Production du gel de nanocellulose (TOCgel)
Depuis les années 2000, le Canada connaît une crise économique dans son industrie des pâtes et papiers, plus particulièrement dans la production de papiers impressions et de papier journal qui constituent respectivement 40 % et 30 % des papiers fabriqués au Canada. Le schéma suivant représente la distribution des types de papiers fabriqués au Canada (Savard, 2013).
Cependant, la production de papiers au niveau mondial augmente chaque année de 2,5% malgré la forte présence des tablettes numériques, d’internet ainsi que des médias au quotidien. Par contre, cette augmentation n’est pas due à la vente de papiers journaux toujours en décroissance mais au développement de papiers spéciaux, de papiers avec de nouvelles fonctionnalités et des papiers innovants (Mangin, 2012).
De nos jours, les centres de recherche dans le domaine des pâtes et papiers se tournent vers le développement de nouveaux matériaux aux propriétés innovantes à un coût économique raisonnable. Les nanocelluloses sont présentement dans la mire pour élargir le champ des applications des matériaux cellulosiques.
Actuellement, la communauté internationale vise à réduire sa dépendance aux matières plastiques, non dégradables et polluantes. Ces matières engendrent une forte pollution de l’ air lors de leur combustion ainsi qu’une pollution du sol. À partir de ces constatation, il est impératif de développer de nouveaux matériaux d’ emballage moins polluants, plus économiques et biodégradables (Ad bon, 2008).
L’ utilisation de produits à base de nanocellulose devient une bonne alternative pour faire face aux problèmes environnementaux. Leur utilisation est également importante pour contrer l’épuisement futur des ressources fossiles telles que les ressources pétrolières, les émissions de gaz à effet de serre ainsi que les problèmes de recyclage des déchets. La nanocellulose oxydée possède de nombreuses propriétés telles qu’ une surface spécifique élevée, une richesse importante en groupements carboxyliques, en groupements hydroxyles et de forte propriétés mécaniques. De plus, cette dernière est biodégradable, renouvelable, non – toxique et possède une matrice flexible permettant une bonne dispersion des particules.
Les nanocelluloses
Les nanotechnologies et les nanosciences sont l’étude, la fabrication et la manipulation de structures, de dispositifs et de systèmes matériels à l’échelle de moins d’une quarantaine de nanomètres (Futura-Techno, 2001-2013). En pâtes et papiers, la nanotechnologie est associée à deux technologies: les systèmes de rétention et, plus récemment, la nanocellulose. Suite à la crise économique qui a touché le domaine des pâtes et papiers, l’utilisation de nanocellulose est vue comme un vent de renouveau par les centres de recherche et l’industrie (Hubbe et al., 2008). Les nanocelluloses sont des éléments ayant des tailles cellulosiques unitaires de moins de 100 nm dans au moins une dimension. Des études récentes révèlent que les celluloses nanométriques font l’ objet de recherches intensives pour une utilisation potentielle dans une gamme d’applications tels que la biomédecine (Roman et al. , 2009), les biomatériaux (Xing et al. , 2010) et les nanocomposites (Ayuk, Mathew et Oksman, 2009). Un nanocomposite est défini comme une matrice polymère composite dans laquelle les charges sont inférieures à 100 nm dans au moins une dimension. Lorsque les charges ou renforts sont des nanocelluloses, les nanocomposites résultants sont désignés comme des nanocomposites de cellulose ou des composites de nanocellulose.
Jusqu’à présent, l’application de TOCgel comme additifs dans les applications nanocomposites n’a pas encore été exploré. Étant donné que le TOCgel possède de multiple fonctionnalités de surface; préserver l’intégrité structurale de la cellulose et former des suspensions aqueuses transparentes; nous croyons au potentiel de l’utilisation des TOCgel comme renforts dans les nanocomposites.
Description et propriétés
La cellulose est le polymère le plus abondant sur la planète, une ressource inépuisable et biodégradable. Elle constitue plus de 10 tonnes sur la terre dont 80 % sont situés dans la forêt, sa production annuelle est estimée à 1 000 milliards de tonnes (Leroux, 2007). Ce polymère est une longue chaîne linéaire, homogène et constitué de substances macromoléculaires de type polysaccharide. La cellulose est un polymère relié par des liaisons ~-glycosidiques. Cette molécule est composée de cellobiose. Les cellobioses correspondent à deux glucoses inversés de 1800 reliés par une liaison éther ~ (1–+4) . Les molécules de glucose possèdent chacun deux fonctions alcools secondaires sur les carbones 2 et 3 et une fonction alcool primaire sur le carbone 6.
