnels de santé, en particulier dans le cadre de réseaux de soins
– de participer à l’organisation d’actions collectives de prévention en médecine scolaire, PMI…
Selon la circulaire, l’interne doit participer à des séances pluri-hebdomadaires de révision de dossiers.
La « révision pluri-hebdomadaire de dossiers » permet l’évaluation continue de l’interne au long du stage. Quelles sont les méthodes actuellement existantes et employées ?
Méthodes d’Evaluation
Quelle que soit la méthode utilisée, le maître de stage effectue une séance de rétroaction où l’interne, à l’aide ou non d’une grille d’évaluation, va faire le récit d’une ou plusieurs consultations. Ces consultations sont, soit choisies au hasard, soit choisies par le maître de stage ou l’interne, afin d’évaluer au fur et à mesure du stage les différentes compétences que l’interne doit acquérir et/ou consolider.
Au terme d’une rétroaction, divers objectifs sont élaborés entre le superviseur et l’interne (14)
La Supervision Indirecte (SI)
La séance de supervision s’effectue à partir du récit clinique de l’interne. L’étudiant auto-évalue ses compétences et fait part de son ressenti voire de ses doutes, ses questions au maître de stage.
La supervision peut se faire le jour même, ou en différé.
Avantages
La SI permet un apprentissage plutôt qu’un enseignement.(6)
Le stress potentiel généré par la présence du MSU lors de la consultation n’interfère pas dans la gestion de l’entretien et de l’examen clinique par l’interne.
Inconvénients
Il existe un biais de mémorisation de la part de l’interne pouvant plus ou moins altérer le récit clinique.
Certains MSU expriment une difficulté de contrôle de la consultation de l’interne, lié à ce biais de mémorisation.(15)
Cette méthode ne permet pas d’approfondir les compétences relationnelles et de communication de l’interne.
Supervision directe
Présence du MSU
Cette méthode est utilisée préférentiellement lors du stage de premier niveau ou en début de SASPAS, afin d’évaluer rapidement les capacités et la personnalité de l’interne.
Le MSU participe à la consultation, de façon plus ou moins active.
Avantages
La supervision directe avec présence du MSU a un effet positif sur le patient, dû à une impression de « contrôle » des dires de l’interne.
La progression des compétences mobilisées et identifiées par l’interne est plus facilement, vu la présence du maître de stage, discutée et validée.
L’acquisition de compétences semble plus rapide, notamment chez les internes moins expérimentés.
Cette méthode permet d’explorer les compétences relationnelles du supervisé.
Inconvénients
La bonne relation entre le superviseur et le supervisé est importante pour un meilleur apprentissage : en effet, une supervision avec peu d’empathie et peu de suivi des attentes du supervisé est négatif. (7)
La présence du MSU peut générer un stress pour l’interne, altérant la qualité de la consultation, et donc son interprétation par le maître de stage.
La présence du maître de stage également médecin du patient peut être détourné de son objectif pédagogique par le patient l’obligeant à reprendre sa fonction de thérapeute et ne pas évaluer de manière profonde les compétences mobilisées par son interne
Miroir sans tain
Cette technique est, à notre connaissance, inexistante en France alors qu’elle est largement utilisée au sein des Unités de Médecine Familiale au Québec, où le résident est directement observé par son maître de stage à travers un miroir sans tain, avec l’accord du patient.
Avantages
Cette méthode permet la présence du superviseur sans le risque d’intervention pouvant modifier l’interaction entre le patient et le supervisé.
Il existe une anxiété initiale qui s’atténue au fur et à mesure des consultations, le supervisé trouvant alors un réel bénéfice à cette méthode(17).
Inconvénients
Le miroir sans tain nécessite un investissement lourd et une adaptation des locaux. Au Québec, seuls les UMF (Unités de Médecine Familiale) peuvent avoir ce type de matériel.
Il n’existe pas actuellement en France, d’unités de médecine ambulatoire gérées par les Départements de Médecine Générale
Enregistrement sonore
Cette méthode semble marginale et peu décrite dans la littérature.(18)
Avantages
L’enregistrement sonore permet d’explorer la communication verbale de façon authentique, sans biais de mémorisation ou de déclaration.
