PROLEGOMENES A UNE LECTURE DE L’ESPACE 

PROLEGOMENES A UNE LECTURE DE L’ESPACE 

La critique littéraire et le tournant spatial

Le tournant spatial est un courant théorique qui marque l’émergence d’un paradigme spatial26 dans le domaine des sciences humaines et sociales. Ce changement épistémologique a eu lieu après la seconde guerre mondiale et marque la naissance de nouvelles approches traitant de l’espace dans le domaine des Sciences humaines en général, et dans le domaine de la littérature en particulier. Pour longtemps, l’espace était considérer « comme un contenant vide accueillant les développements politiques, sociaux et culturels »

Le tournant

spatial marque le glissement de la focale de la notion du temps vers celle de l’espace. En géographie l’espace est définit comme dynamique, influencé essentiellement par les travaux de Gaston Bachelard et Martin Heidegger, les géographes prévoient une autre manière d’aborder l’espace. Les études philosophiques ont introduit la notion de l’espace comme un élément constitutif à la construction identitaire. De ce fait, l’individu « se positionne et se projette dans l’espace ; il est conditionné par sa ‘situation sociale’ et culturelle aussi bien qu’il la conditionne par différentes pratiques de l’espace»28 .
La période qui va des années 60 aux années 90, les chercheurs se penchent vers la question de la territorialité, autrement dit l’étude «des limites et des continuités de la notion d’espace dans des disciplines très variées » 26 Nous entendons par paradigme spatial une nouvelle manière d’appréhender l’espace dans divers discipline. 27 Antje Ziethen, Géo/Graphies : la poétique de l’espace (Post) colonial dans le Roman sénégalais et mauricien au féminin, Université de Toronto,  ce qui concerne la spécifié littéraire ce courant complexe souligne trois grandes thématiques développées autours de l’espace : la spatialisation textuelle (qui regroupe des études faites sur la relation qu’entretien le langage avec l’espace perçu d’un côté et d’un autre l’espace représenté notamment avec les travaux de Genette et de Matoré), l’espace romanesque (des chercheurs dont Roland Bourneuf et Jean Weisberger ont développé leur réflexions autours de l’espace romanesque en voulant lui procurer la même valeur que les autres catégories du roman, il est ainsi considéré comme un élément constitutif du roman) et la sémiologie de l’espace (les travaux qui constituent la sémiologie de l’espace vise non une représentation de l’espace réel mais à faire le lien entre l’espace vécu et les différents phénomènes sociaux) .
Dans ce sillage, plus exactement depuis les deux dernières décennies, les études littéraires traitant de l’espace atteignent leur apogée. De nouvelles approches telles que l’écocritique, géopoétique, et la géocritique font leur apparition pour ainsi témoigner l’intérêt porté à la représentation des espaces dans le textes littéraire. En France des critiques dont Michel Collot signent avec leurs travaux une terminologie nouvelle, celle d’une géographie littéraire. Or il est essentiel de préciser que la géographie littéraire n’est pas une géographie de la littérature, bien que les études se fassent rares sur cette dernière mais elles se présentent comme deux disciplines distinctes. a) La géographie de la Littérature : La géographie de la littérature tend à étudier le rôle des lieux et de la
spatialité dans le fonctionnement de la production littéraire, autrement dit, elle « s’intéresse en effet aux processus de production, d’appropriation et d’utilisation de la littérature, aux lieux et aux systèmes d’acteurs qui leurs sont associés »
Les recherches autours de la géographie de la littérature se sont essentiellement développées durant cette dernière décennie. Les tenants de cette théorie cherchent à étudier les rapports entre l’œuvre littéraire et le contexte socio-spatial de sa production, « elle pose donc d’une manière plus centrale la question du rapport que les œuvres entretiennent avec la société et de la relation entre les trois termes d’un triptyque : territoire-société-littérature ». La géographie de la littérature se caractérise par sa démarche qui consiste à poser réflexion sur le rapport entre le texte littéraire et les espaces dont il est issu autrement dit c’est chercher comment l’espace contribue à la production de l’œuvre littéraire. Or, la géographie de la littérature reste un terrain fertile qui n’est pas encore exploité.
b) La Géographie littéraire : Durant des années le roman était considéré comme archive et document géographique qui témoigne une territorialité donnée à une époque donnée. Le récit de voyage fait alors son apparition comme genre qui incarne le lien entre la littérature et la géographie. Dans les années 70, l’émergence de la phénoménologie33 a favorisé l’avènement de l’humanisme en géographie, chose qui a poussé certains géographes à se poser des questions sur le sens produit par le lieu et son rapport avec l’homme. L’intérêt porté sur les liens entre littérature et géographie ne date pas d’hier, or il n’a pas suscité pour autant la réflexion des chercheurs jusqu’à un temps récent ou on assiste à l’avènement de nouvelles théories et méthode regroupé dans une même nouvelle discipline la géographie littéraire. En Europe, et plus précisément en France, on retient le nom de Michel 31 Extrait de « La littérature comme ressource de la fabrique locale, un objet pour la géographie de la littérature : bilan et perspectives »
Collot qui contribue en masse avec ses travaux à l’émergence de cette géographie littéraire : Elle recouvre une grande diversité d’approches, que reflète la multiplicité des termes forgés pour les désigner : géopoétique, géocritique, géophilologie…; mais toutes supposent un lien entre la littérature et la géographie. Cette relation ne va pas de soi au regard des théories qui ont longtemps dominé les études littéraires françaises et qui proposaient d’analyser les textes en faisant abstraction de toute référence au réel et au monde extérieur. Nous nous demandons alors pourquoi cet intérêt porté à la spatialisation ? Depuis la nuit des temps l’écriture est une manière de faire parler la société, ce souci de faire participer l’espace, de l’estimer plus qu’un décor pourrait être une réponse à un besoin croissant envers l’environnement d’un côté, et d’un autre l’apparition et le développement de centaine forme artistiques lié avec l’espace (land art), et à « l’évolution des sciences de l’homme et de la société, qui se montrent depuis au moins un demi-siècle de plus en plus attentives à l’inscription des faits humains et sociaux dans l’espace »
Les diverses approches traitant de l’espace, comme Collot l’a affirmé, assurent une relation entre la littérature et la géographie en général, or, chacune traite et aborde cette notion de manière bien particulière. Nous allons essayer dans les quelques lignes qui vont suivre de distinguer entre ces approches et mettre le point sur les lieux de convergences et de divergences. IL s’avère être difficile de retenir des définitions de ces mouvements car ils sont en perpétuelle évolution. La géopoétique est plutôt un champ de recherche et de création une théorie-pratique élaborée par Kenneth White, dans un premier temps elle était considérer comme la « poésie de la terre », or les chercheurs on clarifié par la suite que le suffixe « poétique » s’inscrit dans un Michelle Collot, « Pour une géographie littéraire » Carnets : revue électronique d’études françaises.
champ significatif plus large. La géopoétique serait alors, cette « manière de « composer »(organiser, mettre en forme) qui est la force de l’esprit humain à ses grands moments, là où il entre, avec toutes ses facultés de perception et de compréhension, dans un large espace-temps36 ». Son objet serait donc d’exprimer le rapport que l’être humain entretient avec la terre, cet union entre l’homme et son expression (sous toutes ses formes : l’écriture, le dessin, la sculpture, la peinture, la photographie, la musique et bien d’autres) donne naissance un monde à pensées dynamique, un monde « à habiter »