Méthode de préparation des nanocelluloses
Aujourd’ hui de nombreux traitements mécaniques sont connus tels que le raffinage et l’homogénéisation à haute pression, le cryocrushing et le broyage comme procédés de fabrication des MFC. Le prétraitement acide (NCC), le prétraitement enzymatique ou encore l’oxydation TEMPO en milieu alcalin (NFC) sont également des procédés de fabrication des nanofibres de cellulose.
Obtention des celluloses microfibrillaires (MFC)
Le raffinage, dans le domaine des pâtes et papiers, est le traitement mécanique que subissent les pâtes à papiers lorsqu’elles sont en suspension dans l’eau. Généralement, le raffinage à basse consistance s’effectue sur une suspension de pâte à 4 – 6 % avec un raffineur conique ou à disques (Hubbe et al., 2008 ; Nissan, 1984). Cette technique permet de développer la fibre, c’est-à-dire d’augmenter le potentiel de liaison en rendant les fibres plus flexibles et en relâchant des microfibrilles en surface de la pâte.
Pour fabriquer des celluloses microfibrillaires, Nakagaito et Yano (2005) ont traité 30 fois une pâte Kraft dans un raffineur et une fois dans un mélangeur sous haute pression pour obtenir une nanofibrillation de la pâte. À la suite du procédé, les nanofibrilles restent attachées aux fibres. Il existe une limite à l’utilisation de ce procédé: sa consommation en énergie (Hubbe et al., 2008).
Une autre méthode a été développée par Chakraborty et al. qui consiste à raffiner une pâte Kraft sous haute intensité (125000 rpm). Par la suite, une seconde étape est effectuée: le cryocrushing (Miller et Paliwal, 1983). Le « cryocrushing )} consiste à broyer une suspension de pâte qui a été préalablement congelée dans l’azote liquide (Chakraborty, Sain et Kortschot, 2005). Lors de ce procédé, des microfibrilles attachées aux fibres et des microfibrilles libres sont fabriquées. Néanmoins, comme pour le procédé précédent, cette technique de raffinage demande une grande quantité en énergie. Il est toutefois possible d’obtenir des microfibrilles plus minces en combinant l’homogénéisation sous haute pression à d’autres procédés (Hubbe et al., 2008). Ces méthodes restent cependant moins efficaces que les méthodes chimiques.
Obtention des nanocelluloses cristallines (NCC)
La réactivité chimique de la cellulose est gouvernée par la sensibilité de la liaison ~ (1-+4) glycosidique ainsi que par la présence de trois groupes hydroxyles sur chaque unité glucidique. La liaison glycosidique est particulièrement sensible à l’hydrolyse acide et sa rupture entraîne une dépolymérisation. L’importance de la dépolymérisation dépend de la force de l’acide, de sa concentration, de la température et de la durée de la réaction. L’hydrolyse acide des microfibrilles de cellulose permet de préparer les monocristaux de cellulose ou whiskers communément appelés nanocellulose cristalline (NCC). L’acide attaque plus facilement les zones contenant des défauts de structure le long de l’axe principal et permet l’hydrolyse transversale des microfibrilles en monocristaux plus courts mais de même largeur (Orts et al. , 1998). Des microcristaux de polysaccharides ont été préparés par hydrolyse acide contrôlée en utilisant l’acide sulfurique, nous obtenons des suspensions colloïdales aqueuses stables de microcristaux individuels (Dong et Gray,1997). Le traitement à l’acide sulfurique permet d’ éliminer les zones amorphes et d’introduire des groupes sulfates à la surface des cristaux. Le traitement mécanique des celluloses hydrolysées produit alors des suspensions de cellulose microcristalline qui présentent un caractère colloïdal (Dong, Revol et Gray, 1998) et qui, lorsqu’elles sont suffisamment concentrées, présentent l’aspect d’un gel.
Obtention de nanofibres de cellulose par prétraitement enzymatique (NFC)
Il est communément admis dans le domaine des biotechnologies que les bioprocédés recouvrent toutes les mises en œuvre de systèmes vivants ou de leurs constituants dans le but de produire des biens et des services (Boudrant, Guezennac et Monsan, 2007). La production de NFC par bioprocédé est probablement une des méthodes les plus respectueuses pour l’environnement. La cellulose est produite par trois types de bactéries: Acetobacter, Acanthamoeba et Achromobacter. L’ espèce qui permet la meilleure production est l’Acetobacter car elle n’ est pas pathogène et permet de produire des fibres facilement isolables (Fahmy et Mobarak, 2008).
