Introduction
Avant de débuter ce travail nos connaissances concernant les concepts en lien avec notre thématique de recherche étaient très peu développées, tant au niveau des opportunités de développement professionnel (formations continues, Master,…) qu’au niveau des définitions des différents concepts en lien avec la formation et le métier de TRM. En effet, dans le cadre de nos études, nous avons pu constater que les informations fournies concernant les opportunités de développement professionnel futures sont très limitées. C’est une des raisons pour laquelle nous avons décidé d’investiguer ces dernières dans notre travail. Nous savons qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de possibilité d’effectuer un Master en technique enradiologie médicale en Suisse, mais que cela est possible dans d’autres pays, tel que la Finlande (Pakarinen & Jussila, 2006, p. 211). A contrario, nous savons qu’il existe des possibilités de spécialisation, de formation continue et post-Bachelor en Suisse, grâce à nos formations pratiques sur les différents lieux de stage et à nos recherches personnelles sur le sujet.
Nos recherches dans la littérature existante autour de notre thématique nous ont amenés à structurer notre travail en différents points. Tout d’abord, nous avons choisi de définir les différents concepts en lien avec notre sujet, tels que la profession et la professionnalisation en se rapportant au monde des TRM. Ces lectures nous ont également amenés à définir le processus de Bologne dans lequel se situent les HES.
Cette démarche nous a permis d’identifier des liens entre ces différents concepts et d’aboutir à une question de recherche. A partir de cette dernière, nous avons pu mettre au point une méthodologie afin de répondre à cette question. Il est important de noter que les liens entre les notions de profession, de professionnalisation et le processus de Bologne sont d’actualité. En effet, la formation TRM de type HES n’est présente en Suisse romande que depuis 2002 (Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé, 2005, p. 5).
Définition de la professionnalisation
Selon Vollmer et Mills (1966), la professionnalisation est un processus dynamique où l’on peut observer des modifications dans l’activité professionnelle dans le but d’atteindre le statut de profession [traduction libre] (Sim & Radloff, 2009, p. 204). Elle est considérée comme étant un élargissement des connaissances professionnelles grâce à des travaux de recherche effectués par les professionnels (Cowell, 1999 ; Ellis, 2001 ; Scutter, 2003, cités par Sim & Radloff, 2009, p. 205). De plus, Sim et Radloff (2009) décrivent la professionnalisation comme l’envie des professionnels d’augmenter leurs responsabilités avec des formations continues ou pratiques avancées en élargissant leur rôle (p. 204). Le but de la professionnalisation d’un métier est d’atteindre le statut de profession (Sim & Radloff,2009, p. 204).
Le produit du processus de la professionnalisation est la professionnalité. Cette dernière est définie comme étant « un ensemble de compétences reconnues socialement comme caractérisant une profession » (Curie, J, 1998, p. 69). Selon nous, la professionnalité peut être comprise comme étant les compétences atteintes au travers de la professionnalisation.
Définition de la profession
Selon Yielder et Davis (2009), la profession est un groupe autodiscipliné d’individus se montrant au public comme ayant une habileté spécifique obtenue au travers d’un apprentissage ou d’une formation et qui sont préparés à exercer cette habileté avant tout dans l’intérêt d’autrui (p. 346). Ces mêmes auteurs définissent la profession comme un ensemble de connaissances et habiletés spécifiques et un engagement à un haut standard de service. Elle doit de plus posséder une autorégulation et de l’autonomie, mais aussi des standards de comportement éthique (p. 346).
Une profession doit être perçue comme étant en développement constant (Downie, 1990, cité par Yielder et Davis, 2009, p. 346). D’après Freidson (1994), le métier de TRM est une profession émergente qui peine à remplir les critères de professionnalisation permettant d’être considérée et reconnue comme une profession en tant que telle. (Yielder & Davis, 2009, p. 347). De plus, selon Yielder et Davis (2009), bien qu’une partie de ces critères soit en vue d’être atteinte grâce aux formations post-Bachelor, aux formations continues et à la recherche, l’autonomie des TRM est toujours limitée par les médecins (p. 347).