L’absence de présence du superviseur lors de la consultation évite la génération d’anxiété chez le supervisé.
Inconvénients
Le consentement du patient est nécessaire et la manipulation du matériel d’enregistrement peut modifier le déroulement de la consultation.
Cette méthode ne permet pas d’explorer la communication non verbale.
Supervision vidéo
Sujet étudié dans le présent travail, la Supervision par Observation Directe avec Enregistrement Vidéo (SODEV) est une méthode largement et depuis longtemps utilisée (on trouve des études datant des années 1980(2,5)), notamment au sein des UMF au Québec, avec ou sans l’aide d’un miroir sans tain (la caméra est présente dans le local de consultation ou derrière le miroir sans tain).
L’interne est filmé lors de la consultation au moyen d’une caméra, et une séance de rétroaction est effectuée le jour même ou en différée (à l’image de la supervision indirecte).
Les avantages et inconvénients vont être abordés dans la partie suivante, spécifique de ce sujet.
Données internationales concernant la SODEV
Méthode de recherche bibliographique
Les bases de données SUDOC et PubMed ont été interrogées à l’aide des mots clés suivants :
-en français : « supervision vidéo », « supervision directe », « SODEV », « communication médecin-patient », « supervision indirecte », « supervision directe ».
-en anglais : « videotape recording », « clinical supervision », « video recording », « communication training ».
Littérature internationale
La littérature en lien avec la SODEV est principalement anglo-saxonne, et surtout québécoise. En 1979, Verby et al (1) montre que faire bénéficier un groupe de médecins « de premier recours » d’une supervision vidéo versus un groupe n’en bénéficiant pas améliore les capacités de communication.
Dans les années 1980, les universités québécoises utilisaient les prémices de la SODEV, à l’aide de caméras VHS (Video Home System), et mettait en évidence les bénéfices sur l’auto-apprentissage de compétences (2).
En 1986, Maguire et al. (5) démontrent, sur un groupe de médecins psychiatres ayant bénéficié de séances de supervision vidéo durant leur cursus d’apprentissage, un bénéfice en termes de communication persistant 6 ans après la fin de la formation.
En 1994, le Général Medical Council (équivalent britannique du Conseil National de l’Ordre des Médecins) édite un guide de recommandations (19) pour les praticiens souhaitant filmer leur consultation.
La rétroaction en vidéo d’une consultation (pour un interne ou un médecin thésé) améliore de façon significative, dans plusieurs articles, la compétence de communication avec le patient(4,20,21).
Il apparaît également que la supervision vidéo est une méthode simple, fiable et reproductible(22–24).
Une revue de littérature effectuée par Hammoud et al. (20), étudiant 67 articles traitant de l’enregistrement vidéo de consultations, montre que le ressenti de l’apprenant est globalement favorable. Le ressenti est encore amélioré lorsque la méthode est couplée à une séance de rétroaction dans un but pédagogique. De plus, la vidéo encourage et interroge l’étudiant autour de l’autoréflexion et l’auto-évaluation.
On note des discordances dans l’évaluation de l’acceptabilité de l’enregistrement vidéo par les patients : Bain et al.(25) et Servant et al. (26) montrent qu’elle serait d’environ 10% si l’on retire les biais liés à la pression involontaire que le médecin exerce sur le patient lors de la demande de consentement. Ces résultats sont marginaux et d’autres études montrent une acceptabilité satisfaisante (2 à 13% de refus selon les auteurs)(27,28).
On retrouve dans l‘étude de Campbell et al. (25) la notion « d’activité chronophage » qu’est l’acquisition et la visualisation des enregistrements vidéo.
Données de littérature française
Notre recherche a retrouvé sept travaux traitant la supervision vidéo.
Thèse de William DURIEUX
L’objectif de ce travail (29) était de définir la supervision (directe et indirecte) et de présenter le programme de résidence en médecine familiale à l’université de Montréal.
William Durieux, lors de sa formation, au moment de l’initiation de stages chez le praticien, a effectué un semestre de formation au sein de l’UMF du CHU (Centre Hospitalier Universitaire) de Montréal. Sa thèse d’exercice définit ce qu’est la supervision et décrit son expérience.
Concernant la supervision vidéo, William Durieux aborde le fonctionnement de la SODEV au sein de cette UMF et décrit avec précision le modèle théorique et les champs de compétences abordés.
Il poursuit ensuite par une étude d’observation, confrontant le modèle théorique avec la réalité de ses applications.
Il arrive aux conclusions suivantes :
– la supervision directe est une méthode objective en termes de contrôle du résident et d’approche pédagogique
– le résident devrait effectuer la séance de rétroaction en ayant au préalable effectué une synthèse clinique de la consultation qu’il va faire superviser
– le visionnage de la bande vidéo par le superviseur et le supervisé est un atout dans l’enseignement de la technique et la structure de consultation, alors qu’une supervision par observation directe sans vidéo aborde plutôt la démarche clinique.
Article de Marc VIDAL en 2002
Paru dans Pédagogie Médicale, l’objectif de ce travail(30) est de faire un inventaire des différentes techniques pédagogiques à disposition des MSU.
Marc Vidal y présente la supervision directe avec notamment l’utilisation de la vidéo. Il présente cette technique comme « objective » et permet « d’analyser les capacités et difficultés dans la relation » de l’interne.
Toutefois, la technique est évoquée, sans précision sur les modalités d’utilisation des caméras et d’exploitation des données vidéos.
L’objectif de ce travail est de recueillir les opinions des internes quant à l’utilité de la vidéo pour auto-évaluer leurs compétences en communication, et émettre des propositions quant à des pistes d’amélioration pour l’apprentissage de la communication en formation initiale.
Dans ce travail, l’auteur propose le protocole suivant (31) :
-Le recueil du consentement du patient par l’interne après information éclairée sur les modalités de l’enregistrement vidéo
-La caméra est placée (pas de précision sur le type de caméra) de sorte à ne pas filmer l’examen clinique
-Remplir la grille d’autoévaluation à la fin de la consultation (sans visionner le film), hors présence du patient
-Le film est visionné par l’interne puis une grille est de nouveau remplie -Les deux autoévaluations sont comparées
-Retour d’expérience à l’issue du protocole via un questionnaire
La grille d’autoévaluation proposée est la Grille de Calgary Cambridge de l’entrevue médicale (32). On note donc que l’interne s’autoévalue deux fois à l’aide d’une même consultation filmée : avant de se visionner, et après s’être visionné, à l’aide d’un guide bien connu et validé. Il n’y a pas d’intervention du maître de stage.
Armengau note dans sa conclusion que l’autoévaluation est certes intéressante mais peut être améliorée grâce à une séance de rétroaction.
L’objectif de cette étude est de faire émerger les avantages et les inconvénients de la SODEV et de recueillir le point de vue des MSU sur son utilisation en France.
Elodie PAILHE, dans sa thèse d’exercice (33) , adopte un protocole où elle prête une caméra vidéo à des MSU. Les maîtres de stage doivent réaliser au minimum une consultation filmée et effectuer une séance de rétroaction.
Ce travail propose un protocole axé principalement sur un recueil de données qualitatives après une SODEV (33).
Le protocole est décrit comme suit :
Les MSU ont été recrutés par téléphone après explication de l’étude.
Le protocole est ensuite présenté à l’interne et son accord est recueilli par écrit. Le consentement du patient est recueilli par l’interne ou le MSU après information. Une caméra avec un trépied (sans précision sur le modèle ou la marque) était préalablement installée dans le cabinet, et une notice d’utilisation avait été conçue pour l’occasion.
La caméra est placée de manière à voir l’interne et le patient, et l’examen clinique n’est pas filmé. Le nombre de consultations filmées n’est pas limité
Une séance de rétroaction est effectuée à l’issue par l’interne et le MSU, axée sur l’évaluation de la compétence relationnelle et communicationnelle.
La façon dont se déroule la séance de supervision est laissée à l’appréciation du MSU dans ce protocole.
