S’il était demandé à des experts des sciences humaines de définir le mot «culture», chacun d’eux donnerait probablement une définition différente de celle de leurs collègues. La raison est simple, définir la culture est complexe car sa définition est issue de plusieurs disciplines (Kroeber & Kluckhohn, 1952). Selon Baumeister (2010), d’un point de vue biologique et existentiel, la « culture» existe parce qu ‘elle permet aux membres d’un groupe de survivre et de se reproduire. Aussi, la culture n’est pas fixe dans le temps. Elle est un système dynamique bâti sur «des relations, abstraites, mais puissantes qui permettent de rendre la vie plus facile.» [traduction libre] (Baumeister, 2010, p.ll 0). C’est la culture qui organise un système, qui lui, est instauré de sorte à simplifier la vie de tous en société. Cet auteur illustre d’ailleurs la grandeur du système qui a été établi autour de la culture en citant, entre autres comme exemples, les lois, l’argent, le domaine de l’emploi ou encore le langage.
Avec le langage comme point de départ, Baumeister (2010) soutient que la culture est la clé de la nature humaine. Il ajoute que, plus la culture d’un groupe est complexe et sophistiquée, plus les membres de ce groupe seront puissants. Et, en ayant un tel système, les chances d’accomplir de « grandes choses » pour cette société augmentent et, par le fait même, démontre la force de leur système aux autres sociétés.
Bien que les définitions proposées de la culture soient multiples, on retrouve un point commun chez les auteurs en ce qui concerne l’inclusion des concepts de transmission de valeurs, de croyances et de rituels d’ une génération à une autre. De plus, depuis de nombreuses années une définition semble être devenue la référence de plusieurs auteurs du domaine de la psychologie sociale afin de définir la culture soit celle de Kroeber et Kluckhohn (1952) : » La culture se compose de modèles explicites et implicites d’idées historiquement dérivés et de leurs réalisations au sein des institutions, des pratiques et des artefacts. Les modèles culturels peuvent être considérés comme des produits d’action, mais aussi comme des éléments de conditionnement de nouvelles mesures. [traduction libre, p. 357] » .
En somme, la culture peut influencer plusieurs aspects de la vie d ‘ un groupe donné et cette influence peut se refléter à travers le comportement des individus qui la partagent. D’ailleurs, des caractéristiques comportementales distinctes sont attribuables à chaque pays en raison de leur culture et l’une des dichotomisations les plus populaires d’une culture d’un pays est, certes, celle de l’individualisme et du collectivisme (Triandis, 1994).
Produits culturels et culture populaire
Kluckhohn (1954) affirme que la culture est à une société ce que la mémoire est à l’individu. Ainsi, une culture se caractérise par la diversité de ses pratiques et de ses produits culturels. En étudiant ces derniers, ces objets d’ études peuvent nous mener à mieux cerner la psyché d’ une société. Les produits culturels ont été définis comme tangibles et impliquant de multiples représentations partagées de la culture. Ceux-ci incluent la publicité, la télévision, des textes, des lois, des normes de comportement du public, le contenu d’Internet et la langue. Ils sont donc une forme d’ expression de la culture qui s’illustre à travers les individus et qui permet de mesurer la différence culturelle. [traduction libre] (Lamoreaux & Morling, 20 Il , p.300) .
Étudier les produits culturels afin de mieux comprendre la psyché d’un groupe comporte donc des avantages importants pour Morling et Lamoreaux (2008). Plus précisément, les produits culturels ne font pas face à une erreur d’ évaluation ou de jugement qui pourrait être posée par le groupe de référence ou encore par le phénomène de désirabilité sociale. Les produits culturels forgent aussi la façon de penser des individus en ce qui a trait aux normes culturelles et au sens commun. Ces derniers sont aussi nombreux et diversifiés : publicités dans les magazines, la publicité télévisée, les sites web et le contenu des courriels. S’ ajoutent à ces produits, les paroles de chansons, les émissions de télévision ainsi que les livres qui permettent tous d’étudier les perceptions des normes culturelles (DeWall et al., 2011; Petrie, Pennebaker & Sivertsen, 2008 ; Twenge et al., 2012). Finalement, mettre l’accent sur l’étude des produits culturels nous amène, comme le disent si bien Morling et Lamoreaux (2008), à réfléchir « outside- the-head », et ainsi penser à un autre niveau d’analyse.
L’étude des produits culturels nous force, cependant, à émettre une autre précision par rapport à la notion de culture. Bien qu’il soit intéressant d’étudier les artefacts culturels d’un groupe, il est possible de croire que certains artefacts proviennent en fait de la haute ou de la basse culture (Bourdieu, 1979). Comme la culture populaire est intégrée à la culture, ce concept suscite aussi son lot d’ambivalence lorsqu ‘ il est question de le définir. Selon Cuche (2001), la notion de culture populaire fait face à une « ambiguïté sémantique», compte tenu du double sens qui peut être perçu dans chacun des deux termes. Chaque terme peut être amené différemment selon l’appropriation que les auteurs se font du terme « culture» et « populaire ». Généralement, la culture populaire ‘interpelle un groupe d’ individus dans chacune de ses dimensions en ce qui concerne sa création, son industrialisation et sa consommation. Une définition tirée du texte What is popular culture de Storey (2006) explique bien l’ union des deux termes « culture» et « populaire». « La culture populaire est la culture qui provient du peuple. Le terme devrait seulement être utilisé pour indiquer une culture «authentique» du «peuple». C’est la culture populaire comme la culture du peuple pour le peuple. » [traduction libre] (Storey, 2006, p.7). Une façon de décortiquer cette culture populaire, il nous semble, serait d’étudier ses pratiques et ses produits, ce qui intéresse les gens de cette même culture.
À cet effet, Kroeber et Kluckhohn (1952), qui encore aujourd’hui sont reconnus pour leur définition de la culture, traitent des artefacts dans cette dernière. En d’autres mots, les artefacts font référence aux produits culturels issus d’ une culture d’un pays.
Bien que les produits culturels soient maintenant soumis à la société de consommation, il n’en reste pas moins que ceux-ci se distinguent selon la culture à laquelle ils sont intégrés. À cet effet, Morling et Lamoreaux (2008) ont démontré qu’il existe bel et bien des distinctions entre les produits culturels issus de cultures individualistes et collectivistes. Grâce à leur méta-analyse, ceux-ci ont analysé différents produits culturels en les comparants à partir de certaines cultures sélectionnées (ÉtatsUnis, Corée, Japon, Chine, Mexique). En définitive, ces auteurs ont démontré que les produits culturels issus de cultures occidentales (principalement les États-Unis) sont plus individualistes, et moins collectivistes, que les produits culturels issus de cultures collectivistes, par exemple la Corée, le Japon, la Chine ou encore le Mexique.
D’autres chercheurs se sont intéressés à l’individualisme et au collectivisme au sem de leurs études en y effectuant des analyses linguistiques à l’aide de corpus de différents produits culturels comme la musique ou encore la lecture. En se servant des pronoms comme marqueurs de l’individualisme et du collectivisme, il a été possible de mesurer si le produit culturel reflétait les valeurs de leur culture. Par exemple, l’étude de Twenge et al. (2012), portait sur le changement des pronoms au sein de 766 513 livres américains à l’aide de la base de données Google Books ngram. Cette étude qui s’échelonnait des années 1960 à 2008 a mis l’emphase sur la fréquence des pronoms utilisés au sein des textes écrits dans les livres publiés dans différentes décennies.
En somme, il a été possible, à l’aide de la comparaison de la fréquence des différents pronoms, de constater une baisse de 10 % des pronoms de la première personne du pluriel (we,us) et une augmentation de 42 % des pronoms de la première personne du singulier de 1969 à 2008 (I,me) (fwenge et al., 2012). Conséquemment à ces observations, l’étude des pronoms en lien avec l’individualisme et le collectivisme au sein des produits culturels se présente comme un courant prometteur de recherche.
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Table des matières
Section 1 : Introduction générale
Concepts et problématisation
Individualisme et collectivisme
Produits culturels et culture populaire
La musique populaire
Climat social et économique
Problématique de recherche
Section II : Article
Résumé
Problématique de recherche
Méthode
Résultats
Discussion
Section III : Conclusion générale
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