Quelles sont les causes de non-professionnalisation chez les TRM ?
De nombreux auteurs exposent qu’une des causes du manque de professionnalisation des TRM provient du fait que beaucoup de leurs connaissances sont basées sur des recherches ayant été effectuées par d’autres professionnels, tels que les médecins et les physiciens (Adams & Smith, 2002 ; Challen, Kaminski, & Harris, 1996 ; Law, 2004 ; Nixon, 2001, cités par Sim & Radloff, 2009, p. 205). Selon Nixon (2001), c’est pour cette raison que les TRM sont souvent caricaturés comme étant des techniciens passifs utilisant les créations des autres (p. 31).
Les raisons du manque d’implication dans la recherche sont un manque de compréhension du processus de recherche, de temps, d’aide financière et de soutien hiérarchique, ainsi qu’une mauvaise attitude envers la recherche et une résistance au changement (Challen, Kaminski, & Harris, 1996 ; Nixon, 2001 ; Scutter, 2003 ; Sim, 2000, cités par Sim & Radloff,2009, p. 205).Cette résistance au changement a aussi comme conséquence un non-désir, de la part des professionnels, d’élargir leurs responsabilités et leur rôle à l’aide de formations continues (Sim & Radloff, 2009, p. 206). Ce manque d’intérêt a été mis en évidence par une étude effectuée part «The Australian Institute of Radiography» en 2005, mettant en avant que seul 31% des membres de cette institution ont participé volontairement à des formations continues.
Cette institution a effectué une nouvelle étude en 2007, montrant que malgré la mise en place d’un système de formations continues obligatoires, seul 77% des membres y ont participé (Sim & Radloff, 2009, p. 205). Un autre aspect qui décourage les TRM de s’impliquer dans des formations continues est une culture protocolaire n’incitant ni à l’autonomie (Sim, 2006, cité par Sim & Radloff, 2009, p. 205) ni à la mise en place de bonnes pratiques (Sim, 2000, cité par Sim & Radloff, 2009, p. 206).
Cette culture caractérise les TRM comme étant des «followers, not thinkers» dans la littérature (Sim, 2002, cité par Sim &Radloff, 2009, p. 205). De plus, Baird (1998) exprime que les TRM eux-mêmes ne voient pas leur activité professionnelle comme étant celle d’une «vraie profession», mais plutôt comme étant peu exigeante intellectuellement, ceci ne les poussant pas à développer leur rôle (Sim & Radloff, 2009, p. 206).
D’après Bolderston (2005), un aspect supplémentaire bloquant les TRM dans le développement de leur rôle est dû au fait que les professions paramédicales (professionnels de la santé n’ayant pas le titre de médecin) cherchant à élargir leur rôle se retrouvent souvent à bouleverser l’équilibre traditionnel avec leurs collègues médecins [traduction libre] (Yielder & Davis, 2009, p. 347). Ceci en s’appropriant une partie de leur rôle (Waterstram-Rich et al. 2011, p. 245), comme par exemple le cas de certains TRM anglais, appelés «advanced practitioner », pouvant poser un diagnostic (Hogg, P., communication personnelle [Présentation PowerPoint], n.d.).De plus, un manque de reconnaissance au sein du monde médical et du public pousse les TRM à se sous-estimer et/ou à se dénigrer causant ainsi de l’apathie. (Australian Institute of Radiography, Annual General Meeting, 2004 ; Baird, 1998 ; Egan & Harper, 2005 , cités par Sim & Radloff, 2009, p. 205). Selon nous, le public peut difficilement nous reconnaître étant donné qu’il ne connaît pas ou peu l’existence du métier de TRM.
Selon Cowling (2008), ce manque de reconnaissance est dû aux multiples appellations des professionnels, particulièrement dans la langue anglaise, et aux différences internationales concernant le rôle professionnel (p. e29). Yielder et Davis (2009) expliquent que l’apathie causée par ce manque de reconnaissance et la résistance au changement peuvent être perçues comme étant un mécanisme de défense causé par une peur de sortir de leur zone de confort, d’aller vers l’inconnu ou de se sentir mal à l’aise face au changement (p. 349).
