PRONOSTIC MATERNO-FŒTAL DES GROSSESSES NON SUIVIES A L’HOPITAL SOMINE DOLO DE MOPTI
La grossesse si elle est bien menée, aboutit à une naissance vivante et constitue pour la femme un des critères de valorisation sociale. Cependant, pour des milliers de femmes, une naissance n’est pas la cause d’allégresse qu’elle devrait être, mais plutôt une souffrance dont l’issue peut être fatale [1]. Ainsi « la grossesse est une aventure et l’accouchement un combat entre la vie et la mort »dit un proverbe Bambara. Le suivi de la grossesse permet de la mener généralement à terme et d’éviter les incertitudes de cette « aventure ».
Selon l’UNICEF en 2009, le taux des femmes en Afrique subsaharienne n’ayant pas fait l’objet de consultation prénatale s’élevait à 53%, ce taux était de 56% en Afrique de l’ouest et centrale. [2]
Au Mali les grossesses non suivies représentent 26% [3], elles s’observent surtout chez les paucipares, les célibataires et chez les femmes de bas niveau socio-économique. L’accouchement est généralement eutocique mais on observe un taux élevé de prématuré [4] avec un mauvais score d’Apgar. La mortalité maternelle et néonatale en Afrique de l’ouest est l’une des plus élevées de par le monde avec respectivement 700 pour 100.000 naissances vivantes et 83 pour 1000 naissances [5,6].
Au Mali, le taux de mortalité maternelle est de 368 pour 100.000 naissances vivantes et le taux de mortalité néonatale 34 pour 1000 naissances vivantes [3]. La mortalité maternelle constitue un problème de santé publique. C’est dans ce contexte que la lutte contre la mortalité maternelle et néonatale a été érigée au rang de priorité dans la politique nationale de santé. Elle s’intègre dans la stratégie de l’OMS vers une maternité à moindre risque à la quelle le Mali a adhéré.
Définition de la CPN selon l’OMS
c’est une démarche permettant de garantir à chaque patient l’assortissement d’actes diagnostic et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en terme de santé conformément : au meilleur coût pour un même résultat au moindre risque iatrogène pour sa plus grande satisfaction en terme de procédure, résultat et de contact humain. Par « personnel de santé qualifié ou accoucheuse qualifiée » on entend un ou des professionnels de santé tels qu’une sage-femme, un Médecin ou une infirmière qui ont les qualifications et les compétences nécessaires pour prendre en charge un accouchement normal et la période qui suit immédiatement la naissance, qui savent reconnaître les complications et au besoin dispenser des soins d’urgences et/ou adresser le cas à un niveau supérieur de soins de santé [8].
Historique de la consultation prénatale
C’est après la seconde guerre mondiale que les programmes de santé publique destinés à améliorer la santé des femmes et des enfants ont véritablement commencé. A la lumière des évènements mondiaux, on s’est vite rendu compte qu’il était dans l’intérêt publique, que les gouvernements jouent un rôle et prennent leurs responsabilités à cet égard et, en 1948, la déclaration universelle des droits de l’homme proclamée par l’organisation des nations unis nouvellement crées leur a fixé l’obligation d’assurer une aide et une assistance spéciales aux mères et aux enfants. Cette question de la santé maternelle et infantile avait par là acquis une dimension internationale et morale, ce qui représentait une avancée durable par rapport aux préoccupations d’ordre politique et économique qui prévalait cinquante ans auparavant. On s’est rendu compte que la triste situation des mères et des enfants représentait beaucoup plus qu’un problème de vulnérabilité biologique. En1987, l’appel pour une action en faveur d’une maternité sans risque l’a explicitement qualifié «de profondément enraciné dans l’environnement social, culturel et économique néfaste créé par la société, notamment en ce qui concerne la place réservée à la femme dans la société » Au cours du XXème siècle, plusieurs traités internationaux sur les droits de l’homme sont entrés en vigueur, rendant ainsi les pays signatairescomptables des droits de leurs citoyens. Depuis deux décennies, les organes des nations unies ainsi que les juridictions internationales, régionales et nationales se préoccupent de plus en plus des droits de la mère et de l’enfant [9]. Malgré ces différentes interventions et l’implication des gouvernements, la mortalité maternelle et infantile constituaient une immense tragédie dans le monde. Les premières estimations de l’étendue de la mortalité maternelle dans le monde ont été faites à la fin des années 80.Elles ont montré que 500.000 femmes mouraient chaque année dans le monde de causes liées à la grossesse [10].En 1987, la première conférence internationale sur la maternité sans risque, convoquée à Nairobi, s’est fixée pour objectif de réduire de moitié d’ici l’an 2000 les taux de mortalité maternelle par rapport à 1990. Cet objectif a été adopté à la suite par les gouvernements et d’autres conférences internationales dont le sommet mondial pour les enfants de New York en 1990, la conférence internationale sur la population et le développement du Caire en 1994 et la quatrième conférence internationale sur les femmes de Beijing en 1995.En 1996, l’OMS et l’UNICEF ont révisé ces estimations pour 1990, le volume des informations sur l’étendue du problème ayant nettement augmenté ces dernières années. Ces nouvelles estimations ont montré que ce problème a une ampleur bien plus importante qu’on ne l’avait soupçonné à l’origine et que le nombre annuel des décès maternels est plus proche de 600.000 dans les pays en développement [11].
La consultation prénatale
Les objectifs de la CPN :
Faire le diagnostic de la grossesse Surveiller et promouvoir l’état de santé de la mère, du fœtus ; Surveiller le développement du fœtus ; Dépister et prendre en charge les facteurs de risque et les pathologies de la grossesse ; Préparer l’accouchement et en faire le diagnostic du travail ; Faire le pronostic de l’accouchement ; Eduquer et informer les mères.
Calendrier de CPN :
Les normes et procédure recommandent au moins 4 CPN
1ère CPN avant le 3e mois (pour diagnostiquer la grossesse et identifier les facteurs de risque) ;
2e CPN vers le 6e mois ;
3e CPN vers le 8e mois (pour surveiller le développement du fœtus ainsi que l’état de la gestante et prendre en charge les complications de la grossesse) ;
4e CPN vers le 9e mois (pour faire le pronostic de l’accouchement).
Matériels de CPN
La consultation prénatale se déroule dans un endroit éclairé sans bruit et respectant l’intimité de la gestante.
Les matériels nécessaires sont :
Une table de consultation gynécologique
Une source lumineuse
Un appareil à tension, un stéthoscope médical
Une toise et une pèse personne
Un mètre ruban
Un stéthoscope obstétrical de pinard. Des spéculums
Des gants stériles
Matériel pour réaliser un frottis vaginal, Spatules d’Ayres
Lames fixatrices
Tubes stériles plus écouvillons pour des prélèvements bactériologiques
Verre à urine plus bandelettes pour la recherche de sucre, d’albumine de nitrite,
Solutions antiseptiques
Un Seau contenant une solution désinfectante
Les activités préventives:
La vaccination antitétanique
Le dépistage du VIH
La supplémentation martiale (fer)
La prophylaxie anti-paludique.
COMMENTAIRES ET DISCUSSION
Fréquence
Dans notre étude la fréquence des grossesses non suivies a été de 28,7%. Cette fréquence retrouvée par notre étude est supérieure à celle rapportée respectivement par THIERO. M. [12] (21,3%) en 1995, de THIAM. H. D. [13] (33,3%) en 2000 et celle de Rakotomalala H.P.[14] (9,76) au centre hospitalier de Soavinandriana en 2012. Cette différence pourrait être expliquée par le type et la période d’étude.
Caractère sociodémographique
Age :
Dans notre étude les adolescentes ont représenté 19,6%.Dans la littérature, les âges inferieurs à 15ans et supérieurs à 35ans constituent un facteur de risque; en effet la procréation à un âge précoce expose à plusieurs risques dont le syndrome vasculo-rénal cause semble t-il de l’immaturité des vaisseaux utérins.
Après 35 ans, la grossesse peut s’associer à certaines complications maternelles comme le placenta prævia, les ruptures utérines et les hémorragies du post partum immédiat. Quant aux risques fœtaux on peut énumérer le retard de la croissance, la prématurité et certaines malformations . Les parturientes de 20 à 34 ans ont représenté 65,2%. Ce résultat est inférieur à celui de SY I. [15] qui trouve en 2012 dans le district de Bamako la même tranche d’âge avec un taux de 77%. Par contre en 1998 Talibo A. [16] trouve à Bamako une tranche d’âge de 20-25 ans soit une prévalence de 64,4%. Ces différences de taux avec notre série s’expliquent par la spécificité de ces études (consultation prénatale, mortalité maternelle) d’une part et d’autre part les tranches d’âge retenues dans notre étude étaient différentes de celles de ces auteurs, même si dans tous les cas il s’agit globalement de parturientes en âge de procréer.
Statut matrimonial :
L’accès aux soins prénatals est directement lié au statut matrimonial de la patiente. Ainsi dans les deux groupes (cas et témoins) nous n’avons pas une différence statistiquement significative (p ≥0,05) ; les patientes célibataires avaient 2,04 fois de risque de ne pas faire la CPN. Le célibat est facteur de risque de non recours aux soins prénatals, car ces filles mères sont le plus souvent rejetées par leurs familles qui considèrent la grossesse hors mariage comme étant une honte sociale. En outre, ces accouchées célibataires manquent de ressource pour assurer le suivi prénatal.
Profession de la femme :
Elles sont majoritairement ménagères avec 96,8 % chez les cas et 75,2% pour les témoins. Notre taux de gestante ménagère est supérieur à celui de CAMARA.B (43%) et à celui observé par BAGAYOKO N. 67,8% des cas contre 67,5% pour les témoins. Cette prédominance des ménagères s’expliquerait par leurs faibles revenus d’une part, les occupations domiciliaires importantes d’autre part, laissant peu de temps à un éventuel suivi prénatal.
Niveau d’étude :
Dans notre étude 94,0% des cas contre 64,0% des témoins étaient des non scolarisés (p=10-7 ; OR=8,81 ; IC= 5,02-16,47. Nous n’avons par ailleurs observé aucun cas de grossesse non suivie chez les femmes de niveau supérieur. Ce résultat est supérieur à celui rapporté par SY I. 89,5% des cas contre 60,5% des témoins et également supérieur à celui de BAGAYOKO N. (62,9% des non scolarisés).Cette différence peut s’expliquer par le fait que le niveau d’instruction constitue un facteur de risque d’exposition aux grossesses non suivies, mais dans tous les cas les non scolarisées sont majoritaires.
Profession du conjoint :
Dans une société ou la plupart des femmes sont financièrement dépendantes de leurs maris, il est tout à fait compréhensible que l’occupation du conjoint ait une influence sur la qualité de suivi prénatal. Ainsi avons nous remarqué que l’activité des conjoints cultivateurs a une influence négative sur la qualité de suivi prénatal, alors que celles de commerçants et enseignants protègeraient contre ce phénomène.
Mode d’admission :
Dans notre étude les femmes venues d’elles-mêmes étaient majoritaires avec 31,2% des cas contre 62,8% chez les témoins. CAMARA Ben 2009 [17], a aussi obtenu une proportion plus élevée des patientes venues d’elles-mêmes soit 58,7% pour les cas contre 73,3% chez les témoins. La similarité de ces taux serait liée aux méthodes d’études adoptées.
CONCLUSION
Les grossesses non suivies constituent un phénomène fréquent à l’Hôpital Sominé Dolo de Mopti. L’absence de consultation prénatale entraine des complications obstétricales graves aussi bien pour la mère que pour le fœtus. Le renforcement de la politique nationale d’information et d’éducation des populations cibles s’impose pour l’amélioration du pronostic des gestantes.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. OBJECTIFS
3. GENERALITES
4. METHODOLOGIE
5. RESULTATS
6. COMMENTAIRES ET DISCUSSION
7. CONCLUSION
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