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Du babillage aux premiers mots puis à la phrase.
À mesure d u contrôle de l’appareil phonatoire, il y a élimination des bruits parasites des premiers mois et autour de six mois, le contrôle articulatoire permet le babillage, c’est-à-dire la production de syllabes de façon répétitives. L’évolution du babillage semble refléter la maturation progressive des mécanismes de productions. Entre dix et dix -huit mois, apparaissent les premiers mots. Ces mots isolés sont interprétés par l’entourage, en fonction du contexte, comme ayant une signification proche de la phrase. Le bain culturel influence les premiers mots mais ceux qui sont généralement produits en premier sont ceux désignant la nourriture, les parties du corps et les animaux. La vitesse d’enrichissement du vocabulaire ne préjuge en rien la maitrise ultérieure du l angage, et les capacités de compréhension semblent indépendantes de la taille du vocabulaire. Entre dix -huit et vingt-quatre mois, apparaissent les premières combinaisons dans des phrases à deux ou trois mots fondées sur une grammaire fonctionnelle. En début de maternelle, de véritables phrases sont produites avec groupe nominal et verbal. Les énoncés sont très liés au contexte immédiat mais petit à petit ils se structurent et se suffissent à eux-mêmes.
Le rôle du langage dans le développement de la pensée .
Le langage et la pensée apparaissent non seulement comme indissolublement liés mais aussi comme caractéristiques de l’homme. Le langage permet à la pensée de s’exprimer, de se transmettre à l’autre, il rend possible la compréhension et son élargissement. La pensée donne au langage son matériau, sa substance même. Sans la pensée le langage serait un outil inutile, sans objet. Sans le langage, la pensée ne pourrait probablement pas exister ou n’aurait pas atteint le niveau de développement et d’abstraction qu’elle connait chez l’homme. L’approche défendue par J. Piaget, selon qui ce ne serait pas le langage qui détermine le développement intellectuel mais ce serait de l’action que découlent l’intelligence et la pensée, n’est aujourd’hui plus d’actualité suite aux expériences non-verbales menées avec des enfants sourds, qui ont montré de manière incontestable l’importance primordiale du langage dans le développement de la pensée. Le développement des neurosciences, notamment grâce aux travaux de Stanislas Dehaene, a permis de corréler certains troubles du langage avec des paralysies de la région cérébrale et au développement neuronal.
Le concept de projet de classe.
Selon le Larousse, un projet est « un but que l’on pense atteindre, une idée que l’on forme de ce l’on fera et des moyens que l’on emploiera ». Cette définition s’applique à un projet – processus, c’est-à-dire un projet établi, construit, envisagé comme une dynamique. Dans une classe de maternelle, au départ, un projet est souvent une intention floue, celui-ci ayant souvent de la peine à expliciter nettement ses attentes. Le rôle de l’enseignant est de mettre les élèves dans des situations permettant l’émergence plus précise de leurs idées, et d’envisager chaque étape afin que l’intention commune devienne une réalisation collective de construire.
La phase de réalisation permet ensuite de transformer ce qui a été exprimé en réalité.
Les objectifs du projet.
La finalité annoncée aux élèves est de présenter les deux nouvelles versions de l’album à son auteure lors de sa venue en classe. Il s’agit de sensibiliser les élèves à la propriété intellectuelle d’un écrit. Les compétences visées concernent les aspects oraux et écrits du langage. L’élaboration du contenu permet d’utiliser le langage oral sous toutes ses formes: raconter, décrire, expliquer, questionner, proposer des solutions et discuter un point de vue. Le travail d’écriture sous forme de dictée à l’adulte invite les élèves à participer à la production d’un écrit en découvrant que l’on n’écrit pas comme on parle. La dictée à l’adulte est un moyen de faire produire des textes à des enfants qui ne savent pas encore écrire seuls. Elle permet aux élèves de comprendre que le langage qu’ils produisent peut s’écrire, s’il obéit à certaines contraintes. Elle rend possible le passage du langage oral vers les signes de l’écrit, sachant que l’adulte aide l’élève qui dicte à franchir ce passage soit par la reformulation soit par la relecture.
Le choix de l’album Mon pull d’Audrey Poussier.
Dans cet album, les images sont prépondérantes par rapport au texte 11. Elles ont une dimension fortement narrative et servent de point d’appui pour la mise en mémoire. Il s’agit d’un album qui fonctionne comme une accumulation. La situation initiale présente le personnage principal, un petit lapin rose qui est un personnage récurrent 12 chez Audrey Poussier. Ce lapin dénigre son pull car « il est trop petit, il est moche et en plus il gratte ». Sept personnages, de la souris à l’éléphant, viennent ensuite successivement essayer ou utiliser le pull. Leur taille croissante et les utilisations variées qu’ils en font élargissent progressivement la taille du pull. La situation finale, inattendue, montre le lapin quittant ses amis en affirmant fortement sa propriété, c’est mon pull. Les images ne sont pas indépendantes les unes des autres. Le texte est redondant et sa signification s’articule autour des images. La lecture demande donc l’appréhension conjointe de ce qui est écrit et de ce qui est montré. Les principales caractéristiques du texte original sont sa brièveté et sa lisibilité 13. La typographie est en capitales d’imprimerie pour s’adapter au lecteur débutant. L’auteure a fait le choix de ne pas utiliser des bulles reliées aux personnages et on peut noter que le texte est formé de courts passages en unités de souffle, c’est à dire en longueur correspondant à une expiration du lecteur.
Le rituel de réactivation, un engagement dans l’activité.
Dans la construction de mes séances, je prépare particulièrement l’introduction de l’activité. J’ai remarqué que le démarrage d’une séance est un moment primordial pour engager l’ensemble du groupe dans l’action. Généralement, j’utilise le procédé de reformulation par les élèves pour réactiver les avancées précédentes et mesurer le niveau de compréhension du groupe. Dans ce projet, j’ai toujours veillé à commencer les séances de la phase deux en posant une question du type « Quel est notre projet ? ». Cette question très ouverte permet aux élèves de rappeler soit le cadre général du projet, soit un aspect plus précis d’une séance précédente. Dans tous les cas, les élèves formulent une proposition puis écoutent celles des autres. Je termine par une synthèse des suggestions et j’énonce la consigne connue : « Le but du jeu est de faire parler son personnage ». Les transcriptions n°3 a lieu avant la première séance d’écriture.
Deux nouvelles versions de l’album Mon pull.
Chacun des deux groupes a produit un album avec des textes différents. Il faut noter que la trame narrative des illustrations laisse finalement peu place à la créativité. En général, l’originalité est peu présente dans les propositions des élèves. Les dialogues restent sur une description générale de la situation ou un constat comme « Pourquoi le lapin pleure ». On trouve moins fréquemment des remarques concernant les intentions des personnages « Peux-tu me prêter ton pull ? » ou « Non, tu vas encore l’agrandir » qui sont nécessitent plus d’abstraction. Avec surprise, il y eu deux propositions humoristiques : « Salut la compagnie » lancé par l’éléphant lors de son arrivée et « On est serrés comme des sardines ! » de la part des trois chats une fois le pull enfilé. Ces propositions, immédiatement accepté es après des rires, montrent que les élèves comprennent des expressions imagées mais ne savent pas encore les réinvestir en situation.
Le groupe comme collectif de travail
Une des spécificités du travail scolaire, c’est qu’il s’effectue au sein d’un groupe : c’est à plusieurs que l’on apprend seul. La mise en œuvre de ce principe dans une classe est loin d’être évidente. L’activité initiale de structuration chronologique des illustrations de l’album sans texte lors de la première phase du projet bien mis évidence le rôle que joue le groupe dans la construction des apprentissages et comment s’opère les allers-retours entre le collectif et l’individu.
Prendre sa place dans un groupe
Pour beaucoup d’enfants, le silence dans un groupe n’est pas le signe d’une faiblesse des ressources langagières ou de désintérêt. B ien que sans paroles, ces enfants ne sont pas pour autant étrangers à la situation . Ils ont besoin de ce silence actif pour comprendre ce qui se dit ou ce qui se joue dans une situation de communication. Ils doivent être sollicités dans des configurations différentes afin de les aider à franchir le pas, car ils seront plus créatifs dans certaines situations que dans d’autres. J’ai remarqué par exemple qu’il était plus facile pour un enfant qui a peu d’aisance avec le langage d’échanger avec moi, car j’aide à reformuler, qu’avec un ou plusieurs autres élèves. L’intercompréhension est plus aisée lorsque l’enseignant joue le médiateur par la reformulation. Ceci est resté vrai to ut au long du projet notamment avec les élèves qui ont de faibles ressources langagières, mon but étant de faire aboutir l’échange et de conduire chacun à la satisfaction d’avoir osé s’engager dans cette activité d’écriture compliquée (transcription n°10).