Les conditions de culture et les substrats utilisés permettent le contrôle de la masse moléculaire de la cellulose ainsi que de sa structure. Généralement, les nanofibres obtenues ont une largeur d’environ 70 /lm et une longueur allant jusqu’à quelques microns (Klemm et al., 2005). Ces nanofibres possèdent un degré de polymérisation très élevé, de 2 000 à 8 000, par rapport aux autres méthodes. De plus, le taux de cristallinité varie de 60 à 90 %. Ces propriétés permettent aux NFC bactériennes d’ avoir plusieurs applications (Klemm et al., 2005).
Les nanocelluloses dans l’environnement
Actuellement, l’ un des objectifs de la recherche dans le domaine des matériaux composites et plastiques est de remplacer les produits pétroliers par des produits biodégradables. L’incorporation de nanocelluloses dans des matrices apolaires a permis de montrer que les capacités mécaniques étaient nettement améliorées. Produite d’une matière première renouvelable, elles sont avantageuses contrairement aux dérivés du pétrole. Un autre point positif est le caractère biodégradable de la nanocellulose (Hubbe et al. , 2008).
La matière fibreuse du bois est la principale source utilisée pour fabriquer des nanocelluloses à grande échelle; les normes environnementales associées à l’approvisionnement en bois doivent être respectées. Si la nanocellulose trouve beaucoup d’applications, son utilisation aura une incidence sur les ressources forestières compte tenu que la production de nanocellulose est issue généralement d’une pâte kraft blanchie dont le rendement est de 50 %. Par contre, si la hausse de l’utilisation du bois entraîne une baisse de l’utilisation de produits pétroliers, ce type de fibres deviendra un avantage pour l’environnement.
Tout comme les nanotechnologies, de nombreuses études ont été développées sur la production et les applications des nanocelluloses mais peu de recherches ont été faites sur les effets de cette matière sur la santé humaine et sur l’environnement (McCrank, 2011) .
Nanocomposites de cellulose
Un composite est défini par l’Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée (IUPAC) en tant que matériau à composants multiples comprenant de multiples domaines de phase différente (non gazeux) dans lequel au moins un type de domaine de phase est une phase continue; il est un nanocomposite si au moins l’une des phases comporte au moins une dimension de l’ordre du nanomètre. Lorsque les renforts sont des nanocelluloses, les nanocomposites résultants sont désignés comme des nanocomposites de cellulose ou des composites de nanocellulose. L’utilisation des nanocelluloses dans des matériaux à matrice « bio» ou à matrice « pétrole » tel que l’alcool polyvinylique, l’acide polylactique, les polyoléfines, les polyesters et les celluloses régénérées ont été rapportés.
Formation du gel de nanocellulose
La production du gel de cellulose oxydée (TOCgel) est une étape importante dans le cadre de mon projet de recherche car il est le matériel de base pour la formation de nos composites. Le gel est issu de l’oxydation d’une pâte kraft blanchie de bois feuillus (65 % d’érable, 25 % de bouleau et 10 % de peuplier) avec le système TEMPO – NaBr – NaOCI. La pâte oxydée est ensuite traitée mécaniquement pour défibriller la fibre oxydée et obtenir le gel de nanocellulose (TOCgel).
Oxydation de la pâte Kraft par le système TEMPO – NaBr – NaOCI
Les travaux de Loranger et al. (Loranger, Jradi et Daneault, 2012 ; Loranger et al. , 2011) ont démontré la très grande efficacité de la réaction d’ oxydation de la cellulose avec le système TEMPO – NaOCI- NaBr sous ultrasons (sonoréacteur de 40 litres). Dans le cadre du présent projet, nous avons utilisé leurs conditions pour la fabrication de nanocellulose.
CONCLUSION
L’objectif général du projet consistait à mettre en œuvre une voie de valorisation des nanocelluloses produites par le système d’ oxydation TEMPO – NaBr – NaOCI. Plus précisément, le projet visait à développer une catégorie de produits haute performance à base de nanocelluloses dans le domaine des matériaux composites.
Plus spécifiquement, les objectifs sont de :
• permettre l’adjonction aux nanofibres des additifs organiques ou non capable de lui rester associé;
• développer des matériaux composites biodégradables et peu coûteux;
• obtenir un matériau avec une bonne stabilité thermique;
• établir une synthèse simple;
• remplacer les produits pétroliers.
