L’hépatite B est une atteinte inflammatoire du foie due au virus de l’hépatite B (VHB). Le portage chronique du VHB est défini comme la positivité de l’AgHBs (antigène de surface de l’hépatite B) depuis au moins 6 mois [51, 100]. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que plus de 2 milliards de personnes ont été infectées par le virus de l’hépatite B au cours de leur vie ce qui représente environ 30 % de la population mondiale. Parmi ces 2 milliards de sujets infectés, 360 millions sont des porteurs chroniques et sont essentiellement retrouvés sur les continents asiatiques et africains. Plus de 600 000 d’entre eux décèdent chaque année des complications liées à l’infection par le VHB, notamment la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire (CHC) [2, 56].
Le CHC est le 6ème cancer le plus fréquemment retrouvé chez l’homme et le 3ème en termes de mortalité. Le VHB est un agent oncogène reconnu. Il serait responsable de 50 % des cas de CHC dans le monde et même de plus de 80 % des CHC dans les zones où la prévalence de l’AgHBs est élevée [50]. Au Sénégal, zone de forte endémie, près de 60 % des enfants âgés de moins de 5 ans ont déjà été en contact avec le VHB [85]. Or plus le sujet est jeune lors du contact avec le virus plus il a de risque de devenir porteur chronique du VHB. On estime entre 11 et 17 % le taux de porteurs chroniques du VHB au Sénégal selon des études nationales [83] et internationales [90]. La vaccination contre l’hépatite B est un moyen sûr et efficace de prévenir l’infection par le VHB. Elle a été recommandée depuis 1991 par l’OMS mais ce n’est qu’à partir de 2001 que le Sénégal l’a introduit dans le Programme Elargi de Vaccination (PEV). Trois injections sont ainsi administrées à 6, 10 et 14 semaines [85]. Malgré l’existence de ce vaccin, le nombre de porteurs chroniques reste élevé dans le monde et particulièrement au Sénégal.
Historique
Le virus de l’hépatite B a été découvert en 1963 lorsque Blumberg, généticien travaillant au National Institute of Health aux Etats-Unis, met en évidence une réaction entre le sang d’un patient polytransfusé et celui d’un aborigène australien [44]. Travaillant alors sur le polymorphisme des lipoprotéines, il pense avoir découvert une nouvelle variété qu’il dénomme « Antigène Australia ». Ce n’est qu’après plusieurs études, en 1967, que cet antigène a été rattaché à une hépatite virale. En 1970, David Dane identifia dans le sérum des porteurs de l’antigène Australia une particule de 42 nm en cocarde et l’appelle « particule de Dane » [13]. En 1976, Blumberg reçut le prix Nobel de médecine pour la découverte de cet antigène plus tard appelé Antigène HBs [58].
Le virus de l’hépatite B
Taxonomie
Le virus de l’hépatite B appartient à la famille des hepadnaviridae, au genre des orthohepadnavirus et au groupe des hepadnavirus [33, 46]. Il s’agit d’un virus de petite taille, enveloppé, à tropisme hépatique, partiellement bi caténaire et dont la capside est icosaédrique [89].
Particules du VHB
Il existe trois types de structures virales :
❖ les sphères et les bâtonnets [58, 99] qui sont des particules subvirales non infectieuses mesurant respectivement 22 nm et 100 nm. Ces particules vides ne contiennent que les protéines de surface M et S du VHB et peuvent atteindre une concentration de 10¹² particules par mL.
❖ les particules de Dane [26, 99] qui correspondent aux virions complets infectieux sont des structures sphériques d’environ 42 nm de diamètre qui circulent dans le sang et peuvent atteindre une concentration de 10¹⁰ particules/mL chez certains patients. Elles se composent:
– d’une enveloppe lipoprotéique d’origine cellulaire dont la surface présente trois protéines virales : la protéine S (protéine de surface), la protéine M (protéine moyenne) et la protéine « L » de grande taille ;
– d’une nucléocapside centrale qui est formée de protéines antigéniques portant l’Ag de capside (AgHBc) et l’AgHBe ;
– du génome viral du VHB qui se trouve à l’intérieur de la nucléocapside et qui est associé de façon covalente à la polymérase virale responsable de la transcription inverse et de l’activité ADN polymérase.
Propriétés physico-chimiques
Le VHB est un virus résistant. A l’extérieur de l’hôte, il survit dans le sang plusieurs semaines. Il s’agit du seul virus capable de résister pendant 7 jours à 25°C dans l’environnement. L’infectiosité d’un sérum contaminé est stable à 37°C pendant 60 minutes et à 56°C pendant 30 minutes et persiste pendant des années à -70°C. Le VHB est sensible à l’hypochlorite de sodium à 5 %, à l’éthanol à 70 %, au glutaraldéhyde à 2 % et au formaldéhyde. L’infectiosité est cependant détruite après quelques minutes à 100°C. L’AgHBs n’est pas détruit par l’exposition des produits sanguins aux UV [27, 29].
Le génome du VHB
Le génome viral, contenu dans les particules de Dane, est un ADN circulaire de 3200 paires de base partiellement double brin appelé ADN-RC [46, 58].
