BOUES ET PROCEDES : ORIGINE ET EVOLUTION DE LA FRACTION ORGANIQUE REFRACTAIRE
Les composés qui s’accumulent au sein de la fraction organique réfractaire d’une boue correspondent à des molécules véhiculées par l’ERU et à des débris cellulaires de microorganismes actifs au niveau des unités de traitements biologiques traversées. On parle respectivement de fractions réfractaires exogènes et endogènes. La contribution quantitative de chacune est indispensable pour mieux évaluer leur implication dans les propriétés physiques, chimiques et biochimiques de la matrice réfractaire ultime d’une boue.
La fraction réfractaire exogène : XU,inf
Les ERUs véhiculent des composés organiques de nature très diverse. Elles sont généralement caractérisées à l’aide de paramètres globaux tels que la DCO, quantifiant l’oxygène nécessaire à l’oxydation de la majeure partie des composés organiques, la DBO, correspondant à la quantité d’oxygène consommée lors de la dégradation biologique de la DCO biodégradable ou encore les MES, la concentration de matières en suspension. En lien avec la modélisation des processus biologiques, l’approche communément utilisée est de fractionner la DCO totale d’une ERU selon des critères biologiques (biodégradable, B, ou réfractaire, U) et physiques (soluble, S, ou particulaire, X) .
Détermination de la teneur en composés réfractaires dans une ERU
Le fractionnement de la DCO d’une eau usée est une étape clé de la prédiction des performances de séparation et de traitement, des besoins en oxygène des unités biologiques, de la production de boues… De nombreux travaux ont donc été menés pour développer des procédures expérimentales permettant de déterminer le fractionnement DCO d’une ERU. La combinaison d’analyses physiques et biologiques est apparue comme l’approche expérimentale la plus appropriée. Néanmoins, la diversité des techniques de caractérisations physiques (i.e. filtration, ultrafiltration, décantation, centrifugation…) et biologiques (i.e. réacteur batch ou continu, court ou long terme…) a donné lieu à l’utilisation de nombreuses méthodologies de fractionnement. Trois méthodes majeures peuvent toutefois être citées : une méthode A basée sur un test de DBO ultime (Roeleved et Van Loodsdrecht, 2002, Gillot et Choubert, 2010) ; une méthode B basée sur des respirométries initiées avec des ratios S0/X0 différents et l’identification mathématique de paramètres cinétiques de modèles ASM (Spérandio et Paul, 2000) ; une méthode C basée sur un bilan matière réalisé à partir de la biodégradation en batch de différentes matrices (ERU brute, ERU décantée et DCO soluble synthétique), permettant de mesurer la production de composés réfractaires bactériens (Ohron et al. 1994).
Quelle que soit la démarche expérimentale utilisée, la fraction organique réfractaire contenue dans une ERU est toujours estimée par différence entre la DCO totale et la DCO biodégradable (mesurée expérimentalement). La DCO réfractaire soluble est ensuite soit mesurée par filtration soit assimilée à la DCO soluble non biodégradée en sortie de procédé.
Ainsi, quelle que soit la méthodologie mise en œuvre, l’estimation de la DCO réfractaire particulaire (XU,inf) est entachée de l’ensemble des erreurs attribuables à la détermination des autres fractions .
Fractionnement du flux de matière au niveau d’un décanteur primaire
Les boues primaires sont des matrices particulaires purgées au niveau d’un traitement de séparation physique basé sur une décantation par simple gravité. La quantité de boue primaire produite dépend alors essentiellement de la quantité en matière organique décantable présente dans les eaux usées et du dimensionnement du traitement primaire. Dans des conditions optimales de fonctionnement, l’efficacité d’élimination est généralement comprise entre 50 et 70 % des solides en suspension(Metcalf et Eddy, 2003). Des agents chimiques coagulants sont parfois utilisés pour améliorer les rendements d’élimination en provoquant la décantation de composés non décantables (notamment les colloïdes).
Quatre classes de taille de particules sont au plus considérées dans la littérature pour définir la physico-chimie des polluants organiques contenus dans une ERU : soluble, colloïdale, supra-colloïdale et particulaire. (adapté de Sophonsiri et Morgenroth, 2004), les seuils entre ces domaines varient suivant les auteurs, entre autre à cause de la définition de l’état colloïdale et de l’état supra-colloïdale qui ne fait pas consensus.
Les résultats de Guellil et al. (2001), qui ont développé une méthode pour simuler les conditions normales de fonctionnement d’un décanteur primaire à l’échelle laboratoire, indiquent que les particules décantables d’une ERU brute ont majoritairement un diamètre moyen supérieur à 100µm. Les résultats ne permettent pas de déterminer ce qui confère le caractère décantable, ou non, aux particules de cette gamme de taille (équivalente à des colloïdes et/ou supracolloïdes). Pourtant, il est possible que la fluctuation des performances de séparation au niveau de la décantation simple implique la variabilité des propriétés de cette classe de particules.
La répartition de la DCO des ERUs de 7 STEP Françaises a été estimée selon la procédure de Ginestet et al. (2002), basée sur un critère de décantabilité en cône Imhoff et de coagulation par un agent floculant (FeCl3). Avec des proportions comprises entre 2 et 47%, pour les fractions solubles (nondécantables et non coagulables), 0 et 70 % pour les fractions colloïdales (non-décantables mais coagulables) et 15 et 20 % pour les fractions particulaires (décantables), les auteurs constatent la même variabilité des propriétés physico-chimiques de la matière organique véhiculée par une ERU.
L’ensemble de ces résultats indiquent que la répartition de la matière organique au niveau d’un décanteur primaire est variable. De plus, les données ne permettent pas de préciser avec certitude de quelle manière se répartissent les composés organiques réfractaires entre la boue primaire et l’ERU décantée. Les compositions moyennes d’une ERU brute, d’une ERU décantée et d’une ERU coagulée décantée, typiquement utilisées lors de la modélisation du fonctionnement d’une STEP . L’objectif est de déterminer de quelle manière la répartition de la matière réfractaire XU,inf est considérée dans la littérature. Les rendements d’élimination globale de la fraction particulaire et spécifique à la fraction XU,inf ont été calculés sur la base de ces données . L’estimation du fractionnement des boues primaires, avec ou sans ajout d’agents chimiques, purgées y est aussi indiquée.
La comparaison des concentrations proposées par Dold et al. (2007) et de Ekama et al. (2009), entre une ERU brute et une ERU décantée, révèle alors que ces auteurs attribuent des rendements similaires pour l’élimination de la DCO biodégradable contenue dans l’ERU brute (ηXB de 45 et 47% de la DCO particulaire biodégradable de l’ERU, XB) mais nettement différents pour la DCO réfractaire (ηXU de 45 et 84 % de la DCO particulaire réfractaire de l’ERU). En attribuant un rendement d’élimination par décantation de 45% identique pour les composés biodégradables et réfractaires, Dold et al. (2007) supposent que le fractionnement biodégradable reste inchangé lors du fractionnement physique par décantation. Le fractionnement de la fraction particulaire, fX, est alors conservé entre l’ERU brute, l’effluent primaire et la boue primaire. A l’inverse, en attribuant des rendements d’élimination différents à la DCO particulaire biodégradable et réfractaire, Ekama et al. (2009) considèrent que la décantation modifie significativement son fractionnement. Ainsi, la DCO réfractaire particulaire de l’effluent primaire et de la boue primaire compte alors pour 7% et 31%, contre 20% dans l’ERU brute avant décantation (% exprimés en gDCOXU.gDCOX-1).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1. Revue bibliographique
