Les océans sont le théâtre de nombreux phénomènes physiques aléatoires pouvant altérer sa nature et la façon dont l’onde acoustique se propage dans celui-ci. Parmi ces phénomènes, les ondes internes, conséquences de divers forçages tels que les ondes gravitationnelles (marées, force de Coriolis) en présence d’un milieu stratifié, rendent le milieu de propagation fortement instable. Le caractère aléatoire ainsi qu’une mauvaise connaissance de l’origine de ces phénomènes peuvent mettre en échec les traitements classiques utilisés pour l’estimation de directions d’arrivée ou la correction de gain d’antenne [104].
Généralités
La présence d’ondes internes induit des fluctuations aléatoires dans le milieu de propagation. En ce sens, nous parlerons de champ perturbé quand celui-ci sera soumis à la présence d’ondes internes. Cette présence peut être modélisée et prise en compte dans les équations de propagation classiques. Plus précisément, après avoir présenté ces équations, nous introduirons les ondes internes comme variations locales de la célérité dans un milieu supposé homogène et stationnaire. Ensuite, nous détaillerons la modélisation spectrale des ondes internes considérant le modèle de Garrett-Munk [51] et tâcherons de prendre en compte ce phénomène au travers d’une méthode explicitée dans les travaux de Colosi [21].
Dans les travaux rapportés dans ce manuscrit, nous nous sommes intéressés aux deux premières approches, également les plus répandues dans la communauté acoustique sous-marine, pour deux raisons :
— L’approche par rayons propose un formalisme qui, grâce aux travaux sur la propagation en milieu fluctuant de Dashen et al. [25], permet une formulation de la propagation dite path integral [47] permettant de décrire les statistiques de perturbation de l’onde acoustique que nous utiliserons par la suite comme a priori sur le modèle génératif des mesures de l’onde par une antenne . De plus, c’est sur la base du calcul de certaines grandeurs caractéristiques du signal perturbé issues de ce formalisme que repose la discrimination des fluctuations du milieu selon trois différents “régimes”. Nous utiliserons ces “régimes” pour délimiter nos hypothèses de travail.
— L’approche par équations paraboliques constitue une approche de résolution peu limitative quant à la nature des sources ou du milieu de propagation. On la sollicitera pour expliciter une méthode de simulation de propagation en milieu fluctuant suffisamment générique pour intéresser des signaux couvrant un large spectre fréquentiel.
Les ondes internes
Le phénomène des ondes internes, sur lequel nous nous focalisons dans ces travaux, est la conséquence d’interactions entre des ondes issues de forçages comme la marée ou la force de Coriolis dans un milieu stratifié [87]. Ces phénomènes ondulatoires sont présents dans un milieu fluctuant à différentes échelles spatiales et fréquentielles selon différents processus. Les travaux [13] permettent de situer ces ondes internes comme des phénomènes ayant une période d’ondulation comprise entre 10³ et 10⁵ secondes . Ces phénomènes de déplacements peuvent être discriminés en deux catégories :
Les ondes internes non-linéaires surviennent lors de certaines interactions entre un milieu fortement stratifié, une forte variation de la bathymétrie et /ou d’importants courants. De nombreux paquets d’ondes d’amplitudes importantes aussi appelés “solitons” apparaissent alors, générant des ondes pouvant être visibles à l’oeil nu et, dans des cas plus rares mais aussi plus impressionnants, la création de “vagues scélérates”. Ces paquets d’ondes sont impossibles à décrire avec une modélisation linéaire. On fait donc appel à des modèles non linéaires comme les équations de Korteweg-de Vries [1] pour décrire l’apparition et la propagation de ces solitons.
Les ondes internes linéaires peuvent être décrites par une équation différentielle linéaire classique. Elles sont caractérisées par un champ de déplacement vertical ζ, générant un champ de perturbation de la célérité δc. De tels déplacements évoluent à des fréquences comprises entre fc la fréquence de Coriolis, résultant de la rotation de la Terre, et N(z) la fréquence de flottabilité de la particule de fluide dans la colonne d’eau, ou fréquence de Brunt-Vaïsala. Dans ce spectre basse fréquence, allant d’un cycle par jour à une dizaine de cycles par heure, il est possible d’identifier les différents phénomènes de forçage comme effectué dans les travaux de Munk [87] (voir figure 2.2). Par la suite, les travaux de Garrett et Munk [51] et la récente correction apportée par Levine [73] ont permis la mise en équation de la densité spectrale de puissance du déplacement vertical, aussi appelée spectre de Garrett Munk . Ce spectre peut être également obtenu par observation directe du champ de déplacement vertical comme effectué dans [22], nous reviendrons plus en détails sur ces travaux dans les sections suivantes. Notons qu’à de pareilles fréquences, d’autres phénomènes susceptibles de déplacer des masses d’eau et de modifier la célérité locale du milieu peuvent apparaitre, tels que des tourbillons ou des fronts thermiques .
Les ondes internes linéaires constituent des phénomènes aléatoires courants en comparaison aux ondes internes non-linéaires. Dans cette thèse, nous nous limiterons donc à leur étude afin de prendre en compte l’impact statistique de celles-ci sur un signal acoustique mesuré.
Simulation des fluctuations spatiale
Dans un souci de contrôle et visualisation des perturbations du milieu, difficiles à obtenir avec des données réelles exceptées celles reproduites en cuve [107], nous proposons d’utiliser une méthode simple de propagation dans un milieu stationnaire . Cette méthode exploitant l’algorithme de Split-Step Fourier Algorithm présenté dans les travaux de Jensen [63] a été porté à notre connaissance au travers des travaux effectués à l’Institut franco-allemand de recherche pour la défense de Saint-Louis [38] en acoustique aérienne en milieu perturbé. Le choix a été fait d’adapter ces méthodes à la propagation acoustique sous marine.
Génération des fluctuations
A l’image du Random Fluctuations Generator [49], nous proposons de générer un champ de fluctuations suivant les statistiques et une tendance décrites dans les travaux de Garrett et Munk [51]. Pour générer ce champ de perturbations fluctuant spatialement, nous nous appuyons sur les équations (2.7) à (2.16) permettant, comme décrit dans [21], de générer une “tranche” de champ de déplacement vertical ζ(x, z). Ainsi, en fixant profondeur et distance de propagation, nous obtenons une grille du champ de célérité dans un nouveau repère aux coordonnées cylindriques (r, z). L’idée est alors d’effectuer une propagation rapide d’une onde plane dans ce champ de fluctuations simulé. Pour ce faire, nous utiliserons les équations paraboliques, dont la formulation va nous permettre une propagation en fonction de la distance (indépendamment du temps).
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Table des matières
1 Introduction
2 Propagation acoustique en milieu océanique fluctuant
2.1 Généralités
2.1.1 Propagation d’onde acoustique en milieu non perturbé
2.1.2 Les ondes internes
2.1.3 Modélisation spatiale du champ de perturbations
2.2 Simulation des fluctuations spatiales
2.2.1 Génération des fluctuations
2.2.2 Propagation par multiple phase screen
2.3 Impact des fluctuations spatiales sur un signal haute fréquence
2.3.1 Régimes de saturation et diagramme Λ − Φ
2.3.2 Modélisation des régimes saturés et fonction de cohérence mutuelle
2.3.3 Proposition de modèle de bruit de phase
2.4 Conclusions
3 Approximations variationnelles bayésiennes
3.1 Généralités
3.2 Approximation de champ moyen
3.3 Approximation de Bethe
3.4 Particularisation au problème de décomposition parcimonieuse
3.4.1 Approximation de champ moyen
3.4.2 Approximation de Bethe
3.5 Conclusions
4 Estimation de directions d’arrivée : un état de l’art
4.1 Estimation de directions d’arrivée en milieu non fluctuant
4.1.1 Modèle d’observation
4.1.2 Formation de voies
4.1.3 Approches basées sous-espace
4.1.4 Approches paramétriques
4.1.5 Approches parcimonieuses
4.2 Estimation de directions d’arrivée en milieu fluctuant
4.2.1 Modélisation par marginalisation de loi de probabilité
4.2.2 Modélisation par bruit multiplicatif
4.2.3 Modélisation par bruit additif
4.2.4 Algorithmes de reconstruction de phase
4.3 Conclusions
5 Nouvelles approches bayésiennes pour l’estimation de directions d’arrivée en milieu fluctuant
5.1 Modèle d’observation, a priori parcimonieux et problème d’estimation
5.2 Modèle gaussien
5.2.1 Approximation de champ moyen : paVBEM, dans la littérature
5.2.2 Approximation de Bethe : paSAMP
5.2.3 Analyse critique des méthodes paVBEM et paSAMP
5.3 Modèle de Von Mises
5.3.1 Approximation de champ moyen : VistaBEM
5.3.2 Approximation de Bethe : VitAMin
5.3.3 Analyse critique des méthodes VistaBEM et VitAMin
5.4 Évaluation des performances des méthodes proposées
5.4.1 Plan d’expériences
5.4.2 Métriques de performances
5.4.3 Critères d’arrêt
5.4.4 Évaluation des performances de paSAMP
5.4.5 Évaluation des performances de VistaBEM et VitAMin
5.5 Conclusion
6 Conclusion
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