PROPAGATION D’IMPULSIONS LASER ULTRA INTENSES DANS L’AIR : MODELISATION ET SIMULATION NUMERIQUE
La propagation dans l’air d’un faisceau laser intense dans le domaine femtoseconde conduit à des modifications spatiales et temporelles importantes du faisceau initial : filamentation, raccourcissement de la durée, dédoublement temporel de l’impulsion, et élargissement spectral.
La modélisation d’une telle propagation est obtenue en introduisant dans l’équation d’onde en régime linéaire des termes supplémentaires qui décrivent l’interaction non linéaire de l’onde et du milieu.
L’effet Kerr optique
Un des effets les plus spectaculaires intervenant lors de la propagation d’impulsions laser ultra brèves et intenses dans les milieux transparents est l’effet d’autofocalisation. Cet effet est lié à la réponse non linéaire du troisième ordre du milieu dans lequel l’onde se propage. L’auto-focalisation peut être vu comme un effet de lentille induite par l’effet Kerr optique.
Ionisation et défocalisation induite par le plasma
Pour une puissance supérieure à la puissance critique, le faisceau s’autofocalise, son intensité augmente au cours de la propagation mais n’atteint jamais des valeurs infinies en réalité. Lorsque l’intensité de l’impulsion laser atteint des valeurs de l’ordre de 10¹³- 10¹⁴ W cm-2, des processus non linéaires d’ordres supérieurs tels que l’absorption multiphotonique interviennent.
Equation simplifiée phénoménologique
Lors de la propagation d’une impulsion laser ultra-brève et intense, de nombreux effets non linéaires contribuent à modifier la dynamique de l’impulsion. Ces non linéarités sont induites par les intensités très élevées que nous considérons et se répercutent de manière significative sur la propagation de l’impulsion. Les effets non linéaires tels que l’effet Kerr ou l’ionisation multiphotonique ont été décrits précédemment mais de manière indépendante. Ainsi, si la puissance du faisceau laser dépasse la puissance critique d’autofocalisation, celuici tend à s’effondrer sur lui-même, après quoi une compétition entre l’effet Kerr, la diffraction, l’absorption multiphotonique et la défocalisation causée par la formation du plasma s’établit et mène à une propagation du faisceau laser sous la forme d’un filament créant dans son sillage un canal de plasma. Cette propagation du faisceau laser est dite autoguidée bien que ce terme ne se réfère pas à un guide ou un antiguide non linéaire dans le plan de diffraction transverse.
MODELE COMPLET
Le but de cette partie est de présenter à présent une modélisation plus complète de la propagation dans l’atmosphère d’une impulsion ultra brève et de puissance élevée. Par rapport aux équations précédentes, nous nous plaçons toujours dans le cadre de l’approximation paraxiale, mais sans faire l’hypothèse d’une enveloppe temporelle lentement variable. Nous utilisons également une description plus précise des phénomènes physiques mis en jeu. Les différents effets pris en compte sont :
– la dispersion : cet effet, limité à l’ordre 2 (dispersion de vitesse de groupe) précédemment est à présent calculé à tous les ordres.
– l’effet Kerr optique : nous prenons en compte l’auto-raidissement des fronts, ainsi que la réponse retardée propre aux molécules diatomiques telles que O2 et N2. Un modèle tensoriel sera décrit en annexe et permettra de traiter les effets de polarisation croisée.
– l’effet du plasma : outre les effets d’indice, les effets d’absorption sont maintenant pris en compte : atténuation de l’onde optique par création d’électrons et absorption du plasma due aux collisions électroniques.
– modélisation de l’ionisation : le modèle Keldysh qui s’applique aux gaz monoatomiques a été reformulé par Mishima pour les molécules diatomiques en introduisant un facteur correctif. Enfin, on tient également compte de la multiplication des électrons par avalanche.
MISE EN EVIDENCE DES CANAUX DE PLASMA GENERES PAR FILAMENTATION LASER FEMTOSECONDE : METHODES EXPERIMENTALES
L’importance de l’ionisation comme effet de saturation et de stabilisation de l’intensité dans l’impulsion femtoseconde autoguidée sous forme de filament est à présent bien établie [3.1]. Les simulations numériques prévoient une densité électronique de l’ordre de 10¹⁶ cm-3 dans l’air à la pression atmosphérique [3.2, 3.3]. Le taux d’ionisation est très faible et rend difficile la mise en évidence du canal de plasma créé dans le sillage de l’impulsion autoguidée. Avant que je ne débute mon travail de thèse, plusieurs méthodes de détection du plasma et de mesures de sa densité avaient déjà été développées : électrique [3.4, 3.5, 3.6], par diffractométrie [3.7], ou spectroscopique [3.8].