Un entretien semi-dirigé est ensuite réalisé avec le MSU et les résultats indiquent que :
-la mise en place technique était facile (à noter que le matériel était installé par l’auteur elle-même)
-le recrutement des patients était facile
-les patients étaient rassurés par le fait que leur médecin visionnait le film, et effectuait donc une sorte de contrôle sur la consultation
-la caméra est facilement acceptée par le patient et l’interne, avec souvent une période d’adaptation de quelques minutes
-la SODEV permet une évaluation objective des capacités de communication de l’interne
Par contre :
-la supervision est contraignante car chronophage
-certains internes expriment une gêne au fait de se regarder en vidéo
Thèse conjointe de Nicolas DE JONGH, Laetitia DUMANGE et Augustin HOUDUSSE en 2014
Ce projet de recherche, dirigé par le DUMG de Poitiers (34–36), aborde la SODEV dans sa globalité.
L’objectif général de ce triple travail était d’effectuer la mise en place d’un outil associant SODEV et grille de Calgary-Cambridge, auprès d’internes en formation et leurs maîtres de stage, visant à créer les conditions favorables à une utilisation efficiente et acceptable.
Chaque interne avait un objectif précis, afin d’étudier plusieurs aspects en lien avec l’expérience menée :
-L’objectif principal de Nicolas de Jongh était de montrer que l’outil permettait d’améliorer la qualité de la rétroaction du point de vue du MSU.
– L’objectif principal d’Augustin Houdusse était de montrer que la réalisation d’une supervision vidéo autoévaluée par l’interne à l’aide de la grille de Calgary améliorait l’apprentissage de la communication.
-L’objectif principal de Laetitia Dumange était de montrer que l’outil permettait d’améliorer la qualité de la rétroaction du point de vue de l’interne de médecine générale.
Un protocole expérimental a été élaboré dans une maison de santé pluridisciplinaire, avec l’installation de matériel vidéo dans une salle de consultation dédiée. Plusieurs séries de consultations étaient réalisées et certaines gardées pour effectuer une séance de rétroaction à l’aide d’une grille de Calgary-Cambridge de l’entrevue médicale, modifiée pour l’étude (32).
Préalablement à la séance de rétroaction, l’interne visualisait la vidéo et s’autoévaluait, le MSU faisait de même de façon indépendante, puis le superviseur et le supervisé effectuaient ensemble la rétroaction.
Le protocole proposé dans ce travail conjoint (36) est, à notre avis, le plus abouti, concernant les travaux français sur le sujet.
L’expérimentation est réalisée au sein d’une maison de santé accueillant des internes de premier niveau ou SASPAS.
La salle de consultation réservée habituellement aux internes était aménagée avec une caméra, un enregistreur, deux microphones, et une télévision. Le matériel était financé par le DUMG de la faculté de Poitiers (coût total de 2121 euros).
Un tutoriel était fourni avec le matériel pour la mise en place et l’exploitation des données vidéo. Le consentement des patients était recueilli par écrit après information par l’interne.
Les enregistrements ne pouvaient être exploités autrement qu’à l’aide du matériel installé (pas de copie volontaire ou involontaire possible).
Concernant le rythme des enregistrements :
L’interne filmait une première série de consultations. Trois consultations étaient sélectionnées et visualisées par l’interne seul.
Une deuxième série de consultations était filmée dix jours après la précédente, et la supervision se faisait avec les deux temps autoévaluation, hétéroévaluation (cf. infra.) et confrontation des grilles lors d’une séance de rétroaction.
Une troisième série d’enregistrements, facultative, pouvait être réalisée selon les mêmes modalités que la deuxième, dix jours après.
La SODEV se déroulait en deux phases :
Une autoévaluation par l’interne à l’aide d’une grille de Calgary Cambridge modifiée (simplifiée) et une hétéroévaluation par le MSU à l’aide d’une même grille.
La séance de rétroaction avec l’interne et le MSU où les grilles étaient confrontées et des objectifs d’apprentissage définis.