Table des matières

INTRODUCTION  
PREMIERE PARTIE : PROLEGOMENES A UNE LECTURE DE L’ESPACE 
Chapitre1 : Figuration et organisation de l’espace romanesque 
a) L’espace comme un élément structurel
b) L’espace réel et l’espace fictif
Chapitre 2 : La critique littéraire et le tournant spatial  
a) La géographie de la Littérature
b) La Géographie littéraire :
Chapitre3 : La théorie géocritique de Bertrand Westphal 
a) La multifocalisation et l’intertextualité
b) La stratigraphie et la polysensorialité
DEUXIEME PARTIE : DE QUELQUES PROCEDES DE CONSTRUCTION DE L’ESPACE 
Chapitre1 : L’ambivalence des espaces dans 2084 de Sansal 
a) Naissance d’une sphère imaginaire, vers une géographie mentale :
b) La double perception de l’espace, espace d’enfermement/ espace
de liberté
c) Espace et identité
Chapitre 2 : Le rapport entre le sujet et l’espace-temps dans un monde figé 
a) Le temps et le personnage dans un espace stable
b) La frontière comme un espace liminaire
c) L’espace féminin et l’espace masculin
Chapitre 3 : Le voyage et les mutations spatiales, vers une dynamique narrative 
a) Voyage initiatique
b)Le mouvement spatio-temporel et la dynamique narrative
c) Ati comme personnage liminaire
CONCLUSION  
BIBLIOGRAPHIE

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