Production océanique : photosynthèse et phytoplancton

Production océanique : photosynthèse et phytoplancton

L’hydrosphère océanique est l’une des composantes clés du cycle biogéochimique du carbone via l’importance des flux à l’interface air-mer de CO2, l’un des principaux gaz à effet de serre, et sa capacité à stocker du carbone dans les sédiments à l’échelle des temps géologiques. L’estimation du puits de carbone océanique est de 2.6 ± 0.5 PgC an-1 (Global Carbon Project 2013), ce qui représente environ 30 % des émissions annuelles de combustibles fossiles dans l’atmosphère, soulignant le rôle central joué par l’océan dans le système climatique global. Ce puits océanique de carbone est le résultat combiné des pompes de carbone physique et biologique .

La pompe physique correspond à l’absorption du CO2 à l’interface air-mer contrôlée par son équilibre thermodynamique et son transport vertical dans l’océan via la circulation thermohaline globale. La pompe biologique de carbone correspond à la transformation, dans la couche euphotique , du CO2 dissous en carbone organique au cours de la photosynthèse. Une grande partie de ce carbone organique est reminéralisée dans la colonne d’eau par les organismes hétérotrophes (zooplancton et bactéries) et seule une faible fraction est piégée dans les sédiments océaniques (environ 0.02 % du carbone organique particulaire synthétisé dans la couche de surface (Bopp et Le Quéré 2009) .

Dans l’océan, elle est réalisée par les organismes phytoplanctoniques, groupe taxonomique comprenant tous les organismes planctoniques photo-autotrophes, majoritairement unicellulaires (Falkowski et al. 2003). Cette production de carbone organique disponible pour le reste de l’écosystème océanique hétérotrophe représente la production primaire et dépend, entre autres, de la disponibilité en azote et phosphore indispensables à la réalisation de la photosynthèse.

L’azote dans l’océan : zones oligotrophes 

La forme majoritaire de l’azote dans l’océan est le diazote (N2) dissous, représentant 94 % du stock d’azote océanique (Gruber 2008). Mais ce N2 demeure non-utilisable par la majorité de la communauté phytoplanctonique. En effet, les formes azotées assimilables par le phytoplancton sont principalement les formes inorganiques dissoutes comme le nitrate (NO₃⁻ ), le nitrite (NO₂⁻)et l’ammonium(NH₄⁺) formant à eux trois l’azote inorganique dissous et dans une moindremesure certaines molécules d’azote organique dissous (Moore et al. 2002; Pustizzi et al. 2004). Les nitrates représentent 88 % de l’azote inorganique dissous (Gruber 2008). Leurs faibles concentrations dans la couche de surface  font des nitrates l’élément limitant la production primaire dans de vastes zones de l’océan ouvert (Capone 2000) et ce même à l’échelle des temps géologiques (Falkowski 1997). Ces zones océaniques pauvres en nutriments et en biomasse phytoplanctonique sont dites oligotrophes (du grec oligos: petit ou peu nombreux et trophein: manger) ou LNLC (« Low Nutrient Low Chlorophyll »), les plus importantes étant les grands gyres subtropicaux du Pacifique, de l’Atlantique et de l’océan Indien .

La fixation de N2 océanique

Au sein du phytoplancton marin, certaines cyanobactéries, appelées diazotrophes ou fixateurs de N2, sont capables de réduire biologiquement le N2 atmosphérique dissous dans la couche de surface en substrat biologiquement utilisable (ammoniaque, NH3) .

Les cyanobactéries diazotrophes possèdent donc un avantage écologique majeur par rapport au phytoplancton non diazotrophe puisqu’elles ne peuvent pas être limitées par la disponibilité en azote. La fixation biologique de N2 a été quantifiée à l’échelle globale pour la première fois en 1970 à la hauteur d’environ 20 TgN.an–1 (Delwich 1970), mais les estimations les plus récentes sont de l’ordre de 52 à 135 TgN.an-1 (Galloway et al. 2004; Codispoti 2007; Gruber 2008; Monteiro et al. 2010; Luo et al. 2012; Eugster et Gruber 2012). Ce processus représente, à l’échelle globale, environ la moitié des apports externes d’azote à l’océan (Gruber 2008 et références internes). Dans certaines régions oligotrophes, la fixation de N2 est responsable d’un apport considérable en azote biodisponible dans la couche de surface, pouvant égaler les apports en NO3- par remontée d’eaux profondes (e.g. Capone et al. 2005). La fixation de N2 contribue ainsi jusqu’à la moitié de la production nouvelle dans les régions oligotrophes du Pacifique subtropical Nord (Karl et al. 1997) et de l’Atlantique tropical Nord (Capone et al. 2005). La fixation biologique de N2 est donc un processus jouant un rôle important dans le cycle biogéochimique du carbone en raison de son apport en azote nouveau stimulant la pompe biologique de carbone .

A l’échelle globale, la fixation de N2 influence fortement le cycle l’azote puisqu’elle permet d’augmenter le stock d’azote biodisponible dans l’océan et ainsi de contrebalancer, au moins en partie, les pertes d’azote biodisponible dues aux processus de dénitrification et d’anammox (anaerobic oxydation of ammonium) ayant lieu dans les régions anoxiques et suboxiques (telles les zones de minimum d’oxygène ou OMZ) (Galloway et al. 2004; Gruber 2004; Kuypers et al. 2005; Deutsch et al. 2007; Gruber 2008; Eugster et Gruber 2012).

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Table des matières

Introduction générale
Contexte scientifique et état de l’art
I. Production océanique : photosynthèse et phytoplancton
II. L’azote dans l’océan : zones oligotrophes
III. La fixation de N2 océanique
IV. Les acteurs de la fixation de N2 océanique
IV.1. Les cyanobactéries diazotrophes filamenteuses
IV. 2. Les cyanobactéries diazotrophes unicellulaires
IV.3. Différentes stratégies de séparation de la fixation de N2 et de la photosynthèse au sein des cyanobactéries diazotrophes marines
IV.4. Distribution spatiale des cyanobactéries diazotrophes marines
IV.5. Importance biogéochimique des UCYN
V. Les facteurs de contrôle de la fixation de N2 océanique
V.1. La température et l’intensité lumineuse
V.2. Le phosphore
V.3. Le fer
VI. Objectifs de la thèse
Méthodologie des expériences en culture au laboratoire
I. Manipulations en conditions « ultra-propres » au laboratoire
II. Choix de l’espèce étudiée
III. Préparation du milieu de culture sans fer-EDTA
IV. Cultures de Crocosphaera watsonii WH8501
V. Les paramètres mesurés dans les cultures
V.1. Abondance cellulaire
V.2. Concentration de chlorophylle a
V.3. Taux de fixation de CO2 et de N2 et contenus cellulaires en carbone et azote
V.4. Dosage des phosphates dans les cultures
Conclusion générale

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