Le premier dispositif consiste à mesurer la conductivité de l’air après le passage d’une impulsion IR autoguidée en soumettant les électrons libérés à un champ électrique externe constant [3.4]. La circulation des charges qui en résulte produit un courant dont l’intensité est reliée à la densité des électrons. Elle est estimée à 3×10¹⁶ cm-3. Cette valeur est confirmée par H.D. Ladouceur et al. [3.6]. Schillinger et al. [3.5] trouvent une densité électronique de quatre ordres de grandeur plus faible que les autres mesures de densité. Cela peut s’expliquer par le fait que les auteurs sont dans le cas d’une filamentation multiple et qu’ils mesurent une résistivité moyenne sur l’ensemble du faisceau, alors que les mesures précédentes ont été faites dans le cas d’un filament unique.
La densité de la colonne de plasma a été mesurée par diffractométrie résolue en temps [3.7, 3.9]. La valeur de la densité initiale du filament est du même ordre de grandeur que les mesures précédentes (~10¹⁶ cm-3). De plus, l’évolution de la densité de la colonne de plasma a un déclin non exponentiel. Cette observation a été confirmée par H.D. Ladouceur et al. [3.6]. Ce phénomène s’explique par une recombinaison de type bimoléculaire, où l’électron libéré est capturé par l’ion parent.
Enfin, une autre méthode présentée par A. Talebpour et al. dans la référence [3.8], consiste à observer le spectre de raies de luminescence des molécules d’azote. L’existence de ces raies est la preuve indirecte de la présence d’un plasma dans l’air. En effet, ces raies ne sont observables que si les molécules d’azote ont été préalablement ionisées. Cette méthode non invasive permet de mesurer la longueur du canal ionisé .
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. PROPAGATION D’IMPULSIONS LASER ULTRA-INTENSES DANS L’AIR : MODELISATION ET SIMULATION NUMERIQUES
2.1 INTRODUCTION
2.2 MODELE SIMPLIFIE
2.2.1 L’effet Kerr optique
2.2.2 Ionisation et défocalisation induite par le plasma
2.2.3 Equation simplifiée phénoménologique
2.3 MODELE COMPLET
2.4 RESOLUTION NUMERIQUE
ANNEXE 2.A : EFFET KERR TENSORIEL
2.A.1 Effet Kerr tensoriel
2.A.2 Effet Kerr retardé
REFERENCES
3. MISE EN EVIDENCE DES CANAUX DE PLASMA GENERES PAR FILAMENTATION LASER FEMTOSECONDE : METHODES EXPERIMENTALES
3.1 INTRODUCTION
3.2 DESCRIPTION DES SOURCES LASER UTILISEES
3.2.1 Le laser dit de la salle verte
3.2.2 Le système Teramobile
3.3 MESURE DE LA CONDUCTIVITE ELECTRIQUE DES CANAUX DE PLASMA
3.3.1 Détermination de la zone de linéarité du détecteur
3.3.2 Détermination de la densité électronique du canal de plasma
3.4 MESURE DE LA LUMINESCENCE DES MOLECULES D’AZOTE
3.5 EMISSION D’UN RAYONNEMENT THZ PAR LES CANAUX DE PLASMA GENERES PAR
FILMAMENTATION FEMTOSECONDE DANS L’AIR
3.5.1 Introduction : émission dans la gamme des THz par les canaux de plasma :
théories et mécanismes physiques
3.5.2 Mise en évidence de l’émission THz par les canaux de plasma au moyen
d’une détection hétérodyne
3.5.3 Mise en évidence du rayonnement THz à l’aide d’un bolomètre
3.5.4 Mise en évidence du rayonnement du canal de plasma dans le domaine des ondes centimétriques
3.6 MESURE PAR IMPRESSION DIRECTE DU FAISCEAU SUR PAPIER PHOTOSENSIBLE
3.7 CONCLUSION DU CHAPITRE 3
REFERENCES
4. CONTROLE DE LA LONGUEUR DES CANAUX DE PLASMA CREES PAR DES FILAMENTS FEMTOSECONDES
4.1 INTRODUCTION
4.2 CONCATENATION DE DEUX FILAMENTS
4.2.1 Introduction
4.2.2 Procédure expérimentale
4.2.3 Mise en évidence de la concaténation de deux canaux de plasma : Résultats
4.2.4 Simulations numériques
4.2.5 Profil temporel de l’impulsion : mise en évidence du raccourcissement de l’impulsion autoguidée
4.2.6 Conclusion
4.3 PROPAGATION AUTOGUIDEE D’IMPULSIONS LASER FEMTOSECONDES MULTI TERAWATT SUR DE LONGUES DISTANCES
4.3.1 Introduction
4.3.2 Pré-compensation de la dispersion de vitesse de groupe : notion de dispersion de vitesse de groupe et concept de chirp
4.3.3 Longueur des canaux de plasma générés par des impulsions laser multi térawatt
4.3.4 Simulations numériques : Autoguidage d’impulsion laser de puissances élevées sur de longues distances
4.4 CONCLUSION DU CHAPITRE 4
REFERENCES
5. ORGANISATION DE FILAMENTS DANS L’AIR
5.1 INTRODUCTION
5.2 ORGANISATION DE FILAMENTS DANS L’AIR : ETUDE EXPERIMENTALE
5.2.1 Effet d’un masque d’amplitude
5.2.2 Effet d’un masque de phase
5.3 ORGANISATION DE FILAMENTS DANS L’AIR : THEORIE ET SIMULATIONS NUMERIQUES
5.3.1 Effet d’un masque d’amplitude
5.3.2 Effet d’un masque de phase
5.4 CONCLUSION DU CHAPITRE 5
REFERENCES
6. ETUDE DE LA PROPAGATION D’IMPULSIONS FEMTOSECONDES EN ALTITUDE
6.1 INTRODUCTION
6.2 PROPAGATION DANS L’AIR D’IMPULSIONS FEMTOSECONDES EN FONCTION DE LA PRESSION : MODELE NUMERIQUE ET DEPENDANCE DES PARAMETRES EN FONCTION DE LA PRESSION
6.3 PROPAGATION DANS L’AIR D’IMPULSIONS FEMTOSECONDES FOCALISEES EN FONCTION DE LA PRESSION
6.3.1 Introduction
6.3.2 Influence de la pression sur la propagation de faisceaux focalisés : simulations numériques
6.3.3 Influence de la forme du faisceau initial sur la colonne de plasma
6.3.4 Procédure expérimentale
6.3.5 Mise en évidence du canal de plasma en fonction de la pression
6.4 PROPAGATION D’IMPULSIONS FOCALISEES EN FONCTION DE LA PRESSION ET DE LA NATURE DU GAZ
6.4.1 Introduction
6.4.2 Résultats et discussion
6.4.3 Simulations numériques
6.4.4 Conclusion
6.5 PROPAGATION DANS L’AIR EN ALTITUDE D’IMPULSIONS FEMTOSECONDES
6.5.1 Introduction
6.5.2 Procédure expérimentale
6.5.3 Propagation autoguidée d’impulsions laser femtosecondes multitérawatt sur de longues distances à pression réduite : résultats et discussion
6.5.4 Simulations numériques
6.6 CONCLUSION DU CHAPITRE 6
ANNEXE 6.A : PROPAGATION D’IMPULSIONS FOCALISÉES EN FONCTION DE LA PRESSION ET DE LA NATURE DU GAZ
REFERENCES
7. DECLENCHEMENT ET GUIDAGE DE DECHARGES HAUTES TENSIONS APPLICATION AU CONTROLE DE LA FOUDRE PAR FILAMENTATION LASER
7.1 INTRODUCTION
7.2 DECLENCHEMENT ET GUIDAGE DE DECHARGES DE HAUTE TENSION DE POLARITE NEGATIVE
7.2.1 Introduction
7.2.2 Montage expérimental
7.2.3 Synchronisation laser onde de tension
7.2.4 Caractérisation du faisceau de canaux de plasma généré
7.2.5 Etude de l’influence de canaux de plasma sur une décharge négative de
2.3 m de long
7.2.6 Etude de l’influence de canaux de plasma sur une décharge négative de
3.4 m de long
7.2.7 Déclenchement et guidage d’une décharge négative de 4.5 m de long par les filaments
7.2.8 Conclusion
7.3 DECLENCHEMENT ET GUIDAGE DE DECHARGES DE HAUTE TENSION DANS DES CONDITIONS DE PLUIE
7.3.1 Introduction et procédure expérimentale
7.3.2 Influence de la pluie sur les décharges spontanées
7.3.3 Influence de la pluie sur le déclenchement et le guidage des décharges
7.3.4 Influence de l’énergie laser sur le déclenchement des décharges
7.3.5 Conclusion
7.4 CONCLUSION ET PERSPECTIVES : EXPERIENCES DE DECLENCHEMENT DE LA FOUDRE
REFERENCES
8. CONCLUSION GENERALE
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