L’arthrogrypose est une malformation neuromusculaire congénitale. Elle se traduit par une triade classique associant des raideurs articulaires, des atteintes musculaires et des anomalies cutanées. Cette affection peut être isolée ou associée à diverses anomalies viscérales, osseuses ou nerveuses. La forme la plus fréquemment rencontrée est l’arthrogrypose multiple congénitale (AMC). Il s’agit là de l’arthrogrypose classique qui survient chez des enfants à intelligence normale (1). L’arthrogrypose fait partie des malformations congénitales rares. A l’échelle mondiale, son incidence est de 3/10000 naissances (2). A Madagascar : aucune étude n’a été publiée et le système d’information sanitaire actuel ne permet pas d’avoir une statistique exacte des enfants arthrogryposiques. Au Centre d’Appareillage de Madagascar, l’arthrogrypose représente 0,4% des pathologies durant l’année 2008. De nombreux points flous entourent cette pathologie, tant sur le plan épidémiologique que sur la prise en charge des enfants atteints. C’est pourquoi nous avons choisi ce thème. Ainsi, l’objectif principal de la présente étude consiste à décrire le profil des enfants atteints d’arthrogrypose traités au Centre d’Appareillage de Madagascar du Centre Hospitalo-Universitaire d’Antananarivo de 2006 à 2009.
DEFINITION
L’arthrogrypose est un syndrome défini par un blocage congénital de plusieurs articulations secondaire à des rétractions ou à des anomalies du développement musculo-ligamentaire. Toutes les articulations peuvent être touchées. L’arthrogrypose multiple congénitale désigne la présence de ces raideurs articulaires associées ou non à des anomalies cutanées, viscérales, nerveuses et musculaires (1).
HISTORIQUE
Décrite pour la première fois par Otto en 1841 sous le terme de « monstrum humanum extremitabilis incurvatis » qu’il attribue à des myodystrophies congénitales (2). En 1897, Schanz parle de « raideurs congénitales multiples ». Le mot «arthrogrypose » est apparu en 1905 avec Rosencranz. En 1923, Sterne utilise l’appellation d’arthrogrypose multiple congénitale. En 1932, Sheldon parlera « d’amyoplasia congenita » car il pensait que les raideurs étaient dues à une hypoplasie ou une aplasie musculaire (3). En 1981, Hall établit une classification des arthrogryposes en trois groupes (4). Il distingue :
– des formes avec une atteinte isolée des membres qui représentent environ la moitié des observations
– des formes qui comportent, en plus des raideurs articulaires, des anomalies craniofaciales et viscérales
– enfin des formes avec raideurs et atteinte sévère du système nerveux central.
Ces dernières, sont souvent dues à des anomalies chromosomiques.
ANATOMOPATHOLOGIE
Au cours des arthrogryposes, il n’y a pas de lésion spécifique. La raideur articulaire qu’on rencontre dans cette affection est due à la fibrose ligamentaire et capsulaire, aux rétractions des muscles péris articulaires. Peu à peu, du fait de la limitation de la mobilité, les articulations présentent des déformations diverses. Il n’y a donc pas d’atteinte primitive des articulations (4). L’attitude du membre permet souvent de supposer la topographie de l’atteinte musculaire. Ainsi, la position du coude en extension correspond à une absence ou à une insuffisance des fléchisseurs. De même, l’attitude en flexion du genou correspond à une faiblesse du quadriceps (4). Les masses musculaires ont diminué de volume, ou ont disparu. Elles sont parfois modifiées par de la fibrose ou remplacées par de la graisse : il y a donc une dégénérescence fibrograisseuse des fibres musculaires.