Le brin négatif de l’ADN-RC long et complet qui contient tout le patrimoine génétique du virus est le brin transcrit. Le brin positif est incomplet. Il s’étend sur deux tiers du génome et n’est pas transcrit [99]. La circularité du génome est assurée par la cohésion au niveau de l’extrémité 5’ de chacun des deux brins. Dans le noyau de l’hépatocyte, l’ADN viral se présente sous forme d’une molécule circulaire, super enroulée et fermée de façon covalente (cccDNA : Covalently Closed Circular DNA ou ADNccc). Cet ADNccc sert de matrice pour la synthèse des ARN messagers viraux. Il est extrêmement stable et persiste sous forme épisomique à l’intérieur des hépatocytes et d’autres cellules permissives. L’ADNccc est à l’origine du portage chronique ainsi que des phénomènes de réactivation [43, 80, 104].
L’organisation du génome
Les cadres de lecture
Le génome du VHB contient quatre cadres de lecture ouverts (ORF : Open Reading Frame) [58, 70] chevauchants répartis sur le brin négatif :
– l’ORF P couvre près de 80 % du génome et chevauche au moins partiellement tous les autres ORF. Il contient le gène de la polymérase virale ;
– l’ORF préS1/préS2/S contient les gènes des 3 protéines de surface et 3 codons d’initiation (AUG) permettant ainsi la traduction de chacune de ces protéines ;
– l’ORF préC/C : contient les gènes de la protéine core (protéine de capside ou AgHBc) et de la protéine précore (AgHBe) ainsi que 2 codons d’initiation permettant la traduction de chacune des protéines ;
– l’ORF X est le plus petit et contient le gène de la protéine X [99].
La variabilité du génome
La réplication du VHB fait intervenir une transcriptase inverse, qui ne possède pas d’activité 3′ 5′ exonucléasique et ne corrige donc pas les erreurs de transcription. Le taux d’erreur de cette enzyme, favorisé par l’important niveau de production du VHB (environ 10¹¹ virions par jour), est estimé à 10¹⁰ paires de bases par jour. Il en résulte deux types de variants. Les premiers sont défectifs et ne peuvent se multiplier tandis que les autres possèdent une séquence proche de celle de la souche sauvage avec laquelle ils coexistent dans un état d’équilibre. Généralement moins viables que le virus sauvage, les variants ne peuvent évoluer en population majoritaire que lorsqu’une pression sélective défavorise la souche sauvage.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Historique
II. Le virus de l’hépatite B
II.1. Taxonomie
II.2. Particules du VHB
II.3. Propriétés physico-chimiques
II.4. Le génome du VHB
II.4.1. L’organisation du génome
II.4.1.1. Les cadres de lecture
II.4.1.2. La variabilité du génome
II.4.1.3. Les sous types du VHB
II.4.1.4. Les génotypes et sous génotypes du VHB
II.5. Les protéines virales
II.5.1. Les protéines d’enveloppe
II.5.2. Les protéines de capside
II.5.3. La polymérase virale
II.5.4. La protéine X
II.6. La multiplication virale
III. Epidémiologie
III.1. Situation épidémiologique
III.1.1. Zones de forte endémie
III.1.2. Zones de moyenne endémie
III.1.3. Zones de faible endémie
III.2. Mode de transmission du VHB
III.2.1. La transmission sexuelle
III.2.2. La transmission parentérale/percutanée
III.2.3. La transmission verticale
III.2.4. La transmission horizontale
IV. Pouvoir pathogène du VHB
IV.1. Histoire naturelle de l’hépatite chronique
IV.2. Les co-infections
IV.2.1. La co-infection VHB/VHD
IV.2.2. La co-infection VHB/VHC
IV.2.3. La co-infection VHB/VIH
IV.3. Evolution
IV.3.1. Complications
IV.3.1.1. La cirrhose
IV.3.1.2. Le carcinome hépatocellulaire
IV.3.2. Surveillance
V. Diagnostic paraclinique de l’hépatite B
V.1. Diagnostic au laboratoire
V.1.1. Diagnostic direct
V.1.1.1. Culture du virus
V.1.1.2. Microscopie électronique
V.1.1.3. Recherche des antigènes viraux
V.1.1.4. Détection du génome et de l’ADN polymérase
V.1.2. Diagnostic indirect
V.1.3. Interprétation des marqueurs sérologiques
V.1.4. Cinétique des marqueurs biologiques au cours de l’hépatite B chronique
V.2. La ponction biopsie hépatique
V.3. Les marqueurs non invasifs de la fibrose
V.3.1. Les scores biologiques
V.3.2. Les méthodes physiques
V.4. L’échographie
V.5. Les autres examens biologiques
VI. Le traitement de l’hépatite chronique B
VI.1. Traitement curatif
VI.1.1. Buts
VI.1.2. Moyens
VI.1.2.1. Les immunomodulateurs
VI.1.2.2. Les antiviraux
VI.1.2.3. La transplantation hépatique
VI.1.3. Indications
VI.1.4. Surveillance du traitement
VI.2. Traitement préventif
VI.2.1. Mesures générales
VI.2.2. Immunothérapie passive par les immunoglobulines spécifiques anti HBs
VI.2.3. Vaccination contre l’hépatite B
CONCLUSION