Propagation de la douleur et espoir de guérison

Propagation de la douleur et espoir de guérison

Cadre des rencontres

Au cours de ce stage, j’ai fait la rencontre successive de trois patients qui ont particulièrement retenu mon attention, Marine, Léa et Jean, chacun ayant une personnalité et un diagnostic différent, mais tous venus pour une seule et même raison : la persistance de leurs douleurs. C’est en atelier d’expression graphique, en groupe de parole, mais aussi en entretien de suivi individuel et de pré-admission que j’ai fait la connaissance de ces trois patients. Tout d’abord, j’ai rencontré chacun d’eux en entretien individuel conduit par mon tuteur de stage psychologue. Ce temps d’échange est l’occasion pour le patient de faire un point sur le déroulement de son hospitalisation : au travers de son état psychique, sa relation avec les autres patients et les membres de l’équipe soignante, etc. C’est au cours de l’un de ces entretiens que j’ai assisté à la séance d’hypnose de Léa.

De plus, un groupe de parole, animé par le psychologue, est proposé aux patients. Dans ce contexte, j’ai assisté en tant qu’observatrice à ces groupes où Léa, et Marine ont successivement été présentes. Au cours de ce temps d’échange, les patients se présentent : leur prénom et la raison de leur venue au centre de la douleur. Puis, afin de laisser la parole aux patients, le psychologue demande si quelqu’un désire aborder un thème particulier. Les patients ont alors l’occasion d’échanger sur leur semaine d’hospitalisation, sur leur « état d’esprit », mais aussi sur la manière dont chacun fait l’expérience de sa douleur.

En outre, j’ai rencontré Jean en amont de son hospitalisation lors d’un entretien de préadmission. Celui-ci est de type semi-directif, et s’appuie notamment sur un questionnaire préétabli, permettant d’entrevoir l’histoire clinique, l’état psychique, mais aussi les projets et attentes du patient. Une fois les questions abordées, je termine par la réalisation du génogramme de Jean. Celui-ci a une place prépondérante car, prendre connaissance de l’histoire familiale du patient, permet d’accueillir la personne dans toute sa globalité, et non seulement en tant « qu’organe douloureux ». De plus, la douleur chronique par son caractère multidimensionnel peut s’immiscer dans les liens familiaux, ou peut encore résulter d’histoires passées, il est donc important de prendre ces informations en considération pour avoir connaissance du contexte familial dans lequel se trouve le patient. Puis, je lui présente le déroulement de l’hospitalisation et les 4 axes qui y seront abordés.

A l’issue de cet entretien, nous avons convenu de la cohérence de son hospitalisation. Je lui demande alors de réfléchir à des objectifs de soins précis, réalisables et formulés positivement, sur lesquelles il aimerait travailler durant sa semaine d’hospitalisation. Enfin le dernier contexte de rencontre est l’atelier d’expression graphique, auquel Léa, puis Marine ont participé. Defontaine-Catteau et Dubreucq (1989) expliquent que le dessin est un outil qui déborde et dépasse le registre verbal. La douleur s’exprime alors à travers des variations de couleur des crayons et de la feuille utilisée, mais aussi dans la façon de dessiner, par des gestes brusques, ou avec application, etc. C’est en groupe restreint, en présence de 3 ou 4 patients, d’une personne de l’équipe soignante, du psychologue, et de moi-même, que se déroule cet atelier.

Le groupe restreint permet d’apporter un cadre plus sécurisant, de plus le choix des patients est fait afin qu’il se dégage une bonne dynamique. Les patients, à qui le psychologue a proposé de participer à l’atelier, n’ont pas connaissance du thème avant leur venue. A l’énonciation de celuici : Pour vous, vos douleurs, cela ressemble à quoi ? Ils doivent réaliser, le plus spontanément possible, un dessin individuel. Des feuilles de couleur ainsi que des pastels, des crayons ou des feutres de couleur sont mis à leur disposition. Une fois leurs réalisations terminées, les patients doivent la qualifier, par un mot ou une phrase brève. Léa dessine un arbre avec des feuilles de couleurs multiples, elle l’intitule « Georges ». Marine, elle, réalise sur une feuille rouge un sapin de noël, surplombé d’une étoile brillante, elle lui donne pour titre « en rouge et noir ». A la fin de leur réalisation, un tour de table est fait où les participants de l’atelier font part de leurs observations et ressentis face aux dessins. Durant ce tour, la personne ayant réalisé le dessin n’intervient pas à l’écoute des commentaires, c’est seulement après que tout le monde s’est exprimé que celle-ci explique le sens qu’elle a voulu y mettre. Les observations et commentaires peuvent venir soulever des éléments inconscients : « s’engager dans un cheminement artistique peut être une aventure délicate susceptible de faire émerger des réminiscences inconscientes parfois douloureuses » (Dubois, 2013, p.47).