Des anomalies du système nerveux central peuvent se rencontrer dans 90% des cas. Il y a une réduction du diamètre de la moelle par rapport à la normale, située surtout dans les régions cervicale et lombaire. Cette réduction est accompagnée d’une diminution du nombre des faisceaux nerveux antérieurs alors que les faisceaux nerveux postérieurs sont habituellement normaux (5). On peut aussi rencontrer une diminution du volume cérébral avec des fissurations incomplètes et des ventricules latéraux élargis. Au cours de l’Arthrogrypose Multiple Congénitale, la constatation la plus fréquente est une réduction du nombre des cellules ou des lésions nécrotiques disséminées, parfois calcifiées, des cornes antérieures de la moelle (4) (5).
ETIOPATHOGENIE
Au cours de l’embryogenèse, les fibres nerveuses et les neurones moteurs assurent la formation des muscles. La différenciation des cavités articulaires et l’apparition des mouvements sont sous la dépendance de l’appareil neuromusculaire. Dans l’arthrogrypose humaine, des altérations primitives des fibres musculaires ou des cellules nerveuses motrices de la moelle épinière provoquent des dysfonctionnements musculaires (4). L’absence des mouvements articulaires du fœtus en maturation est à l’origine des déformations des articulations. Cette immobilité fœtale est en rapport avec une embryopathie survenant aux alentours du deuxième mois de la vie intra-utérine qui serait responsable de l’atteinte neuromusculaire ou musculaire. Cette immobilité fœtale est aussi liée à une génopathie neurogène ou myogène (délétion du gène SMN) avec une fibrodysplasie ce qui explique l’atteinte fréquente de la peau et/ou du tissu conjonctif. L’absence de mouvements fœtaux ou akinésie fœtale explique le mécanisme pathogénique de cette affection malgré la multiplicité des étiologies (6). Cette immobilité fœtale au cours de la grossesse est due à plusieurs causes. La perte de liquide amniotique entraine des malformations fœtales comme le syndrome de Potter qui associe une agénésie rénale bilatérale, des anomalies de la face et des raideurs articulaires. A l’inverse, un excès de liquide amniotique provoque des syndromes décrits par Pena et Shokeir dans lesquels on trouve une hypoplasie pulmonaire, des anomalies faciales et des raideurs articulaires (7). Le passage transplacentaire des anticorps antirach chez une mère myasthénique expose le fœtus et le nouveau-né aux complications du blocage de la transmission neuromusculaire. Ce blocage de la transmission neuromusculaire du fœtus est à l’origine d’une immobilité fœtale prolongée. De même, Lucot rapporte l’observation d’une arthrogrypose née d’une mère traitée pour un tétanos par des myorelaxants de la dixième à la douzième semaine de grossesse (8).
Au cours de l’organogenèse, une infection virale contractée pendant les premiers mois de grossesse peut être responsable d’une dégénérescence des cellules de la corne antérieure de la moelle. Cette dégénérescence va entrainer une diminution des mouvements fœtaux conduisant à la déformation et à la rigidité des articulations (9). Des syndromes arthrogryposiques ont pu être reproduits chez l’animal. L’injection de D-tubocurarine dans certains vaisseaux du poulet provoque une ankylose des articulations, une attitude en griffe des pattes, une immobilité du cou et des ailes. L’injection du virus Coxsackie ou du virus de la maladie de Newcastle provoque également des raideurs articulaires. Moessinger a injecté du curare dans l’utérus du rat entre le 18 et le 20ème jour de gestation. Il a observé une hypoplasie pulmonaire, une micrognathie, un retard de croissance fœtale, un hydramnios et des raideurs articulaires. Il a aussi montré que l’aspiration du liquide amniotique par ponction à l’aiguille chez la ratte enceinte provoquait des anomalies du cordon et des malformations fœtales avec raideurs articulaires multiples et divisions palatines (10). L’examen échographique anténatal orienté par la clinique (mouvements actifs fœtaux peu ou mal perçus, anomalie de la hauteur utérine, présentation du siège) peut objectiver une diminution des mouvements actifs fœtaux (11).
ETIOLOGIES
L’arthrogrypose est un syndrome à étiologies multiples dont l’origine exacte reste parfois imprécise. Deux types de causes peuvent être à l’origine d’une arthrogrypose:
Anomalies de l’environnement fœtal
– Un oligo-amnios secondaire à une insuffisance utéro-placentaire ou à une malformation rénale fœtale grave.
– Une maladie amniotique ou une compression par une masse extrinsèque (kystes intra- abdominaux et ovariens) .
Anomalies du développement fœtal
Un hydramnios oriente vers une pathologie neuromusculaire primitive ou acquise.
Arthrogryposes dues à une anomalie du système nerveux central ou périphérique
Elles représentent deux tiers des cas d’A.M.C
Anomalies du système nerveux central
– Malformations cérébrales, en particulier lissencéphalie et dysplasie corticale, mais également lésions anoxo-ischémiques (microgyrie, hydranencéphalie).
– La plupart du temps, il s’agit de formes sporadiques et certains cas comportent une anomalie du chromosome 18 ou sont de transmission autosomique récessive.
– Les dystrophies musculaires du syndrome de Fakuyama ou associées à d’autres anomalies du système nerveux central peuvent se compliquer d’A.M.C .
Anomalies médullaires
Dominées par les dégénérescences acquises ou génétiques du motoneurone alpha de la corne antérieure de la moelle.
– Atteinte de la corne antérieure avec dystrophie musculaire
– Atteintes fixées de la corne antérieure, non génétiques, associées à des atteintes des noyaux moteurs du tronc cérébral. Une des étiologies possibles est l’accident circulatoire anténatal. On retrouve souvent une atteinte cérébrale associée (microcéphalie, dysplasie).
– Une lésion dégénérative de la corne antérieure qui se transmet sur le mode dominant ou lié à l’X.
– Un syndrome autosomique récessif associe une atteinte de la corne antérieure, une cholestase hépatique et une néphropathie.
– Anomalie génétique : une délétion du gène SMN.
– Un myéloméningocèle ou une autre malformation médullaire (par exemple le Syndrome de régression caudale) .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I- DEFINITION
II- HISTORIQUE
III- ANATOMOPATHOLOGIE
IV- ETIOPATHOGENIE
V- ETIOLOGIES
V-1- Anomalies de l’environnement fœtal
V-2- Anomalies du développement fœtal
V-2-1- Arthrogrypose due à une anomalie du SNC ou périphérique
V-2-1-1- Anomalies du SNC
V-2-1-2- Anomalies médullaires
V-2-1-3- Anomalies du nerf périphérique
V-2-2- Arthrogrypose d’origine musculaire
V-2-3- Arthrogrypose de cause extrinsèque
V-2-4- Arthrogrypose idiopathique
VI- TABLEAU CLINIQUE
VI-1- Arthrogrypose multiple congénitale
VI-1-1- Les signes principaux
VI-1-2- Les autres signes
VI-2- Arthrogryposes distales
VI-3- Les autres syndromes arthrogryposiques
VII- TRAITEMENT
VII-1- Schémas d’indication
VII-2- Indications thérapeutiques
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I- METHODOLOGIE
II- OBSERVATIONS
III- RESULTATS
III-1- Caractéristiques des patients
III-1-1- Caractères sociodémographiques
III-1-2- Antécédents
III-2- Caractéristiques cliniques
III-2-1- Topographie et sexe
III-2-2- Signes principaux
III-2-3- Les autres signes
III-3- Traitement initial
III-3-1- Signes principaux et traitement initial
III-3-2- Autres signes et traitement initial
III-4- Suivi et traitement ultérieur
III-5- Résultats du traitement
TROISIEME PARTIE : DISCUSSIONS-SUGGESTIONS
DISCUSSIONS
I- Caractéristiques des patients
I-1- Caractéristiques sociodémographiques
I-2- Antécédents
II- Caractéristiques cliniques
II-1- Fréquence selon la topographie
II-2- Les signes principaux
II-3- Les autres signes
III- Traitement
III-1- Traitement initial
III-2- Suivi et traitement initial
IV- Résultats du traitement
SUGGESTIONS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE