PROFIL EPIDEMIOLOGIQUE DES PATHOLOGIES NEUROLOGIQUES EN MILIEU PSYCHIATRIQUE

INTRODUCTION

      Une réflexion sur les aspects psychiatriques des pathologies neurologiques amène à se poser la question du domaine respectif des deux spécialités. La psychiatrie et la neurologie ont depuis toujours entretenu un lien étroit du fait de leur intérêt commun pour le cerveau. La mise en évidence ces dernières années, d‟anomalies cérébrales lésionnelles et/ou fonctionnelles au cours de la plupart des pathologies psychiatriques „‟vraies‟‟ est en train de bouleverser la distinction traditionnelle entre le domaine de la neurologie et de la psychiatrie. Le champ de la Psychiatrie, tel qu‟il s‟était délimité depuis plusieurs décennies, reposait schématiquement sur un critère négatif : l‟absence d’organicité (11). Or, le psychiatre est régulièrement confronté à des patients présentant des symptômes psychotiques liés à une affection neurologique. Le constat fait est que de plus en plus des patients présentant des troubles psycho-comportementaux relevant du champ de la Neurologie, sont orientés vers les structures psychiatriques. Ceci amène à se poser la question à savoir quelles sont les raisons qui poussent ces patients à consulter dans les centres psychiatriques au lieu de la neurologie. En Afrique, particulièrement au Sénégal, l‟insuffisance d‟études dans ce domaine constitue un frein ne permettant pas de se prononcer de façon exact sur la fréquence des affections neurologiques en milieu psychiatrique. Ainsi, cette étude se donne comme objectifs :
– D‟évaluer le profil épidémiologique, notamment la fréquence des pathologies neurologiques rencontrées en milieu psychiatrique.
– De caractériser les aspects cliniques spécifiques pouvant pousser à la consultation psychiatrique d‟un tableau neurologique.
– D‟apprécier les aspects de la prise en charge de ces pathologies dans les centres de Psychiatrie.

Diagnostic positif et topographique

     Nous avons utilisé la subdivision lobaire. L‟atteinte du lobe Pariétal peut donner des troubles de la perception sensorielle (goût, toucher, température, douleur), des troubles de l‟intégration des signaux auditifs et visuels des souvenirs, de la compréhension du langage parlé et écrit. L‟atteinte du lobe Frontal peut donner des anomalies de raisonnement, de planification, de modulation des émotions avec une forte implication dans la personnalité, des troubles de l‟initiation des mouvements volontaires, une atteinte de la transformation des idées en mots. Une atteinte du lobe Temporal quant à elle, peut amener une incompréhension du sens des mots, des troubles dans la formation et la remémoration des souvenirs, mais également de la mémoire visuelle et verbale. L‟atteinte Occipital entraine des anomalies de décodage de l‟information visuelle (forme, couleur, mouvement) ; enfin l‟insula étant impliqué dans les fonctions viscérales et végétatives, son atteinte peut donner une augmentation de la tension artérielle, tachycardie, troubles du rythme cardiaque, douleurs angineuses, chute de résistance électrique cutanée, contractions de l‟œsophage, inhibition de la motilité gastrique, inhibition respiratoire, pâleur cutanée, piloérection, mydriase.

Les épilepsies frontales

       L‟extension spatiale particulière du lobe frontal et la diversité des fonctions qu‟il sous-tend impliquent que les caractéristiques des crises frontales peuvent être également très variables. Il est commode de les distinguer en fonction de la partie impliquée du lobe frontal.
– Les crises de la région frontale moyenne médiale : Elles peuvent donner lieu à deux tableaux principaux : des “absences frontales” et des “crises motrices complexes”. Les absences frontales sont très semblables aux absences du petit mal : arrêt du langage et des gestes, ouverture des yeux, altération de la conscience, déviation conjuguée de la tête et des yeux (permettant éventuellement le diagnostic différentiel), automatismes simples et retour immédiat de la conscience à la fin de la décharge, également caractérisées par des décharges pointe-ondes à 3 cycles par seconde, symétriques et synchrones.
– Les crises de la région frontale moyenne latérale (gyrus frontal moyen): Le signe typique de ces crises est le fait qu‟elles débutent par une déviation tonique des yeux précédant la déviation de la tête (par stimulation de l‟aire oculomotrice frontale). Des hallucinations visuelles peuvent être décrites (impression d‟illumination ou d‟assombrissement de la pièce, apparition de couleurs ou d‟images géométriques sans localisation précise, immobiles et sans déformation des images des objets présents dans l‟environnement). La crise peut débuter par des pensées obsédantes (“forced thinking”) ; la différence entre le “forced thinking” des crises frontales et temporales réside dans le fait que, lors de ces dernières, ces idées s‟inscrivent dans un contexte émotionnel et affectif intense alors que, lors des crises frontales, elles revêtent un aspect plus froid, plus intentionnel, comme “une pensée qui s‟impose d‟elle-même et doit absolument trouver le moyen de se concrétiser”.
– Les crises de la partie antérieure du gyrus cingulaire (aire 24) : Il s‟agit de crises souvent très spectaculaires caractérisées par une frayeur intense, bien visible au niveau de la mimique, accompagnée de cris et de propos agressifs vis-à-vis du monde extérieur. Certains patients peuvent passer à l‟acte, nécessitant leur hospitalisation en milieu psychiatrique, voire l‟emprisonnement. Cette symptomatologie s‟inscrit dans le cadre d‟automatismes très complexes, parfois plus ou moins adaptés à l‟environnement. Il peut y avoir une amnésie de la crise si celle-ci s‟étend au lobe temporal.
– Les crises fronto-polaires : Ces crises sont le plus souvent consécutives à un traumatisme crânien. Elles sont caractérisées par une perturbation précoce et majeure du contact avec l‟environnement. Le regard est fixe, le patient est immobile puis fléchit brusquement la tête et le tronc. Le patient tombe et l‟on assiste à une généralisation tonico-clonique secondaire, souvent symétrique. Il y a amnésie totale de la crise.
– Les crises orbito-frontales : Elles peuvent donner lieu à deux tableaux différents :
 Les illusions et hallucinations olfactives sont accompagnées d‟hallucinations gustatives, par diverses manifestations végétatives (pelviennes, abdominales, épigastriques, thoraciques, cardiaques, oesophagiennes et bucales), par des automatismes oro-alimentaires (mâchonnements, déglutition, salivation), par des activités gestuelles complexes et une altération de l‟humeur. Ces crises peuvent être difficiles à différencier de certaines crises temporales. Les crises végétatives impliquent l‟appareil cardiovasculaire, le système digestif et respiratoire (sensations de faim ou de soif), la thermorégulation (sensation de froid avec “chair de poule”, sensation de chaleur) et le système uro-génital (besoin d‟uriner). Les signes accompagnant les perturbations végétatives (frayeur, sensations épigastriques, gestualité complexe, activité oroalimentaire) semblent déterminés par la propagation de la décharge vers la région operculo-insulo-temporo-amygdalienne et vers la portion antérieure du cortex cingulaire ainsi que ses projections sous-corticales.

Les tumeurs cérébrales

      Les tumeurs cérébrales désignent l’ensemble des tumeurs, bénignes ou malignes, se développant dans le parenchyme cérébral. Elles peuvent être responsables d‟un syndrome frontal, qu‟il s‟agisse de tumeurs extra- cérébrales comme les méningiomes, ou de tumeurs intracérébrales comme les gliomes (en particulier dans leur localisation frontocalleuse). Ainsi, on note : lors des lésions de la face latérale ou dorsolatérale, des changements de type « dépressif » et akinétique, avec apathie et inertie motrice, humeur triste, indifférence affective, réduction de la spontanéité verbale, et impossibilité de programmer l‟activité. Lors des lésions de la face orbitaire, on note un comportement puéril, impulsif, désinhibé, mégalomaniaque, appelé moria frontale. Les patients sont euphoriques, avec tendance aux calembours et aux jeux de mots. Cet état d‟agitation psycho- motrice rend les sujets incapables de mener une activité productive. Ces troubles peuvent s‟accompagner d‟une boulimie et d‟une hypersexualité. Des troubles du comportement moteur (persévération, comportement d‟utilisation et d‟imitation), des troubles de l‟agitation mais également des troubles cognitifs peuvent être observés chez ces patients. Les processus tumoraux comme les glioblastomes peuvent être responsable d‟un syndrome pariétal : convulsions généralisées, crises épileptiques focales sensitives, sens stéréognosique et sens des positions altérées, apraxie, anosognosie (inconscience du déficit corporel), déni de la maladie, troubles de la parole.

Thrombophlébite Cérébrale du Post Partum

     Les thrombophlébites cérébrales (TPC) regroupent les thromboses des sinus veineux de la dure mère et des veines cérébrales superficielles et profondes. Elles constituent l’aspect prépondérant de la pathologie veineuse cérébrale. Elles peuvent survenir à tout âge, le plus souvent chez le sujet le plus jeune et surtout chez la femme compte tenu des causes spécifiques à ce groupe ; que sont la grossesse, le post-partum ou le post-abortum. Le diagnostic de Thrombophlébite cérébral est radiologique (suspecté sur un Scanner cérébral mais l‟examen clef est l‟Imagerie par Résonnance Magnétique ou IRM) mais la phase de début peut prêter à confusion avec une Psychose Puerpérale surtout dans la forme psychiatrique du post partum. En effet, dans cette forme les signes psychiatriques sont au premier plan et peuvent masquer le reste de la symptomatologie surtout lorsqu‟il s‟agit d‟un avortement provoqué non avoué. On peut alors retrouver une agressivité, une anxiété, des délires, une insomnie, des troubles mnésiques,… qui peuvent amener à une consultation en Psychiatrie.

EPILEPSIE

       L’Épilepsie pose un réel problème de santé publique au Sénégal. La plupart des épileptiques ne sont pas traités du fait des interprétations socioculturelles et de l’insuffisance des ressources humaines et matérielles. Les préjugés négatifs qui entourent la maladie sont des obstacles à la bonne prise en charge des malades, leur épanouissement et leur intégration sociale. Les services de Neurologie, de Neurochirurgie, de Psychiatrie et de Pédiatrie consultent et traitent des patients épileptiques. Notre étude a montré une prévalence de 12% de l‟ensemble des consultations. Valeur importante mais en dessous de celle trouvée en 1989 sous l‟égide de l‟OMS (23), il a été démontré qu‟elle représentait 16,1% de l‟ensemble des hospitalisations à l‟hôpital Psychiatrique de Thiaroye. La prédominance masculine de l‟épilepsie a été démontrée avec une fréquencede 58,67%, cette prédominance a été démontrée par Diagana (10) dans une étude en Mauritanie en 2006 avec 50,4% d‟hommes. Toujours selon cette étude, l‟âge moyen trouvé était de 36,1 ans pour les hommes et celui des femmes de 32,5 ans. Le sexe masculin constituerait ainsi un facteur favorisant à la survenue de l‟épilepsie bien qu‟il nécessiterait de plus amples études sur des effectifs plus significatifs pour conclure. Les personnes atteintes d’un trouble neurologique ont une prévalence de trouble psychiatrique plus élevée que la population générale. De même, l’incidence des troubles psychiatriques est plus élevée chez les patients atteints d’épilepsie que dans les autres affections neurologiques (32). Cette prévalence peut être estimée entre 20 et 30% (10). Les patients atteints d’une épilepsie du lobe temporal ainsi que les autres épilepsies focales, ont une fréquence de troubles psychiatriques (troubles dépressifs, troubles de la personnalité, troubles névrotiques, troubles psychotiques) plus élevée que ceux qui ont une épilepsie généralisée. Selon certaines études, 44 à 88% des patients atteints d’une épilepsie du lobe temporal ont un risque de présenter un trouble psychiatrique (33). C‟est alors compréhensible que ces patients consultent dans ces centres. Il y a eu seize (16) de nos patients (8,16% des épileptiques) qui ont présenté une symptomatologie à type de trouble psychiatrique tels que des délires hallucinatoires, des psychoses ayant nécessité l‟utilisation de neuroleptiques en plus du traitement anti épileptique. Comme dans tous les pays sous-développés, l‟accès au traitement est en dessous du seuil fixé par l‟OMS, ainsi dans l‟étude de Ndoye et al. (23) en milieu semiurbain, il a été démontré que seuls 23,4% des patients épileptiques ont accès au traitement. Ce qui pourrait s‟expliquer notamment par la précarité mais également l‟inaccessibilité des populations au service de soins. Ainsi on estimerait qu‟en Afrique, environ 9 personnes sur 10 souffrant d‟épilepsie ne sont pas traitées (12). Notre étude a trouvé que les barbituriques ont été prescrits dans 66% des cas, le carbamazépine 66%, le valproate de sodium 10%. Selon une étude en Mauritanie (10), le phénobarbital était utilisé dans 63 % des cas, la Carbamazépine dans 9 % et le Valproate de sodium dans 5 % des cas. Compte tenu de ses avantages de coût, le phénobarbital reste, à juste titre, le médicament de première ligne dans la stratégie adoptée par l‟OMS pour le traitement de l‟épilepsie du fait de son accessibilité et son faible coût. Ainsi dans notre étude, 53% des épileptiques ont vu leurs crises s‟arrêter avec le traitement proposé. Un taux intéressant qui montre la qualité de la prise en charge. En effet, on sait que durant leur formation, les psychiatres font 6mois de stage dans le service de Neurologie. On pourrait alors comprendre qu‟ils puissent bien prendre en charge ces affections neurologiques. Cependant un travail en réseau est plus que souhaitable. En effet, on sait aujourd‟hui que beaucoup de médicaments surtout les anti-épileptiques ont des effets psychotropes ; ainsi le phénobarbital est réputé pour diminuer les facultés cognitives. D‟autres tels que la carbamazépine et le valproate ont peu d‟effet, ces derniers sont souvent utilisés en psychiatrie comme stabilisateurs de l‟humeur dans les troubles bipolaires. Les antidépresseurs peuvent causer de légères augmentations des taux sériques d‟anticonvulsivants. L‟effet des anticonvulsivants sur les antidépresseurs est habituellement inverse (13).

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Table des matières

I. INTRODUCTION
I.1. RAPPELS
I.2. BASES ANATOMIQUES
I.3. ASPECTS CLINIQUES
I.3.1. Diagnostic positif et topographique
I.3.2. Principaux tableaux cliniques à expression psychiatrique
I.3.2.1. Epilepsie
I.3.2.2. Les démences
I.3.2.3. Les tumeurs cérébrales
I.3.2.4. Accident Vasculaire Cérébral
I.3.2.5. Céphalées psychogènes
I.3.2.6. Thrombophlébite Cérébrale du Post Partum
II. METHODOLOGIE
II.1. OBJECTIFS DE L‟ETUDE
II.2. TYPE D‟ETUDE
II.3. CADRE DE L‟ETUDE
II.3.1. Historique
II.3.2. Situation géographique
II.3.3. Activités
II.3.4. Ressources humaines
II.3.5. Spécificités
II.4. MOYENS ET METHODES
II.5. VARIABLES EN ETUDE
II.6. ANALYSE STATISTIQUE
III. RESULTATS
III.1. PREVALENCE DES PATHOLOGIES NEUROLOGIQUES
III.2. CARACTERISTIQUES SOCIO-CULTURELLES ET DEMOGRAPHIQUES
III.3. PRINCIPALES PATHOLOGIES NEUROLOGIQUES ET PRISE EN CHARGE 
III.4. EVOLUTION
IV. DISCUSSION
IV.1. EPILEPSIE
IV.2. CEPHALEES
IV.3. DEMENCES
V. CONCLUSION
VI. PERSPECTIVES
ANNEXES
ANNEXE 1 : NOUVEAU QUESTIONNAIRE
ANNEXE 2 : ANCIEN QUESTIONNAIRE

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