Production des impulsions ultrabrèves

Production des impulsions ultrabrèves

Laser et impulsions laser

Le mot « laser » vient de l’anglais Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation. Comme son nom l’indique, c’est par l’émission stimulée de photons que l’on produit un rayonnement que l’on peut caractériser de « laser ». Pour se produire, il doit y avoir inversion de population dans un milieu de gain, par exemple en excitant des molécules de ??2. Lors de leur désexcitation, la chute des électrons sur les niveaux de plus basse énergie provoque l’émission de photons. Cette émission peut être stimulée par le passage d’un faisceau de photons de même fréquence et l’émission sera alors en phase et dans la même direction que les photons incidents, donnant ainsi lieu à l’effet laser. L’amplification de l’intensité du signal se fait donc par superposition linéaire des champs électriques des photons émis.
Un rayonnement laser peut se présenter comme un rayonnement continu ou comme un train d’impulsions. Le rayonnement continu (continuous wave, CW) est associé à une onde monochromatique alors qu’une impulsion (ou un train d’impulsions) est formée par agglomération de plusieurs fréquences .Bien entendu, il arrive que la transformée de Fourier ne décrive pas parfaitement les impulsions. Lorsqu’il y a un glissement des fréquences, par exemple après être passé dans un milieu dispersif, certaines fréquences prennent du retard sur les autres, ce qui étale dans le temps les fréquences composant l’impulsion. Dans ce cas, le spectre fréquentiel n’est pas changé, mais la distribution temporelle l’est, ce qui en fait allonge la durée de l’impulsion tout en diminuant son pic d’intensité puisque l’énergie est distribuée sur un laps de temps plus grand. On a donc recours au concept d’impulsion Fourier limitée pour décrire sa compression temporelle par rapport à la largeur de son spectre. On dit qu’une impulsion laser est Fourier limitée lorsque le produit de sa durée d’impulsion par la largeur de son spectre est minimal, ce qui implique qu’il n’y a pas de glissement entre les fréquences.
Pour générer les impulsions ultrabrèves, plusieurs méthodes peuvent être employées et celle que nous utilisons sera expliquée brièvement ici et en détail plus loin dans le document. Un laser pompe est envoyé dans un cristal de Titane : saphir pour générer un peigne de fréquences dont le spectre s’étend de 650 nm à 1100nm. Une paire de prismes induisent un décalage temporel entre les différentes fréquences de l’impulsion, ce qui provoque son étalement et lui permet d’être amplifiée sans endommager l’amplificateur. Une fois amplifiées, les impulsions sont compressées à 25 fs par une autre paire de prismes qui provoquent un décalage inverse aux premiers, ce qui en fait permet à certaines fréquences de rattraper leur retard accumulé précédemment. Les impulsions ainsi produites sont envoyées dans une fibre optique se trouvant dans une atmosphère de néon pour élargir leur distribution spectrale. De cette manière, le laser pompe continu qui avait un spectre très étroit produit un spectre de fréquences très large et donc, par les propriétés des transformées de Fourier, des impulsions très courtes.

Production des impulsions ultrabrèves

Dans une chaîne laser typique, nous trouvons aujourd’hui plusieurs éléments requis pour produire des impulsions laser ultrabrèves. le rayonnement passe par les éléments suivants pour être amplifié et compressé en impulsion ultrabrève. Tout d’abord, un laser CW au Nd :YAG doublé en fréquence produit un faisceau à 532 nm qui pompe un cristal de Titane :Saphir (?? : ??2?3) placé dans un oscillateur. L’oscillateur produit une impulsion large spectre colinéaire au signal entrant. Le large spectre de cette impulsion est produit par la présence d’une grande gamme d’états sur lesquels les électrons peuvent « tomber » suite à leur désexcitation stimulée et par la géométrie de l’oscillateur. Chaque état de désexcitation produit un photon de fréquence différente et le spectre de l’impulsion est composé de raies spectrales discrètes qui dépendent des modes de la chambre d’amplification.
Par transformée de Fourier, la première émission à large spectre forme une impulsion Fourier-limitée de faible amplitude. Cette impulsion est étirée temporellement par un passage aller-retour dans une paire de prismes qui fait prendre du retard aux longueurs d’onde plus longues par rapport aux longueurs d’onde plus courtes.
L’intensité de l’impulsion est ainsi répartie temporellement et spatialement de manière à ne pas causer de dommage aux optiques et au milieu de gain lors de son amplification.
L’impulsion étirée est envoyée dans un second cristal de Ti:saph pompé par un laser opéré en mode déclenché (Q-switched), pour y être amplifiée; chaque raie spectrale y est amplifiée. Les impulsions passent ensuite dans une paire de prismes qui les compressent à 25 fs pour ensuite être dirigées vers la sortie de l’amplificateur. En y sortant, les impulsions sont injectées dans une fibre optique creuse en atmosphère de néon pour élargir leur spectre.
En sortant de la fibre, les impulsions qui étaient jusque-là étirées, amplifiées, compressées puis spectralement élargies sont compressées de nouveau par des miroirs diélectriques. Ces miroirs, construits par déposition de  couches minces diélectriques, ont la particularité de réfléchir chaque longueur d’onde à une profondeur différente. Ils sont construits et agencés de manière à permettre aux basses fréquences de rattraper les plus hautes, ce qui a pour effet de compresser temporellement l’impulsion, donc son intensité. On obtient ainsi des impulsions pouvant être aussi courtes que 5 femtosecondes (pleine largeur à la mi-hauteur, FWHM) prêtes pour faire des expériences .

