Le 20ème siècle
L’émergence de la psychanalyse a beaucoup modifié l’approche des troubles mentaux de l’enfant. L’œuvre de Freud va jouer un rôle fondamental, décrivant le psychisme de manière novatrice et bouleversante concernant tout spécialement l’enfant. Les auteurs du 19ème comme ceux du début du 20ème siècle qui s’occupaient des troubles mentaux de l’enfant ne se sont pas souciés de nosologie et leurs descriptions cliniques étaient empreint d’un adulto-morphisme : la démence précocissime décrite en 1905 par S. de Sanctis par analogie avec la démence précoce des sujets jeunes de Kraepelin en est un exemple. Cependant, en 1888, Paul Moreau de Tours écrit « La folie chez les enfants » qui est un traité de psychiatrie infantile. C’est une véritable innovation. H.Emmighaus publie en 1887 un livre consacré aux « Troubles psychiques de l’enfant ». Les maladies mentales de l’enfant y sont décrites comme ne pouvant être comparées à celles de l’adulte, et il est nécessaire que ces deux domaines soient scientifiquement séparés. La pédopsychiatrie se détache d’un adulto-morphisme plaquant à tort la maladie de l’enfant sur celle de l’adulte. Elle s’individualise par rapport à la psychiatrie générale. Le terme de schizophrénie infantile est appliqué pour la première fois à l’enfant par Potter. Le mouvement psychanalytique, dont les bases sont essentiellement psychogénétiques, a contribué au réarrangement du concept de schizophrénie. Certains auteurs comme Ajuriaguerra, Diatkine et Lebovici préfèrent la notion d’ « états psychotiques » à la place de schizophrénie. Le terme de psychose précoce est réservé aux psychoses s’installant durant la première enfance et au début de la seconde enfance. Le terme de schizophrénie s’appliquant aux cas plus tardifs où l’on observe une déstructuration de la personnalité. L’histoire récente des psychoses infantiles est marquée par l’introduction en 1943 de l’autisme infantile précoce, décrit par Kanner, qui constitue une entité particulière sur laquelle s’accorde la plupart des psychiatres d’enfants. En France, l’acte de naissance de la psychiatrie infantile est signé officiellement en 1925 avec la création de la clinique de neuropsychiatrie confiée à Georges Heuyer qui a consacré sa thèse de doctorat en médecine aux « Enfants anormaux et délinquants juvéniles ». En 1948, il devient titulaire de la première chaire de psychiatrie infantile. Les psychanalystes d’enfants ont joué essentiel dans l’étude et la connaissance du développement de l’enfant. En dehors de sa portée thérapeutique, la psychanalyse a une valeur pédagogique. L’œuvre freudienne a complètement modifié l’approche des troubles mentaux de l’enfant. Son invention a une telle importance que certains auteurs considèrent qu’elle a signé l’acte de naissance de la psychiatrie de l’enfant. Freud reconstitue la vie instinctuelle de l’enfant par la connaissance qu’il en a, grâce aux cures psychanalytiques de ses patients adultes, qu’il s’agisse de la découverte du sens des rêves, de celle du complexe d’Œdipe, de l’angoisse de castration, de la scène primitive et la reconnaissance de la sexualité infantile. Aussi depuis sa publication sur la théorie sexuelle, la prise en compte de la sexualité infantile devient centrale dans le travail clinique en pédopsychiatrie. Freud a montré l’importance du milieu familial et des relations précoces avec les parents dans la genèse des symptômes de l’enfant et de l’adolescent (le cas du petit Hans en est une illustration). Ainsi, la pédopsychiatrie ne se limite plus comme dans le passé aux seuls déficients mentaux mais s’étend au nourrisson, au petit enfant et à l’adolescent. Son champ d’action est vaste, allant des relations précoces mère-enfant difficiles aux pathologies de l’adolescence.
Recommandations
Le bilan des consultations nous a permis de mettre en évidence un certain nombre de difficultés constituant un obstacle à la prise en charge. Il s’agit essentiellement du manque de personnel spécialisé, de la faible implication de l’école dans la référence, du délai tardif de la consultation par rapport au début des troubles, des conceptions culturelles de certaines maladies comme l’épilepsie retardant le diagnostic et cette tendance à la non dénonciation et au camouflage en cas d’abus sexuel. Pour toutes ces raisons, nous avons proposé quelques recommandations pour l’amélioration de la prise en charge :
– Encourager la formation de pédopsychiatres, psychologues, psychomotriciens, psychopédagogues, orthophonistes.
– Associer l’école au repérage précoce des troubles par la formation des enseignants et des médecins scolaires.
– Sensibiliser la population pour la connaissance des troubles et des possibilités de soins.
– Dédramatiser certaines pathologies telles que l’épilepsie et le retard mental où beaucoup de considérations culturelles compliquent la prise en charge.
– L’irréversibilité du retard mental une fois installé et l’inefficacité des traitements médicaux doivent encourager la prévention.
– Renforcer les dispositifs sociaux et judiciaires de prévention et de protection de l’enfance contre les maltraitances (abus sexuel, violence physique…).
– Mettre en place une pédopsychiatrie de liaison avec la pédiatrie.
– Renforcer et rendre accessibles les structures prenant en charge les handicapés mentaux telles que les classes spécialisées.
– Décentraliser les soins dans les régions à travers des équipes mobiles.