I.1 Boues et procédés : Origine et évolution de la fraction organique réfractaire
I.1.1 La fraction réfractaire exogène : XU,inf
I.1.2 La fraction réfractaire endogène : XU,E_AE
I.1.3 Détermination de la DCO réfractaire d’une boue
I.2 Caractéristiques de la matière organique réfractaire d’une boue
I.2.1 Préambule
I.2.2 Caractéristiques physiques des composés organiques réfractaires dans les boues d’épuration
I.2.3 Nature chimique des composés organiques réfractaires
I.3 Conclusion générale
I.4 Approche globale du travail de recherche
Chapitre 2. Matériels et méthodes
II.1 Matrices d’étude
II.1.1 Matrices avant digestion anaérobie long terme
II.1.2 Récupération de la fraction réfractaire anaérobie d’une matrice
II.2 Quantification de la fraction organique réfractaire d’une boue
II.2.1 Détermination de la DCOU,AN via le test BMP
II.2.2 Détermination de la DCOU,AE via une DBOU (Sapromat ®)
II.3 Techniques de caractérisation de la matière
II.3.1 Paramètres chimiques globaux
II.3.2 Caractéristiques physiques de la matière
II.3.3 Nature biochimique des molécules
II.3.4 Empreinte chimique par spectrophotométrie en moyen infrarouge (MIR)
II.4 Déconstruction de la fraction particulaire d’un résidu réfractaire
II.4.1 Procédure générale
II.4.2 Calcul du rendement de solubilisation, ou potentiel de solubilisation
Chapitre 3. Le caractère réfractaire
III.1 Introduction
III.2 Relation entre la filière et la teneur en matière organique réfractaire d’une boue
III.2.1 Préambule : Estimation expérimentale de la fraction réfractaire anaérobie d’une boue
III.2.2 Facteurs impactant majeurs
III.3 Le floc réfractaire, une matrice biologiquement inerte ?
III.4 La matière réfractaire, une matière agrégée ?
III.4.1 Caractéristiques physiques de la matière réfractaire
III.4.2 Stabilité de la structure floculée réfractaire
III.5 Construction de la structure floculée réfractaire
III.6 Nature biochimique de la matière réfractaire, un substrat inapproprié ?
III.7 Conclusion générale
Chapitre 4. Production de matrices organiques réfractaires contrastées
IV.1 Introduction
IV.2 Origine des matrices contrastées
IV.3 Nomenclature des composés organiques au fil de l’eau
IV.4 Fractionnement des alimentations
IV.4.1 Fractionnement de la boue primaire PS-A*
IV.4.2 Fractionnement DCO des alimentations des boues activées B et E
IV.4.3 Fractionnement des ERU traitées par les procédés biologiques des STEP A et H –
IV.5 Fractionnement DCO des boues biologiques
IV.5.1 Hypothèses et paramètres de simulation
IV.5.2 Sensibilité du fractionnement DCO d’une boue au paramétrage de l’hydrolyse
IV.5.3 Démarche de validation du fractionnement DCO d’une boue biologique
IV.5.4 Fractionnement DCO des boues biologiques avant digestion anaérobie
IV.6 Fractionnement DCO des résidus réfractaires anaérobies
IV.6.1 Estimation du fractionnement DCO d’un résidu réfractaire
IV.6.2 Fractionnement DCO des résidus réfractaires produits
IV.7 Conclusion générale
Chapitre 5. Spécificités de la nature chimique des composés réfractaires contenus dans les boues d’épuration
V.1 Introduction
V.2 Évaluation de l’utilisation de l’ATR-FT-MIR pour caractériser la nature chimique de matrices complexes type boues et réfractaires
V.2.1 Caractéristiques accessibles par analyse directe d’échantillons complexes de composition inconnue
V.2.2 Variabilité d’un spectre ATR-FT-MIR de boues et de réfractaires
V.2.3 Démarche d’interprétation des caractéristiques chimiques
V.3 Identification des spécificités chimiques des matrices avant et après digestion anaérobie long terme
V.3.1 Caractérisation des boues
V.3.2 Caractérisation des résidus réfractaires
V.3.3 Conclusion
V.4 Conclusion générale
Conclusion générale