Les premières mesures de phase

Xu et al. ont été parmi les premiers à proposer une manière de mesurer la variation de la phase. Dans leur expérience, ils produisent des impulsions de moins de 10 fs avec un oscillateur à Ti :Saphir en anneau et à blocage de mode (mode-locked). Ils se servent d’un autocorrélateur de type Michelson qui mesure la corrélation croisée de chaque impulsion avec la précédente. Pour chaque paire d’impulsions,  La différence de CEP d’une impulsion à l’autre est ainsi mesurée par l’analyse du déplacement spatial des franges d’interférence par rapport au motif initial. Malheureusement, cette technique ne permettait pas de conserver la stabilisation de phase pour plus de quelques microsecondes. Cette instabilité est causée par la contribution de l’intensité aux délais de phase et de groupe qui font varier rapidement la phase absolue, empêchant ainsi sa stabilisation après quelques impulsions .
Se basant sur une approximation voulant que le taux d’ionisation quasistatique dépende du champ électrique instantané et que, dans une impulsion ultrabrève, l’amplitude du champ électrique à une position donnée dépende du CEP, un effet de la phase absolue a été calculé pour l’hélium gazeux et pour l’or solide.Cette approximation montre que, dans le premier cas, la proportion d’atomes ionisés par une impulsion où ? = 0 est identique à celle pour ? = ?/2 une fois l’impulsion passée, mais qu’elles sont différentes pendant son passage. Ce résultat sera toutefois contredit par une solution numérique de TDSE faite par Christov en 1999 qui montre que les spectres finaux ont une plus grande sensibilité sur la phase que  lorsque calculés en approximation quasistatique. Pour l’or, la proportion d’atomes ionisés est différente pendant l’impulsion, mais aussi après que celle-ci soit passée. Brabec et al. proposèrent d’utiliser ces asymétries pour élaborer un montage qui permettrait la détection directe de ????, par opposition à la mesure relative expliquée en . Cette idée a été exploitée pour fabriquer des phase-mètres à état solide , mais ils présentaient tous des problèmes de détection, de mauvaise préparation de surface ou de dommages de surface liés à leur utilisation en présence des impulsions que l’on tentait de mesurer .

Contrôle de la phase

Il est possible, sans nécessairement connaître ou mesurer la valeur du CEP, de produire des impulsions dont le profil temporel du champ électrique est semblable d’un tir à l’autre. C’est avec cet objectif en tête que Baltuška et al. publient en 2003 une méthode de stabilisation du CEP . Les systèmes laser de l’époque n’avaient jusque-là pas de système de stabilisation de la phase; ???? avait donc une valeur aléatoire d’un tir à l’autre, ce qui empêchait la reproduction contrôlée des phénomènes d’interaction, dont la génération d’impulsions AS.
L’appareil qu’ils ont construit comprenait une boucle de rétroaction dite « rapide », qui analyse la variation de phase d’une impulsion sur 4, et une « lente » qui analyse ∆? d’une impulsion sur 80,000. Chacune est équipée d’un interféromètre « f-2f », un type d’interféromètre qui élargit le spectre initial de l’impulsion par automodulation de phase (SPM) pour ensuite doubler une partie des fréquences, par génération de deuxième harmonique (SHG). Les spectres élargis se superposent partiellement au spectre doublé afin de mesurer des battements, d’où le nom « f-2f ». Les battements entre les spectres sur l’interférogramme et la variation de ces battements sont directement proportionnels à ∆????. Chacune des boucles de rétroaction communique sa mesure à un module de verrouillage de phase qui contrôle la fréquence de décalage du peigne de fréquence, ????, en ajustant la puissance du faisceau de pompe transmis par un modulateur acousto-optique (AOM). Le verrouillage de phase obtenu par cette méthode permet de stabiliser ???? d’une impulsion à l’autre avec une précision de moins de ?⁄5 mais ne donne aucune information quant à sa valeur absolue. Les spectres d’impulsions AS généré sont donc à peu près semblables d’un tir à l’autre, mais ne peuvent être « modelés » puisque ???? est stabilisé à sa valeur initiale qui est elle-même inconnue

Mesure de ???? par stéréo détection du spectre ATI

Le phénomène qui génère les spectres HHG est le même qui donne lieu à la structure de plateau dans l’ionisation ATI, c’est-à-dire la rediffusion. Sans rediffusion, il n’y a pas (ou très peu) d’émission HHG ni la structure de plateau ATI . Comme les deux se produisent conjointement et dépendent des mêmes facteurs, il apparaît logique de les utiliser pour mesurer les facteurs qui les engendrent. C’est justement en étudiant les spectres ATI produits dans différentes directions que Milosevic, Paulus et Becker proposèrent en 2003 l’utilisation de ceux-ci, dans la direction de la polarisation des impulsions, comme moyen de déterminer la phase absolue des impulsions qui les ont engendrés .
Paulus et son équipe publient plus tard, la même année, les résultats d’une expérience qui démontre l’efficacité de la mesure de ???? par la stéréodétection des spectres ATI, article dans lequel ils donnèrent d’ailleurs le nom de « Stéréo-ATI » à cette appareil .
L’expérience est faite en prenant compte de plusieurs paramètres et en variant la phase absolue par introduction dans le chemin optique d’une paire de coins de verre. La modulation de phase se fait en ajoutant un délai entre la porteuse et l’enveloppe. L’enveloppe se propage à la vitesse de groupe alors que le signal se déplace à la vitesse de phase de l’impulsion, le passage dans le milieu dispersif provoque donc un glissement de phase à l’intérieur de l’enveloppe sans que l’impulsion soit allongée de manière significative si l’épaisseur de verre est petite.Des impulsions de 5 fs, 760 nm, d’intensité ~1014?/??2 et stabilisées à la phase sont focalisées dans une cible de xénon froid se trouvant entre deux fentes minces. Le laser est polarisé linéairement, parallèlement au sol et son vecteur de polarisation pointe vers les fentes

Le montage

Un vide de l’ordre de 10−9 mbar est maintenu dans la chambre du Stéréo-ATI pour éviter les détections parasites, l’absorption des électrons avant leur détection et pour protéger les plaques à microcanaux (MCP) d’un bris. Au centre de la chambre se trouve la cellule d’ionisation dans laquelle on injecte un gaz rare et le faisceau laser pour provoquer l’ionisation. Le gaz est acheminé dans la cellule par le biais d’un tube accessible par l’extérieur de la chambre. À l’extrémité externe de ce tube est attaché un contrôleur de fuite variable qui permet de jauger la vitesse d’entrée du gaz dans la cellule.
Comme la détection du CEP ne se fait pas directement, on a recours à la technique de stéréo détection des photoélectrons pour comparer leur quantité relative, ce qui requiert un montage dans lequel les trajectoires doivent être les plus symétriques possible. On doit comparer la différence d’électrons produits dans deux directions et dans deux régions distinctes du spectre énergétique; on a donc recours à 4 intégrateurs de type « Boxcar » qui permettent l’enregistrement de données à l’intérieur de fenêtres temporelles bien définies. Ces fenêtres sont déterminées par la transformation du spectre énergétique (obtenu par simulation et par calcul) en spectre de temps de vol correspondant.

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Table des matières

1. Introduction 
2. Impulsions laser 
2.1. Laser et impulsions laser
2.2. Production des impulsions ultrabrèves
2.3. Description des impulsions ultrabrèves
2.3.1. Description mathématique
2.3.2. La phase absolue ou CEP
2.3.3. La polarisation
2.4. Phénomènes reliés aux rayonnements
2.4.1. Le changement de phase Gouy
2.4.2. La force pondéromotrice
2.4.3. Ionisation multiphotonique
2.4.4. Ionisation tunnel
2.4.5. Phénomène de rediffusion
2.5. Ionisation au-delà du seuil (ATI)
2.5.1. Ionisation séquentielle et non-séquentielle
2.5.2. Description des ATI
2.5.3. Spectres ATI de haute énergie
3. Mesures de la phase absolue
3.1. Les premières mesures de phase
3.2. Contrôle de la phase
3.3. Mesure de ???? par stéréodétection du spectre ATI
4. Montage expérimental
4.1. Le montage
4.2. Système de Stéréo-ATI
4.2.1. La cellule d’ionisation
4.2.2. Première grille
4.2.3. Chambre à temps de vol (TOF)
4.2.4. Les composantes optiques
4.3. Système d’acquisition de données
4.3.1. Détecteurs
4.3.2. Intégrateur Boxcar
4.3.3. Sources de tension
4.3.4. Circuit d’alimentation des écrans de phosphore et des MCP (CAPM)
4.3.5. Montages électriques
4.4. Interprétation des données
4.4.1. Modèle de discrimination temporelle
4.4.2. Démarche de la prise de données
4.5. Tests effectués avec l’appareil
5. Conclusion 

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