Dans le cadre de nos recherches, nous avons pu constater que selon une majorité d’auteurs, les TRM n’atteignent pas encore les critères de professionnalisation, et donc ceux d’une profession. Par exemple, Nixon (2001) exprime le fait que les TRM sont considérés comme étant des semi professionnels, bien que des progrès aient déjà été effectués. Selon lui, plus doit être fait pour rendre la profession «vraiment» professionnelle. De plus, cette même majorité d’auteurs émet des idées afin de combler ces «lacunes» .
Solutions proposées par les auteurs afin de pallier aux causes de non professionnalisation
D’une part, les auteurs mentionnent l’importance d’adopter une attitude réflexive sur leur rôle. D’après Ghaye & Lillyman (2000), cette attitude permettrait tout d’abord d’aider les TRM dans la concrétisation de leur rôle, en mettant en avant les bonnes pratiques, dans le but d’améliorer les performances cliniques (Sim & Radloff, 2009, p. 206), mais aussi d’augmenter la confiance en, et l’estime de, soi (Bolton, 2001 ; Colyer, 1997 ; Gold, Rodgers, & Smith, 2002, cités par Sim & Radloff, 2009, p. 206). D’autre part, Clouder (2002) explique que cette réflexivité permettrait aux TRM de se détacher de la culture protocolaire au sein de leur travail (Sim & Radloff, 2009, p. 206). D’après plusieurs auteurs, les professionnels doivent donc avoir une réflexivité critique et questionner les présuppositions existantes, afin de développer de l’expertise dans une profession (Glaze, 1998 ; Mezirow, 1991 ; Schön, 1983, 1987 ; Yielder, 2004, cités par Yielder & Davis, 2009, p. 345). Pour Yielder et Davis (2009), cette culture de réflexivité devrait être intégrée dès le début de leur carrière, dans le processus éducatif des étudiants TRM (p. 348).
De plus, il avait été mentionné par Baird en 1998 que les universités et les organisations professionnelles devraient travailler ensemble pour encourager la réflexivité. (Sim & Radloff, 2009, p. 206). Cowling (2008) dit que l’éducation est la clé du développement professionnel (p. e29), qui d’après les auteurs cités ci-dessus, se réalise au travers de l’apprentissage d’une attitude réflexive. Finalement, un autre aspect essentiel permettant d’atteindre une partie des critères de la professionnalisation est la recherche.
Cowling (2008) exprime également que cette dernière aide à la reconnaissance du métier, par le biais de publications d’articles scientifiques, encouragée par les écoles et le système éducatif (p. e31). Il faut adopter une culture qui encourage la participation, l’ouverture d’esprit et le partage de la bonne pratique tout en valorisant l’éducation et la recherche (College of Radiographers, 1999, cité par Nixon, 2001, p. 33). En effet, le « Code of Professional Conduct, College of Radiographers » (1994) explicite qu’il est du devoir des TRM de développer leur pratique, de s’engager dans la recherche et de s’investir dans la recherche d’autres TRM (Nixon, 2001, p. 31).
Ceci afin que les TRM fassent activement partie de leur profession plutôt que d’être passifs (Yielder & Davis, 2009, p. 347).Dans le cadre du métier de TRM, la recherche serait par exemple bénéfique pour l’amélioration de l’imagerie médicale et une plus grande efficacité dans les traitements radiothérapeutiques. Ces recherches, effectuées par des TRM permettraient un élargissement des connaissances professionnelles, participant ainsi à la professionnalisation du métier (McKenna, O’Neill, & McIntyre, 1995).
La recherche à des fins de professionnalisation connaît depuis quelques années une montée en puissance (Cros, 2006, p. 12), dans le cadre de la formation, où « elle constitue un outil de formation et comme tel, son processus est plus important que le produit, dans la mesure où elle génère un rapport à la pratique professionnelle plus fluide, plus à distance. » (Cros, 2006, p. 12).De plus, Cros (2006) précise que la recherche permet le développement de la professionnalité par le biais de l’acquisition de nouvelles connaissances. Grâce à la recherche à des fins de professionnalisation « la production de représentations différentes du métier, d’une ouverture […] face à un terrain vu jusque-là comme une fermeture où il fallait toujours faire de la même façon » (p. 12) est possible.
Ceci met en avant l’importance de la recherche dans la distanciation des TRM face à la culture protocolaire, mais aussi dans le développement d’une attitude réflexive. Il nous paraît important de mentionner que la majorité des articles de recherche que nous avons utilisés pour mettre en avant les causes de non-professionnalisation des TRM sont d’origine anglaise ou australienne. Dans ces deux pays, la formation TRM est de niveau universitaire depuis au moins le début des années 1990 (The University of Sydney : faculty of health sciences, 2011, p. 3 et Study Portals, n.d.).
Les articles que nous avons cités, ont été rédigés une dizaine d’années après la mise en place de la formation Bachelor dans ces pays. Nous pouvons donc corréler ceux-ci avec la formation TRM en Suisse romande, qui est elle aussi mise en place depuis environ une dizaine d’années. Il nous semble également important de préciser que les différentes notions mises en avant ci-dessus par nos recherches, sont visibles uniquement dans le cadre de la pratique professionnelle et non dans la formation.
Définition de la population et de l’échantillon
Ce travail ayant pour intérêt unique les étudiants TRM HES de Suisse romande, effectuant leur nformation à HESAV (Lausanne) et à la HEdS (Genève), il semblait dès lors logique de définir la population comme étant ces mêmes étudiants. Cependant, notre échantillon de population n’a pas pris en compte tous les étudiants TRM HES, mais uniquement les volées de deuxième et troisième année Bachelor. La première raison pour laquelle nous avons décidé d’exclure les étudiants de première année est un manque d’expérience professionnelle de ces derniers.
En effet, la période de récolte de données se situait au début de l’année académique, les étudiants de première année n’avaient donc pas encore effectué de formation pratique dans le cadre de leur formation Bachelor. Selon nous, il aurait été difficile pour eux d’avoir et/ou d’exprimer des attentes de développement professionnel sans avoir une vision du monde professionnel TRM. La seconde raison qui nous a poussés vers ce choix est une incertitude quant à l’aboutissement de leur cursus pour un certain nombre d’entre eux.
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Table des matières
Introduction
Le processus de Bologne
Profession et professionnalisation dans le monde des TRM
Définition de la professionnalisation
Définition de la profession
Quelles sont les causes de non professionnalisation chez les TRM ?
Solutions proposées par les auteurs afin de palier aux causes de non professionalisation
Quels liens entre les différentes notions ?
Opportunités de développement permises exclusivement par une formation Bachelor
Question de recherche
Méthodologie
Choix de la méthode : enquête par questionnaire
Définition de la population et de l’échantillon
Considérations éthiques
Elaboration du questionnaire
Résultats
Taux de participation
Analyses descriptives
A. Attentes de développement professionnel à 5 ans des étudiants TRM HES
B. Données sociodémographiques
C. Formations antérieures et expérience professionnelle des étudiants
D. Niveau d’information des étudiants sur les opportunités de développement permises exclusivement par la formation de niveau HES
E. Conscience des étudiants vis-à-vis de l’impact potentiel de la recherche dans le monde TRM
F. Conscience des étudiants vis-à-vis de l’influence de la professionnalisation sur un métier de manière générale et sur le métier de TRM
G. Conscience des étudiants vis-à-vis de l’impact de la formation Bachelor sur la professionnalisation du métier de TRM
Analyses croisées
Influence du contexte socio-culturel sur les attentes de développement professionnel des étudiants TRM HES
Corrélation entre nos variables et les attentes de développement professionnel des étudiants TRM HES
Stephanie de Labouchere & Yann Cottier
Discussion
Réponse à la question de recherche
Sur le plan de l’analyse descriptive
Sur le plan des analyses croisées
Contexte socio-culturel
Corrélation entre nos variables et les attentes de développement professionnel des étudiants TRM HES
Limites
Conclusion
Références
Annexe
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