Les difficultés pour l’enseignant.
Par difficultés pour l’enseignant, je veux préciser les aspects du projet qui ont nécessité de ma part un déploiement de moyens plus important que prévu, le résultat n’étant pas toujours conforme à ce que j’avais anticipé. Il ne s’agit pas de relever un cas spécifique lié à un élève en particulier mais bien d’identifier mes axes de progrès en tant qu’enseignant.
Provoquer le désir d’apprendre pour favoriser la mobilisation
Si tout est objet de découverte à l’école maternelle, encore faut-il entretenir, souvent provoquer cette appétit de savoir. La mobilisation pour une activité n’est pas immédiate et c’est la manière avec laquelle j’initie la mise en situation qui provoque le désir de s’engager plus en avant. Le rôle de l’école, en tant que nouveau milieu, est de permettre de nouvelles rencontres, mettre en scène des questions que les enfants ne se posent pas spontanément, les engager à résoudre des problèmes qui stimulent leurs intelligences. Les enfants se mobilisent d’autant plus lorsque la situation s’adresse à eux en les renvoyant à leurs propres questionnements. L’exécution réussie de la tâche ne dépend pas seulement du contenu objectif de cette dernière, mais avant tout du motif qui incite l’enfant à agir, c’est-à-dire du sens qu’il donne à l’activité. Je crois que pour travailler l’oral, il est important de jouer avec les élèves.
Rire et faire rire, jouer à cacher des objets et les faire deviner, surprendre pour provoquer le langage de manière détendue et spontané e, sont des comportements utiles pour entrer en relation langagière avec les enfants et susciter leur intérêt pour l’activité en cours. Mais sans pour autant, aspect délicat de la conduite de séances de langage, perdre la maitrise du groupe et oublier les consignes de discipline en matière d’oral : lever le doigt pour prendre la parole, rester assis, attendre la fin de l’intervention d’un camarade pour prendre à son tour la parole, écouter l’autre. Il faut savoir également encourager l’élève timide, par un geste de la tête, l’aider à formuler ou articuler un mot difficile et répéter tout ou une partie de la phrase.
Réappropriation individuelle du travail collectif
Pour clôturer la première phase de classement des illustrations, je dresse un bilan des réussites collectives : savoir lire une histoire sans texte, repérer des indices pertinents tel que l’agrandissement du pull au fur et à mesure, comprendre les détails fins comme les expressions de visage des personnages et faire le lien avec des lectures antérieures. Les élèves ont dû confronter leurs idées en les reformulant pour les expliquer. Grâce aux échanges avec le collectif, leur pensée s’est enrichie. Mais je dois veiller à ce que chaque élève se réapproprie ensuite ce travail collectif car il n’y a pas d’apprentissage sans cette réappropriation individuelle. Ces découvertes, verbalisées par le langage, servent de base commune au groupe pour inventer l’histoire à partir des illustrations. L’une des meilleures entrées dans un langage est le rappel de ce qui vient de se passer dans la classe. Cette démarche est plus complexe pour les séances de la deuxième phase donnant lieu à l’élaboration des paroles au fur et à mesure des pages. En outre j’ai observé après quelques séances, l’inconvénient d’attribuer un personnage par élève , ce qui peut induire un désintérêt pour les autres personnages mais également pour la structure interne du récit. Pour remédier à cela, j’ai sollicité l’ensemble des élèves lors de tours de table pour proposer les paroles d’un autre animal.
Retour sur expérience.
S’appuyer sur des substituts des situations
Les supports d’images, de dessins, de photographies des événements vécus sont efficaces lorsqu’on aborde des événements complexes à raconter à l’oral. Les images facilitent la restructuration collective des représentations mémorisées. J’ai donc incité les élèves à parler à partir des images de l’album pour construire un récit ordonné. Mais si l’image est universelle, son interprétation reste un acte de lecture. J’ai dans un premier temps, considéré que cette lecture serait évidente, et qu’elle conviendrait aux enfants non-lecteurs à qui ces livres sont prioritairement destinés. Je n’ai pleinement réalisé qu’ensuite que la lecture d’image relevait également d’un apprentissage. Comme le texte, l’image réclame une connaissance de codes, parmi lesquels j’ai relevé:
• Reconnaitre le personnage principal sur toutes les pages quelle que soit sa tenue.
• Identifier les personnages secondaires.
• Distinguer l’objet de l’action et les intervenants.
• Rechercher des indices dans les détails de l’illustration (larmes, taille des objets).
• Comprendre le mouvement malgré une représenta tion fixe.
• Comprendre les intentions des personnages d’après leurs expressions corporelles.
• Anticiper les situations à venir.
Ainsi afin de contourner cette difficulté, j’ai introduit dans notre projet l’utilisation des marottes pour chacun des personnages, sous forme de fiche plastifiée en couleur, que les élèves peuvent faire parler mais également déplacer (Figure 7).
Langue de l’école et langues parlées.
À l’école, on parle français avec les élèves, mais bon nombre d’entre eux, à la maison, entendent leurs parents, grands-parents parler leur langue d’origine ou des fragments de plusieurs langues étrangères suivant la composition de la communauté familiale. En maternelle, certains entendent parler pour la première fois de manière systématique le français standard, c’est dire grammaticalement correct, par des adultes ayant une certaine maîtrise de la structure de la langue. Pour ces enfants, un travail d’adaptation à ce nouveau système linguistique est nécessaire. Je n’ai pas porté suffisamment d’attention à cet aspect lors de mes premiers enseignements, et notamment lors de la rencontre avec les familles en début d’année.
J’aurais pu mieux anticiper une utilisation parfois réduite des variantes langagières dans diverses situations par certains enfants.
Prolongements et perspectives
Le fonctionnement en mode projet présente de nombreux avantages comme la planification, l’anticipation d’un résultat, une mise en œuvre motivante, un pilotage de l’avancée ou l’évaluation du résultat. Cependant, je crois avoir eu une démarche trop large sur les différents domaines abordés. Mon idée de solliciter beaucoup de compétences ne facilite ni la dynamique de projet ni l’adaptation pour les élèves ayant des besoins spécifiques. Je me rends compte également de la difficulté pour évaluer avec des critères objectifs la participation individuelle de chaque élève lors d’une séance, et plus généralement pour apprécier les progrès de chacun à la fin du projet. Il me paraît plus efficace de cibler une compétence à développer et de réfléchir à la mise en œuvre d’une activité en lien avec le projet. En termes de gestion du temps, les élèves sont encore en train de construire leur échel le de temps et mesurent plutô t le temps qui s’est écoulé en fonction soit du plaisir procuré, soit de la contrainte exigée par autrui ou de la difficulté estimée. Il conviendrait donc de prévoir des modulations dans le temps imparti au projet, avec par exemple des raccourcis pédagogiques qui ne réduiraient pas la finalité du projet mais permettraient de personnaliser l’acquisition.
En début de période cinq, je pense proposer une nouvelle version de ce projet pour la deuxième moitié de la classe en modifiant mes attentes pédagogiques. L’objectif principal sera le même, à savoir favoriser l’interaction langagière autour d’un projet collaboratif d’élaboration des paroles d’un album, mais la finalité pour les élèves sera réorientée vers la « Réalisation d’un livre sonore avec les illustrations de Mon pull ». Le dispositif sera modifié selon les axes suivants :
• Choisir un titre à connotation humoristique.
• Élaborer uniquement les paroles du nouvel arrivant et de l’animal détournant le pull.
• Observer les images en mode image isolée.
• Enregistrer les paroles pendant la séance.
Les résultats obtenus pourront servir de base pour les échanges lors de la soutenance orale de ce mémoire.
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Table des matières
LE LANGAGE À LA MATERNELLE
1.1. Définitions de la parole, de la langue et du langage
1.2. Les théories de l’apprentissage du langage
1.3. Du langage à la pensée
1.4. Les attentes de l’institution
1.5. Pratiques de classe
PRODUCTION COLLABORATIVE DES PAROLES D’UN ALBUM
2.1. Description du projet
2.2. Mise en oeuvre
2.3. Des résultats
ANALYSE DES SITUATIONS RENCONTRÉES
3.1. Les difficultés pour les élèves
3.2. Des difficultés pour l’enseignant
3.3. Un retour d’expérience
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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