Nicolas DE JONGH a réalisé des entretiens semi-dirigés avec les MSU et met en évidence :
-l’autoévaluation, l’outil dans sa globalité permet de faire progresser l’interne sur des compétences non accessibles en supervision indirecte
-la supervision instaure un climat de confiance tant dans la supervision que sur l’assurance que les patients du MSU sont bien pris en charge par l’interne en autonomie
-l’outil vidéo permet d’explorer la communication verbale et non verbale de l’interne -la vidéo est un véritable appui structurant la rétroaction
-la vidéo est bien acceptée tant par les patients que les internes
-la grille de Calgary Cambridge proposée permet une rétroaction plus efficace -la SODEV impose un temps de supervision plus conséquent
Augustin HOUDUSSE a réalisé des entretiens semi-dirigés pour évaluer le ressenti des internes sur l’apport de l’autoévaluation. Il met en exergue les points notables suivants :
-l’interne, grâce à l’autoévaluation, prend conscience des préoccupations du patient, s’interroge sur sa pratique, évalue ses compétences et définit des objectifs de progression
-l’interne exprime un besoin de séances de rétroactions externes, par le MSU -il y a une corrélation entre l’évaluation de l’interne et du MSU
-il y a de nombreuses appréhensions ressenties par l’interne avant les enregistrements, qui diminuent pour la plupart avec la répétition des séances
Laetitia DUMANGE a réalisé des entretiens semi-dirigés avec les internes ayant participés à l’étude et explore leur ressenti sur la mise en place technique et la rétroaction avec le MSU. Les principaux résultats montrent que :
-l’outil vidéo est simple d’utilisation (un protocole écrit est à disposition avec le matériel)
-la vidéo et la grille de Calgary Cambridge facilite la rétroaction en la structurant -la SODEV instaure un climat de confiance entre le superviseur et le supervisé
-la SODEV permet une analyse plus approfondie lors de la rétroaction et aide l’interne à définir des objectifs personnels
Ce travail montre donc plusieurs points notables :
– ce protocole très complet est peu reproductible du fait d’une installation matérielle lourde et coûteuse
– l’autoévaluation de l’interne améliore la qualité de la supervision mais est insuffisante sans la participation du MSU, véritable « tuteur » de l’interne.
– l’anxiété liée au fait de se visionner (pour l’interne) peut s’atténuer par la répétition des séances de supervision.
Philippe ROULAND propose une étude qualitative (9) auprès de MSU ayant ou non réalisés des supervisions à l’aide de la vidéo et cherche à identifier les freins à l’utilisation de cette technique de supervision.
Il met en évidence :
-la méconnaissance de la SODEV en France
-le besoin de formation ressenti par les médecins participants -la problématique des conditions matérielles requises
-la gestion du temps d’acquisition des vidéos et de supervision
-la nécessité d’un climat de confiance préalable entre l’interne et le MSU
-une perception favorable de la SODEV par les participants, malgré les réserves évoquées
Proposition au sein du Département Universitaire de Médecine Générale de Rouen
Fort de ces constats, et aux vues du potentiel pédagogique de la SODEV, tant par l’apport en communication, que l’analyse globale centrée patient d’une consultation, le DUMG de Rouen propose la mise en place expérimentale de cette technique dans plusieurs cabinets de médecine générale en Haute-Normandie.
Lors de la dernière réunion de formation des MSU en juin 2016, une consultation d’interne enregistrée en vidéo a été présentée et plusieurs médecins ont manifesté leur intérêt pour cette technique.
Les cabinets de médecine générale hauts-Normand ne sont, bien entendu, pas spécifiquement équipés pour la SODEV.
Le principe de cette expérimentation repose sur l’utilisation de matériel vidéo portatif et simple d’utilisation ainsi qu’une proposition de structuration de la supervision effectuée à l’issue. L’expérimentation doit également aborder les aspects légaux liés à l’enregistrement vidéo de consultations de médecine générale.
Expérimentation
Protocole
Partant des différentes données recueillies tant sur la littérature internationale que sur les différents travaux de thèses français, nous avons conçu un protocole expérimental.
Comment a-t-il été construit ?
Aspect légal
Le recueil du consentement à la fois du patient et de l’interne, ainsi que la sécurisation des données de santé étaient des aspects fondamentaux de cette expérience et se doivent d’être abordés avant même la conception du protocole.