Contraintes du dispositif, et choix des patients

Comme je l’ai évoqué auparavant, l’hospitalisation se fait sur une à deux semaines. Ainsi n’intervenant qu’une journée ou deux au Centre de la Douleur, mes rencontres avec les patients étaient souvent brèves. De plus, l’interaction avec ceux-ci n’était pas directe puisque les entretiens et ateliers étaient principalement conduits par mon tuteur de stage. C’est ce dispositif particulier qui m’a amenée à construire mon mémoire à travers trois cas cliniques. Mes choix se sont alors portés sur Jean, Léa et Marine. Cette dernière avait éveillé ma curiosité par son sourire, et sa mise à distance de la douleur, elle « dénotait » des patients habituellement accueillis. Jean, lui, a suscité mon intérêt car j’avais réalisé seule son entretien de pré-admission, durant lequel son état affectif m’avait paru préoccupant.

Enfin Léa a retenu mon attention car j’ai pu la rencontrer à plusieurs reprises puisqu’elle restait deux semaines pour un sevrage de Morphine et de Lyrica. De plus, son attachement au Centre de la douleur et à l’équipe soignante était venu m’interroger.

Présentation de Jean Je rencontre Jean, âgé de quarante-trois ans, pour la première fois lors d’un entretien de pré-admission que je réalise. Après lui avoir expliqué les raisons de cette rencontre j’entame les questions relatives à la pré-admission. Je commence par lui demander les points d’émergence de ses douleurs, dans quel contexte celles-ci sont apparues, et si un diagnostic a été établi. Jean m’explique alors qu’en l’an deux mille, une échelle est tombée sur ses cervicales. Un an après cet accident des douleurs sont apparues. Depuis, la douleur s’amplifie, notamment après la réalisation d’une IRM et surtout à la suite de son retour d’un voyage au Canada. Sa douleur s’étend dans le bras gauche avec un retentissement fonctionnel qu’il cote à 10/10, mais également dans le cou, et dans l’oreille gauche, celle-ci présentant une intense rougeur et donnant la sensation d’une forte chaleur. Le diagnostic d’oreille rouge3 a été posé par son médecin. Puis je lui demande si ses douleurs ont un impact sur son sommeil. Celles-ci le réveillent pendant la nuit, et il prend des somnifères : « sinon je ne dors pas ».

Enfin, la douleur modifiant parfois les habitudes alimentaires, je l’interroge sur son alimentation. Il m’informe qu’il voit une nutritionniste et qu’il fait un régime suite à une prise de poids.

Échec du nouveau projet :

échec des nouveaux investissements Son voyage au Canada me paraissant avoir influé sur ses douleurs, je décide d’y revenir pour en apprendre davantage à ce sujet. Jean m’explique alors qu’avant son départ il était pâtissier à son compte, et qu’à la suite de son accident, il est parti avec sa femme un an au Canada avec le projet d’y ouvrir une pâtisserie. Au cours de cette année-là Jean « n’a plus de douleurs », ou du moins celles-ci ont considérablement diminué. Mais leur projet ayant finalement échoué, ils ont été contraints de rentrer en France. De la même manière qu’elles avaient diminué lors de son année au Canada, ses douleurs augmentent significativement à son retour, avec l’ajout de réveils nocturnes. Après cet échec, Jean retrouve un travail de pâtissier en France. Cependant sa femme le pousse à arrêter son dernier emploi face à la dégradation de son état physique. Jean ajoute que sans l’influence de sa femme, il aurait probablement continué à travailler. Il m’exprime alors son inquiétude quant à son avenir puisqu’il ne peut plus exercer son métier à cause de ses douleurs mais désire cependant retrouver un emploi, car il est encore jeune.

La répression de l’affect À l’évocation de son sentiment d’inquiétude, je m’intéresse à la partie « anxiété et troubles de l’humeur » du questionnaire de pré-admission. Hormis l’évocation de ce sentiment d’inquiétude, au premier abord l’état affectif de Jean ne me paraît pas alarmant. Je suis donc surprise lorsque je regarde son HAD (Hospital Anxiety and Depression) qui montre des résultats très significatifs (Anxiété : 20/21 et Dépression 21/21). Face à ces résultats je l’interroge sur son « état d’esprit » actuel, « ce n’est pas la fête » ironise Jean. Je m’enquière alors de savoir s’il lui vient à l’esprit des « idées noires », ce à quoi il me répond qu’il n’a pas d’idées suicidaires : « pour l’instant, on verra après ». Il ajoute qu’il « prend des médicaments pour » et qu’il a un suivi avec une psychologue une fois par mois depuis quatre mois maintenant.

Lorsque j’aborde ces questions j’ai le sentiment que Jean ne souhaite pas trop développer ses réponses. Il s’exprime brièvement quant à son état affectif actuel, et à l’impact que ses douleurs ont sur sa vie. En effet, il me précise qu’il intériorise et qu’il préfère garder cela pour lui. Devant sa réticence à s’exprimer sur ce sujet, et afin de ne pas susciter une hostilité avant son hospitalisation, je n’insiste pas sur ce point et m’informe alors sur son entourage familial.

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Table des matières

Introduction
Présentation du dispositif de recherche
1) Présentation du lieu de stage
2) L’importance du travail interdisciplinaire
3) Cadre des rencontres
4) Contraintes du dispositif, et choix des patients
Unis par les liens de la douleur
Partie I Jean : Echec des nouveaux investissements, et retrait libidinal sur le Moi
I- Entretien de pré-admission
1) Présentation de Jean
2) Échec du nouveau projet : échec des nouveaux investissements
3) La répression de l’affect
4) Génogramme : Histoire de non-dits
5) Omnipotence de la douleur
II- L’hospitalisation
1) Rencontre pendant l’hospitalisation
III- Éléments du dossier
1) Relation de confiance…
2) …et confidences
3) Épilogue
Partie 2 Marine : Mise en oeuvre réussie d’un travail d’objectalisation de la souffrance
I- Présentation de Marine : Eléments du dossier
1) Une douleur qui s’installe dans le temps, et dans le
2) Histoire familiale
3) Altération du lien social
II- Rencontres avec Marine
1) Premier entretien
2) Groupe de parole
3) Expression graphique : Douleur es-tu là ?
III- Epilogue
1) Synthèse de l’équipe soignante
2) Contradiction d’un discours
Partie III Léa : Défaut de la fonction contenante du corps : l’expérimentation d’un corps à travers des conduites inscrites dans l’excès
I- Éléments du dossier
1) Raison de l’hospitalisation
2) Profil poly-addictif et anxieux
3) Relation familiale
4) Mise à mal d’un corps
5) Douleur et altération du lien social
II- Mes rencontres avec Léa
1) Premier entretien
2) Deuxième entretien, hypnose
3) Groupe de parole
4) Art thérapie : Propagation de la douleur et espoir de guérison
III- Épilogue
1) Le maintien d’un lien
Problématique
Articulation théorico-clinique
I- De la douleur chronique à la souffrance psychique
1) Une douleur qui isole, et une souffrance qui ne se partage pas
2) Douleur chronique et douleur aigüe
II- Altération du lien à l’autre
1) La répression des affects chez Jean
2) Marine : responsable de sa maladie
III- Les aménagements face aux effets de la douleur
1) Marine : « on n’est pas que douleur »
a) « Objectalisation » de la souffrance
b) Une identité professionnelle valorisante, en dépit d’une sphère familiale avilissante
2) Jean et l’absence d’aménagement défensif
a) De la tentative de réinvestissement à la douleur d’un échec
b) La fuite ou la disparition
3) La régression et le lien maternant chez Léa
a) Un « cocon » maternant
b) Défaut de la fonction pare-excitatrice
c) Désir de fusion : Le fantasme d’une double paroi et d’une peau commune
d) Quête constante du lien à l’autre
e) Désir de guérison chez Léa
IV- Un corps qui s’échappe
1) L’altération d’un corps anatomique menant à la blessure narcissique
2) Quand corps et psyché s’emmêlent : la disparition des limites
Conclusion
Bibliographie
Annexe
Lexique médical

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