Conclusion
Le bilan d’activités du service de pédopsychiatrie du CHNPT de l’année 2009 effectué en utilisant certaines variables recueillies dans les dossiers, et dont les caractéristiques ont été déterminées à l’aide du logiciel Excel 2007, nous a permis de dresser le profil épidémiologique et clinique de la population consultante et de mettre en évidence un certain nombre de difficultés rencontrées dans la prise en charge. Au terme de notre étude, il apparaît des variables discriminantes plusieurs fois soulevées dans la littérature : le fait d’être de sexe masculin et l’aîné de sa famille augmente la probabilité de consulter en pédopsychiatrie. Egalement, la demande de consultation plus importante chez la fille que chez le garçon à l’adolescence plusieurs fois constatée dans la littérature a beaucoup attiré notre attention. Une étude plus approfondie prenant en compte l’aspect biologique et socioculturel pourrait peut être nous permettre de mieux comprendre ce phénomène. Par ailleurs, le fait que la mère accompagne le plus souvent le patient dans la consultation montre le rôle déterminant et central de cette dernière sur la prise en charge. Le manque de spécialistes intervenant en pédopsychiatrie représente un facteur limitant pour une prise en charge efficiente. La bonne coordination de l’activité des différents acteurs est indispensable à l’efficacité du traitement. La méconnaissance des troubles et certaines considérations socio culturelles ont souvent tendance à retarder la consultation en milieu spécialisé. Or, la précocité diagnostique et thérapeutique engage le pronostic. Cependant, l’augmentation de la demande de consultation émanant directement de la famille par rapport à celle retrouvée dans les années précédentes sur des études réalisées à « Ker Xaleyi » où le service médical arrivait en première position pour adresser le patient, reflète un meilleur niveau d’information de la population et donne des espoirs par rapport à la précocité de la prise en charge. Aussi, l’engagement de l’école en matière de santé mentale reste limité, comme le montre le faible taux de référence, malgré le rôle important occupé par l’espace scolaire dans la vie de l’enfant nécessitant des efforts de sensibilisation à faire à ce niveau. L’abus sexuel mérite qu’on y prête plus d’attention. Il faut correctement gérer les patients en luttant contre tous les obstacles : transcender les tabous, dénoncer les auteurs et protéger les victimes sur le plan médico-psychologique et juridique. L’épilepsie est le diagnostic le plus fréquent de notre étude. Son pronostic est aggravé par ses conséquences cognitives et comportementales. Sa prise en charge correcte contribue à diminuer la morbidité en pédopsychiatrie. Elle reste encore une maladie inconnue, rendue mystérieuse par certaines croyances traditionnelles. Il convient de dédramatiser un certain nombre de tabous en rapport avec cette pathologie telles que la contagiosité, l’incurabilité, la possession par le « rab » etc., et encourager la prise en charge précoce. Finalement , nous pouvons dire que la sensibilisation des différents acteurs intervenant dans cette catégorie infanto-juvénile (enseignants, médecins scolaires, pédiatres, médecins généralistes) ; l’information de la population sur les troubles de l’enfance et les possibilités de prise en charge en pédopsychiatrie ; la démystification de certaines pathologies encore restées inconnues en raison d’interprétations mystiques basées sur des croyances anciennes ; la formation de pédopsychiatres, d’orthophonistes, de psychologues, de psychomotriciens, de psychopédagogues ; le fait de prévenir les maladies dont les causes sont accessibles à la prévention et le renforcement des dispositifs de protection contre les maltraitances en général et l’abus sexuel en particulier constituent des conditions indispensables à une prise en charge efficiente en pédopsychiatrie.
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Table des matières
Introduction
PREMIERE PARTIE : RAPPELS HISTORIQUES
1. Histoire de la pédopsychiatrie dans le monde et en France
1.1 La Préhistoire
1.2 Le 19ème siècle
1.3 Le 20ème siècle
2. Histoire de la pédopsychiatrie au Sénégal
2.1 Historique du service de ”Keur Xaleyi”
2.2 Aspects traditionnels des troubles mentaux de l’enfant
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DE L’ETUDE
1. Méthodologie
1.1 Objectifs
1.1.1 Objectif général
1.1.2 Objectifs spécifiques
1.2 Cadre d’étude
1.3 Type d’étude
1.4 Période d’étude
1.5 Population d’étude
1.6 Moyens d’étude
1.7 Limites de l’étude
2. Présentation des résultats
RESULTATS
2.1 La population
2 .2 Les caractéristiques sociodémographiques
2.2.1 Le sexe
2.2.2 L’âge couplé au sexe
2.2.3 L’ethnie
2.2.4 Le lieu de résidence
2.2.5 La nationalité
2.2.6 Le rang dans la fratrie
2.2.7 Le statut matrimonial des parents
2.2.8 Le niveau de scolarisation
2.2.9 La référence
2.2.10 L’accompagnant
2.3 Les caractéristiques cliniques
2.3.1 Le délai de la 1ère consultation par rapport au début des troubles
2.3.2 Le motif de consultation
2.3.3 Le diagnostic
2.3.4 Le diagnostic selon le sexe
2.3.5 Le diagnostic selon l’âge
DISCUSSION
3. Discussion
3.1 Analyse et commentaires
3.1.1 Données sociodémographiques
3.1.2 Données cliniques
3.2 Recommandations
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes
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