Les modalités d’utilisation et d’exploitation de données médicales enregistrées sur matériel vidéo a nécessité un avis auprès du Correspondant Informatique et Liberté (CIL) de la faculté Médecine/Pharmacie ainsi qu’auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL).
Nos propositions, pour permettre une sécurisation maximale des données de santé étaient :
-enregistrer les vidéos sur un support de faible encombrement et de grande capacité -le support doit permettre de visualiser les fichiers vidéo sans copie sur le matériel informatique
-visualiser les vidéos sur le lieu de l’enregistrement, c’est-à-dire au cabinet médical du MSU
-effacer les fichiers vidéo dès leur exploitation en séance de supervision, à la suite de l’enregistrement.
Lors des réunions effectuées avec la correspondante informatique et liberté de la faculté, plusieurs points ont été mis en avant :
-l’information du patient doit être faite au début de la consultation, et le consentement doit être formalisé par écrit
-les données sont enregistrées sur la carte mémoire de la caméra, qui est lue sur un ordinateur déconnecté des réseaux
-les données sont uniquement visualisées par le MSU et son interne, au sein du cabinet
-il n’y a pas de copie des fichiers vidéo sur l’ordinateur de lecture -les données sont supprimées après la séance de supervision
Vu l’article 8-II de la loi du 6 janvier 1978 (« les traitements pour lesquels la personne concernée a donné son consentement exprès ») et vu les dispositions et conditions exposées ci-dessus, le service des correspondants de la CNIL a proposé une inscription au registre de l’université (par opposition à une déclaration à la CNIL, qui doit être étudiée en commission nationale).
Cette inscription (Annexe 1) prévoyait donc un engagement de conformité du responsable de DUMG à la loi informatique et liberté et respect des termes de l’inscription au registre.
Dès lors, des fiches de consentement ont été rédigées (Annexe 2a et 2b), pour le patient et pour l’interne. Ces fiches faisaient particulièrement référence au droit à l’image (Article 9 du Code Civil) et aux mentions informatique et liberté.
Aspects Techniques
Utilisation d’une caméra d’action
Lors de nos recherches bibliographiques, nous avons constaté qu’un des freins majeurs à la réalisation de la SODEV était la potentielle complexité et l’encombrement du matériel d’enregistrement utilisé (9).
De par la volonté d’expérimenter une méthode pouvant être applicable à tous les cabinets de médecine générale, et au vu des évolutions techniques, notre choix matériel s’est porté sur les caméras d’action.
Ces petits dispositifs, mobiles et adaptables à toutes les configurations de cabinet, notamment à l’aide d’un trépied modulaire ont motivé notre décision. De plus, les cartes mémoires actuellement produites permettent d’enregistrer plusieurs heures de film sans avoir obligatoirement à interrompre l’enregistrement entre chaque consultation.
Le DUMG de l’université de Rouen a investi dans deux caméras d’action GoPro Hero+LCD ®, avec trépied modulaire (de marque GorillaPod®), ainsi que deux cartes MicroSD (Secure Digital) d’une capacité de 64 Go (Giga-octets). A titre indicatif, ce matériel a été acquis pour un montant de 729.96 euros (le prix pouvant bien sûr évoluer dans le temps et selon le vendeur).
GoPro Hero+LCD ®
Trépied Modulaire GorillaPod®
Carte Micro-SD et son adaptateur
Le choix de la caméra GoPro Hero+LCD ® résultait de son coût modéré, sa taille, et l’écran LCD (Liquid Cristal Display = Ecran à Cristaux Liquides) intégré, permettant un ajustement immédiat du positionnement de la caméra et une possible visualisation de la vidéo directement au moyen de la caméra.
Nous reviendrons plus en détail sur les précautions à prendre concernant les connexions externes. Il est néanmoins important de rappeler que, au regard de l’objectif principal de ce type de caméra qu’est la diffusion en direct sur internet d’exploits sportifs, il existe une connexion externe par Wi-Fi (Wireless Fidelity) et/ou Bluetooth. Ces connexions doivent être impérativement éteintes via le menu interne de la caméra ou la touche externe dédiée, pour des raisons évidentes de confidentialité, et devant de potentiels risques de piratage de réseau.
Elaboration du protocole
En juin 2016, lors de la journée de formation des MSU du DUMG de Rouen, une réflexion s’était tenue autour des modalités de mise en place de la SODEV après explication du concept.
Ces données ont été réutilisées lors de l’atelier du congrès du CNGE de Grenoble (8) et confrontées à des MSU et enseignants d’autres régions.
Cet atelier avait mis en évidence un intérêt important pour cette technique mais sa mise en place nécessiterait de bien préciser les modalités d’application pratique, l’environnement pédagogique et l’aspect légal.
Déroulement des enregistrements
Pour ce qui est de l’installation de la caméra, nous estimons que son installation devrait préférentiellement être effectuée par l’interne (il est en stage en autonomie).
Les données qualitatives retrouvées (33) montraient des avis partagés par rapport à l’idée de filmer l’examen clinique. Les trois travaux de thèse français (31,33,34) utilisant l’enregistrement vidéo ont tous exclu de filmer l’examen clinique.
Lors de l’atelier du congrès du CNGE 2016, les MSU présents étaient également partagés : les informations apportées par la manière de conduire l’examen physique ainsi que les informations verbales données à ce moment par le patient sont importantes, mais la pudeur peut rebuter certains patients. Nous avons donc décidé d’introduire dans le protocole le fait que la table d’examen doit être hors du champ de la caméra.
Quant au déroulement, l’interne laisserait l’enregistrement actif lors de l’examen physique afin de recueillir la bande audio, permettant de suivre le déroulement de la consultation.
Nous proposons dans le protocole d’enregistrer une demi-journée entière, afin d’avoir suffisamment de matériel pédagogique à exploiter.
Visualisation des vidéos
Le point primordial nécessaire à la bonne utilisation du protocole était la sécurisation des données.
Les auteurs des travaux de thèse de Poitiers (34–36), ont pu, grâce à leurs ressources matérielles élaborer un protocole avec une utilisation des données en circuit fermé (caméra en salle de consultation et ordinateur dans une pièce adjacente) complètement déconnectés des réseaux, puis supprimer les enregistrements après la séance de supervision.
En cela, nous avons décidé d’imposer la déconnexion des réseaux de l’ordinateur utilisé pour la visualisation des vidéos, afin d’éviter tout risque de transmission involontaire de données ou de piratage.
De plus, nous demandions dans le protocole de ne pas déplacer les fichiers vidéo de la carte mémoire de la caméra, pour éviter toute trace dans les fichiers temporaires de l’ordinateur (qui peuvent permettre une récupération au moins partielle des données). La vitesse de lecture des cartes SD produites actuellement permet une qualité de visionnage suffisante pour ne pas avoir à copier les fichiers sur l’ordinateur.
Enfin, la dernière consigne importante était la visualisation des vidéos au sein du cabinet, toujours dans un but de sécurisation des données.
Ces points étaient en accord avec les conditions vues lors des réunions avec la correspondante informatique et liberté de l’université.
Déroulement de la supervision lors du semestre SASPAS
Rythme des enregistrements
Les trois thèses expérimentales françaises ont effectué un nombre de séries d’enregistrement différent :
-Une unique séance pour Armengau(31)
-Deux séances espacées de 3 à 10 jours pour Dumange et al. (34)
-Un enregistrement minimum pour Pailhe (33)
De manière intuitive, il parait judicieux d’effectuer trois séances :
-la première séance, réalisée à 1 mois du début du stage (pour laisser un temps d’adaptation à l’interne avec la patientèle et le fonctionnement du cabinet) permettrait de faire un diagnostic de compétences, puis d’établir une prescription pédagogique par le MSU
-la deuxième séance, réalisée en milieu de stage servirait à observer l’application de la prescription pédagogique et définir de nouveaux objectifs.
-la troisième séance, effectuée dans le dernier mois, permettrait de vérifier l’acquisition des compétences.
Cette programmation des séances permet d’évaluer la progression de l’interne sur le semestre.
Préparation de la supervision
L’autoévaluation de l’interne, préalable à la séance de supervision, semblait être un processus intéressant comme « moteur d’apprentissage par la motivation et l’autonomie qu’elle suscite chez l’interne » (35).
