Productivité des sols des exploitations agricoles d’Afrique de l’Ouest
CONTRAINTES DE L’ENTRETIEN DE LA PRODUCTIVITÉ DES SOLS DES EXPLOITATIONS AGRICOLES D’AFRIQUE DE L’OUEST
Dans les systèmes agropastoraux d’Afrique de l’ouest les résidus de récolte disponibles sur les parcelles récoltées au sein des territoires villageois constituent une source capitale de fertilisants organiques pour l’entretien de la productivité des sols des exploitations agricoles (Bationo, 1991). Leur accès est régi par les règles de vaines pâtures instaurées par les autorités traditionnelles qui autorisent la consommation des résidus de récolte par les troupeaux du village et ceux des troupeaux transhumants. Des contrats de fumure entre producteurs pauvres sans troupeaux et producteurs riches détenteurs de troupeaux permettent ainsi des restitutions de fumure sur les parcelles des premiers en échange de résidus. Ces règles et contrats se traduisent par des flux de biomasses (résidus de récolte et fumure organique) et des transferts de fertilité des sols entre exploitations agricoles au sein du territoire villageois (Rufino et al., 2011a).
La croissance démographique rapide observée en Afrique de l’Ouest accompagnée du développement de la traction animale a conduit à une augmentation des surfaces cultivées, des effectifs animaux et à une saturation de l’espace agricole (Breman et Debrah, 2003 ; Dugue et al., 2004 ; Powell et al., 2004). Elle s’est traduite par une réduction des surfaces de pâture, des conflits croissants pour l’accès au foncier et aux résidus de culture et une augmentation de la durée de la transhumance saisonnière hors du territoire villageois réduisant alors les restitutions de fumure pour le territoire (Vall et al, 2006). La disparition associée des contrats de fumure entre les exploitations riches, détenteurs de troupeaux et les exploitations pauvres, sans troupeaux s’est traduite par une accumulation de fertilité sur les parcelles des premiers au détriment des seconds. Comme dans d’autres zones d’Afrique subsaharienne, une baisse de productivité et des bilans négatifs en nutriments de sols sont ainsi observés chez les exploitations pauvres, sans troupeaux (Tittonell et al., 2005 ; Zingore et al., 2007). En effet compte tenu du faible taux d’application moyen de fertilisants minéraux par les exploitations (environ 8 kg.ha-1 CEDEAO, 2006 ; Sanchez, 2002), les quantités de fertilisants minéraux et organiques appliquées par les producteurs ne compensent pas les exportations de nutriments par les cultures (Stoorvogel et al., 1993). Le cout élevé et soutenu de fertilisants minéraux ne laisse pas présager une inversion de cette tendance.
En outre l’augmentation prévue de la variabilité climatique (IPCC, 2012) est susceptible d’accentuer la baisse observée de la productivité des sols (Reij, C., Tappan, 2005, Traore et al., 2013). Des solutions adaptées permettant aux producteurs d’améliorer la productivité des sols par la mobilisation des résidus de récolte, la fumure organique et minérale doivent être explorées. Une importante littérature a décrit les transferts de biomasse, les bilans de nutriments et ses effets sur la fertilité des sols (Manlay et al., 2004 ; Schlecht et al., 2004 ; Autfray et al., 2012) dans les territoires villageois d’Afrique de l’Ouest. Mais rares sont ces études qui ont considérés de façon explicite l’effet spécifique des différents types d’exploitation sur les flux de nutriments à l’échelle du territoire villageois et les bilans associés. Les exploitations agricoles sont différentes du fait notamment leurs capacités de production (aire de culture, taille de la main d’oeuvre, les animaux, le niveau d’équipement) et des objectifs de la production (commercialisation ou autoconsommation) (Eric Vall et al., 2006 ; Tittonell et al., 2010 ; Sanogo, et al., 2010). Ces facteurs socio –économiques déterminent pour une large part les stratégies de mobilisation des résidus de récolte et de la fumure organique disponibles au sein du territoire villageois, et leur effet sur la productivité des sols. La connaissance de ces différentes stratégies développées par les exploitations agricoles est un préalable (i) pour expliquer la variabilité de la productivité des sols et de rendements de cultures des exploitations agricoles.