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE l REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Les nanocelluloses
1.1.1 Description et propriétés
l.2 Méthode de préparation des nanocelluloses
1.2.1 Obtention des celluloses microfibrillaires (MFC)
1.2.2 Obtention des nanocelluloses cristallines (NCC)
l.2.3 Obtention de nanofibres de cellulose par prétraitement enzymatique
(NFC)
1.2.4 Obtention de nanofibres de cellulose par voie chimique (NFC)
l.2.5 Réaction d’oxydation avec le médiateur TEMPO
1.2.6 Applications générales des nanocelluloses
1.2.7 Les nanocelluloses dans l’ environnement
1.3 Nanocomposites de cellulose
1.4 Procédé sol-gel
1.4.1 Définitions
1.4.2 Les types de produits obtenus par le sol-gel
1.4.3 Avantages du procédé sol-gel
1.5 Nanocomposites à base d’oxyde de zinc
1.5.1 Structure et propriétés de l’oxyde de zinc
1.5.2 Méthode d’ obtention de l’oxyde de zinc
1.5.3 Synthèse de composites à base d’oxyde de zinc
1.5.4 Applications
1.6 Nanocomposites à base d’oxyde de zinc
1.6.1 Structure et propriétés de l’oxyde de silicium
1.6.2 Méthode d’ obtention de l’ oxyde de silicium
1.6.3 Synthèse de composite à base d’oxyde de silicium
1.6.4 Applications
CHAPITRE II MATÉRIELS ET MÉTHODES
2.1 Formation du gel de nanocellulose
2.1.1 Oxydation de la pâte Kraft par le système TEMPO – NaBr – NaOCI
2.1.2 Traitement mécanique de la pâte Kraft oxydée
2.1.3 Dosage des carboxylates
2.1.4 Détermination de la siccité
2.2 Synthèse des particules inorganiques
2.2.1 L’oxyde de zinc
2.2.2 L’oxyde de silicium
2.3 Synthèse des composites
2.3.1 Composite TOCgeI/ZnO
2.3.2 Composite TOCgeI/Si02
2.3.3 Voie chimique indirecte
2.4 Techniques d’analyse pour la caractérisation de nos échantillons
2.4.1 Microscopie électronique à transmission (MET)
2.4.2 Microscopie électronique à balayage (MEB)
2.4.3 Analyse dispersive en énergie (EDX)
2.4.4 Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR)
2.4.5 Analyse thermogravimétrique (TGA)
2.4.6 Spectroscopie photoélectronique à rayon X (XPS)
2.4.7 Diffractométrie de rayon X (XRD)
2.4.8 Résistance à la dégradation photocatalytique
2.4.9 Résistance à la rupture
CHAPITRE III RÉSULTATS ET DISCUSSION
3.1 Nanocelluloses via l’ oxydation avec le médiateur TEMPO d’ une pâte kraft
3.2 Production du gel de nanocellulose (TOCgel)
3.3 Effet de l’oxydation TEMPO à la surface de la cellulose
3.4 Fabrication du composite TOCgel/ZnO et étude de ses propriétés
3.4.1 Transition des tiges de ZnO en superstructures
3.4.2 Mécanisme de formation des superstructures
3.4.3 Alignement des superstructures de ZnO
3.4.4 Al ignement des éléments zinc et oxygène du cristal ZnO
3.4.5 Types de liaisons à l’intérieur du composite
3.4.6 Étude de la stabilité thermique du composite
3.4.7 Composition du TOCgellZnO analysée par XPS
3.4.8 Cristallinité du composite TOCgeIlZnO
3.4.9 Étude de la flexibilité du composite
3.4.10 Dégradation photocatalytique
3.5 Fabrication et étude du composite TOCgellsilice
3.5.1 Formation des particules de silice
3.5.2 Caractérisation des particules de silice greffées
3.5.3 Effet du catalyseur sur le rendement et la taille des particules
3.5.4 Effet de l’ammoniaque sur les fibres cellulosiques
3.6 Étude du composite TOCgellsilice
3.6.1 Stratégie proposée pour la voie chimique indirecte
3.6.2 Amidation du gel de nanocellulose (TOC gel)
3.6.3 Analyse FTIR du composite TOCgel/silice (voie indirecte)
3.6.4 Morphologie du composite TOCgel/silice
3.6.5 Comparaison de la morphologie du composite TOCgel/silice obtenu par
les deux voies chimiques
3.6.6 Propriétés mécaniques du TOCgellsilice
3.6.7 Stabilité thermique du TOCgel/silice
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet