Production de rayons X en milieu médical
Les rayons X sont classiquement obtenus grâce à l’interaction d’électrons de haute énergie avec la matière, cette interaction pouvant conduire à la conversion de l’énergie cinétique des électrons en rayonnement via un phénomène appelé bremsstrahlung ou rayonnement de freinage. Dans les établissements médicaux, les rayons X sont produits au moyen de tubes à rayons X. Dans ces dispositifs, le bremsstrahlung est obtenu en bombardant d’électrons une cible métallique. Ces particules sont accélérées depuis une cathode en tungstène en direction de la cible, fixée sur une anode en cuivre, grâce à l’application d’une forte tension (de 20 à 150 kV pour des applications médicales, potentiellement plus en recherche), le tout se déroulant dans une enceinte sous vide. La cible métallique est le plus souvent constituée de molybdène ou de rhodium pour les examens médicaux réalisé à basse énergie (de quelques keV à quelques dizaines de keV). Elle peut être aussi constituée de tungstène dans le cas de plus fortes énergies (proches de ou supérieures à 100 keV) ce qui sera le cas lors de cette thèse.
Les différentes interactions des électrons avec la cible conduisent à la conversion de leur énergie cinétique en autres formes d’énergie, principalement de la chaleur. Une petite quantité (moins de 1% pour une anode en tungstène) va cependant conduire à la production par bremsstrahlung de photons X qui sont ensuite émis à travers l’enceinte via une fenêtre, le plus souvent en béryllium. Pour parler plus précisément du bremsstrahlung, celui-ci a pour origine la décélération des électrons rencontrant un atome due à l’interaction coulombienne avec les protons du noyau. Plus l’électron passe à proximité du noyau, plus les rayons X produits par la décélération auront une énergie élevée. L’énergie sera maximale en cas de collision de l’électron avec le noyau, l’énergie cinétique de la particule étant alors intégralement convertie en rayonnement X .
Concrètement, la distribution théorique d’intensité d’émission est donnée par une courbe qui décroit linéairement en fonction de l’énergie . Les composants intrinsèques du tube, tels que la fenêtre par exemple, contribuent au filtrage de cette distribution théorique en éliminant les basses énergies. De plus, si l’énergie cinétique des électrons dépasse l’énergie de liaison des électrons de la couche K des atomes de la cible, un phénomène de fluorescence est observé. Cela entraîne l’apparition de raies caractéristiques du matériau cible dans le spectre d’émission du tube (à 59 et 67 keV pour le tungstène, à 20 keV pour le molybdène et le rhodium). Les interactions avec les électrons des couches L, M etc. donnent aussi lieu à des phénomènes de fluorescence mais l’énergie des photons émis est en général trop faible pour être observée.
La tension du tube, donnant l’énergie maximale du spectre d’émission, exprimée le plus souvent en kV, et l’intensité du courant, exprimée en mA, sont des paramètres qui peuvent être ajustés et qui vont directement influer, avec le temps d’exposition, sur la dose reçue par le patient. En mammographie, la tension du tube est proche de 30 kV et le produit du temps d’acquisition par l’intensité est de l’ordre de 20 mAs.
Interaction des rayons X avec la matière
Les rayons X peuvent interagir de nombreuses manières avec la matière. Aux énergies étudiées, entre quelques keV et plusieurs centaines de keV, les principales interactions sont au nombres de trois : l’effet photoélectrique, l’effet Compton et la diffusion cohérente. Ces trois interactions vont avoir pour effet d’atténuer le spectre incident. Autrement dit, on observera une perte de photons dans le spectre incident entre avant et après le passage du faisceau dans la matière.
Effet photoélectrique
L’effet photoélectrique est observé pour la première fois en 1887 par Heinrich Hertz puis théorisé par Einstein en 1905. Il résulte de l’interaction d’un photon X avec un électron du milieu, dont l’énergie de liaison est inférieure à celle du photon. L’énergie du photon est transférée à l’électron qui est alors éjecté, ce qui conduit à l’ionisation de l’atome . L’électron émis va par la suite transmettre son énergie cinétique, égale à la différence entre son énergie de liaison et l’énergie du photon incident, au milieu environnant et ainsi potentiellement créer de nouvelles paires électrons/ions. Au sein des ions créés, la place vacante dans le cortège électronique entraîne des émissions de fluorescence, caractéristiques du milieu, dues à la réorganisation du cortège. Ce phénomène de fluorescence, lorsqu’il est généré au sein du détecteur, va gêner la bonne détection des photons . La fluorescence générée par l’échantillon étudié peut aussi s’avérer gênante. Cependant, dans notre contexte médical, cela ne sera pas le cas. En effet, un tissu biologique est principalement composé d’éléments légers (hydrogène, carbone, azote, oxygène, calcium) dont la fluorescence K ne dépasse pas quelques centaines d’eV.
Diffusion Compton
La diffusion Compton ou diffusion incohérente correspond au transfert d’une partie de l’énergie du photon X à un électron, généralement issu de la couche externe d’un atome, dont l’énergie de liaison est bien inférieure à l’énergie du photon. L’électron est alors éjecté et l’atome ionisé.
Diffusion Rayleigh et diffraction
La diffusion Rayleigh, ou diffusion cohérente, d’un photon sur un atome est le phénomène qui nous intéresse tout particulièrement dans cette thèse. Contrairement aux phénomènes précédents, cette diffusion est décrite de manière ondulatoire. On considère en effet ici le photon comme une onde qui va perturber le cortège électronique de l’atome. La déformation oscillante du cortège, et avec elle le déplacement du barycentre des charges négatives de l’atome, va conduire à la formation d’un dipôle électrique émettant de manière isotrope une onde électromagnétique de même fréquence que l’onde incidente. La diffusion Rayleigh d’un ensemble de photons sur un milieu donné va donc entraîner la formation d’une multitude d’ondes qui vont interférer de manière plus ou moins constructive selon un schéma directement relié à la structure du matériau .
Ainsi, pour un cristal, dont, par définition, les atomes sont ordonnés de manière régulière, les interférences ne seront constructives que dans des directions très précises déterminées par l’équation de Bragg . Ce phénomène est appelé diffraction.
Détection des rayons X
Les premières détections de rayons X ont été réalisées à l’aide de films photosensibles. Une substance déposée sur ces films réagit chimiquement au contact des rayons X, plus ou moins fortement suivant la quantité de photons reçus, ce qui conduit à la formation d’une image. Cette technique est de nos jours toujours utilisée pour la radiographie médicale du fait d’une bonne résolution spatiale, d’une bonne sensibilité et d’un coût faible mais tend progressivement à disparaitre. En effet, de nouveaux systèmes de détection, notamment électroniques, sont développés depuis plusieurs décennies. Depuis une vingtaine d’années, des détecteurs numériques font leur apparition et commencent à équiper les hôpitaux. De récentes avancées sur ces dispositifs permettent désormais d’améliorer considérablement la détection X notamment grâce au comptage individuel des photons et la mesure de leur énergie, là où les précédents, qui équipent encore très largement les hôpitaux, ne mesuraient que l’intégrale de l’intensité lumineuse reçue.
De manière générale, les détecteurs numériques peuvent être de deux types : à conversion directe ou indirecte. Les paragraphes suivants décrivent ces deux types puis présentent les différents détecteurs utilisés dans le cadre de cette thèse, uniquement à conversion directe.
Détecteurs à conversion indirecte
La détection indirecte des rayons X s’effectue par l’intermédiaire d’un matériau appelé scintillateur qui va dans un premier temps convertir les rayons X en rayonnement visible. Ces photons visibles vont ensuite être détectés à l’aide de photo-détecteurs de type CCD ou CMOS . De nombreux matériaux sont utilisés actuellement comme scintillateurs : l’iodure de césium dopé au thallium (CsI :Tl), l’iodure de sodium lui-aussi dopé au thallium (NaI :Tl), l’oxyorthosilicate de lutécium et yttrium (LYSO), bromure de lanthane, etc. Parmi ces matériaux, certains seront préférés à d’autres selon les applications choisies. Les photo-détecteurs peuvent aussi être très divers suivant les performances et les applications choisies. [3] Le principal inconvénient de ces détecteurs est qu’ils ne permettent pas de mesurer l’énergie des photons mesurés.
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Table des matières
Introduction
I Contexte technologique et médical
I.1 Production de rayons X en milieu médical
I.2 Interaction des rayons X avec la matière
I.2.1 Effet photoélectrique
I.2.2 Diffusion Compton
I.2.3 Diffusion Rayleigh et diffraction
I.2.4 Comparaison des diffusions cohérentes et incohérentes
I.2.5 Dose en imagerie médicale
I.3 Détection des rayons X
I.3.1 Détecteurs à conversion indirecte
I.3.2 Détecteurs à conversion directe
I.3.3 Défauts de détection des détecteurs spectrométriques
I.3.4 Performances des détecteurs utilisés
I.3.5 Surpixellisation
I.4 Imagerie du sein
I.4.1 Techniques actuelles
I.4.2 Limites de la mammographie
I.5 Intérêt de la diffusion cohérente pour l’imagerie du sein
I.6 Modes opératoires envisagés
I.6.1 Caractérisation in vivo
I.6.2 Examen ex vivo
I.7 Conclusion
II Systèmes exploitant la mesure de rayonnement diffusé
II.1 Mesure du rayonnement diffusé par dispersion d’angle
II.2 Mesure du rayonnement diffusé par dispersion d’énergie
II.3 Coherent Scatter Computed Tomography
II.4 Utilisation de masques codés
II.5 Système proposé
III Modélisation du système de mesure et simulation
III.1 Système de mesure de diffusion et modèle direct
III.1.1 Système monopixel
III.1.2 Système multipixel
III.2 Système de mesure de transmission et modèle
III.3 Simulation
III.3.1 Spectre incident
III.3.2 Atténuation
III.3.3 Fonction de diffusion
III.3.4 Collimation
III.3.5 Détecteur
III.3.6 Exemples de simulations complètes
III.4 Validation expérimentale
III.4.1 Banc expérimental
III.4.2 Facteur de mérite
III.4.3 Résultats
III.5 Conclusion
IV Traitement des données et imagerie
IV.1 Exemples de traitement de données issues de systèmes EDXRD
IV.1.1 Estimation de F(χ)
IV.1.2 Reconstruction spatiale
IV.2 Calibrations et mesures préliminaires
IV.2.1 Calibration de la réponse angulaire et spatiale du système
IV.2.2 Estimation de l’atténuation de l’objet
IV.3 Traitement des données
IV.3.1 Principe
IV.3.2 Estimation de la fonction de diffusion par pixel
IV.3.3 Reconstruction spatiale
IV.3.4 Identification des matériaux et imagerie spécifique de l’objet
IV.4 Validation expérimentale
IV.4.1 Fantôme utilisé et conditions expérimentales
IV.4.2 Résultats
IV.5 Conclusion
V Dimensionnement d’un système multipixel
V.1 Paramètres et contraintes
V.2 Efficacité quantique de détection
V.3 Collimation parallèle
V.4 Collimation conique – Thèse de Fanny Marticke
V.5 Collimation hybride
V.6 Résultats expérimentaux
V.6.1 Calibration
V.6.2 Fantôme
V.7 Analyse des résultats par simulation
V.7.1 Test de la reconstruction spatiale
V.7.2 Test du traitement complet
V.7.3 Retour à l’analyse des résultats expérimentaux
V.8 Conclusion
Conclusion