La tuberculose est une maladie infectieuse bactérienne due à Mycobacterium tuberculosis. C’est une maladie endémo-pandémique et pose un problème «réfractaire » de santé publique dans le monde depuis des millénaires surtout dans les pays en voie de développement comme Madagascar. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le nombre de cas de tuberculoses toutes formes confondues dépistés à Madagascar en 2017 était de 61000 cas contre 57000 cas en 2015, soit un taux d’accroissement de 7% en 2 ans [1,2]. En 2017, la prévalence mondiale de la tuberculose est estimée par l’OMS à plus de 10 millions [1]. Elle fait partie des 10 premiers causes de mortalité mondiale selon l’OMS [3] et chez l’adulte, c’est la 2ème cause de décès par maladie infectieuse après le Syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA), avec 95% de décès survenue aux pays à faible revenu [4].
La tuberculose se localise dans la majorité des cas au foyer d’inoculation, c’està-dire, pulmonaire. Mais elle peut toucher tous les tissus de l’organisme pouvant égarer le diagnostic [4]. La tuberculose peut se localiser dans plus d’un seul site chez une même personne infectée, c’est la tuberculose multifocale. Une coïnfection TuberculoseVirus de l’immunodéficience Humaine (TB/VIH) entraine une diversité diagnostique, une thérapie lourde et un pronostic à long terme péjoratif. D’où l’intérêt de notre étude intitulée «Profil des cas de tuberculose de l’adulte au Centre Hospitalier Joseph Raseta Befelatanana» (CHU/JRB). Qui a pour objectif de décrire les aspects epidémio-clinique, thérapeutiques et évolutifs des cas de tuberculose de l’adulte diagnostiqués au CHU/JRB d’ Antananarivo.
Généralités sur la tuberculose
Définition
C’est une maladie infectieuse due à un bacille acido-alcoolo-résistant (BAAR) communément appelé bacille de Koch (BK) ou Mycobacterium tuberculosis. Elle fait partie de la famille des Mycobactériaceae et se transmet essentiellement de façon inter humaine par inhalation. C’est une maladie à déclaration obligatoire [5].
Epidémiologie
Fréquence
En 2012, Madagascar était le deuxième pays africain à forte prévalence de tuberculose après la République démocratique de Congo (RDC) [6]. Selon les estimations de l’OMS pour Madagascar, il y avait :
-En 2015, 57000 cas de tuberculose (TB) pour 24 millions d’habitants (236/100000 habitants) dont 3600 infectés en plus par le Virus de l’immunodéficience humaine (TB/VIH) et 460 cas de TB multi-résistants (TB/MR).° Avec 13000 décès dont 1500 décès attribués au VIH [2].
-En 2017, 61000 cas pour 26 millions d’habitants (238/100000 habitants) dont 1500 cas de TB/VIH et 440 cas de TB/MDR. Avec 14000 décès dont 650 décès attribués au VIH [1]. Dans le monde, selon les estimations de l’OMS, il y avait :
-En 2015 comme en 2016, 10,4 millions de nouveaux cas de TB dont 10% de TB/VIH. Avec 1,3 millions de décès attribué à la TB et 374000 au VIH [7,8].
-En 2017, 10,0 millions de nouveaux cas de TB dont 9% de TB/VIH. Avec 1,3 millions de décès attribué à la TB et 300000 au VIH [1].
Agent pathogène
Les mycobactéries sont des bacilles en formes de bâtonnets de la famille de Mycobacteriaceae. La famille de Mycobacteriaceae peut être divisée en 3 grands groupes : Mycobactérium tuberculosis complex, Mycobactérium leprae et les mycobactéries non tuberculeuses. Le BK est un bacille acido-alcoolo-résistant (BAAR) du groupe de Mycobacterium tuberculosis complex. Elle comprend 7 espèces dont 3 espèces pathogènes pour l’homme dont: Mycobacterium tuberculosis (95% des cas) Mycobacterium bovis et Mycobacterium africanum. C’est un bacille immobile, non sporulé, à multiplication extra et intra cellulaire, à croissance lente et dont le métabolisme est aérobie strict [5] avec un temps de dédoublement de 20h in vivo [9].
Réservoir, transmission et contagiosité
A l’exception de Mycobacterium bovis, le réservoir est uniquement humain [9]. Seules les personnes atteintes de tuberculose des voies aériennes (poumons, bronches, larynx) peuvent transmettre la maladie, pour autant que leurs expectorations contiennent des bactéries tuberculeuses en quantité suffisante et que ces expectorations atteignent l’air ambiant sous forme d’aérosol [10]. La transmission est essentiellement interhumaine pour Mycobacterium tuberculosis et Mycobacterium africanum, par émission de gouttelettes de Pflügge favorisées par la toux, l’expectoration et l’éternuement [9]. Les autres modes de transmissions sont rares. L’inoculation cutanée ou muqueuse a été observée chez le personnel de laboratoire et une contamination digestive par Mycobacterium bovis peut survenir suite à la consommation de lait de vache non pasteurisé [4]. Mycobacterium tuberculosis est un germe opportuniste chez l’homme. Le risque de contamination dépend de la concentration des mycobactéries dans l’air ambiant, de la virulence des micro-organismes, de la durée d’exposition et de la réceptivité individuelle de la personne en contact [10].
Physiopathologie
Histoire naturelle
Les bacilles de Mycobacterium tuberculosis sont inhalés par des sujets récepteurs à partir de gouttelette de crachats provenant d’un patient bacillifère. Dès lors, elles atteignent l’oropharynx, les bronches et les alvéoles via l’arbre respiratoire. Les bacilles vont à ce moment, soit rester extracellulaire, soit être phagocytés par les macrophages alvéolaires, les cellules dendritiques et les polynucléaires neutrophiles qui sont des cellules présentatrices d’antigène. Ces cellules constituent la 1 ère barrière de défense non spécifique ou immunité innée [5]. Le BK a des facteurs de virulence qui peuvent lui permettre de survivre dans les cellules phagocytaires. Une autre caractéristique du bacille de la tuberculose est de retarder la mise en place de l’immunité spécifique ou immunité adaptative qui, dans ce cadre, est essentiellement une réponse de type cellulaire. Les lymphocytes T CD4+ et 3 cytokines et/ou interleukines : Tumor Necrosis Factor α (TNFα), Interféron γ (IFNγ) et l’interleukine 12 (IL12) sont des acteurs majeurs pour contrôler l’infection tuberculeuse. Ainsi, les pathologies qui diminuent le taux de LT CD4+ comme l’infection par le VIH et le taux de TNFα comme le traitement anti-TNFα des pathologies auto-immunes augmentent considérablement le risque de développer une tuberculose maladie [9]. Avant l’installation d’une réaction immunitaire capable de cerner la dissémination des bacilles, il existe une circulation du bacille tuberculeux du poumon vers le ganglion relais par l’intermédiaire des cellules dendritiques (migration sous la dépendance de l’IL12) entrainant la différenciation des LT naïfs en LT CD4+ et CD8+ qui rejoignent la lésion primaire initiale pour participer à la formation du granulome (figure 1). La migration des cellules dendritiques infectées par le bacille tuberculeux vers le ganglion relais n’apparaît qu’au bout d’une dizaine de jours après l’inoculation. Les cellules dendritiques activées participent à la maturation des lymphocytes T (LT) naïfs du ganglion en CD4+ et CD8+ . En gagnant les ganglions lymphatiques, les cellules dendritiques ayant phagocyté le bacille tuberculeux, participent à sa dissémination par voie lymphatique au même titre que les polynucléaires neutrophiles le font par voie sanguine. Cette dissémination est à l’origine des formes extra-pulmonaires et elle est favorisée par l’immunodépression [4, 11, 12].
Quand la réaction immunitaire à médiation cellulaire est activée, un ou plusieurs granulome(s) se forme(nt) au niveau des sites pulmonaires et/ou extra-pulmonaires. Un granulome évolue de façon centrifuge dans le temps (figure 2). Au centre: les macrophages, les cellules epithelioïdes qui sont des macrophages actifs sécréteurs de cytokines et d’enzymes et les macrophages différenciés en cellules géantes multinucléés ou cellules de Langhans qui correspondent à la fusion de cellules epithelioïdes. Au bord du foyer de nécrose caséeuse, les macrophages spumeux qui vont se charger de vacuoles lipidiques par production en excès de lipide sous l’action directe du BK sur la chaine métabolique lipidique cellulaire. Ces lipides vont servir de nutriments aux mycobactéries et cette accumulation de lipide va conduire à la formation de caséum par éclatement de ces cellules géantes. La production de caséum est spécifique des Mycobactéries du Mycobacterium tuberculosis et sa découverte constitue donc une confirmation indirecte du diagnostic de tuberculose [9].
Des bacilles tuberculeux sont présents dans la nécrose caséeuse, mais leurs métabolismes sont ralentis. D’autres cellules sont présentes dans le granulome comme les polynucléaires neutrophiles (PN), les cellules dendritiques et les cellules natural killer (NK). En périphérie du granulome existe une couronne de lymphocytes CD4+ et CD8+ et de fibroblastes qui forment une sorte de capsule. C’est une zone beaucoup mieux oxygénée constituant une zone propice à la multiplication active du bacille tuberculeux [9].
Collégiale des enseignants de bactériologie, virologie et hygiène. Démarche du diagnostic microbiologique d’une tuberculose. 2013 [9]. De là, le granulome évolue :
-Dans 90% des cas, les BK ne peuvent pas être externalisés du centre du granulome et meurent dans le caséum. Le granulome involue et se calcifie, le patient ne développe pas la tuberculose maladie. Ou, le granulome reste à l’état latent avec des BK quiescents en position intra- cellulaire ou au sein du caséum pendant une durée assez longue. C’est la primo- infection tuberculeuse.
-Dans 10% des cas, le granulome actif se rompt ou des BK quiescents se réactivent à l’occasion d’une défaillance immunitaire ou d’une réinfestation massive rompant l’équilibre BK/Immunité et libère des BK qui peuvent disséminer par 3 voies dépendant de la structure tissulaire lésée: par contigüité (bronchogène), hématogène ou lymphatique. C’est la tuberculose maladie [5, 9, 13] (figure 3).
Les lymphocytes T activés exercent une action cytotoxique qui déterge soit des granulomes entiers, soit des débris de granulomes rompus, mais aux prix de la création d’excavation ou caverne parenchymateuse pulmonaire confluente. A partir de ces lésions cavitaires ouvertes, les bacilles vont être dispersés à l’ occasion de la toux dans l’air pour contaminer d’autres personnes [13,15]. Les parois de ces cavernes sont tapissées de débris cellulaires et de caséum constituant une biophase nutritive pour les BK. De plus, comme le BK est une bactérie aérobie stricte, ces cavernes qui sont aérées par un ou plusieurs bronchioles créent un milieu aérobie propice à une multiplication intense des bacilles tuberculeux. En effet, la multiplication du BK est plus rapide dans une caverne pulmonaire bien oxygénée que dans les tissus profonds. La charge mycobacterienne des sites extra-pulmonaires est moindre donc le diagnostic bactériologique est moins sensible contrairement à la caverne pulmonaire qui contient environ 10⁸ bacilles tuberculeux, [13,15].
Facteurs de risque
Les facteurs favorisant la survenue de la tuberculose sont:
➤ Les facteurs liés à l’environnement ou facteurs favorisant le risque de contamination respiratoire qui sont :
-Le séjour en zone d’endémie tuberculeuse; (transplantation géographique)
-La promiscuité;
-L’activité professionnelle en milieu de soins.
➤ Les acteurs liés à l’individu : l’altération des défenses immunitaires et les lésions pulmonaires préalables.
-La toxicomanie: tabagisme, éthylisme, toxicomanie intraveineuse;
-Situations de précarité: la malnutrition, la mauvaise condition socioéconomique;
-Age : avec l’âge, les capacités de réponse immunitaire sont diminuées. Cette baisse progressive de l’immunité naturelle favorise la réactivation endogène de la tuberculose;
-Lié à une pathologie : Coïnfection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), hémopathie maligne, diabète,…;
-L’iatrogénie: une corticothérapie au long cours, une chimiothérapie anticancéreuse,…
-Et selon les sources il existerait une prédisposition familiale à développer la tuberculose maladie [16-7, 18].
Mécanisme de résistance
Dans la tuberculose active, la caverne est le lieu où la biomasse mycobactérienne est la plus importante, avec un rythme exponentiel de croissance. Au sein de cette population sauvage de Mycobacterium tuberculosis existe des mutants résistants naturels aux antituberculeux majeurs par mutation aléatoire en dehors de toute antibiothérapie, c’est la résistance primaire [5].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. Généralités
1.1. Définition
1.2. Epidémiologie
1.2.1. Fréquence
1.2.2. Agent pathogène
1.2.3. Réservoir, transmission et contagiosité
1.3. Physiopathologie
1.3.1. Histoire naturelle
1.3.2. Facteurs de risques
1.3.3. Mécanisme de résistance
2. Diagnostic de la tuberculose chez l’adulte
2.1. Tuberculose pulmonaire commune
2.1.1. Clinique
2.1.2. Examens para-cliniques
2.1.2.1. Biologie standard
2.1.2.2. Bactériologie
2.1.2.2.1. Examen direct
2.1.2.2.2. Culture
2.1.2.2.3. Polymerase chain reaction (PCR)
2.1.2.2.4. GeneXpert MTB/RIF
2.1.2.2.5. Test Hain
2.1.2.3. Radiographie thoracique
2.1.2.4. Bilans d’extension et de coïnfection
2.2. Tuberculoses extra-pulmonaires
2.2.1. Primo-infection tuberculeuse
2.2.1.1. Test de Mantoux ou IDR
2.2.1.2. Test IGRA
2.2.2. Formes classiques
2.2.2.1. Pleurésie tuberculeuse
2.2.2.2. Tuberculose miliaire
2.2.2.3. Tuberculose ganglionnaire
2.2.2.4. Tuberculose du SNC
2.2.2.5. Tuberculose péritonéale
2.2.2.6. Tuberculose ostéo-articulaire
2.2.3. Autres localisations
2.2.3.1. Tuberculose péricardique
2.2.3.2. Tuberculose abdominale
2.2.3.3. Tuberculose cutanée
2.2.3.4. Tuberculose uro-génitale
2.2.3.7. Les localisations rares
3. La coïnfection TB/VIH
4. Traitement selon le PNLT
4.1. La tuberculose
4.1.1. Définitions de cas
4.1.1.1. Nouveau cas
4.1.1.2. Cas à retraiter
4.1.1.3. Tuberculose multi-résistante
4.1.2. Buts du traitement
4.1.3. Moyens
4.1.3.1. Les antituberculeux
4.1.3.2. Les mesures adjuvantes
4.1.4. Indications
5. Prophylaxie
6. Evolution
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
1. Méthodes
1.1. Objectifs
1.1.1. Objectifs généraux
1.1.2. Objectifs spécifiques
1.2. Cadre d’étude
1.3. Type d’étude
1.4. Echantillonnage
1.5. Critères d’inclusion
1.6. Critère de non inclusion
1.7. Variables étudiées
1.8. Saisie et analyse des données
1.9. Considération éthique
1.10.Limite de l’étude
2. Résultats
2.1. Profil épidémiologique
2.2. Données démographiques
2.2.1. Répartition selon le genre
2.2.2. Répartition selon l’âge
2.2.3. Répartition selon la profession
2.3. Antécédents et comorbidités
2.4. Profil clinique
2.4.1. Signes généraux
2.4.2. Signes fonctionnels
2.4.3. Signes physiques
2.5. Profil paraclinique
2.5.1. Biologie standard
2.5.2. Bactériologie et histologie
2.5.3. Liquides de ponction
2.5.4. Imagerie
2.5.5. Répartition selon le degré de diagnostic des TEP
2.6. La coïnfection TB/VIH
2.7. Profil thérapeutique
2.7.1. Répartition selon le schéma thérapeutique
2.7.2. Répartition selon l’indication de la corticothérapie
2.8. Profil évolutif
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
1. Profil épidémiologique
1.1. Fréquence
1.2. Démographie
1.2.1. Répartition selon l’âge et le genre
1.2.2. Répartition selon la profession
3. Antécédents
4. Profil clinique
5. Profil para-clinique
5.1. Biologie standard
5.2. Bactériologie
5.3. Liquides de ponction
5.4. Histologie
5.5. Imagerie
5.6. Degré de diagnostic
5.6. La coïnfection TB/VIH
6. Profil thérapeutique
7. Profil évolutif
8. Déterminants de la mortalité
CONCLUSION
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