La dégradation de la qualité de l’air intérieur est une problématique qui suscite un intérêt majeur dans nos sociétés industrialisées, et ce depuis déjà plusieurs années. La pollution d’origine biologique, provoquée par l’humidité et la présence de micro-organismes dans des environnements confinés, est l’une des principales causes de la dégradation de l’air intérieur. Leur prolifération sur les parois intérieures et le relargage de particules ou molécules toxiques aéroportées peuvent entrainer de sérieux risques pour la santé des usagers. Ainsi, l’objectif principal de ce travail est de développer des moyens de lutte contre la contamination et la prolifération microbienne sur les matériaux de construction à l’intérieur des bâtiments. Une des solutions pertinentes à envisager réside dans la fonctionnalisation des matériaux de construction.
Prolifération microbienne sur matériaux de construction à l’intérieur des bâtiments
Généralités sur les micro-organismes
Classification
Vers la fin des années 70, les recherches de Carl Woese et Georges Fox sur l’ARN ribosomique ont permis de déterminer que tous les organismes vivants pouvaient être classifiés en trois domaines : les Archaea, les Bacteria et les Eucarya .
L’utilisation de la taxonomie permet de décrire et classer les organismes vivants afin de les comparer les uns aux autres. Il s’agit de les placer dans des niveaux taxonomiques hiérarchisés. Les organismes de chaque taxon partagent des caractères spécifiques et cette hiérarchisation non chevauchante permet d’inclure ces caractères et un nouvel ensemble de caractères plus restrictifs. Il est ainsi possible de nommer différents organismes sans avoir recourt à une description précise de l’ensemble de leurs caractères.
Bacteria – Les Bactéries
Les bactéries sont des micro-organismes procaryotes , généralement unicellulaires et à paroi rigide, capables de croitre et se multiplier par scissiparité aux dépens de substances nutritives. Les bactéries sont abondantes dans le sol, l’eau et l’air. On les retrouve également dans le corps des organismes vivants. L’architecture d’une cellule bactérienne, mise en exergue suite à la découverte et au développement du microscope électronique dans les années 30 .
Les bactéries se meuvent généralement grâce à des flagelles (1 à 3 selon les espèces) et leurs dimensions varient considérablement selon les espèces. En effet, si la taille moyenne des bactéries est comprise entre 1 µm et 5 µm, les plus petites espèces mesurent 0,1 µm, quand les plus grosses peuvent atteindre 500 µm. Ainsi, les plus petites ont une taille inférieure à celle de gros virus et les plus grandes peuvent atteindre la taille d’une algue. Par ailleurs, les bactéries peuvent prendre différentes formes caractéristiques, les trois principales étant : les formes sphériques (cocci), les formes cylindriques ou en bâtonnets (bacilles, vibrions) et les formes spiralées (spirilles, grandes bactéries) . Les bactéries peuvent se regrouper entre elles de différentes façons. On retrouve ainsi des arrangements par paires (diplocoque, diplobacille, etc.), en amas ou “grappe de raisin” (staphylocoque) et en chaînette (streptocoque).
Les bactéries disposent d’un complexe de membranes, de parois et macromolécules associées qui présentent des fonctions et structures diverses, leur permettant de s’adapter aux conditions plus ou moins hostiles de leur environnement. De part l’infinité des environnements existants sur notre planète, on retrouve en conséquence une infinité de types d’enveloppes bactériennes. Il est important de différencier deux composants de la structure cellulaire : la membrane cytoplasmique, élément commun et nécessaire régissant les processus métaboliques essentiels (respiration, photosynthèse, etc.) et la paroi, située immédiatement à l’extérieur de la membrane cytoplasmique, plus rigide et ayant un rôle protecteur contre les agressions : agents pathogènes, gradients de concentration de soluté entre l’intérieur de la cellule et son environnement… Sur la base des travaux développés par Christian Gram en 1884, on peut séparer les bactéries en deux groupes distincts, différentiables par la couleur prise par les cellules après réalisation de la coloration de Gram : les bactéries à Gram positif colorées en violet et les bactéries à Gram négatif colorées en rouge ou rose.
Les parois des bactéries à Gram positif sont simplement formées d’une épaisse couche de peptidoglycane (polymère de dérivés glucidiques et d’acides aminés) de 20 à 80 nm d’épaisseur tandis que les parois des bactéries à Gram négatif sont plus complexes et contiennent une fine couche de peptidoglycane (2 à 7 nm), dans un espace périplasmique variable selon les espèces (pouvantaller jusqu’à 75 nm) et une membrane externe (7 à 8 nm) composée entre autre de nombreux lipopolysaccharides (LPS). En microbiologie, on désigne généralement par le terme d’enveloppe cellulaire ou paroi cellulaire (cell wall) l’ensemble des structures situées à l’extérieur de la membrane plasmique.
D’autres structures existent, notamment chez les mycobactéries et les mycoplasmes (sans paroi). La couche de peptidoglycane confère à la cellule sa rigidité, lui permettant de maintenir sa forme et sa pression interne. On considère généralement que cette couche joue un rôle majeur dans la protection des cellules vis-à-vis des agressions extérieures même s’il s’agit d’une couche très poreuse, permettant de laisser passer des particules de 2 nm (Demchick et Koch, 1996). Notons que cette couche de peptidoglycanes constitue près de 90% de la paroi cellulaire des bactéries à Gram positif et seulement 10% de la paroi des bactéries à Gram négatif.
Fungi
Les Fungi, également appelé Mycètes, constituent un taxon qui regroupe les organismes appelés plus communément champignons. Il s’agit d’organismes uni- ou pluricellulaires eucaryotes, c’est à dire pourvus de véritables noyaux . Leur paroi contient de la cellulose et de la chitine et ils sont dépourvus de chlorophylle et de mobilité. La reproduction des champignons peut être sexuée ou asexuée et se fait par la production de spores, qui présentent généralement des caractéristiques de résistance remarquables. Les organismes fongiques sont généralement constitués de cellules végétatives allongées et cloisonnées appelées hyphes. Plusieurs hyphes peuvent s’associer pour former une structure filamentaire plus épaisse : le mycélium, qui possède un grand pouvoir de pénétration et de dissémination dans le substrat colonisé.
Nutrition et croissance microbienne
D’un point de vue nutritif, les cellules microbiennes peuvent être classées selon leur besoin en carbone, en énergie et en électrons . De même, une dizaine d’éléments chimiques (C, O, H, N, S, P, Mg, K, Ca, Fe) leur sont nécessaires.
Plusieurs facteurs environnementaux ont une influence sur la croissance des micro-organismes et peuvent l’entraver, l’inhiber ou la favoriser :
– la température : elle a une forte influence sur la multiplication microbienne et le métabolisme ; chaque micro-organismes présente une plage de température optimales pour sa viabilité et sa croissance (thermophile, mésophile, …)
– le pH : le développement des moisissures et levures peut se réaliser dans les environnements acides (autour de 3-6) tandis que celui des bactéries est favorisé dans les milieux neutres à légèrement alcalins (autour de 7-7,5). Toutefois, ces gammes de pH sont relativement plus larges selon les organismes (de nombreuses bactéries sont capables de se développer dans des environnement extrêmes, très acides ou très alcalins). On parle d’organismes acidophiles ou basophiles ;
– l’oxygène moléculaire : c’est également un facteur prépondérant dans la classification des bactéries et permettant d’appréhender différents groupes : les aérobies stricts qui ont besoin d’oxygène libre pour pouvoir se développer, les anaérobies stricts ne tolérant pas l’oxygène libre, les aéro-anaérobies ou anaérobies facultatives pouvant se multiplier avecou sans oxygène libre et les micro-aérophiles qui ne peuvent croître qu’en présence d’une faible tension d’oxygène ;
– l’activité de l’eau, aw, indiquant la disponibilité en eau d’un milieu (solide ou liquide) pour des réactions chimiques ou un développement microbien. L’activité de l’eau se définie, à l’équilibre hydrique, comme le rapport entre la pression de vapeur d’eau sur la pression de vapeur saturante à la même température. Pour les matériaux, elle correspond à l’humidité relative à l’équilibre. Les micro-organismes se développent préférentiellement lorsque les valeurs de aw sont élevées et voisines de 1. Dans les aliments ou les matériaux, la valeur limite de aw permettant le développement des micro-organismes est généralement estimée autour de 0,60 (Prescott et al., 2010).
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Table des matières
Introduction Générale
1 Étude Bibliographique
1.1 Introduction
1.2 Prolifération microbienne sur matériaux de construction à l’intérieur des bâtiments
1.2.1 Généralités sur les micro-organismes
1.2.2 Contamination microbienne à l’intérieur des bâtiments
1.2.3 Méthodes d’investigation des surfaces
1.2.4 Campagnes de prélèvement in situ
1.2.5 Protocoles en laboratoire
1.2.6 Bio-réceptivité des matériaux – Facteurs déterminants
1.2.7 Conclusion
1.3 La photocatalyse comme solution pour la dépollution de l’air et des surfaces
1.3.1 Généralités
1.3.2 La photocatalyse appliquée à la désinfection
1.3.3 Conclusion
1.4 Monoglycérides bio-sourcés
1.4.1 Généralités sur les esters de glycérol
1.4.2 Activité antimicrobienne des acides gras et de leurs esters
1.4.3 Mécanismes d’action
1.4.4 Résistance bactérienne
1.4.5 Conclusion
1.5 Conclusion de l’étude bibliographique
2 Matériaux et Méthodes
2.1 Introduction
2.2 Matériaux
2.2.1 Particules de dioxyde de titane
2.2.2 Lasures photocatalytiques
2.2.3 Matériaux supports
2.2.4 Ester de glycérol
2.3 Souches Bactériennes
2.4 Milieux de cultures et réactifs
2.4.1 Milieux de culture gélosé
2.4.2 Milieux liquides
2.5 Préparation des suspensions bactériennes et dénombrement
2.5.1 Préparation des suspensions d’essai
2.5.2 Dénombrement
2.5.3 Calculs
2.6 Évaluation de l’activité antibactérienne selon les normes JIS Z 2801 et ISO 27447
2.6.1 Paramètres d’essai
2.6.2 Validation de l’étape de neutralisation
2.6.3 Protocole expérimental
2.7 Évaluation de l’activité antibactérienne en suspension
2.7.1 Essai réalisé dans les conditions de la JIS Z 2801
2.7.2 Essais de bactéricidie selon la norme NF EN 1040
2.8 Résistance à la formation de biofilm
2.8.1 Configuration
2.8.2 Déroulement de l’essai
2.8.3 Microscopie à épifluorescence
2.8.4 Microscopie électronique à balayage
2.9 Évaluation de la prolifération microbienne par contamination naturelle
2.9.1 Mise en œuvre de l’essai
2.9.2 Analyse d’images
2.10 Évaluation du caractère superhydrophile de surface photo-induit
2.11 Conclusion
2.12 Annexe
2.12.1 Synthèse des essais mis en place et des matériaux testés
2.12.2 Protocole de coloration de Gram
3 Analyse de l’efficacité et des paramètres méthodologiques d’influence de l’activité antibactérienne photocatalytique
3.1 Introduction
3.2 Validation des protocoles de neutralisation et de récupération
3.3 Effet des particules photocatalytiques dans le noir
3.4 Évaluation de l’efficacité des particules photocatalytiques et effet du contact particules/bactéries
3.4.1 Premiers essais – 2h de contact
3.4.2 Méthode
3.4.3 Résultats
3.5 Influence de la nature du milieu : essai d’activité antibactérienne en suspension
3.5.1 Méthodes
3.5.2 Résultats
3.6 Conclusion
4 Développement et évaluation de l’efficacité et des modes d’action de revêtements antimicrobiens
4.1 Introduction
4.2 Lasures photocatalytiques
4.2.1 Étude du caractère superhydrophile photo-induit
4.2.2 Évaluation de l’activité anti-bactérienne
4.2.3 Évaluation de la formation de biofilm sur revêtement photocatalytique
4.2.4 Synthèse des résultats sur lasure photocatalytique
4.3 Produits bio-sourcés à base d’esters de glycérol
4.3.1 Propriétés antibactériennes
4.3.2 Prolifération par contamination « naturelle »
4.4 Conclusion
Conclusion