Une hétéroévaluation par le MSU semblait également importante, afin de préparer des objectifs d’apprentissage.
Nous proposions donc dans le protocole, en amont de la séance de supervision, un premier temps où l’interne s’autoévaluerait. Le maître de stage évaluerait aussi l’interne (hétéroévaluation) via l’enregistrement vidéo.
Séance de rétroaction
Pailhe (33), lors de ses entretiens semi-dirigés montrait que les maîtres de stage avaient la volonté de structurer la supervision à l’aide d’outils pédagogiques.
Dumange et al. (34) utilisaient dans leur travail une grille de Calgary Cambridge modifiée (simplifiée), pour faciliter la structuration de la séance de rétroaction.
La grille de Calgary Cambridge (37,38) est un outil international et validé, abordant diverses « tâches » en lien avec des compétences mobilisées pour le bon déroulement d’un entretien médical.
Nous avons décidé, malgré l’exhaustivité de cette grille (pouvant alors potentiellement rendre l’analyse plus lourde), de l’inclure dans sa version originale. La grille pouvait alors être utilisée entière ou pour aborder une tâche particulière.
Pour la notation de chaque tâche, nous avons décidé d’utiliser une échelle de Likert pondérée sur 4 (« pas du tout », « plutôt non », « plutôt oui », « tout à fait ») afin d’éviter une notation neutre et faire en sorte que l’interne et le MSU se positionnent sur une appréciation positive ou négative. Nous avons par ailleurs laissé une partie « commentaires libres » à la fin de chacune des six grandes parties de la grille, pour laisser un espace de liberté d’expression, à la fois pour l’interne et le MSU.
La grille de Calgary Cambridge que nous avons reproduite inclus trois colonnes pour noter les trois séances et observer la progression de l’interne (Annexe 3).
Le superviseur et le supervisé compareraient donc leurs évaluations (à l’aide des grilles) et définiraient à l’issue de la supervision des objectifs pédagogiques et d’amélioration pour la séance suivante.
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Table des matières
INTRODUCTION
DONNEES DE LITTERATURE ET EXPLOITATION DE LA SODEV
La formation française de Médecine Générale
Le stage de premier niveau chez le praticien agrée-maître de stage
Le Stage Autonome en Soins Primaires Ambulatoires Supervisé (SASPAS)
Méthodes d’Evaluation
La Supervision Indirecte (SI)
Supervision directe
Données internationales concernant la SODEV
Méthode de recherche bibliographique
Littérature internationale
Données de littérature française
Thèse de William DURIEUX
Article de Marc VIDAL en 2002
Thèse de Caroline ARMENGAU en 2011
Thèse d’Elodie PAILHE en 2012
Thèse conjointe de Nicolas DE JONGH, Laetitia DUMANGE et Augustin HOUDUSSE en 2014
Thèse de Philippe ROULAND en 2016
Proposition au sein du Département Universitaire de Médecine Générale de Rouen
EXPERIMENTATION
Protocole
Aspect légal
Aspects Techniques
Elaboration du protocole
Mise en pratique sur un semestre et évaluation du protocole
Période d’étude
Sélection et formation des MSU à l’utilisation de l’outil
Communication avec les maîtres de stage
Elaboration de la grille de recueil
Résultats de l’enquête de retour d’expérience (Annexe 6)
Effectifs
Concernant les MSU
Concernant les internes
ANALYSE ET DISCUSSION
Méthodologie et limites
La mise en place de l’expérimentation
Les MSU
La formation
La communication avec les MSU
Les internes
Le protocole
L’aspect légal
La conception du protocole
L’avis des participants
Le matériel utilisé
La présence de la caméra
La préparation de la séance de supervision
La séance de supervision
La grille de Calgary-Cambridge : Un outil validé
L’intérêt formatif de la SODEV
L’aspect chronophage de la SODEV
Quel avenir pour la SODEV ?
Constitution d’un groupe national de travail sur la SODEV
Etudes supplémentaires
Nouvelle réforme 2017 du DES de Médecine Générale
Aller plus loin dans la formation à l’aide de l’outil vidéo
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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