Propagation des ondes de choc et génération des FMR

Le contrôle de la pollution sonore aux alentours des aéroports est devenu un enjeu majeur, accentué par l’accroissement du trafic aérien. La diminution à apporter au bruit engendré par les avions est évaluée en Europe par les documents ACARE 2020 et ACARE 2050, qui chiffrent les limites du bruit perçu par les riverains. Les avionneurs et les motoristes cherchent donc à réduire l’émission des sources sonores dominantes. Les motoristes construisent des turboréacteurs à haut taux de dilution et raccourcissent la longueur des nacelles, afin de limiter le niveau du bruit de jet et la masse des turboréacteurs. Le diamètre des turboréacteurs est alors augmenté et la vitesse de rotation du régime nominal est réduite. Lors du décollage de l’appareil ainsi qu’en phase de montée, l’extrémité des aubes de la soufflante peut toutefois devenir supersonique, ce qui crée des ondes de choc. Ces ondes de choc, ayant une forme d’ondes en N, remontent la nacelle à partir du rotor jusqu’à l’entrée d’air et rayonnent vers l’avant de la cabine ainsi qu’en champ lointain (contribuant ainsi aux niveaux sonores enregistrés aux points de certification). La figure 1 illustre ce phénomène de propagation des chocs vers l’amont. Pour un rotor dit « régulier », c’est-à-dire dont toutes les aubes sont parfaitement identiques, le spectre sonore est composé des harmoniques de la fréquence de rotation des aubes BPF (pour Blade Passing Frequency en anglais) ; leur fréquence est égale à fBP Fm = mBN où B est le nombre d’aubes, N le régime de rotation du rotor en hertz et m le rang de la BPF. Cependant, de petites irrégularités géométriques d’une aube à l’autre produisent des variations en amplitude et en phase des ondes en N. Le spectre sonore d’un rotor réel contient alors non seulement les BPF mais aussi des harmoniques à la fréquence de rotation du rotor FMR (également appelés MPT pour Multiple Pure Tones en anglais ; leur fréquence est égale à fFMRn = nN où n est le rang de la FMR. La propagation des ondes de choc dans la nacelle étant non linéaire, deux phénomènes notables sont à prendre en compte : a) la propagation entraîne une diminution du niveau de pression sonore des ondes ; b) un transfert énergétique s’opère entre les BPF et les FMR dans le cas d’un rotor réel, de sorte que le niveau des FMR en fin de propagation peut être supérieur à celui des BPF. Deux axes majeurs de recherche inhérents à la problématique du bruit des ondes de choc restent à explorer : d’une part, la prise en compte des variations géométriques des aubes lors de la génération des ondes en N et, d’autre part, la modélisation de la propagation non linéaire de ces ondes dans la nacelle et leur rayonnement amont. Cette thèse se propose d’étudier ces deux mécanismes à partir d’approches analytiques et numériques. La description du choc initial au voisinage d’une aube de la soufflante sera supposée connue (donnée généralement issue d’un calcul RANS).

Les études du phénomène de propagation des ondes en N ont débuté en 1946 par Dumont [11]. Il a caractérisé l’émission des ondes de choc engendrées par des projectiles. En ce qui concerne la propagation des ondes de choc issues d’un turboréacteur, les premières études datent de 1975 et coïncident avec l’apparition des turboréacteurs à grand taux de dilution. En 1970, Morfey et Fisher [41] ont décrit la décroissance du saut de pression d’une onde en N en fonction du saut de pression initial, de la distance entre chocs, de la distance de propagation axiale de l’onde et du nombre de Mach axial supposé uniforme. Cependant, ce premier modèle 1D ne peut s’appliquer qu’à un rotor parfait. En 1971, Hawkings [23] a pris en compte les variations en amplitude et en phase des ondes en N par un modèle de propagation temporel quasi 2D, propageant des ondes en N irrégulières. Le modèle analytique le plus élaboré a été développé en 2001 par McAlpine & Fisher. Il propage dans le domaine spectral un train d’ondes irrégulier en amplitude et en phase, en tenant compte de la coupure des modes évanescents ainsi que de la présence éventuelle d’un traitement acoustique en paroi de la nacelle. En parallèle de ces modèles analytiques, les simulations numériques émergentes permettent de considérer les géométries réelles des turboréacteurs ainsi que les écoulements transsoniques non uniformes. Ces études peuvent être classées suivant deux catégories : a) les calculs modélisant un seul canal inter-aubes réduisent grandement la taille du domaine de calcul (en divisant le nombre de cellules par B) mais, par conception, ne peuvent propager que les harmoniques de la BPF (hypothèse de rotor régulier) ; b) de rares simulations de la géométrie complète incluent l’ensemble des aubes (calculs sur 360°). De tels calculs sont évidemment très coûteux. Quant aux équations résolues, les approches RANS et Euler semblent bien adaptées pour simuler respectivement la captation du choc (incluant les effets visqueux) et la propagation des ondes en N (en supposant un fluide parfait).