SYSTÈMES MULTI-AGENTS POUR EXPLORER LES OPTIONS D’AMÉLIORATION DE LA PRODUCTIVITÉ DES SOLS.
Explorer l’effet de changements au sein des systèmes agropastoraux sur les flux de nutriments pilotés par différents types de producteurs et la productivité des sols nécessite une analyse dynamique des interactions à l’échelle de la parcelle, de l’exploitation et du territoire villageois. Plusieurs modèles ont été développés pour analyser l’effet de solutions techniques alternatives sur le fonctionnement des systèmes en Afrique subsaharienne (Andrieu et al., 2012 ; Tittonell et al., 2009). Ces modèles sont centrés sur le fonctionnement de l’exploitation et ne permettent pas d’analyser l’effet contrasté que peut avoir une solution à l’échelle de l’exploitation et du territoire. Les systèmes multi-agents (SMA) par contre sont mieux adaptés pour prendre en compte la dynamique des interactions à différentes échelles. Ce sont des outils puissants permettant d’imbriquer différentes échelles pour analyser les interactions entre une diversité d’acteurs utilisant une ressource commune (Ferber, 1995 ; Bousquet & Le Page, 2004 ; Bah et al., 2003).
Des modèles SMA ont été développés et permettent de simuler notamment la dynamique de carbone à différentes échelles (parcelle, exploitation agricole et territoire villageois) (Belem etal., 2006, Belem et al., 2011). Ces modèles SMA ne simulent toutefois pas les flux de nutriments qui ont lieu entre les différentes exploitations agricoles, source de transferts de fertilité, à l’échelle de territoire villageois d’Afrique de l’Ouest. Le développement d’un modèle multi-agents tenant en compte la diversité des systèmes de production peut (i) permettre de prendre en compte les dynamiques d’évolution de système des exploitations agricoles, (ii) les transferts de fertilité des sols occasionnés par les flux de biomasses entre les différentes exploitations à l’échelle de territoire villageois, et (iii) d’évaluer des scénarios futurs basés sur la gestion durable des résidus de récolte et fumure organique.
APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE GÉNÉRALE
L’étude a été menée dans deux villages du Burkina Faso. Le village de Yilou situé en zone soudano-sahélienne une pluviométrie moyenne de 600 mm par an et par des systèmes de cultures dominés par le sorgho et le mil. Le village de Koumbia situé en zone soudanienne se caractérise par des conditions plus favorables à la production de biomasse avec une pluviométrie moyenne de 900 mm par an. Les systèmes de culture sont dominés par le coton et le maïs qui favorisent l’accès aux intrants par les producteurs. Les deux villages sont densément peuplés par rapport à leur capacité de charge et une forte pression agropastorale se traduisant par une compétition pour l’accès aux résidus de cultures. La démarche méthodologique générale est axée sur trois phases complémentaires. Une première phase de recueil de données de caractérisation, une deuxième phase de développement du modèle multi agents et une troisième phase d’exploration des scénarios de changements au sein des systèmes agropastoraux et de leurs effets sur la productivité de sols des exploitations agricoles. Phase de recueil de données
Des enquêtes collectives (focus groupe) ont été menées dans les deux villages auprès d’une quinzaine de producteurs afin de déterminer les principaux éléments du réel à modéliser (principales zones de pâturage, les principales cultures, les habitats). Des enquêtes individuelles ont été réalisées auprès de 52 et 53 exploitations agricoles de Yilou et Koumbia respectivement en vue de caractériser les exploitations agricoles et décrire les modes de gestion des ressources agropastorales.
Dans chacun de ces villages, le suivi et la quantification des flux de biomasses ont été réalisés de mars 2012 à février 2013 auprès de 12 exploitations regroupées dans 4 types (soit 3 exploitations pour un type) afin de décrire plus finement les flux de biomasses à trois niveaux d’échelle : territoire villageois, exploitation et parcelle. Des échantillons composites de sols (63 à Yilou et 60 à Koumbia) issus des parcelles des exploitations agricoles suivies ont été collectés en 2012 avant le début de la saison des pluies dans chaque village. Les échantillons de sols ont été analysés au laboratoire d’analyse de sol du Cirad pour déterminer leurs teneurs en éléments fertilisants carbone organique du sol, l’azote total, phosphore assimilable, les bases échangeables et le pH eau.
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Table des matières
Remerciements
Abstract
Résumé
Chapitre 1 : Introduction générale
Contraintes de l’entretien de la productivité des sols des exploitations agricoles d’Afrique de l’Ouest
Systèmes multi-agents pour explorer les options d’amélioration de la productivité des sols.
Objectif de la thèse
Approche méthodologique générale
Plan de la thèse
Chapiter 2: Biomass transfers and nutrient budgets of the agro-pastoral systems in a village territory in south-western Burkina Faso
1.Introduction
2.Materials and methods
2.1 Description of the study site and farming systems
2.2 Farm surveys and farm typology
2.3 Quantification of resource flows at farm, farm sub-system and field level
2.4 Grain and crop residue production at field, farm and village levels
2.5 Measurement of the herbaceous aboveground net primary production in rangelands
2.6 Estimation of total animal numbers and feeding requirements
2.7 Partial nutrient balances at farm, farm subsystem and field level
3.Results
3.1 Farm typology
3.2 Feed resources throughout the year
3.3 Resource flows
3.4 Nutrient balances
4.Discussion
4.1 Farm typology
4.2 Availability of feed resources
4.3 Resource flows and nutrient balances
4.4 Role of livestock
Conclusions
Chapiter 3: Soil variability and crop yield gaps in village landscapes of Burkina Faso
1.Introduction
2.Materials and methods
2.1 Site characterization
2.2 Farm and field surveys
2.3 Soil sampling and analyses
2.4 Calculations and data analysis
3.Results
3.1 Crop yield variability across the landscape and farm types
3.2 Diversity of nutrient inputs across farm types and the landscape
3.3 Soil variability
3.4 Yield gaps and resource use efficiency
Discussion and conclusions
Chapitre 4: Exploration des scénarios d’intégration de l’agriculture et de l’élevage sur le fonctionnement des systèmes agropastoraux et la productivité des sols dans le territoire villageois
1.Introduction
2.Matériels et méthode
2.1 Description de la zone d’étude
2.2 Collecte de données et typologie des exploitations
2.3 Processus de développement du modèle multi-agent
2.4 Simulation avec le modèle MASTeR
3.Résultats
3.1 Description du modèle mutli-agent
3.2 Résultats des simulations
4.Discussions et conclusion
4.1 Les performances du modèle
4.2 Effets de scénarios, climatique et d’innovation technique sur la production en grain, en paille et en fumure organique animale
4.3 Effets de scénarios, climatique et d’innovation technique sur la fertilité de sol
4.4 Futur développement du modèle
Chapitre 5 : Discussion générale
Introduction
Les différentes stratégies de gestion de résidus de récolte déterminées par la diversité socio-économique des exploitations agricoles conduisent-elles à des flux et des bilans en nutriments différentiés ?
Les flux et les bilans en nutriments (déterminés par la diversité socio–économique des exploitations agricoles) expliquent-elle la variabilité de la fertilité de sol, les écarts rendements et les efficiences de l’’utilisation des nutriments ?
Le modèle multi-agent permet-il d’analyser les effets d’une baisse de la production de biomasse à l’échelle du territoire villageois et de l’exploitation agricole ?
Force et faiblesse de la démarche et possibilités futures de recherche
Références bibliographiques
Annexes
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