Propagation des ondes de choc et génération des FMR 

Il existe deux grands axes d’étude, la propagation des ondes de choc et leur génération. La propagation des ondes de choc peut être étudiée grâce à des modèles analytiques ou par des simulations numériques. Concernant les méthodes analytiques, deux catégories de modèles de propagation se différencient. La première correspond aux études analytiques et expérimentales réalisées dans les années 1970, qui se concentrent sur l’évolution temporelle de l’amplitude et de la phase d’ondes en N. Ces modèles temporels permettent de propager uniquement des signaux de pression sous la forme de trains d’ondes en N réguliers ou irréguliers mais ne peuvent pas tenir compte des différents modes radiaux (µ). La seconde catégorie est fondée sur la résolution dans le domaine spectral des équations de l’acoustique non linéaire. Ces modèles propagent tout type de signaux de pression et prennent en compte la coupure des modes, la présence éventuelle d’un traitement acoustique dans la nacelle, ainsi que les différents modes radiaux. De plus, les modèles de propagation se décomposent en trois types suivant qu’ils décrivent l’évolution de signaux en 1, 2 ou 3 dimensions (1D, 2D, 3D). Les modèles 1D décrivent l’évolution du saut de pression ∆p d’une onde en N. Les modèles 2D propagent une série d’ondes de choc engendrée par les aubes du rotor à un rayon donné et ignorent donc les modes radiaux. Enfin, les modèles 3D prévoient l’évolution d’un train d’ondes en N en tenant compte des modes angulaires et radiaux. Le second axe de recherche concernant le bruit d’onde de choc émis par un turboréacteur est la génération des irrégularités des ondes en N. Cette thématique a été traitée non seulement par le biais d’études expérimentales mais aussi par des simulations numériques.

Bases théoriques de l’acoustique non linéaire

Les phénomènes non linéaires tels que la différence de vitesse de propagation entre une onde linéaire et non linéaire sont connus depuis le dix-huitième siècle. Les travaux se sont alors concentrés sur la propagation non linéaire d’une onde plane unidirectionnelle (Lagrange (1761), Poisson (1808), puis Riemann & Earnshaw (1860)). La formation de chocs a ensuite été étudiée en 1848 par Stokes. Rankine (1870) et Hugoniot (1887, 1889) ont démontré que la conservation de l’énergie à travers un choc implique un saut d’entropie et ont établi les équations de passage à travers cette discontinuité. Dans les années 1930, Fay (1931) et Fubini (1935) ont décrit la déformation d’une onde sinusoïdale avant la formation du choc dans un fluide non visqueux. De plus, Fubini a démontré qu’au cours de sa propagation, la déformation de l’onde sinusoïdale initialement monochromatique donnait lieu à une cascade énergétique vers des harmoniques de rang plus élevé (cf. fig. 1.1). En 1948, Burgers établit l’équation de propagation d’ondes planes en acoustique non linéaire dans un fluide visqueux (initialement utilisée en tant que modèle de turbulence). Hopf en 1950 puis Cole en 1951 publièrent la solution analytique exacte de l’équation de Burgers. En 1966, Blackstock étudia la transition entre la solution de Fubini (onde sinusoïdale sans choc) et la solution avec choc (onde en dent de scie). Une équation plus générale de l’acoustique non linéaire est donnée en 1971 par Kuznetsov. Cependant, à la connaissance de l’auteur, aucune solution analytique ni schéma numérique de résolution de cette équation n’ont été déterminés à ce jour. Des hypothèses simplificatrices conduisent à une solution approchée. En négligeant des termes visqueux et non linéaires d’ordre élevé, l’équation de Kuznetsov peut se réduire à l’équation de Burgers. Une troisième équation formulée par Khokhlov, Zabolotskaya et Kuznetsov (KZK) est utilisée en acoustique non linéaire. L’équation de KZK découle également de l’équation de Kuznetsov en appliquant la méthode de faisceau acoustique .

Déformation d’une onde sinusoïdale non linéaire

Avant d’appliquer le formalisme mathématique, le comportement d’une onde sinusoïdale non linéaire pendant sa propagation peut être analysé par un raisonnement simple. Lorsque l’amplitude d’une onde augmente (on dit alors que l’amplitude est finie), des phénomènes non linéaires apparaissent.

Ainsi, au cours de la propagation, un point de pression supérieur d’une onde rattrape un point de l’onde de pression inférieur et le profil se déforme. Les conséquences de cette déformation sur le contenu spectral de l’onde sont l’apparition de fréquences harmoniques de la fréquence fondamentale et une réorganisation énergétique entre les raies.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
1 Propagation des ondes de choc et génération des FMR
1.1 Bases théoriques de l’acoustique non linéaire
1.1.1 Déformation d’une onde sinusoïdale non linéaire
1.1.2 Équations de la mécanique des fluides
1.1.3 Équation générale de Kuznetsov
1.1.4 Équation de Kuznetsov en fluide parfait
1.1.5 Équation de Burgers
1.2 Modèles temporels de propagation des ondes en N en 1D et 2D
1.2.1 Décroissance du saut de pression d’une onde en N
1.2.2 Train d’ondes en N irrégulières : modèle de Hawkings
1.2.3 Train d’ondes en N irrégulières : modèle d’Uellenberg
1.3 Modèle spectral de propagation des ondes en N en 2D
1.3.1 Méthode FDNS de McAlpine & Fisher
1.3.2 Résolution spectrale et troncature du spectre
1.3.3 Modes évanescents et traitement acoustique
1.4 Modèles de génération des irrégularités des ondes en N
1.4.1 Approche statistique de Pickett
1.4.2 Méthode de génération d’irrégularités de McAlpine & Fisher
1.5 Simulations numériques
1.5.1 Propagation des BPF par des simulations mono-canal
1.5.2 Propagation des FMR – Géométrie partielle de la nacelle
1.5.3 Propagation des FMR – Nacelle entière
2 Application et comparaison des principaux modèles de propagation des ondes de choc sur des configurations existantes
2.1 Implémentation de la méthode FDNS
2.1.1 Traitement acoustique et coupure des modes
2.1.2 Validation de la résolution du coefficient d’atténuation σ
2.2 Application des modèles de génération des irrégularités des ondes en N
2.2.1 Trains d’ondes en N analytiques
2.2.2 Configuration FANPAC
2.2.3 Configuration Fokker 100 ; modèle de Pickett
2.2.4 Configuration Fokker 100 ; modèle de McAlpine & Fisher
2.3 Synthèse des méthodes analytiques de génération et de propagation des chocs
3 Nouveau modèle de génération de FMR et application au démonstrateur MASCOT 2 de Snecma
3.1 Objectifs du modèle
3.2 Déroulement de la campagne d’essais MASCOT 2
3.2.1 Enregistrement et exploitation des signaux de pression temporels
3.2.2 Calage des aubes
3.3 Génération du signal de pression en fonction de l’ordre des aubes autour du rotor
3.3.1 Relation empirique reliant l’angle de calage des aubes au signal temporel
3.3.2 Application de la méthode à un autre brassage
3.4 Application de la méthode à la configuration MASCOT 2
3.4.1 Niveau de pression sonore
3.4.2 Puissance acoustique
3.5 Perspectives de la méthode
4 Injection et propagation numérique 1D et 2D des ondes de choc
4.1 Objectifs et mise en œuvre de la stratégie de calcul
4.1.1 Méthode numérique
4.2 Injection d’ondes de choc tridimensionnelles par la condition limite de non-réflexion
4.2.1 Implémentation de la condition d’injection
4.2.2 Génération du champ conservatif à partir de la pression
4.2.3 Application à la configuration FANPAC
4.3 Injection et propagation 1D
4.3.1 Propagation linéaire d’ondes sinusoïdales
4.3.2 Propagation non linéaire d’ondes sinusoïdales
4.3.3 Ondes en N
4.4 Injection et propagation 2D
4.4.1 Convergence temporelle et calcul des spectres de pression
4.4.2 Résolution du maillage
4.4.3 Configuration FANPAC
4.4.4 Ondes en N irrégulières
4.5 Conclusion
5 Injection et propagation numérique 3D des ondes de choc
CONCLUSION

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *